mardi 5 février 2008

R O B E R T
B A R B E R I S - G E R V A I S



UNE
AUTOCRATE,
DES
POURSUITES
FRIVOLES
ET
MONTAIGNE


S L A P P
F I C T I O N



Chronologie des événements (1997-2005) et 35 documents

Confidences d'une femme d'action (docufiction)

Remarques sur les acteurs, le contexte et le vocabulaire

C'est la faute à Montaigne (essai hybride)



A la mémoire de Lise Latraverse et de Daniel Lussier


A mes enfants Pascal, France, Manon, Philippe et
à Marcelle, ma compagne de toujours, pour sa constance et sa vaillance

A Victor-Lévy Beaulieu,
pour son beau livre sur Jacques Ferron et son roman "Les grands-pères"



A Gilles Casgrain, Pierre Girouard, Daniel Trudeau, Me Jacques Lamoureux, Paul Martin, France Pépin-Courchesne, Lorraine Bourret, Louise Grégoire-Racicot.

Salutations à Jacques Austin, Jocelyn Bordeleau, Michel Contant, Jean-Guy Desmarais, Jean-Claude Drapeau, Pascale Dufour, Michel Duhaime, Nicole Frappier, Nicole Gauthier, Bernard Lapointe, Gilles Lavallée, Jean-Michel Leclaire, André Loranger, Jean Martel, Christian Muckle, Pierre Nadeau, Louis-Philippe Paulet, Michel Péloquin, Nathalie Piette, Pierre Sauvageau, Louise Verdone.

Et à Roland Gaudreau et Fabienne Desroches


S L A P P strategic lawsuit against popular participation
poursuite stratégique contre la participation populaire


copyright: Robert Barberis
nihil obstat: Mgr Jean-Charles Leclaire


Table

Entrée
Note de l’Editeur
Chronologie des événements (1997-2005) et 35 documents
Confidences d'une femme d'action (docufiction)
Remarques sur les acteurs, le contexte et le vocabulaire: deux cas de SLAPP?
C’est la faute à Montaigne (essai hybride)
Conclusion: de l’insoumission
Epilogue


Fait avec un ordinateur iMac G5, 10.3, avec le logiciel iWorks 06.


Avertissement

Ce livre relève de la fiction. Par conséquent, les personnages, lieux et dialogues ne représentent en aucun cas la réalité de personnes, organisations, événements ou lieux réels. Sauf quand il est question de l'auteur et de son expérience vécue de l'intérieur. Toute ressemblance à des personnes réelles n'est que pure coïncidence. Toute fiction se fonde sur une certaine réalité plus ou moins transformée. Des documents non signés sont-ils toujours des documents? Pierre Gauvreau, dans "Le temps d'une paix", faire dire à Joseph-Arthur: "avec des suppositions, on peut faire de belles histoires". Le fait qu'il n'y ait pas de noms propres a certainement des conséquences sur le statut du livre.

Aucun animal, ni mouffette ni raton laveur ni renard ni chevreuil, ni chat ni chien ni canard sauvage ni lièvre ni coyotte ni marmotte qui ont été vus, croisés ou entendus durant la rédaction de cet ouvrage n'a été blessé ou maltraité. Aucune réunion d'urgence de la SPCA n'a été convoquée.

C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il contient beaucoup de faits et d'événements objectifs mais, à leur propos, s'expriment des opinions discutables et subjectives et des points de vue qui s'opposent. Il propose une diversité de jugements. Le lecteur choisira s'il peut sinon il demeurera en doute. Il n'y a que les fols certains et résolus. C'est dommage que les gens d'entendement aiment tant la brièveté: sans doute leur réputation en vaut mieux, mais nous en valons moins. D'une part, autocratie, despotisme, tyrannie, intimidation, harcèlement et violence juridique (SLAPP) ; d'autre part, résilience, insoumission, solidarité, liberté d'expression et Montaigne sont mis en cent visages pour donner le temps à l'estomac de faire son opération. Tournez ça comme vous voudrez. C'est un fait qu'une directrice (fictive) a transformé un collège normal en champ de bataille et a créé un environnement toxique. C'est le point de départ de tout. Posons la question: est-ce une opinion ou un fait? Deux poursuites judiciaires, c'est sérieux et stressant pour ceux qui les subissent. C'est ainsi que nous sommes devenus des ennemis irréconciliables. Nous nous sommes défendus et nous avons contre-attaqué. Querelles futiles et conflits de personnalités? Ce serait un jugement qui nous déplairait énormément. Ce livre remplace le tribunal qui n'a pas eu à se prononcer. Faites de votre lecture une enquête où personne ne jouit de l'impunité. L'auteur porte plainte contre le traitement qu'il a subi. Tout le monde debout, la cour est ouverte.

Ouverture

Notre vie est partie en folie, partie en prudence. Qui n’en écrit que révéremment et régulièrement, il en laisse en arrière plus de la moitié. (Montaigne, Essais, III, 5)

Il n'est si homme de bien, qu'il mette à l'examen des lois toutes ses actions et pensées, qui ne soit pendable dix fois en sa vie, voire tel qu'il serait très grand dommage et très injuste de punir et de perdre. (Montaigne, Essais, III, 9)



E N T R É E

Un jus de pamplemousse frais, deux rôties miel et blé entier concassé, du fromage saint Morgon et un café brûlant commencent bien la journée. Dans mon bureau au deuxième devant moi une photo en couleurs qui me réjouit: Marcelle à quatre ans, le coude gauche appuyé au dossier d'une chaise, main sur l'oreille, coquette robe rose, boucle rose dans les cheveux et ce sourire, cet inoubliable sourire. L'enfance. La petite fille espérance de Charles Péguy. Au-dessus, un dessin de jeunesse de Manon de deux colombes en vol dans le ciel bleu au-dessus d'une forêt verte sur assiette blanche en carton. Sur la porte du garde-robe, un grand cadre avec peinture sur soie rouge du poèle à bois de ma grand-mère Gervais et ses galettes de sarrazin croustillantes avec beurre et un grand verre de lait froid. En dessous, la jeune fille endormie à table de Vermeer. Suspendue sur sa corde, une carte d'usager temporaire de la Bibliothèque nationale du Canada. Un trophée d'un joueur de baseball dans la position du frappeur: championnat à 15 ans, en 1953: moyenne .395. Un bâton rappelant le jeu du drapeau. Six pipes de couleur brune de l'oncle Marcel Narbonne. Le contenant de sulfate de baryum pour scanographie. Les quatorze pierres enlevées dans ma vessie dans une boîte en carton de fromage petit Munster. Six clochettes différentes pour accompagner l'élévation de l'hostie à la messe. Dering. Dering. Dering, trois fois. Un sabot d'Amsterdam. Une rondelle du Canadien. Une cannette de Budweiser et de Heineken verte. Les Patriotes de 1837-38 de L.O. David. De nombreux livres de Bernard Frank, Borges, Daniel Boulanger, Jacques Laurent, Julien Gracq, Marguerite Yourcenar, Jean d'Ormesson, Félix-Antoine Savard, Anne Hébert, Jean-Ethier Blais Jacques Ferron, Victor-Lévy Beaulieu, Gaston Miron, Germaine Guèvremont. Beaucoup de livres sur l'histoire et la politique québécoise. Une cloche à vache achetée dans une boutique de Perkin's Cove près d'Ogunquit. Un trophée gant en or de Pascal de 1988, meilleur champ centre. La montre de mon grand-père Barberis. Une bouilloire en cuivre antique à bec d'oie, un bel objet.

Objets inanimés avez-vous donc une âme.

A gauche, dans un cadre adossé aux livres, Marcelle fait un calin à Antoine (deux ans), le fils de France qu'elle a gardé pendant deux ans et qu'elle serre affectueusement dans ses bras. Marcelle, détendue, assise à table avec moi de belle humeur au restaurant vietnamien de Brossard Au liseron d'eau le jour de mon anniversaire. Toute la famille à trois moments différents. Une photo de Daniel Lussier et de Lise Latraverse lors d'un repas syndical. Une photo de France en noir et blanc et de Manon en couleurs le jour de ses noces. A ma droite, encadré, une toute petite partie de l'immense Hommage à Rosa Luxembourg de Jean-Paul Riopelle qu'on peut contempler au Musée de Québec. La fenêtre ouverte qui laisse entrer l'air froid et d'où on peut voir les gros flocons de neige qui tourbillonnent. Je porte la veste de laine noire de Roland Viger. Des livres partout, des cassettes vidéo, des journaux empilés et, à ma gauche, la télévision et le magnétoscope. Au-dessus de la porte, le cadre ovale de la vieille photo de mariage des grands-parents Barberis vers 1905. Un bâton de baseball appuyé sur le bureau pour faire des élans comme Tom Cuise dans Des hommes d'honneur. Sur une chaise noire, Ulysse, en français et en anglais, La Grande Tribu et James Joyce, l'Irlande, le Québec, les mots essai hilare de Victor-Lévy Beaulieu. Montaigne à cheval de Jean Lacouture. Un verre Stella Artois, cadeau de l'Irlandais contenant deux balles de golf. Fixé sur la porte, le texte Desiderata de Max Ehrmann avec de nombreuses photos autour, Philippe jouant de la guitare, des cartes d'identification des enfants, une épingle du festival de Jazz de Montréal, 812-2, Mme Narbonne Gabrielle, le numéro de chambre à l'hôpital Pierre-Boucher de ma belle-mère, une photo de ma mère Claire Gervais jeune femme et des coupures de journaux: la liste des gagnants de la coupe Stanley, l'exercice est essentiel à mon équilibre, une courte lettre ouverte du 7 janvier 1994 au Devoir de Pierre-Paul Roy: Trudeau en série: la plus belle réussite de la série Contes pour tous de Roch Demers. Nurture strenght of spirit to shield you in sudden misfortune. Avoid loud and agressive persons. Be gentle with yourself. In the noisy confusion of life, keep peace in your soul. Be on good terms with all persons. Derrière moi, une cage d'oiseau suspendue au plafond de la mansarde contenant le drapeau du Québec. Notre espoir est un oiseau. Gilbert Langevin. On est jeudi, le 6 mars, en fin d'après-midi, après une partie de hockey sur la patinoire extérieure d'Armand-Racicot sur une glace mal arrosée et mal entretenue, on s'ennuie du dévouement des Frères des Ecoles chrétiennes; ça enrage Luc Charbonneau qui est aussi contrarié du fait que le fabricant de moteurs d'avions Pratt et Whitney Canada de Longueuil où il est cadre depuis quarante ans, trente ans après la loi 101, n'ait pas encore obtenu son certificat de francisation. Sur une table de cuisine ovale en bois, le clavier du iMac G5, une merveille branchée sur Internet Videotron. Et ça clique.

Un personnage de roman dans la soixantaine pourrait dire: "Personne ne sait qui je suis. Personne ne m'écoute. Personne ne m'aime. Je suis seul. Je n'ai pas d'amis. Mauvais époux, mauvais père, mauvais grand-père mais quand même pas fils indigne. C'est le jugement d'un de mes fils qui projette sa difficulté de vivre sur moi: pour lui, on dirait que ma vie est un échec. A trente-cinq ans, n'avoir pas encore résolu son complexe d'Oedipe, ça porte à traiter son père comme un punching bag. Par amour du fils, le père encaisse. Quand on veut la mère à soi tout seul et qu'on ne l'a pas, ça pousse à s'inventer une enfance douloureuse sans amour maternel. On ne m'appelle jamais pour me demander comment je vais. On m'appelle pour me demander un service que je rends la plupart du temps. Pourtant, on me dit egocentrique, rancunier, retors, séraphin, douillet, peu sociable, besogneux, ramasseux, ("tu accumules" dit-elle); Pascal (Blaise) avait bien raison de dire que le moi est haïssable. Les enfants-rois font tout pour attirer l'attention et comme les deux parents se sentent coupables de les "abandonner" en allant travailler, ils cèdent à tous leurs caprices. On a beau aimer les enfants, leur candeur, leur spontanéité et leur goût du jeu, ils sont parfois des mange-énergie et des spécialistes de l'interférence. Essayez de tenir une conversation avec un père quand sa petite fille se jette dans ses bras au milieu d'une phrase pour attirer l'attention et que son père joue son jeu peut-être parce qu'au fond ce que tu dis ne l'intéresse pas, ce qui est le meilleur moyen de faire de sa fille une future princesse. Renoncer à tenir des conversations en leur présence. Et on ne parle pas des mères séparées qui deviennent monoparentales et ont à négocier le partage de la garde des enfants avec un conjoint exécré. Le problème, ce ne sont pas les enfants: ce sont les parents.
Selon le plan de Dieu que je m'imaginais à dix-huit ans comme une immense horloge où j'étais un rouage, ma place était déterminée et malheur à moi si je dérogeais, je devais être prêtre. ( Déterminisme pesant ignorant le principe d'indétermination d'Heisenberg.) Ce qui veut dire que je n'étais pas fait pour avoir des enfants. Ce n'était pas dans mes gènes. Donner de l'affection à une femme, oui mais je n'ai pas l'instinct paternel. Faire du sport avec les enfants oui, mais faire de l'occupationing et transformer ma maison en garderie, non. J'aurais souhaité avoir eu en tout une conduite exemplaire et un altruisme tout aussi exemplaire mais nous vivons dans un monde imparfait et j'en fais partie. L'attention aux autres, l'empathie, la sympathie sont des qualités que ma femme possède mais pas moi. Ce qui me fait penser qu'elle a beau dire qu'elle ne croit pas en Dieu, elle est plus proche de Lui qui se définit par l'Amour que moi. Puisque personne n'a eu de parents parfaits, tout le monde est plus ou moins névrosé. Un mariage "réussi" serait le résultat de l'union de deux névroses complémentaires. Heureusement, Boris Cyrulnik a développé la notion de résilience qui permet à l'enfant blessé (et qui ne l'est pas...) de mettre en place des mécanismes de défense interne qui peuvent aboutir à un adulte "réussi", Il reste quand même la mémoire de la souffrance qui peut surgir en tout temps sans avertissement d'où la mélancolie. Essayons de nous ouvrir aux autres, il n'est jamais trop tard pour bien faire et ne nous laissons pas culpabiliser par ceux qui jugent, mon dieu qu'ils sont fatigants."

Ainsi pourrait commencer un roman, ce que les savantasses appellent "un incipit", avec un personnage qui emploie la technique de Montaigne, l'autodénigrement, qui désamorce toute critique dans l'esprit de Cyrano qui se voit tel qu'il est, un mousquetaire laid et poète qui n'accepte la critique des autres qu'à la pointe de l'épée. Au début de ce slapp fiction qui contient une part importante d'autobiographie, congédions ce personnage fictif un peu encombrant malgré la sympathie ou la curiosité qu'il pourrait vous inspirer. De toutes façons, vous le retrouverez ici. Quant à moi, dans le présent, je me réjouis d'une connivence politique avec Bernard Frappier de Vigile.net qui publie tout ce que je lui envoie, 35 textes en sept mois et des commentaires sur les textes des autres intervenants de la Tribune libre. Par exemple, RBO et la politique, 825 lectures.

A la fin de cet hiver 2008 particulièrement neigeux, le printemps du Québec viendra-t-il un jour? En écoutant le récit de notre histoire de poursuites et de résilience, le père Didace, chasseur, cultivateur, chef de famille et Sorelois exemplaire se serait exclamé: Maudite race de monde. Il n'y a pas d'avocat dans les romans le Survenant et Marie-Didace, de Germaine Guèvremont, mais un notaire qui aide Didace Beauchemin à faire son testament. Slapp fiction, avec deux "p", ça n'a pas de rapport avec Slap shot, le lancer frappé inventé par Bernard Geoffrion surnommé Boum Boum à cause du bruit de la rondelle sur la bande et de son écho dans l'aréna. Geoffrion demeurait sur la rue de Lorimier non loin de Rachel (à neuf ans, mes amis et moi, quand on passait devant chez lui, on disait: "Regarde, Boum Boum Geoffrion habite là"); il déformait les mots avant Jean Perron (qui a gagné la coupe Stanley) qui en a fait une spécialité: par exemple, parlant d'un gardien de buts: "Sa faiblesse est entre les jambes" et aussi "Ça m'a mis l'astuce à l'oreille" et "Je suis pas né dans un p'tit pain." Il y a une gradation ascendante de Bernard Geoffrion à Jean Perron, de François Pérusse ("Snack Bar chez Raymonde") à Sol, des comiques de Rock Belles Oreilles à l'écrivain Victor-Lévy Beaulieu qui, dans Je m'ennuie de Michèle Véroly, parle sarcastiquement de la béessitude comme si recevoir un chèque mensuel du Bien-être social permettait d'atteindre la béatitude céleste.

Le Réseau des Sports (RDS) montre les 50 plus beaux buts de l'histoire du hockey et je me dis: c'est ça le hockey, le deuxième effort de Maurice Richard, le jeu de passes entre Gordie Howe, Ted Lindsay et Syd Abel, la montée électrisante de Bobby Orr ou de Guy Lafleur, le lancer frappé de Wayne Gretzky, le lancer précis de Michael Bossy, les feintes de Jean Béliveau et de Mario Lemieux qui sortent le gardien de buts de ses patins, le maniement du baton de Marcel Dionne, Sidney Crosby et Alex Ovechkin qui font des miracles avec la rondelle et j'en tire la conclusion que si on veut apprécier un sport, un métier, une profession, une religion, un art, une institution, un parti politique, un pays, il faut regarder les réussites et non les échecs ou les ratés. L'Eglise catholique à travers l'abbé Louis Bazinet, éveilleur capital laïcisé depuis longtemps, mon professeur de littérature de Belles-Lettres, Georges Bernanos, le prieur des Cordeliers, le Nouveau-Testament, Jésus, les saints (Thomas More; Jeanne d'Arc) et les Jésuites de la paroisse de l'Immaculée-Conception, le père de la Sablonnière. le père d'Anjou, le père Ledit, plutôt qu'à travers la richesse du Vatican, la Sainte Inquisition et le Saint Office du cardinal Ottaviani. Il y aurait un film à faire qui montrerait en action le jeu de puissance des grandes équipes des Canadiens de Montréal, des Red Wings de Détroit, des Islanders de New York ou des Oilers d'Edmonton. Il y a aussi des émissions qui montrent les 50 moments magiques de l'histoire du baseball, du basketball, du football, du soccer. C'est beau à voir. Je préfère les exploits sportifs de Pete Rose à ses histoires de gambling. De toutes façons, comme l'écrit Montaigne, "il n'est si homme de bien, qu'il mette à l'examen des lois toutes ses actions et pensées, qui ne soit pendable dix fois en sa vie". Cela a déjà été affirmé il y a longtemps devant les Pharisiens par le Nazaréen menuisier charpentier qui aimait la bonne odeur du bois: "Que celui qui est sans péché lui lance la première pierre"; avis est donné aux hommes qui veulent lapider la femme adultère, (ils se retirèrent, les plus vieux en premier, note malicieusement l'évangéliste saint Jean) on ne tolérera pas la lapidation des femmes à Hérouxville dont le code de vie teinté d'humour est une expression authentique de la culture québécoise malgré les accusations non fondées de xénophobie ou de racisme faites par des gens qui ne l'ont même pas lu. Comme disait drôlement le conseiller d'Hérouxville André Drouin, ingénieur de sa profession, "mon peuple aime le porc" et c'est inacceptable qu'on le fasse interdire dans les cafétérias et au comptoir de Tériyaki du mail Champlain, à Brossard. Le code de vie dit clairement aux immigrants: voici comment nous vivons, NOUS, avec notre histoire qui remonte à 1534 et plus loin encore si on inclut les Indiens, notre langue française, nos coutumes, nos valeurs, nos traditions, nos institutions: voulez-vous les respecter s'il vous plaît car André Drouin est poli mais refuse de se renier lui-même et, avec son ami Bernard Thompson, ils ont compris que la solution, c'est l'indépendance du Québec. "Volonté de puissance chez les grands peuples, le nationalisme, chez les petits, est une volonté d'être." C'est une volonté de vivre. Et que les citélibristes comme René-Daniel Dubois ne viennent pas nous parler du nazisme ou du fascisme, ça n'a pas rapport. Quand on est une grand'gueule, on devrait éviter de faire ce genre de contresens historique: ça prouverait qu'à défaut d'avoir du jugement, on a un peu d'honnêteté intellectuelle.

Croire au syndicalisme, c'est croire à la force du collectif qui transforme la vie sociale en sport d'équipe qui rend tout possible comme nous le rappelle la sensationnelle victoire du Canadien de Montréal 6 à 5, le 19 février 2008 au Centre Bell, avec le but en fusillade de Saku Koïvu, après avoir tiré de l'arrière 5 à 0 contre les Rangers de New-York de Jaromir Jagr. Extraordinaire et impossible remontée. La transformation du russe Alex Kovalev, joueur le plus utile à son club en 2007-8 après une année de misère, redonne confiance en la nature humaine et donne raison à la patience et au tact de Robert "Bob" Gayney et Guy Carbonneau. On peut faire bien des reproches au syndicalisme en commençant par la protection de travailleurs incompétents et fomenteurs de trouble comme cela s'est vu chez Cascades si on prend la version des frères Lemaire dont je n'ai aucune raison de douter car je respecte les entrepreneurs qui créent des emplois et de la richesse. La solidarité de mes collègues m'a protégé d'abus de pouvoirs qui m'auraient obligé à prendre une retraite forcée après 35 années de liberté dans l'exercice de ma profession d'enseignant. Mais la liberté, il y en a qui ne peuvent pas supporter ça. Elles préfèrent la flatterie, l'aplatventrisme, la soumission ou la servitude volontaire comme l'écrivait La Boétie, l'ami de Montaigne "parce que c'était lui, parce que c'était moi". Dominer, soumettre et faire plier, voilà ce qu'elles voulaient. On s'est dit: Ça ne se passera pas comme ça. On s'est défendu. "Parmi les rocs occultes et parmi l'hostilité" (Gaston Miron), Montaigne a été mon maître de résilience. Loin de m'abattre, l'adversité, les conflits, l'hypocrisie, la malveillance, les abus de pouvoir me stimulent et me portent à écrire car quel plaisir que de les dénoncer!

Pendant trois ans, subissant deux poursuites en diffamation, j'ai dû déployer des trésors de diplomatie pour garder l'appui de la très grande majorité des enseignants qui, à travers le syndicat, finançaient notre avocat. Or, la diplomatie, ce n'est pas mon fort. Mes mots d'esprit et mes piques ne sont pas appréciés par tout le monde. Alors, pendant des mois et des mois, j'ai dû faire attention pour ne pas provoquer les observateurs lointains qui n'en jugeaient pas moins, pour ne pas être cinglant avec les hypocrites qui jouaient double jeu dans mon département et dans les assemblées syndicales, pour ne pas attaquer les "collaborateurs" qui ne respectaient pas les boycotts, pour ménager les égocentriques qui mangent à tous les râteliers et qui ne comptent que sur eux-mêmes pour obtenir des budgets d'immobilisations, des modifications de locaux ou de l'appareillage et outillage, en somme tous ceux qui n'ont pas beosin du syndicat car ils comptent sur des "ententes particulières" pour tirer leurs marrons du feu en transformant le "têtage de boss" en mode habituel de fonctionnement dans leurs rapports avec l'administration et qui font semblant de compatir avec des membres d'un exécutif syndical persécutés (le mot n'est pas trop fort) et harcelés par celles à qui ils viennent de faire leurs mamours intéressées pour obtenir, par exemple, un déplacement de disponibilité afin d'aller en Floride ou à Paris pendant le temps des Fêtes. Grand bien leur fasse. Comme le chante le grand Gilles Vigneault: "Penses-tu qu'on s'en aperçoit pas."

De même que j'aime admirer les prouesses sportives, j'aime écrire. Alors, me suis-je dit, pourquoi ne pas raconter la saga judiciaire que nous avons vécue et pourquoi ne pas faire la chronique d'une lutte collective qui montre l'utilité du syndicalisme et sa pertinence dans un monde du travail où il n'y a pas que des travailleurs autonomes. Pourquoi ne pas partager avec d'autres les péripéties qui ont accompagné une résistance personnelle puisque j'ai été celui qui était principalement visé par les poursuites et par le harcèlement patronal. A ce que je sache, la liberté d'expression, c'est un droit protégé par les Chartes canadienne et québécoise des droits de la personne et par la Charte universelle des droits de l'homme. Cela donnera l'occasion à nos anciens adversaires de montrer qu'elles sont véritablement "de pensée libérale". Je revendique la liberté de parole mais je n'en abuserai pas. Certaines vérités exprimées calmement et sereinement ont plus de poids qui si on les profére d'une manière exacerbée. Pas question de tomber dans le sensationalisme pour attirer l'attention. Mais rien de fade, j'espère. Nihil obstat, rien ne fait obstacle à la publication: le monseigneur d'outre-tombe ne s'y oppose pas. Surtout que tous les noms propres ont été enlevés et que nous serons dans la fiction.


Après l'amère défaite du référendum de 1995, la vie continuait et elle était sans histoire, c'est le cas de le dire. Le soir du référendum, Jacques Parizeau dénonça de façon inopportune les causes de la défaite, "l'argent et des votes ethniques" a-t-il dit, tout en se félicitant que les francophones aient voté OUI à 60%. "Nous" avons voté OUI à 60%" a-t-il dit pour se consoler. Et la prochaine fois NOUS voterons OUI à 65% et nous l'aurons notre pays. Or, il ne fallait pas le dire. Ce NOUS était obscène. Cachez ce sein que je ne saurais voir. Et en plus, comme l'a souligné lourdement Bob Rae, (ancien premier ministre néo-démocrate de l'Ontario devenu depuis libéral fédéral qui s'est jeté tout nu dans le lac Ontario avec un humoriste et c'est à peu près la seule chose digne d'être remarquée qu'il a faite depuis qu'il a viré capot) selon Bob Rae entendu à la télévision, Jacques Parizeau, quand il a fait sa déclaration qui n'était pas politiquement correcte, n'était pas à jeun, il avait bu, il avait pris un coup et même il était saoul, he was drunk. Le rêve de sa vie s'écroulait; il avait déjà enregistré une entrevue avec Stéphane Bureau annonçant sa démission. Voilà introduit le thème de la boisson qui traversera cet ouvrage. Quelle remarque délicate n'est-ce pas, de Bob Rae, le soir même de la victoire. Les leaders des communautés juive, grecque et italienne avaient dit, ensemble, en conférence de presse: " Si vous êtes Grec, votez non. Si vous êtes Juif, votez non. Si vous êtes Italien, votez non. Car d'abord et avant tout, vous êtes Canadiens." Et la consigne fut suivie. Yves Michaud a analysé le vote dans Côte-des-Neiges, à Montréal, et a constaté que les Juifs avaient voté non à 100%. Mais ça non plus, il ne fallait pas le dire. Les Juifs ont droit à l'Etat d'Israël mais pas les Québécois. C'est ce qui met Michaud en maudit, ce deux poids deux mesures. Cette conférence de presse conjointe des leaders des communautés ethniques de Montréal était un appel au vote ethnique canadien contre le OUI québécois. Mais il était interdit à Jacques Parizeau (et à Yves Michaud) de le déplorer, de le dénoncer surtout le soir de la défaite (quel mauvais perdant!) et il lui était défendu de regretter que les non-francophones refusent massivement de s'identifier à notre projet de pays. Les livres de Robin Philpot sur le référendum volé et sur Option Canada n'avaient pas encore été publiés mais nous savions que le camp du NON avait triché. Par exemple, les fonctionnaires fédéraux ont accéléré l'acquisition de la citoyenneté canadienne pour des milliers d'immigrants de cent peuples venus de loin (comme les appelle Marco Micone dans un poème-parasite de Speak White) pour qu'ils votent non eux qui venaient d'arriver ici, annulant d'un coup de crayon vingt, trente ou quarante ans de militantisme en faveur de l'indépendance. Quand sur quatre millions de votes la différence est de 50,000 votes, chaque vote compte. Les lois du Québec ont été violées par les hommes d'affaires et les politiciens fédéralistes qui ont dépensé au moins un million de dollars illégalement. Jean Charest, en mars 2008 premier ministre du Québec, un des leaders du Comité du NON en 1995, a essayé de nous faire croire qu'il ignorait l'existence d'Option Canada. Un mensonge de plus pour monsieur Passeport dont on vient de découvrir qu'il a reçu 75,000 $ par année comme Président du Parti libéral du Québec depuis dix ans, en plus de son salaire de 183,061 $ comme premier ministre. Tous les moyens étaient permis pour sauver le Canada menacé par les indépendantistes québécois. Personne ne songea à se révolter puisque le résultat était si serré. Plus tard, les fédéralistes, toujours aussi démocrates et honnêtes, ont soutenu que 50% +1, ce ne serait peut-être pas suffisant comme la Cour suprême et la loi sur la clarté, la Clarity Law, allaient le suggérer sans oublier les menaces de partition. Nonobstant ces tactiques fédéralistes, il nous fallait surtout digérer le fait que les francophones de la région de Québec où sévit la radio-poubelle d'André Arthur avaient majoritairement voté NON. Comme le disait Parizeau, puisque les Autres, anglophones et anglicisés ont voté NON, il aurait fallu que de 65% des francophones de l'ensemble du Québec votent OUI. 80 comtés ont voté OUI sur 125. Dans ce contexte, il faudra des convictions, des leaders qui ont du courage et de bonnes stratégies. un retour à l'identité québécoise et à la promotion de la langue française ainsi qu'une conjoncture favorable pour réussir à faire du Québec un pays avec un Etat complet francophone qui collecte tous les impôts et toutes les taxes, qui fait toutes les lois et contrôle ses relations internationales. A moins que les nouveaux immigrants ayant obtenu la citoyenneté québécoise en montrant une connaissance fonctionnelle du français n'embarquent avec NOUS dans notre projet de pays. Car selon une analyse objective du vote au référendum de 1995, les minorités ethniques "bloquent le voeu de la majorité fondatrice du Québec" (Lise Bissonnette). Les anglophones, les allophones et les autochtones ont voté NON en bloc et constituent une minorité de blocage qui empêche la majorité francophone qui a voté OUI à 60% de se donner un pays. La démocratie nous oblige à respecter le comportement électoral des immigrants et de la minorité anglaise en faveur du parti libéral du Québec (30 comtés d'assurés en partant dès qu'une élection est déclenchée) et en faveur du NON. Mais personne ne nous empêchera de souhaiter avec Mathieu Bock-Côté que la majorité francophone (et tous ceux et celles qui veulent s'y greffer sont les bienvenus, qu'ils parlent français ou non) fasse preuve d'une cohésion exceptionnelle le temps d'une élection et d'un choix référendaire pour réaliser l'aspiration historique du peuple québécois.

En 1996-97, la vie continuait et l'ex-conservateur Lucien Bouchard, en attendant les improbables conditions gagnantes, faisait la promotion de projets qui divisent comme les fusions de municipalités et coupait partout pour atteindre le déficit zéro allant jusqu'à compromettre les services de santé en poussant à la retraite prématurément, ce qu'il n'avait pas prévu, des milliers de médecins et d'infirmières (ce qui a pour conséquence, n'est-ce pas, la remise en question de l'objectif lui-même du déficit zéro; on sait que Jacques Parizeau n'a pas la même phobie du déficit...) Mon salaire coupé de 2.5%, j’initiais mes élèves à la poésie de François Villon, aux essais de Michel de Montaigne, au théâtre avec Le Misanthrope de Molière et au roman avec La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette, ce qu’on appelle des chefs-d’oeuvre de la littérature française de quatre genres littéraires différents, poésie, essai, théâtre, roman. Pour expliquer la technique de l’analyse littéraire, je proposais comme modèle l'étude d'un extrait de Marie-Didace de Germaine Guèvremont, la dernière confession du père Didace et j’étudiais le Testament politique du patriote Chevalier de Lorimier écrit le 14 février 1839 à Montréal, en prison, la veille de sa pendaison par les Anglais. Ces deux chefs-d’oeuvre de la littérature québécoise lus en classe dans un silence qui peu à peu s'alourdissait arrachaient des larmes à mes élèves, garçons et filles de dix-sept, dix-huit ans, tout en leur rappelant que notre littérature aussi existait et qu'elle avait sa grandeur.

Du point de vue syndical, j’étais un des sept membres du Comité des relations du travail pour voir à ce que les ressources dédiées à l’enseignement ne soient pas détournées à d'autres fins et à ce que que leur répartition entre les disciplines soit équitable et respecte la convention collective. Pour avoir le plus d'information possible, j’étais aussi membre du Conseil d’administration du collège à titre de représentant des enseignants qui m’avaient élu à l’unanimité, par acclamation comme on dit, les candidats à cette fonction ne se bousculant pas à la porte d'entrée. J’étais tranquille et je me mêlais de mes affaires (minding my own business, comme ils disent dans la principale langue parlée au Canada) sans faire de vagues. Mais je me méfiais et je surveillais les agissements des cadres.

Un collège existe dans une région où des notables exercent un certain pouvoir et ont une certaine influence. Ces élites majoritairement libérales n'avaient pas oublié mes trois livres contre les Libéraux publiés en 1973, 1974 et 1978 et ne tarderaient pas à m'en donner la preuve. Pendant que j'enseignais, du côté des gens d’affaires de la région, on avait des ambitions. Le poste de directeur général du cégep est devenu vacant suite à la prise de retraite de celui qui l’avait détenu pendant trente ans. Depuis des années, une des membres du milieu se préparait à conquérir ce poste de direction. A l'emploi de plusieurs collèges sur la Rive-Sud de Montréal depuis plus de vingt ans, elle avait franchi les échelons un à un. Elle avait des ambitions et elle était prête. Dans la moyenne bourgeoisie dont elle faisait partie, l’argent était roi. Je ne les fréquentais pas. Après mes cours, je revenais chez moi à Longueuil: leurs magouilles me passaient cent pieds par-dessus la tête. Je ne risquais pas de les croiser au centre d'achat. Politiquement et socialement, nous étions dans des camps opposés. Pour ces affairistes, j’étais un cave. Car ça prenait un cave pour critiquer une des plus célèbres familles d’industriels du Québec qui avait mis la région sur la carte et sans laquelle il n’y aurait même pas de cégep. La clique se réjouissait d’avance à l’idée que la nouvelle directrice me donne quelques leçons de savoir-vivre et me remette à ma place. Je me demandais comment elle s'y prendrait tout en espérant qu'elle me laisserait enseigner en paix mais sans trop y croire car il était impossible qu'elle se comporte comme si je n'existais pas. La collision est survenue plus rapidement que prévu. La notable était sans doute impatiente d'en découdre pour faire rapport à ses amis afin d'agrémenter leur vie sociale provinciale marquée par l'ennui.

Quand la nouvelle directrice a rejeté cavalièrement mon ami le Syndicaliste, professeur de sociologie, qui avait été le président de notre syndicat pendant plusieurs années et qui avait toutes les compétences pour devenir le Directeur des ressources humaines, j’ai froncé les sourcils. Puis, au début de la session d’automne, quand elle a convoqué mon ami l’Ebéniste, professeur de biologie, président du syndicat des enseignants, suite à une plainte contre moi qui datait de trois mois et qu'elle aurait pu traiter avec tact, j’ai compris qu’elle était en mission. On sait qu'il est facile pour un administrateur d'utiliser la technique de la plainte anonyme pour déstabiliser un enseignant. Lors d’une partie de golf, tout en me criant de ne pas aller chercher sa balle dans le bois qui gisait au milieu de plants d'herbe à puce, le Biologiste me raconta en détail la conversation qu’il avait eue avec la directrice. J’ai alors vu qu’elle cherchait à me déstabiliser et elle réussit à le faire. En me provoquant, elle était sûre et ses amis libéraux aussi, que je perdrais mon calme et que je ferais des erreurs. Au minimum, on me stresserait en créant un climat d'hostilité. On me faisait sentir que mon style d'enseignement et mon engagement politique et syndical n'étaient pas les bienvenus dans la région et que mes beaux jours étaient derrière moi. (Elle a eu en partie raison: j'ai fait une erreur à une réunion du Conseil d'administration. Mais n'anticipons pas.) Je n'étais pas disposé à entendre les conseils d'une ancienne professeure de chimie ambitieuse qui privilégiait les cours magistraux auxquels je suis allergique et elle le savait. Quand j'ai exigé des explicatgions, j'ai compris l'expression qu'utilise Hamlet dans le célèbre monologue To be or not to be: the insolence of office. J'ai vu l'insolence et l'arrogance d'une directrice qui voulait prendre le contrôle des lieux.

Elle aurait dû prévoir pourtant que je ne me laisserais pas faire et que je me défendrais, mon passé en était le garant. Une des tentatives des "élites locales" qui avait échoué en 1973 est décrite en détail dans De la clique des Simard à Paul Desrochers...en passant par le joual. Mais ils se croyaient les plus forts: c'est souvent l'effet que produit l'argent : l'argent, ça enfle la tête et ça peut conduire à des abus de pouvoir et à des power trips comme nous le verrons. Je ne faisais pas partie de ce milieu bourgeois qui applaudirait aux poursuites et au harcèlement qui sont des méthodes d'intimidation. Après un Conseil d'administration, quand la directrice m'invita à un goûter avec d'autres membres, je dis non merci comme la publicité subliminale du gouvernement fédéral contre la boisson pendant la campagne référendaire de 1980. Quand on est dans l'opposition, on ne doit pas se laisser amadouer. J'ai toujours refusé de fraterniser avec ces élites locales. Je n'étais pas de leur milieu et je ne tenais pas en en être. D'ailleurs, les partys de Noël, les tournois de golf, les bals masqués, les parties de sucre et autres réunions "sauciales" avaient pour fonction de nous faire oublier des décisions qui étaient défavorables pour le personnel du collège. Il ne fallait pas compter sur nous pour jouer ce jeu-là et faire semblant que nous formions une belle grande famille et que tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Le droit à la liberté de parole, le droit à l'engagement syndical et à l'engagement politique, la censure et des abus de pouvoir qui sont des obstacles contre l'exercice de ces droits, ce ne sont pas en soi des sujets insignifiants. Des enseignants ont subi deux poursuites en diffamation et une troisième poursuite évitée de justesse et de nombreuses actions de harcèlement. Ces poursuites et ce harcèlement ont créé un climat d'intimidation incompatible avec la mission d'une institution d'enseignement post-secondaire. Connotées politiquement, les poursuites du directeur des études (80,000 $) et de la directrice générale (170,000 $) contre le syndicat ainsi que les griefs syndicaux, notre plainte au Tribunal du Travail et les menaces de poursuites contre La Direction se sont soldées par une entente hors cour. Ce qui est en soi une victoire syndicale car le retrait des poursuites est une défaite personnelle pour la Directrice générale qui était une quérulente car elle privilégiait les procès pour créer un rapport de forces en sa faveur et pour éliminer des adversaires. Notons toutefois que cette entente hors cour ne comportait pas une clause de confidentialité qui m'aurait condamné au silence. Si tel avait été le cas, nous ne l'aurions pas signée. L'engagement relatif de garder la paix n'impliquait pas non plus un serment d'adhésion aux Apôtres de l'amour infini. Ce qui ne veut pas dire que la haine nous motive. Après avoir signé cette entente hors cour, rien ne m'interdisait de parler de ce qui s'était passé dans un collège entre 1997 et 2005. Les 35 documents cités prouvent que tout ce que j'écris est basé sur des faits. C'est pour cette raison d'ailleurs que ces documents font partie de cet ouvrage. Vous pourrez ainsi juger par vous-même. Quand je donne ma version, je ne dis pas nécessairement LA vérité. Alors restons calme s'il vous plaît. Jusqu'à preuve du contraire, tout le monde est de bonne foi mais on peut se tromper de bonne foi...ou de mauvaise foi et ce qui était considéré comme une erreur devient un mensonge. On peut prétendre que quelqu'un a dit telle chose et il ne l'a pas dite...comme nous le verrons.

Echaudés par sept années stressantes, mes amis ont cru qu'il n'était pas possible de traiter avec modération d'une matière aussi explosive. C'était sous-estimer les possibilités de la littérature. Il y avait dans l'expérience que nous avions vécue trop de choses intéressantes à décrire et cela avait eu pour nous trop d'importance pour que cette saga reste confidentielle. Sept ans de conflit dans un collège avec des avocats qui s'affrontent et qui coûtent cher (50,000$ + 25,000$), des directrices qui cherchent par des moyens douteux à éliminer un adversaire, des cadres féminines qui envahissent une classe sans avertissement avec un questionnaire, des fausses plaintes plus ou moins anonymes ou des plaintes provoquées, des enseignants qui écrivent des lettres farcies de citations de Montaigne qui enragent les femmes au pouvoir, des espions, des agents-doubles, des hypocrites, des money makers, des égocentriques, un journal local qui informe toute une région, des boycotts qui empêchent la réalisation d'un plan stratégique et, surtout, une directrice qui craint comme l'herbe à puce d'être évaluée par les enseignants et qui le sera quand même et publiquement en plus, tout cela n'est pas banal. Il aurait été bien dommage de laisser tomber tout cela dans l'oubli. J'ai quand même suivi l'avis de mes amis: j'ai enlevé tous les noms propres et inventé un nouveau genre littéraire que j'ai baptisé le slapp fiction pour raconter cette belle histoire de résilience.

Conseil de lecture

Les quatre parties de ce livre sont relativement autonomes et reprennent les mêmes événements sous des angles différents. La même histoire est racontée mais avec des points de vue différents. Pour éviter l'impression de redites, il faut faire au moins trois séances de lecture séparées dans le temps. Je n'ai pas coupé dans le texte parce que chaque partie a une fonction et parce que j'ai supposé que le lecteur suivrait mon conseil de lecture. Selon le Grammairien, dire au lecteur quoi faire ça ne se fait pas. Mais déformation professionnelle, enseigner la littérature pendant quarante ans pourrait donner une certaine compétence à ce sujet. Vous ferez bien ce que vous voudrez. Les confidences d'une femme d'action est un récit suivi qui respecte la chronologie des événements et s'apparente à un roman où une directrice presque fictive dit "je" et raconte toute l'histoire à sa façon. Il est possible qu'en la lisant vous trouviez qu'elle avait raison. Si tel est le cas, vous devrez conclure que l'auteur a fait un effort surhumain d'objectivité en permettant à une autre subjectivité de s'exprimer. C'est ça le SLAPP fiction. C'est la faute à Montaigne est un essai qui donne sur les mêmes événements le point de vue syndical qui est évidemment aussi le mien. Admettons que faire du harcèlement et subir du harcèlement, ce n'est pas la même chose tout comme envoyer une lettre d'avocat et la recevoir: deux points de vue différents sur la même suite d'événements, ce n'est pas inintéressant, comme dirait René Homier-Roy. Les Remarques apportent des précisions sur le vocabulaire, les acteurs et les circonstances. La Chronologie et les 35 documents accompagnés d'explications et de mises en situation reprennent toute l'histoire des débuts à la fin telle qu'elle s'est déroulée dans le temps. Ces trois parties expriment mon point de vue sous trois formes différentes. Chaque partie peut se suffire à elle-même; les quatre chapitres se complètent pour former un tableau. Comme le mot le dit, un tableau est une peinture, ce n'est pas une photographie.

Dans ce livre, les noms des acteurs ont disparu et sont remplacés par des surnoms ou sont identifiés par leur fonction. Mais vous saurez identifier facilement qui sont le Syndicaliste ainsi que les quatre membres de l'exécutif du syndicat des enseignants, le Littéraire (ou le Voyageur), l'Irlandais, le Politique et l'Ebéniste. Vous n'aurez pas de difficultés à suivre les exploits de la Dégère appelée aussi la Reine ou Sa Majesté, du Directeur des études, dit le Soumis, de l'avocate de service dite "le ton" et de l'avocat local, de l'Adjointe surnommée Kakafala et de Grandpied, d'Amable Beausapin, le technicien-enseignant pro-patronal.
J'aime bien chacune des parties de ce livre mais ma préférée, c'est indiscutablement les Confidences parce que j'ai donné la parole à l'Autre. Audi alteram partem (écoute l'autre partie) comme le disait d'une façon ridicule Bernard Landry au lieu d'avoir le courage d'appuyer Jacques Parizeau pendant le débat télévisé avec Jean Charest. Sortir de soi, c'est reposant. La Chronologie et les 35 documents est pas mal non plus. Le lecteur pourra facilement imaginer, par exemple, qu'il reçoit une lettre d'avocat, par huissier, en été, pendant les vacances, à sept heures du matin. Ou bien imaginer la frustration, le dépit et même l'humiliation de la Directrice qui a perdu la face quand il fut démontré en Conseil d'administration que la résolution qui blâmait deux enseignants qui avaient fait par écrit un bilan négatif de l'An 1 était illégale parce que l'exécuitif n'avait pas quorum.

Essai hybride, SLAPP fiction et autobiographie

Cette histoire est-elle vraie puisqu'elle se passe dans un collège fictif? Ce genre de question est le sujet de ma thèse de doctorat écrite de 1983 à 1987 et que j'ai réussie grâce à Jean Marcel, écrivain et professeur compétent de l'Université Laval de Québec. Fictif ne veut pas dire faux. Comme les acteurs n'ont pas de noms propres et qu'ils ont des surnoms ou sont identifiés par leur fonction, cela crée ce que les théoriciens de la littérature appellent un effet de fiction. Rendue nécessaire par le contexte judiciaire, la fiction a été une contrainte utile car elle a mis à distance. On est devant un genre littéraire nouveau: le SLAPP fiction. Comme une auto hybride qui fonctionne à double énergie, électricité et essence, ce livre est un essai hybride qui carbure à la fois à la non-fiction et à la fiction. Tous les personnages sont fictifs (même moi, dans un sens, dont le surnom est le Littéraire) et leur ressemblance avec des personnes réelles est le fruit du hasard et de l'évolution comme la naissance de la vie sur terre s'il faut en croire les adversaires de l'intelligent design. Parler d'un collège fictif et ne pas identifier les acteurs par leur vrai nom donne la liberté d'inventer. Par exemple, le dialogue hors-texte entre le Littéraire et l'Irlandais est inventé: il n'a jamais eu lieu dans la réalité. C'est du théâtre donc de la fiction. Pour prendre un exemple chez les classiques,(évidemment, je ne me compare pas à Molière) Célimène et Philaminte sont des créations de Molière. Elles sont fictives. Même s'il est certain que de semblables modèles ont existé, Célimène et Philaminte ne sont pas enterrées au cimetière du Père-Lachaise. Au contraire, ces femmes sont vivantes si un individu va au théâtre, s'il lit Le Misanthrope ou Les Femmes savantes ou s'il regarde un vidéo de ces deux pièces enregistrées par la Comédie française. Par ailleurs, le personnage de Tartufe ressemblait tellement à des Tartufes réels qu'il a fallu sept ans avant que Molière puisse montrer sa pièce. Que ce soit bien clair: on est ici dans la fiction plus que dans le documentaire, dans la peinture plus que dans la photographie. L'auteur s'est appuyé constamment sur ce qu'il a vécu: la fiction vit donc de non-fiction mais la dépasse et parfois même s'en affranchit. Est-ce que le lecteur s'y retrouvera? Ça dépend de son talent et de sa perspicacité. Je lui fais confiance. S'il y a ambiguïté, ce n'est pas grave. Dans la vie vécue, est-ce que tout est toujours clair? En littérature, il n'y a pas de loi sur la clarté. Les idées claires de Descartes, c'est un souvenir de mes études de philosophie. De toutes façons, il est possible que certains lecteurs ou lectrices aient plus de talent et de perspicacité que l'auteur qui, étant pris par son sujet, n'a aucune espèce d'idée de l'effet que son livre produira sur le lecteur. Je fais ces remarques qui font état de préoccupations dites théoriques: déformation professionnelle d'éternel étudiant en lettres.

Comme l'écrit David Lodge en note au début de son roman "L'auteur! L'auteur!", je ne peux évidemment pas dire que l'histoire et les personnages sont purement fictifs. Presque tout ce qui se passe est fondé sur des sources factuelles. Tous les protagonistes nommés ont réellement existé (et existent encore sauf deux exceptions). Les citations de leurs propos ou de leurs écrits sont leurs propres mots. Mais j'ai usé de la licence de la fiction en relatant parfois ce qu'ils pensèrent ou ressentirent et les propos qu'ils échangèrent; et j'ai imaginé certains détails personnels ou certains épisodes dont nul n'avait pris note sauf moi.

Au début du film Les Ordres, Jean Lapointe, Hélène Loiselle, Guy Provost, Claude Gauthier et Louise Forestier, se présentent par leur nom puis ajoutent: Dans le film, je joue le rôle d'un tel ou d'une telle. Cette démarche crée un climat d'authenticité. Ce film montre que l'engagement de Trudeau en faveur des droits de la personne était de la frime puisqu'il s'appliquait à tout le monde sauf aux indépendantistes. Si les fils de Pierre Elliott-Trudeau poursuivaient Michel Brault pour diffamation, cette poursuite serait absurde car ce film a des fondements historiques inattaquables. Il aurait été préférable de ne pas arrêter 450 personnes dont la dangereuse Pauline Julien, les poètes subversifs Gaston Miron et Gérald Godin, sans qu'aucune accusation ne soit portée contre elles. Maintenant, il est trop tard. Trudeau, ce grand démocrate, Just watch me, a montré son vrai visage. C'est en temps de crise que l'on peut voir la vraie personnalité d'un homme politique. Et c'est bien dommage pour sa réputation. Le cinéaste Michel Brault n'est pas un diffamateur: c'est un historien. Grâce à son film, on se souviendra du rôle du sinistre trio Drapeau-Bourassa-Trudeau qui s'est servi de la crise d'octobre 1970 pour nuire à la gauche et au mouvement indépendantiste. Mais les fils de PET peuvent se consoler: pour André Pratte, ce Hummer idéologique, éditorialiste au service de Power Corporation et de Gesca, Trudeau est un grand démocrate. Paul Desmarais, qu'on peut admirer par ailleurs, avec ses 4 milliards, peut se payer un instrument de propagande fédéraliste comme La Presse qui est tout de même un journal qui contient beaucoup d'information et qu'on peut lire avec profit en prenant avec un grain de sel le contenu éditorial et la section "Forum" qui est manipulée, en se méfiant des gros titres, des sondages CROP-La Presse et des coups montés comme celui contre le candidat du Parti québécois dans St-Henri aux élections du 26 mars 2007, Robin Philpot, à propos du Rwanda.

La liberté d'écrire

Ecrire ce livre et le publier est un exercice de la liberté d'expression. La liberté, c'est comme l'air qu'on respire. Si tu ne respires pas, tu étouffes. Celles qui, par deux SLAPP et du harcèlement, ont essayé de compromettre cette liberté ont échoué.

Deux univers et deux systèmes de valeurs s'affrontent ici. Mais surtout, deux êtres humains dévoilent leur personnalité telle qu'elle est à travers leur vie professionnelle. Dans un premier temps, il faut essayer de comprendre sans porter de jugement. On n'a pas à choisir entre deux personnes en donnant raison à l'une contre l'autre. On est invité à les accepter toutes les deux telles qu'elles sont c'est-à-dire pugnaces, coriaces et affronteuses. Ce sera la réussite de cet ouvrage de donner accès à un lieu où, à un moment donné, le jugement moral est suspendu, où il ne peut pas y avoir de diffamation ou d'atteinte à la réputation, un lieu où il n'y a pas d'accusé(e) ni de coupable.

Dans un deuxième temps, s'il vous arrive de vous indigner devant des abus de pouvoir flagrants et devant l'usage des tribunaux avec des fonds publics à des fins partisanes quelles que soient les rationalisations servant à les justifier, ce sera la preuve que vous aurez évité de sombrer dans le jovialisme, cette philosophie pour retraités et pour retraitées. Dénoncer des abus de pouvoir, ce n'est pas diffamer: c'est répondre à un devoir de civisme. Il aurait été préférable de ne pas faire de poursuites et de harcèlement. Maintenant, il est trop tard. Les abus de pouvoir ont eu lieu. C'est bien dommage pour la réputation des personnes qui les ont perpétrés mais il fallait y penser avant. Grâce à ce livre, on se souviendra des oeuvres d'un trio formé de la directrice, de l'avocate de service et de l'avocat local. Les exploits de ce sinistre trio ne tomberont pas dans l'oubli ni les mesquineries commandées à l'Adjointe et à Grandpied

Notez que les éloges qui seront faits de l'adversaire d'un côté comme de l'autre sont fictifs. C'est d'ailleurs une preuve qu'on est dans la fiction car, dans la vraie vie, il n'en était pas du tout ainsi: ces adversaires n'ont eu aucune bienveillance l'un envers l'autre. Deux arrogances se sont affrontées; l'arrogance patronale et ce que Roland Barthes appelle l'arrogance du militant. Il reste dans ce livre beaucoup de traces de ces deux arrogances qui se sont nourries l'une l'autre. Et ne l'oubliez pas, toujours sur fond politique: je déteste les libéraux et les libéraux me détestent. C'était avant l'arrivée des adéquistes. L'exécutif syndical n'était pas arrogant. Il luttait pour que le syndicat ne devienne pas un syndicat de boutique mangeant dans la main de la directrice générale.

Montaigne écrit: "Il se trouve plusieurs sujets qui ont l'essence en l'agitation et la dispute, et n'ont aucune vie hors de là." (III,9) Comment donner vie à un sujet dont, en effet, l'essence est en l'agitation et la dispute? J'espère y être arrivé. Un observateur objectif dirait que, même si les reproches qui lui seront faits sont justifiés, la directrice est une femme d'action sincère qui, malgré son idéologie de droite, mérite de la considération mais qui a eu le malheur d'exercer ses fonctions dans une conjoncture politico-syndicale difficile. C'est facile à dire, après coup, que nous étions les plus forts et qu'il était impossible que la directrice puisse sortir gagnante du long conflit qui l'opposa au syndicat des enseignants. Jusqu'au refus du Conseil d'administration d'approuver la demande par la directrice d'une troisième poursuite contre le syndicat, nous pouvions perdre. Et certains disent d'ailleurs que nous avons perdu mais vous jugerez vous-même.


Longueuil, vingt mars 2008, premier jour du printemps, à moins dix degrés centigrade la nuit.





N O T E de l’ EDITEUR *

* L'Editeur est fictif et c'est lui qui s'exprime. C'est mon double. Il s'agit d'un artifice littéraire qui m'a été inspiré par Adolphe, le roman de Benjamin Constant.



L'été, prends la route et profite des grands espaces et de la caresse du vent des montagnes, des odeurs de sapin, du lac du Bas-St-Laurent où au fond d'une eau limpide les truites vont nageant, des lièvres qui surgissent de la forêt le long du chemin de terre qui mène au lac ainsi que du chevreuil qui de loin regarde calmement les humains qui s'agitent, de la trace de la patte de l'orignal dans le sol boueux d'un lendemain de pluie près du gros morceau de sel bleu planté sur un piquet. C'est le temps d'être surpris par l'appel du coyote et par le chant du huard dans le soir qui tombe, par les myriades d'étoiles dans le ciel sans nuage qui nous parlent des galaxies et de l'ordre dans l'univers, par le tambourinage du picbois royal, par le feu qui se nourrit des bûches de pins et fait jaillir des étincelles des branches sèches de cèdre lancées en vrac dans le feu, feu feu joli feu, ton ardeur nous réjouit, feu feu joli feu monte dans la nuit, dans la nuit. La casserole de la Grande Ourse est là; la Petite Ourse permet de repérer l'étoile Polaire; Cassiopée brille; la Voie lactée nous émerveille. Pas loin, le lac immobile reflète la lune rond d'argent monotone et pas de clocher comme un point sur un i. Et la fillette preste qui passe le buisson pied leste en chantant sa chnason. O lac! O temps suspends ton vol de l'heure fugitive hâtons-nous jouissons.

Je parcourais la région de Charlevoix et je me suis arrêté au gîte La Nichouette dans le village des Eboulements. Le lendemain, surprise, la trompette du matin me réveilla: comme dans Hamlet, le cocorico d'un vrai coq se fit entendre plusieurs fois. L'eau du robinet était froide et pure, l'air frais et tonifiant, la vue en plongée sur le fleuve Saint-Laurent était belle, des vaches paisibles broutaient l'herbe dans la rosée, le soleil embellissait les fleurs, en particulier des pivoines d'un rouge éclatant comme celles dans l'entrée de la maison de Victor-Lévy Beaulieu le long de la 132, à Trois-Pistoles. Une odeur de bacon et de café envahissait la cuisine en bois blanc et vert pomme. Cela était rassurant, ces choses quotidiennes et immuables, il y avait de la paix en elles, et de la bonté aussi. Je me suis dit qu'il y a des moments dans la vie où le bonheur est palpable. Dans le village des Eboulements, ce matin-là de la fin d'août, dans la cuisine de Gilberte Tremblay et de son fils Félix, nous l'avons touché parce qu'il faisait beau, qu'il y avait du soleil partout, que l'herbe sentait bon, que nous avions une vue panoramique sur le fleuve, que tout le monde était de bonne humeur et en santé et parlait français, que c'était les vacances et que nous étions chez nous non loin du Vieux-Québec et de l'île d'Orléans de Félix Leclerc, dans notre pays natal.

Réveillé par l'air froid, j'ai relu des passages soulignés du treizième chapitre du livre trois des Essais de Montaigne.

Nous sommes de grands fols. Il a passé sa vie en oisiveté, disons-nous: je n'ai rien fait aujourd'hui.- Quoi, avez-vous pas vécu? C'est non seulement la plus fondamentale mais la plus illustre de vos occupations.

Notre grand et glorieux chef-d'oeuvre, c'est vivre à propos. Toutes autres choses, régner, thésauriser, bâtir, n'en sont qu'appendicules et adminicules pour le plus. Pour moi, donc, j'aime la vie. On fait tort à ce grand et tout-puissant donneur de refuser son don.


"Appendicules et adminicules" tout comme disait De Gaulle, "tout ce qui grouille, grenouille et scribouille n'a guère d'importance". Le vent avait dû changer de bord, ça sentait le fumier et quoi de plus apaisant que la senteur du fumier des vaches. Attentif aux bruits et aux odeurs de la campagne, des éclats de voix et des rires m'invitent à quitter ma chambre aux rideaux verts. Assis à table, accompagné de son épouse avec laquelle il avait des rapports évidents de complicité, il y avait un Voyageur dans la soixantaine qui avait une belle façon, mais qui paraissait soucieux malgré le matin lumineux et sa retraite qui aurait pourtant dû le libérer de bien des tracas. Il avait choisi, disait-il, la profession d'enseignant qui lui laissait le plus de loisir et de liberté pour lire, écrire, militer et surtout, pour avoir trois mois de vacances et le plus de temps possible pour jouer au golf. Son engagement politique l'avait poussé, dans ses trois premiers livres, à dénoncer trois aspects de la carrière de Robert Bourassa, la fraude électorale qu'il avait vue de ses propres yeux dans le comté de Chambly lors des victoires libérales de 1970 et de 1973, le patronage en faveur des amis et de la belle-famille Simard jusqu'à nommer le beau-frère Claude Simard ministre et surtout, ce qui était le plus grave, le terrorisme économique des publicitaires et des faiseurs de discours à la Jean-Claude Rivest qui exploitent la peur (ancestrale) et font ce que Jacques Parizeau appelle du chantage ("blackmail"). C'est curieux, dit-il, comme ces trois aspects de la carrière politique de Robert Bourassa, fraude électorale, patronage et chantage économique sont systématiquement gardés sous silence par ses biographes comme Michel Vastel et Charles Denis ainsi que son orientation sexuelle qui aurait eu des conséquences jusque dans les négociations constitutionnelles de Charlottetown à l'occasion desquelles la GRC aurait exercé un chantage...parce qu'elle aurait détenu des preuves de...et menacé de les dévoiler, c'est une hypothèse à vérifier.

Il avait passé une semaine dans sa Renault 12 avec Paul Rose, qu'il connut à cette occasion, à se promener dans Montréal pour ramasser des témoignages écrits des matraqués du 24 juin 1968 (dont le sien) publiés chez Parti pris dans Le Lundi de la matraque. Il savait donc que la fraude électorale, le patronage et le terrorisme économique ainsi que la présence de la petite pègre dans le PQ-Taillon, étaient des causes de la crise d'octobre 1970 et de l'enlèvement de Pierre Laporte, (on l'appelait monsieur 10%) qui, dans un discours à l'emporte pièce à Saint-Lambert a comparé le Québec à la population de Chicago pour montrer qu'on était trop petit pour aspirer à l'indépendance. (Il possédait ce discours sur cassette audio et comptait le publier un jour.) "J'ai exigé, dit-il, une rencontre avec René Lévesque en présence de Pierre Marois, Gérard Bélanger, André Larocque et d'autres, le 24 juin 1969 pour dénoncer Jacques-Yvon Lefebvre et l'infiltration dans le PQ-Taillon de faux membres dont on avait payé la carte. J'ai dit à Lévesque que c'était indigne du Parti québécois et qu'il devait intervenir. Je me suis fait accuser par lui de maccarthisme ce qui est la preuve que quand il s'agissait de Pierre Bourgault, il en perdait le nord. L'infiltration de la petite pègre de Ville Jacques-Cartier dans le PQ-Taillon, René Lévesque aurait pu l'empêcher mais il a laissé faire pour bloquer Pierre Bourgault qui voulait être candidat dans Taillon aux élections du 29 avril 1970. Ce refus d'intervenir dans Taillon est une des causes de la crise d'Octobre. C'est aussi l'opinion du Docteur Ferron qui l'affirme dans son livre Escarmouches: "Le fait qu'avant les dernières élections d'avril 1970 la pègre ait réussi à s'emparer, par l'intérieur, du PQ-Taillon, a poussé Francis Simard, écoeuré, à l'action directe." (p.105) Si Pierre Bourgault avait été candidat du Parti québécois aux élections générales du 29 avril 1970, il aurait peut-être été élu pendant que Lévesque était battu dans Laurier à Montréal et toute l'histoire du Québec aurait été différente." Je lui ai fait remarquer que personne ne parlait de cette rencontre du 24 juin 1969 qui augmente la responsabilité de René Lévesque dans l'affaire Taillon. "C'est un triste épisode dans l'histoire du Parti québécois" dit-il. René Lévesque n'a jamais pardonné à Pierre Bourgault d'avoir causé la défaite du Parti libéral aux élections de 1966 et de l'avoir attaqué à plusieurs reprises pendant cette campagne électorale. Il croyait que l'éloquence de Bourgault était dangereuse et conduisait au fanatisme, que son goût des manifestations dans la rue et son style d'action provocateur souvent au bord de la violence était nuisible et aussi son unilinguisme intégral. Moi, comme militant, même si j'étais d'accord avec Lévesque que j'admirais, et je l'ai écrit dans un portrait cinglant de Pierre Bourgault publié dans Le Devoir, je ne pouvais accepter que la petite pègre de ville Jacques-Cartier de J. Aldéo Rémillard s'infiltre dans le Parti québécois de Taillon. C'est quand même ironique que ce soit le comté de Taillon qui a élu Lévesque en 1976 et en 1981. C'est vrai que les biographes de Lévesque et de Bourgault ne parlent pas de cette rencontre du 24 juin 1969 que j'ai organisée même si Lévesque aurait préféré qu'elle n'ait pas lieu. Mais elle a eu lieu et ce n'est pas mon problème si les auteurs de biographies ne savent pas s'adresser aux bonnes sources. Pierre Bourgault n'aurait jamais dû dissoudre le Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN) qui aurait continué à participer aux manifestations (souvent violentes à cause la provocation policière), à faire la promotion de l'unilinguisme et à attirer la gauche avec Andrée Ferretti pendant que le Parti québécois, pour prendre le pouvoir, aurait présenté une image de respectabilité. Question subsidiaire: Est-ce que René Lévesque aurait pu être comme un père pour Bourgault, un mentor et qu'il a refusé de jouer ce rôle, je ne sais pas. C'est sans doute une vue idéaliste de la politique et des relations humaines: nous aurions tant voulu que ces deux hommes se complètent et travaillent ensemble. Moi, j'étais du côté de Lévesque même si mon option participationiste le dérangeait un peu car ce n'était pas toujours facile de faire marcher ensemble les experts du comité politique de Marc Brière, Rosaire Beaulé, Jean-Roch Boivin, ex-libéraux qui conseillaient Lévesque et les militants qui finançaient le parti et étaient des délégués aux congrès. Sans la création du centre de documentation par André Larocque, Michel Leguerrier et Michel Beaubien, l'idéologie participationiste aurait sombré dans l'irréalisme. Nous, Jan Depocas, Pierre Marois, Richard Desrosiers, Guy Joron, André Larocque, Yves MIron, avons combattu le comité politique et contribué à ce que soit votée son élimination dans un congrès mais ça n'a pas empêché les anciens libéraux du comité politique et amis de Lévesque de continuer à avoir de l'influence. Lévesque disait: "Vous ne pourrez pas m'empêcher de téléphoner à qui je veux et de consulter qui je veux." Dans l'affaire Taillon, quand Lévesque, prenant son ton offusqué des grands jours, m'a accusé de maccarthisme, j'ai été surpris et déçu. Mais, à l'époque, son prestige de journaliste qui avait fait Point de mire et d'ancien ministre qui avait fait la nationalisation de l'électricité était tel que j'ai continué à militer dans le Parti même si ce qui se passait dans Taillon était totalement inadmissible." C'est un cas de conscience et un exemple des conflits entre l'éthique et la politique.

A propos d'un des livres du Voyageur, La fin du mépris, un critique fédéraliste a écrit: "L'écrivain a une phrase le plus souvent laborieuse et n'a pas l'élégance du style mais on perçoit un irrévocable et total engagement à une cause." Cette remarque sur l'élégance provoqua chez lui une mauvaise imitation du rire en cascade de Julie Snyder qu'il trouvait bien quioute tout comme il trouvait Véronique Cloutier d'une grande beauté. Cela me rappelle que, dans les années soixante-dix, on reprochait à René Lévesque son style laborieux et inélégant, style que le Voyageur avait défendu dans un article publié dans Le Devoir le 15 janvier 1971 qui avait été le début d’une relation amicale, malgré les épisodes de Taillon et du comité politique, relation qui devait se détériorer par la dénonciation de l'étapisme et des illusions du pouvoir. "A la période des questions de l'Assemblée nationale, dit-il, harcelé par les Libéraux qui citaient un de mes articles il m'a traité de gérant d'estrade. Lévesque m'aimait bien, son attaché de presse Robert Mackay n'est plus là pour en témoigner, et moi j'avais pour lui un tel respect qu'une fois, sur la rue Christophe-Colomb, il vint me saluer alors que je travaillais dans un petit bureau à préparer une édition du programme du Parti québécois: j'étais très concentré sur ce que je faisais mais quand je l'ai vu, je me suis levé d'un bond, spontanément. J'aurais pu manoeuvrer pour travailler au bureau du premier ministre avec mon ami Yves Miron mais j'ai considéré que si je perdais ma liberté, je ne serais plus d'aucune utilité. Est-ce que Jacques Parizeau a tenu compte des conseils de Jean-François Lisée quand il a fait son discours sur l'argent et les votes ethniques le soir du référendum volé de 1995? Non."

Ce thème de l'hypocrisie où on attaque "la phrase le plus souvent laborieuse" et le manque "d'élégance du style" par diversion pour éviter d'avoir à parler du fond le mit en effervescence. "Tout le monde ne peut pas écrire comme Jean Ethier-Blais". Comme s'il était devant une classe, il parla de la sincérité du père Didace qui représente cette population soreloise passionnée, chicanière, directe et colorée (Pierre Vadeboncoeur) et de Gaston Miron, l'homme rapaillé, de l’hypocrisie de Tartuffe et des stratégies de Célimène et de Julien Sorel qui fut séminariste (comme lui) dans Le Rouge et le noir de Stendhal. De toute évidence, il s’ennuyait de l’enseignement: nous avons eu droit à un survol qui donnait une idée du genre de synthèse qu’il lui arrivait parfois de faire devant ses élèves quand toutes les conditions d’une écoute attentive avaient été créées, ce qui n’arrivait pas tous les jours disait-il mais ce qui était le cas aujourd'hui au gîte La Nichouette en ce beau matin de la fin de l'été. En présence de son fils Félix qui avait un handicap de la vue, Gilberte Tremblay, notre aimable hôtesse septuagénaire s’était assise sur sa chaise berçante car le professeur n’en était pas à sa première visite et elle savait qu’un coup parti, il était difficile à arrêter; après nous avoir servi du pain de blé entier rôti, des oeufs au miroir et du bacon, elle en oublia d'insister pour que nous goûtions à ses produits authentiques du terroir, cretons, confitures maison, fromage Le Migneron et sirop d’érable offerts sur la table de la cuisine d’une maison en bois où dominent le blanc et le vert pomme qui lui rappelait la grande cuisine aux cinq fenêtres de son enfance au deuxième étage du 4365 rue Brébeuf à Montréal, tout près de la rue Marie-Anne, non loin du parc Lafontaine où il a passé son enfance et sa jeunesse à jouer au baseball. Cette cuisine de son enfance retrouvée et la chaleur et la générosité de l'accueil expliquaient sans doute qu'il en était à sa septième visite chez Gilberte qui lui rappelait sa grand-mère Gervais qui l'avait pris chez elle de quatre à huit ans avec son frère Gaston à qui il ne parlait plus parce que, dit-il tristement, j'ai enfin compris qu'il ne m'aimait pas. Cette année-là, j'ai perdu ma mère, mon père et mon frère, dit-il en regardant le plancher.
Vers la fin du copieux petit déjeuner, j’appris la raison de son air préoccupé. Forcé d'être militant syndical pour se défendre contre l'hostilité de l’administration, il était en train d’écrire sur le conflit du syndicat des enseignants avec la Direction de son collège. Il ne voulait pas en parler pour ne pas gâcher son séjour et le nôtre dans la région des beaux paysages de Baie St-Paul et de l'île aux Coudres et des peintres René Richard, Clarence Gagnon, Claude LeSauteur, Marc DeBlois et de sa femme Joan (poterie) car c’était un sujet “très prosaïque” qui le rendait agressif: les mots lilliputien et ubuesque furent grommelés. En effet, il pensait à Jonathan Swift qu’il avait étudié au petit séminaire Marie-Médiatrice dans un cours de littérature anglaise avec monsieur St-Germain et à Alfred Jarry dont il avait vu la pièce Ubu roi montée de façon exceptionnelle par un collègue, le Grammairien, et il trouvait ses ennemis petits et grotesques. Ce qui l’enrageait, c’était le temps gaspillé à se défendre contre les attaques sournoises de ces harceleuses qui n’admettront jamais qu’elles étaient motivées politiquement mais qui l’étaient. Ne voulant absolument pas oublier ce passé récent, il tenait à partager l’expérience qu’il avait vécue et qui était inachevée. Apporter son témoignage était, pour lui, une nécessité pour en arriver à se désinstitutionnaliser comme les prisonniers dans le film The Shawshank Redemption après trente-six années passées à son collège. Pour piquer notre curiosité, quand même, il nous demanda si nous savions ce qu’était une SLAPP, tactique juridique utilisée par des développeurs pour intimider, réduire au silence et acculer à la faillite des contestataires la plupart du temps écologistes et militant pour la protection de l’environnement et la défense de leur qualité de vie. “Coïncidence, dit-il, la Direction du collège qui a intenté deux poursuites de 80,000 $ et de 170,000 $ pour atteinte à la réputation et diffamation contre le syndicat et contre moi justifiait toutes ses décisions en disant qu’elle faisait du développement et ne tolérait pas qu’on s’y oppose.”
Interrogé à savoir s'il s'ennuyait de l'enseignement, il répondit oui, je m'ennuie des élèves surtout des belles grandes filles intelligentes comme cette élève à 95% qui s'est inscrite en médecine à l'Université McGil qui m'a demandé une lettre de références mais je suis bien content de ne plus avoir à marcher sur un terrain miné par l'hypocrisie et le dénigrement de certains collègues. "J'ai déformé le nom d'un collègue en l'appelant "trempette" ce qui était devenu son surnom dans tout le collège. Ce passionné de théâtre ne me le pardonna jamais et se vengea de diverses façons. Je ne m'ennuie certainement pas de l'obsession de l'évaluation, de la Commission de l'évaluation de l'enseignement collégial et de l'imposante et chatouilleuse Louise C. ex-directrice des études au collège Ste-Foy, de l'évaluation par compétences lors de la Réforme de 1994, du rapport d'évaluation de la formation générale qui nous obligea à quinze réunions fastidieuses et inutiles, de la coordination des plans d'études des quatre enseignants et enseignantes qui donnent le même cours Français 101, analyse littéraire, de l'obligation qu'on essaya en vain de m'imposer d'enseigner le schéma actantiel de Greimas pour que l'enseignante qui donne le cours 102 n'ait pas trop de travail la pôvre, sans oublier le désarroi des garçons de mécanique et d'électrotechnique devant les exigences du français écrit. Je ne tiens pas à l'accabler, mais la directrice avait une maîtrise en évaluation: nous n'étions pas faits pour nous entendre. C'est la preuve qu'elle était obsédée par l'évaluation, en particulier, la sienne. Nous allions volontairement et malicieusement lui faire vivre le stress imposé aux jeunes enseignants qui sont en période de probation et qui ont à être évalués."

Le soleil entrait par la fenêtre et faisait une colonne de lumière où grouillaient des poussières dorées. Des odeurs de résine d'épinette s'infiltraient dans la maison. Pour alléger la conversation, Félix demanda candidement, juste pour rire: "Est-ce qu'il y a du sexe dans ton livre? Le Voyageur répondit: "S'il y en a, c'est subliminal. La scène la plus érotique est au début: je rencontre la directrice qui est une bourgeoise, une femme mûre séduisante, bien habillée, maquillée, pomponnée et parfumée et, sans avertissement, je lui dis qu'elle a de belles jambes. Elle n'en est pas encore revenue. L'attirance pour le beau bonhomme directeur des ressources matérielles ou pour le président de la Fédération à la carrure d'athlète aurait inspiré un romancier. Il est aussi question des charmes de la directrice auxquels un enseignant disciple d'Urantia aurait été sensible mais ça ne va pas plus loin. Je n'étais quand même pas pour en faire une Mae West, une femme fatale, fatale pour tous sauf pour les valeureux et incorruptibles militants syndicaux. Je vais envoyer mon manuscrit aux Editions Trois-Pistoles et on verra bien. Ça me donnera l'occasion d'entrer en contact avec Victor-Lévy Beaulieu qui est un écrivain que je n'ai pas tellement lu pendant mes études de Lettres. Je vois bien aujourd'hui que c'était une erreur. Mais je me reprends. Je me suis amusé récemment à observer la technique de ses dialogues dans ses séries télévisées qui passent en reprise. Le personnage demande à savoir quelque chose. l'autre personnage dit: "Non je ne te le dirai pas." Et ainsi de suite: Ça crée une tension dramatique. Son livre sur Jacques Ferron est remarquable."

C'est à ce moment précis que je lui dis que j'étais éditeur. "Est-ce que tu sais, lui dis-je, que Victor-Lévy Beaulieu a gardé un très mauvais souvenir de la poursuite en diffamation de Lise Payette à la suite d'un article de Nathalie Petrowski publié en première page du Devoir; VLB accuse Lise Payette de piratage à propos de sa série télévisée "Montréal ville ouverte"? Il a perdu un procès et ça lui a coûté 125,000 $. C'est ce qu'il raconte dans un livre publié en 2004 aux Editions Trois-Pistoles: Ecrire De Race de monde au Bleu du ciel. Comme VLB le dit de cette époque où l'alcool l'aidait à écrire Montréal P.Q.,le ciel lui est tombé sur la tête et le ciel s'appelait Lise Payette. Ton livre lui rappellera cet épisode malheureux de sa vie passée. Ça ne t'aidera pas. 125,000 $, c'était beaucoup d'argent à l'époque. D'un autre côté, comme il est misogyne, tes attaques contre la directrice lui plairont. Mais sa recherche de l'originalité le rend très exigeant. Et en plus, ses ressources financières sont fort limitées."

"N'est pas misogyne qui veut, dit-il. VLB est un ratoureux. Je soupçonne que sa famille, ses frères, ses soeurs, sa mère, son père et son autobiographie en général sont des points de départ dont il fait ce qu'il veut selon les besoins d'une dramatisation exigée par le texte qu'il qualifie de roman. De toutes façons, dit-il, j'ai l'intention de faire un voyage en Gaspésie et en passant, j'irai porter moi-même mon manuscrit aux Editions Trois-Pistoles, au 31 Route Nationale Est dans la paroisse Notre-Dame-Des-Neiges sur la route 132. J'en profiterai pour bavarder quelques instants avec le barbu aux moutons frisés et aux sept chiens aux noms pittoresques de Saint-Lucie, Numéro Deux, Micropuce, Bonhomme, Snoopy, Tifille et Bidou-Laloge. J'espère que, entre deux jappements de ses chiens, je pourrai placer un mot. Je ne crois pas que les luttes syndicales l'intéressent. Il n'a jamais rien vécu de tel étant ce que j'appellerais un travailleur autonome depuis toujours et c'est ce qui fait sa force. Comme il le dit lui-même dans le message enregistré sur sa boîte téléphonique, comme éditeur, il se dit producteur d'armes d'instruction massive. Il n'a jamais eu à convaincre un éditeur: il se publie et se republie lui-même. A ce point de vue, je l'envie. C'est un cas unique. Il a conscience d'avoir fait une oeuvre. J'ai peu d'espoir qu'il me publie car je doute que mon histoire le touche mais mon idée est de prendre contact avec lui; à l'époque, je n'ai pas lu ses romans parce que la calligraphie Morial-Mort faisait misérabiliste et que le jouage de foufounes dans les ruelles et les scènes de sexe garrochées de Race de monde m'avaient rebuté. Une lecture superficielle m'avait induit à penser que la longue queue et le minou aux poils abondants répétés vingt fois étaient là pour choquer les petit-bourgeois et les intellectuels d'Outremont. J'ai passé mon enfance et mon adolescence autour du Parc Lafontaine et du marché St-Jacques, je ne suis certainement pas prude et rien ne me choquait vraiment dans la prose de Beaulieu. Certains de mes amis d'enfance ont fait de la prison en particulier un certain Dubuc qu'on appelait le blond sale et qui m'avait donné des poux en se tiraillant avec moi. Parlant de poux et de misérabilisme, avec Une saison dans la vie d'Emmanuel de Marie-Claire Blais, j'en avais eu pour mon argent. J'ai quand même aimé Le Cassé de Jacques Renaud qui avait l'avantage d'être un livre court où j'ai retrouvé le joual de mon quartier du bas de la ville de Montréal. Après la lecture des auteurs français Molière, Racine, Pascal, Corneille, Claudel, Péguy et Bernanos, ce fut un choc. J'ai lu récemment plusieurs des livres de VLB dont Race de monde avec grand plaisir. Ça m'a tout l'air que son oeuvre est une gigantesque psychanalyse sans fin. Je suis en train de lire Les grands-pères. C'est très bon. Jacques Ferron a eu raison de faire l'éloge de ce roman qui est d'un réalisme puissant. Victor-Lévy Beaulieu est un grand écrivain, il n' y a pas de doute là-dessus. Je le lis tardivement et gratuitement pour le plaisir et c'est un avantage comme quand j'ai découvert Montaigne à 40 ans, en lisant le chapitre De l'institution des enfants; je me suis rendu compte que, sans le savoir, dans mon enseignement, j'appliquais les principes pédagogiques de l'auteur des Essais que je lis et relis sans me lasser. Dans Les grands-pères, un passage m'a rappelé la forge tout près de chez ma grand-mère Gervais et les voitures du guénilloux, du laitier, du boulanger ou du vendeur de glace tirées par un cheval costaud et nonchalant sur la rue Brébeuf en plein Montréal dans les années quarante: "Les enfants monteraient derrière lui, se cacheraient sous les peaux tandis que l'étalon, les pattes écartées, chierait patiemment, emplissant les yeux de Millien d'une beauté qui était la beauté des grosses crottes brunes faisant un tas fumant dans la neige." Toute mon enfance surgit dans cette odeur de crottin de cheval accompagnée de l'image des moineaux qui picorent. Qu'est-ce qui pouvait bien intéresser les moineaux dans ces grosses boules brunes qui, une fois gelées, nous servaient de balle pour jouer au hockey dans la rue entre les énormes bancs de neige de huit pieds de haut. L'éditeur du Bas-St-Laurent aime s'en prendre aux professeurs retraités qui lui envoient des manuscrits où, dit-il, on écrit comme au 19è siècle. Je ne sais pas trop ce que ça veut dire. Il faudrait qu'il s'explique là-dessus. Des Joyce, ça court pas les rues. Quant à son appui à Mario Dumont, il le fait, paraît-il "pour brasser la cage".

"Envoie-moi ton manuscrit quand tu auras fini, lui dis-je. je pourrais être intéressé. Ça sera moins prestigieux que les Editions Trois-Pistoles, mais ce que tu veux, c'est d'être publié, n'est-ce pas!"

En mangeant du fromage Migneron et en buvant son deuxième café, comme personne n’était pressé et que 80% des hommes de plus de soixante-ans avaient un jour ou l’autre des problèmes de prostate, à l’invitation de sa femme qui lui tendit la perche, le Voyageur ne se fit pas prier pour raconter avec force détails ses problèmes de santé, lui qui n’avait jamais été malade, problèmes dont il prit conscience quand, en urinant, il entendit le toc toc toc de trois petites pierres rondes et beiges tombant sans douleur dans les toilettes, le 16 mars 2005 vers neuf heures du soir ce qui le mena, sur les conseils d’une infirmière d’Info-Santé rejointe par téléphone, à l’urgence de l’hôpital Pierre-Boucher de Longueuil jusqu’à deux heures du matin. Il raconta que le médecin de l’urgence, un petit vietnamien, après avoir tâté sa prostate dans la nuit, refusa de lui donner plus d’information prétextant que son doigt n’était pas assez long et que, de toutes façons, il lui fixerait un rendez-vous avec un urologue “puisqu’ici, dit-il, on travaille en équipe”. Il prit des antibiotiques pour se débarrasser d’une infection urinaire. Il en était là parce qu’il n’avait pas tenu compte de l’alerte (comme disait son ami Luc Charbonneau) du 13 juillet 2004 quand, en fin d’après-midi, après avoir réussi le seul trou d’un coup de sa longue carrière de golfeur, au quatrième trou de 156 verges du parcours Madeleine, avec un fer six Titleist DTR et une balle Top-Flite 1Hot XL qu’il conserve précieusement comme un trophée, en urinant dans la haie de cèdre à côté du vert du sixième trou du club de golf de Verchères, il vit du sang dans son urine causé par les pierres qui avaient accroché une veinule, ce qui l’inquiéta beaucoup car, à ce moment-là, il ignorait la cause de ce qui s’appelle savamment une hématurie macroscopique. Il était comme la plupart des hommes qui négligent de se faire examiner par un médecin à moins d’y être forcé par un malaise persistant ou une douleur inquiétante. Plus tard, il devait apprendre qu’une quinzaine de pierres de forme ronde et lisse dont trois de 1.2 cm de diamètre (ce qui est plus gros qu'un noyau de cerise de France) s’étaient formées dans sa vessie à cause d’une hypertrophie béniqne de la prostate (HBP) et d’une alimentation trop riche en calcium provenant de fromages divers et des deux verres de lait qu’il prenait assez souvent avec un morceau de gâteau de la pâtisserie Rolland en regardant l’émission sportive 110%. Une quinzaine de calculs dans la vessie, c’était une véritable carrière devait dire plus tard une infirmière taquine.
Après un effort physique pour descendre un matelas du grenier, un matin ensoleillé très chaud de l’été 2005, comme c'est arrivé plusieurs fois à Montaigne, une de ces pierres se coinça dans l’urètre, l’empêcha d’uriner et nécessita une autre visite à l’urgence de l’hôpital Pierre-Boucher. Il fallut une intervention du Dr Jean-Louis Bourque qu’il avait rejoint par miracle le matin par téléphone à l’hôpital de Lasalle: celui-ci apprenant qu'une pierre était coincée dans l'urêtre eut spontanément la réaction suivante: "Soda!" dit avec empathie le très laconique docteur. Au début de l’après-midi, après avoir atttendu quatre-vingt dix minutes (c’est long) en robe d’hôpital verte pâle ouverte par en arrière, dans un cubicule, assis sur un tabouret pendant l’heure du dîner, devant l’incapacité du médecin de garde qui zigonnait sans succès avec je ne sais quel instrument, l’urologue costumé quitta le bloc opératoire et descendit à l’urgence, ce qui est quand même spécial, accompagné d’une infirmière expérimentée et très jolie qui avait beaucoup d'aplomb, fit une piqure au glorieux organe, sortit le bistouri pour évacuer une pierre ronde de 1 cm. de diamètre coincée dans l'urètre qu’il déposa dans la main du patient à sa demande et utilisa une aiguille pour coudre des points de suture. Quand le patient se releva soulagé et content, il n’avait presque pas souffert mais, à sa grande surprise, il baignait dans son sang comme à la boucherie et il fallut plusieurs minutes à deux infirmières fraternelles pour le laver. Comme il venait de remercier le Dr Bourque pour son sens du timing et sa dextérité, la jolie infirmière lui dit: “Vous êtes un homme solide”, ce qui lui fit grand plaisir puisque c’est ce qu’il avait démontré au fond par son comportement assez cool dans les circonstances, mais avait-il le choix, lui que les Sulpiciens du Grand Séminaire de Montréal avaient déclaré “douillet” parce qu’après quarante minutes de sport (balle au mur, ballon balai ou balle molle selon la saison), il mettait une veste de laine pour écouter les élucubrations du Supérieur François Paradis pendant sa “conférence spirituelle” de début de soirée. Il faisait confiance aux soins de santé québécois et les services qu’il venait de recevoir le confortaient dans cette attitude, lui qui n’était pas allé à l’hôpital depuis l’accident subi dans les années quatre-vingt pendant une partie de balle molle au camping municipal de La Tuque où il avait fallu lui faire douze points de suture au-dessus de l’oeil droit suite au geste violent et imbécile de l’arrêt-court qui lui avait accroché les lunettes en le retirant au deuxième but parce qu’il se croyait en train de jouer le septième match de la série mondiale. Et le lendemain, il était sur le terrain de balle mais sans ses lunettes.
La présence de ces calculs dans la vessie exigea l’intervention du même chirurgien compétent mais peu loquace, qui enleva habilement les quinze pierres par les voies naturelles lors d’une opération qui eut lieu à l’hôpital de Lachine, à 9 heures du matin, le 8 septembre 2005: il conserve précieusement ces calculs qu’il est allé chercher au laboratoire de l’hôpital et qui font partie de son dossier qui contient des photocopies de presque tous les examens qu’il a subis. Avant cette opération réussie, à cause d’un taux de PSA (antigène spécifique de la prostate) relativement élevé, le médecin avait prescrit prudemment des examens de médecine nucléaire et un scan de l’abdomen, ce qui laissa croire au patient qu’il pouvait avoir un cancer de la prostate, ce qui lui coupa littéralement l’appétit. Il fallut attendre les résultats d’une biopsie, trois mois plus tard et trente livres en moins, pour entendre le spécialiste un peu étonné quand même et ravi lui dire dans un bureau de l’hôpital Pierre-Boucher cette courte et magnifique phrase: Vous n’avez rien, en lui donnant amicalement une photocopie du rapport de biopsie qui disait, après une analyse de dix prélèvements de sa prostate: absence de néoplasie. Ce diagnostic fut confirmé par une analyse des fragments de prostate qu’il avait fallu couper pour permettre à trois grosses pierres de passer lors de l’intervention chirurgicale que l’homme de l’art avait qualifiée en disant: "Cela a été dur" car enlever des pierres de la vessie, ce n’est pas comme prendre des raisins dans un panier: certaines sont incrustées dans les parois. Après l’opération, un malencontreux caillot noir et long comme un verre de terre bloqua la sortie de la vessie, caillot que la coordonnatrice appelée de toute urgence siphonna au milieu de cris de douleur pendant qu’il serrait fortement la main de sa femme. Il a fallu passer la nuit à l’hôpital pour nettoyer la vessie ensanglantée, à l’aide d’une sonde à triple voie et de quarante-deux sacs d’eau saline qu’il avait eu le loisir de compter pendant sa nuit agrémentée du bruit constant du liquide rougeâtre qui tombait dans une chaudière à côté de son lit. Vers midi, l’action pourtant si simple d’uriner lui procura une joie divine pendant que sa femme était en route vers l’hôpital de Lachine pour venir le chercher. Il savait déjà, avant les révélations de l’ex-président de Radio-Canada Guy Fournier à une radio communautaire relayées par l'émission télévisée Tout le monde en parle, que tout exercice d’une fonction naturelle s’accompagne d’un plaisir. "Nature a maternellement observé cela, écrit Montaigne, que les actions qu'elle nous a enjointes pour notre besoin nous fussent aussi voluptueuses, et nous y convie non seulement par la raison, mais aussi par l'appétit." (III,13)) Si ce bavard vaniteux de Guy Fournier avait utilisé ce langage philosophique au lieu de tomber dans la scatologie pour se rendre intéressant, il serait resté président de Radio-Canada mais tant pis pour lui.
Ses recherches sur l’internet, ses lectures sur le sujet et son expérience propre lui apprirent que le taux de PSA n’était pas facile à interpréter. Un taux plus élevé que la normale ne veut pas dire nécessairement un cancer; cela peut être causé par un adénome, ce qui est bénin. Il a appris récemment qu’une prostate pesant 100 grammes pouvait s’accompagner d’un taux de PSA de 15 nanogrammes; avec une prostate pesant 128 grammes, il n’y avait donc pas lieu de s’inquiéter de son taux de PSA, se disait-il sans être absolument certain de sa conclusion. Les conseils et le support moral d’un professionnel de son collège (le président de la coopérative qui administrait la cafétéria), furent extrêmement utiles car ce confrère dans la cinquantaine affecté d’un cancer de la prostate peu développé qui fut traité avec succès par radiothérapie à l’hôpital Notre-Dame de Montréal, ayant passé à travers toutes les étapes, avait une formule réconfortante qu’il était pratique de se répéter dans l’attente plus ou moins longue des divers examens, cystoscopie, médecine nucléaire, scan de l’abdomen, biopsie, prises de sang: “C’est une affaire de rien!”, ce qui, par autosuggestion, permettait de diminuer et même de dissiper les inévitables inquiétudes et même, les angoisses devant le sentiment cuisant de notre finitude comme dirait le philosophe et la confirmation que "nous vivons dans un monde imparfait".

Deux médicaments complémentaires sans effets secondaires, le Xatral et l'Avodart, suffisent actuellement à rendre acceptables les effets de l’hypertrophie bénigne de la prostate sur les organes urinaires. Il n'y a pas trop de gêne domme disent les livres sur la prostate. Selon sa pharmacienne férue de l’énergétique chinoise, les pierres dans la vessie sont la cristallisation d’émotions négatives, de l’insécurité, de la peur et sa grosse prostate est la projection dans un organe masculin de ses difficultés à assumer son rôle d’homme devant la Directrice et peut-être même devant sa femme. Nous avons bien ri de cette théorie chinoise mais pas lui qui regardait par la fenêtre d’un air songeur car cette idée que ce qui se passe dans l’âme pouvait avoir des répercussions sur le corps lui paraissait juste. Après tout, influencé par Aristote et saint Thomas d'Aquin, il croyait qu'il y avait une union substantielle entre l'âme et le corps. Danièle, la pharmacienne, avait aussi ajouté: ce sont des conséquences de la relation de l'enfant avec sa mère. Ce qu'elle avait accompagné de fraternelles confidences sur sa relation traumatisante avec sa mère qui serait la cause d'un cancer de l'utérus qu'elle a soigné et guéri. On a conclu que comme tout le monde a eu une mère et un père imparfaits, tout le monde est malade avec beaucoup de complexes d'Oedipe et de complexes d'Electre non résolus. Cette conclusion nous rendit fort mélancoliques malgré l'atmosphère chaleureuse du déjeûner de Gilberte. Pour faire diversion, le Voyageur amena de l'eau à notre moulin en disant que sa femme (qui souriait) était une Germaine Faucon, elle gère et elle mène et faut qu'on l'écoute. Il ajouta en prenant un air dépité que depuis plus de quarante ans, il était en perte d'autonomie. Tout le monde éclata de rire.

Dans un premier temps, de mars à novembre 2005, pendant neuf mois, ces problèmes de santé totalement imprévus l’avaient beaucoup contrarié et avaient mobilisé son attention au début de sa retraite prise en juin 2005 mais ne l’avaient pas empêché d’écrire. Au contraire, la fréquentation de l’urgence de l’hôpital Pierre-Boucher et de différents services, prises de sang, médecine nucléaire, scan de l’abdomen, de la clinique des urologues du boulevard Taschereau, à Longueuil, de la salle d’opération de l’hôpital de Lachine et de ses services annexes, du CLSC de Longueuil-Ouest et du laboratoire de pathologie de l’hôpital Charles-Lemoyne lui fit bénéficier de la bienveillance et des services complémentaires de personnes dévouées, médecins, secrétaires, infirmières et techniciens, techniciennes, consciencieuses et compétentes. ll faisait remarquer que les moments d’attente avant les différents examens ou rencontres avec le médecin étaient fort propices au travail sur soi et à la réflexion sur l’humanité souffrante "gementes et flentes in hac lacrimarum valle" gémissant et pleurant dans cette vallée de larmes. Pauvre humanité! disait Le Survenant. "Incidemment, nous dit-il, il est quand même extraordinaire que Montaigne, mon écrivain préféré, ait souffert de colique néphrétique: à au moins cinq reprises, une pierre provenant des reins se coinça dans son uretère, ce qui est plus douloureux et plus grave." Qui sait si Dieu voudra qu'il en advienne comme des corps qui se purgent et remettent en meilleur état par longues et grièves maladies, lesquelles leur rendent leur santé plus entière et plus nette que celle qu'elles leur avaient ôtée?" (III, 9)

Après avoir appris qu’il n’avait rien, il a vite retrouvé l’appétit et a repris, hélas!, une bonne partie des kilos perdus. Cette expérience de la maladie et des services de santé québécois fut somme toute extrêmement positive et le stimula. Par sa précision dans la description du traitement de sa maladie, il tenait à faire l’éloge des soins de santé au Québec. Je crois qu’il voulait aussi suggérer qu’il serait aussi précis dans la description du conflit qui opposa le syndicat des enseignants à la Direction de son collège. J’en ai eu une preuve éclatante quand, plusieurs mois après cette rencontre, j’ai reçu le manuscrit de l’histoire que l’on va lire provenant du Voyageur de Charlevoix.

Bien des gens qui figurent dans cette histoire admettront qu’elle n’est que trop vraie. Elle réveillera des souvenirs que le temps avait commencé à effacer. Celui qui en est un des acteurs importants en même temps que d’être l’auteur de toutes les parties de cet ouvrage, souhaite qu’elle ne blesse personne et croit qu’elle n’est pas sans utilité. Je ne pense pas comme lui sur l’utilité que ce livre peut avoir; chacun ne s’instruit qu’à ses dépens dans ce monde où certains ne vous croient pas si vous leur dites que le poêle est brûlant à moins de s’être brûlés eux-mêmes en y mettant la main. Je publie ce manuscrit comme une histoire où s’expriment de façon véridique des passions humaines. L’ex- directrice déchue "a été punie de son caractère par son caractère même et par cette faiblesse qui s’en prend toujours aux autres de sa propre impuissance et qui ne voit pas que le mal n’est pas dans les alentours mais qu’il est en elle" (Adolphe, Benjamin Constant). Le mal était dans une volonté de domination ne pouvant se satisfaire que de la soumission des autres.

Malheureusement pour elle, les quatre membres de l’exécutif du syndicat et leurs principaux alliés mettaient beaucoup de fierté dans une insoumission et une résilience inspirées par le plus grand écrivain français du seizième siècle, Michel de Montaigne, auteur des Essais publiés en 1592, qui est souvent cité dans cet ouvrage. Lors de la première rencontre avec la directrice qui était un mélange de Philaminte et de Célimène, en août 1997, le glamour qui se montrait dans sa coiffure, ses vêtements, ses attitudes était à sa personne l’équivalent du décorum dans la vie sociale. Elle n'avait pas sa pareille pour aller chercher des dons pour la Fondation. Ses confidences permettent de mieux comprendre les motivations de cette adversaire décrite par l’auteur à qui la lecture du Père Goriot et des Illusions perdues de Balzac a réveillé la veine fictive. Il s’est mis à la place de l’autre pour imaginer toute l’histoire à travers ses yeux. D'une certaine façon, à ses risques et périls, il s'est fait son avocat. Ces pages sont écrites comme si la personne qui dit “je” était un personnage de roman. Il faut savoir que dans la vraie vie, elle n’était pas tellement romanesque, pas pour ses adversaires en tout cas, mais, à distance, elle l'est devenue.

Les Confidences d'une femme d'action font le portrait de l’adversaire jusqu’à la rendre, à la limite, sympathique. Le chapitre C’est la faute à Montaigne montre l’autre côté de la médaille en expliquant que des poursuites de 80,000 $ et de 170,000 $ ainsi que des actions répétées de harcèlement, ce n'est pas si sympathique que ça. La visite non annoncée de deux cadres féminines dans une classe avec un questionnaire d'évaluation, ce n'est pas plaisant. Quant aux documents, il faut être conscient que leurs auteurs, des deux côtés, ont soupesé chaque mot puisque les deux parties étant en guerre ouverte, l’épée de Damoclès de poursuites, de griefs ou de plainte au Tribunal du travail qui étaient les armes du combat planait sur chaque mot qui pouvait être interprété de travers. D'où leur intérêt. Il ne faut pas oublier que ces textes des uns et des autres étaient rendus publics et étaient lus par plus de deux cents membres du personnel et leurs relations sans compter des reportages sur le conflit à 25,000 exemplaires dans le journal local. Toute une région a été impliquée. Cette bataille des communications faisait partie de la guerre.

A la fin du parcours, celui que la directrice a voulu faire passer pour le Grand Diffamateur et qui a pris sa retraite après quarante ans dans l’enseignement post-secondaire, propose à son ennemie non pas une réconciliation jugée impossible mais un cessez-le-feu et la fin de leur hostilité comme deux combattants s’accorderaient l’immunité sur le champ de bataille. Cette adversaire qui a essayé de rester au pouvoir alors que ses cinq acolytes étaient partis un par un ne pourra se libérer de sa paranoïa tyrannique qu’après avoir accordé la liberté de parole qu’elle a jusqu’ici refusée à son opposant; pour ce faire, elle résistera à la tentation judiciaire à laquelle elle a déjà succombé trois fois; elle cessera d’être une quérulente, c’est-à-dire quelqu’un qui abuse des Tribunaux, et elle reconnaîtra que l’analyse syndicale est cohérente et légitime même si elle la croit incomplète, biaisée et même injuste ce qui est sans doute vrai. La Reine ayant encaissé cette mercuriale à l'occasion de la description de ce que Montaigne aurait appelé une guerre intestine, les deux protagonistes auront été libérés par la parole. Tout idéaliste qu’il soit, c’est le souhait que j’exprime avant de laisser le dernier mot au lecteur. En publiant ce livre, un interdit est défié. S'il y a un suspense, il est là.

L’Editeur, treize octobre 2007- vingt mars 2008


Le samedi 13 octobre à 14h30, le jour où une camionnette GMC Sierra conduite par un maître-électricien de Gatineau m'est rentré dedans en tournant au coin de St-Charles et La Fayette à Longueuil provoquant la perte totale de ma Honda Accord LX automatique 1992 gris métallique. Comme l'a dit la policière, il a foncé dans ma ligne et est responsable d'un accident que personne n'aurait pu éviter. Il n'y a pas eu de blessés. La voiture de police est restée sur place pendant une heure, Salim et Marie-Eve Cloutier dans la jeune trentaine me tinrent compagnie et ont appelé le remorqueur alors que ma voiture était immobile au milieu de la rue sous la pluie froide après le départ des ambulanciers qui passaient par là par hasard et se sont arrêtés pour voir s'il n'y avait pas de blessés. Le lendemain, j'ai appelé le capitaine Côté de la police de Longueuil pour lui exprimer ma satisfaction des bons services de ces deux policiers affables et compétents. Il y a tellement de gens qui appellent pour chialer pourquoi ne pas le dire quand on est satisfait.


Générique syndical

L’exécutif du syndicat des enseignants:
Le président (Daniel T.): l’Ebéniste, le vice-président (Gilles C.): le Politique,
le vice-président (Robert Barberis): le Littéraire (le Voyageur); le secrétaire-trésorier (Pierre G.): l’Irlandais. L’avocat du syndicat: (Me Jacques L.):
Membre du Comité des relations du travail (France P.-C.): l’Infirmière
Le vice-président de la Fédération (Daniel L.): le Syndicaliste
Le représentant des enseignants au CA du collège (Paul M.): (l’Ingénieur)
La représentante du personnel de soutien (Lise L.): la Courageuse
L'étudiante membre de l’Exécutif du C.A. (Lorraine B.): l’Etudiante
Le président du Café-du-Bourg et professionnel (Pierre N.)
Le coordonnateur du département de français (Michel C.): le Grammairien
La rédactrice en chef du journal local: Louise G.-R.
Membres de l’exécutif du syndicat en 2003-2004: président: le Politique; vice-président aux griefs: Le Littéraire; Jocelyn B. (v.p. à l’information), Louis-Philippe P. (sec-trés.)

Générique patronal

La Directrice générale: la Dégère, la Reine
Le Directeur des études (Christian M.); Le Soumis
Le Directeur des ressources matérielles, de la formation continue et de l’International; le Séduisant
La 2è Directrice des ressources humaines: l’Avocate de service
L’adjointe aux programmes: l’Adjointe (Louise K.) Une étudiante de bureautique manifesta son étonnement devant sa visite surprise totalement inappropriée avec un questionnaire en se disant: "Qu'est-ce qu'elle fait là?" La déformation de cette question amena un surnom réservé aux plaisanteries entre nous donc non rendu public. On l'appelait: "Kakafala".
L’adjoint à l’organisation scolaire: Grandpied (Claude C.)
L’avocat de la région engagé par le Collège: l’avocat local
Le technicien-enseignant en électrotechnique : Amable Beausapin dit Amable
Le président du Conseil d’administration: Michel P., le Chasseur


La Direction est formée de la Directrice générale, du Directeur des études, du Directeur des ressources matérielles et de la Directrice des ressources humaines. Ces quatre directeurs forment la Régie. La Directrice générale et le Directeur des études sont des hors-cadres et font partie du Conseil d'administration du collège.

Les acteurs (et les actrices)

A. L’exécutif du syndicat des enseignants était formé d’un prof. de biologie dit l’Ebéniste, président, d’un prof. de sciences politiques dit le Politique, vice-président aux griefs, d’un prof. de français et de littérature, dit Le Littéraire, vice-président à l’information, membre du Conseil d’administration comme représentant des enseignants et d’un prof. d’anglais dit l’Irlandais, secrétaire-trésorier. Puis, le vice-président aux griefs est devenu président, le prof. de français, v.-p. aux griefs, le prof. d’anglais, v.-p. à l’information et le prof. de biologie, secrétaire-trésorier. Un prof. de sociologie, ex-président de notre syndicat, vice-président de la Fédération, dit le Syndicaliste était responsable des services juridiques et des finances: c’est la Fédération qui a payé notre avocat, Maître Jacques L. dont les frais ont été moins de la moitié de ceux déboursés à l’avocat local qui a coûté au collège la rondelette somme de 48,900 $. Il a fallu recourir à la Commission d’accès à l’information pour obtenir ce renseignement.
La technicienne en biologie dite la Courageuse était membre du Conseil d’administration comme représentante du personnel de soutien: son courage et son intégrité furent remarquables. Un prof. de génie électrique dit l’Ingénieur, un homme de principe, compétent et impliqué, était l’autre représentant des enseignants au Conseil d’administration. La Fédération regroupe des syndicats d’enseignants de niveau collégial. Le CRT est le Comité des relations du travail formé de trois administrateurs et de sept enseignants, les quatre membres de l’exécutif du syndicat et trois élus par l’Assemblée générale, en particulier, la coordonnatrice du département de Soins Infirmiers, dite l'Infirmière, présente au Conseil d’administration du 19 juin 2001 et qui a fait des mises au point fort utiles en particulier auprès de ses nombreuses collègues en Soins infirmiers, comme témoin crédible de ce qui s’était passé. Le coordonnateur du département de français, prof. de cinéma, dit le Grammairien (il a publié une grammaire) a pris sa retraite en juin 2006.

B. Professeur de chimie pendant onze ans, conseillère pédagogique et adjointe au D.E. puis Directrice des études avant d’être nommée Directrice générale en 1997, appelons-là “ la Dégère” ou la Reine. Après avoir choisi une cadre de Thetford Mines, elle a engagé une avocate de la région dite l’Avocate de service comme directrice des ressources humaines en prévision de la judiciarisation des relations de travail. Les autres acteurs sont mentionnés à mesure: le directeur des études, dit le Soumis; l’adjointe aux programmes dite “l’Adjointe” et l’adjoint à l’organisation scolaire dit Grandpied; l’avocat local; Amable Beausapin, technicien en électrotechnique puis enseignant, dont la ressemblance avec le personnage du même nom du Survenant est frappante.

Le Directeur des ressources matérielles, de la formation continue et de l’International dit le Séduisant a créé une Corporation qui a donné lieu à beaucoup de comptabilité créative et qui a fait un déficit de 135,000 $ avant d’être dissoute. Il avait le même style que la Dégère. Si on regardait de plus près les états financiers et les frais de représentation des voyages (logement, transport, repas, frais divers) des administrateurs de ce qu’on appelle les “corporations apparentées” de certains cégeps, ces faux bénévoles, on verrait tous les avantages qu’ils retirent de ces organismes sans but lucratif, OSBL, créés pour “gérer des subventions et développer des projets” comme le disait récemment une de ces administrateures, l’Avocate de service retraitée. Ce directeur des ressources matérielles ayant quitté notre collège a été nommé directeur général d’un autre collège. A l’hiver 2007, il a été obligé de remettre sa démission après une série de péripéties qui sont racontées dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe accessible sur l’Internet dans les Archives du journal. Les journalistes du Courrier ont monté un dossier accablant qui a forcé la démission du grand maître de l’International qui nous avait fait remarquer qu'il fallait dire "technicité" et non "technicalité". De toute évidence, il s'y connaissait plus en français qu'en chiffres. La mentalité du maire d'Outremont qui a été forcé de démissionner à cause de dépenses somptuaires est plus répandue qu'on ne croit.


Mise en contexte juridique

Extraits du film "A civil action" avec John Travolta et Robert Duvall.

Lawsuits are war (les poursuites, c'est la guerre)
It is as simple as that (c'est aussi simple que ça)
and they begin the same way (et ça commence toujours de la même façon)
the declaration of war: (la déclaration de guerre)
the complaint (la poursuite).
When your'e a small firm (quand vous êtes un petit bureau d'avocats)
and ther'e the big one ( et que, eux, ils sont la grosse firme d'avocats)
steeped in history and wealth ( imbu d'histoire et de richesse)
like they always are (comme elles le sont toujours)
with their persian carpets on the floor ( avec leurs tapis persans sur le plancher)
and their Harvard diplomas hanging on the wall ( et leurs diplômes d'Harvard suspendus au mur)
it's easy to be intimidated (c'est facile de se laisser intimider)
don't (ne le soyez surtout pas)
That's what they want (c'est ce qu'elles veulent)
that's what they expect (c'est ce qu'elles espèrent)
like all bullies (comme toutes les brutes puissantes)
as so they win (pour gagner et pour vous écraser)
I don't run away from bullies (je ne me sauve pas devant des brutes)

(John Travolta qui joue Jan Schlichtmann, l'avocat qui se bat contre les compagnies polluantes au nom des parents)

The idea of criminal court is crime and punishment. The idea of civil court though nobody wants to say it outloud in MONEY. (Robert Duvall, avocat de la compagnie polluante responsable des maladies et des morts d'enfants)
L'idée d'une cour criminelle, c'est le crime et sa punition. L'idée d'une cour au civil, même si personne ne veut l'admettre ouvertement, c'est l'ARGENT.

Sur 780,000 poursuites chaque année aux Etats-Unis, 12,000 seulement aboutissent à un verdict, soit 1.5%. L'idée principale derrière une poursuite est d'obliger l'autre à céder en suppliant pour avoir une entente à ses propres frais jugés inférieurs au résultat d'un procès.

Une cour de justice n'est pas un endroit où on cherche la vérité. (Robert Duvall)



C O N F I D E N C E S
D' U N E
F E M M E
D' A C T I O N


D O C U F I C T I O N


Comme en matière de bienfaits, de même en matière de méfaits, c’est parfois satisfaction que la seule confession. Est-il quelque laideur au faillir, qui nous dispense de nous en confesser?
(Montaigne, III)


Extrait de la préface du roman Le coup de grâce de Marguerite Yourcenar.

Ces confidences s’inspirent “d’une occurrence authentique”. Le récit est écrit à la première personne, et mis dans la bouche du personnage principal, procédé auquel j’ai recours parce qu’il élimine du livre le point de vue de l’auteur, ou du moins ses commentaires, et parce qu’il permet de montrer un être humain faisant face à sa vie, et s’efforçant plus ou moins honnêtement de l’expliquer, et d’abord de s’en souvenir. Rappelons pourtant qu’un tel récit fait par un personnage est quoi qu’on fasse une convention littéraire. Une fois admise, néanmoins, cette convention initiale, il dépend de l’auteur d’un récit de ce genre d’y mettre tout un être avec ses qualités et ses défauts exprimés par ses propres tics de langage, ses jugements justes ou faux, et les préjugés qu’il ne sait pas qu’il a, ses mensonges qui avouent ou ses aveux qui sont des mensonges, ses réticences, et même ses oublis.

Mais une telle forme littéraire a le défaut de demander plus que tout autre la collaboration du lecteur; elle oblige à redresser les événements et les êtres vus à travers le personnage qui dit “je” comme des objets vus à travers l’eau. Ce biais favorise l’individu qui est ainsi censé s’exprimer.

C’est, comme on le pense bien, dans les rapports compliqués interpersonnels que se marque le plus cet écart entre l’image que le narrateur trace de soi-même et ce qu’il est, ou ce qu’il a été. C’est pour sa valeur de document humain (s’il en a) et non politique, que ce court roman a été écrit et c’est de cette façon qu'il doit être jugé."



Il faudra en effet “redresser les événements et les êtres qui sont comme des objets vus à travers l’eau”. Il est bien vrai que “ce biais favorise l’individu” qui s’exprime.


La directrice fait penser à un personnage des Femmes savantes de Molière, Philaminte, femme de Chrysale et mère d'Armande et d'Henriettre qui est une despote dont l'autoritarisme forcené fait tout plier à ses volontés. Comme le disait Henriette à propos de sa mère Philaminte:

C'est elle qui gouverne, et d'un ton absolu
Elle dicte pour loi ce qu'elle a résolu.


Par son élégance et son charme, impossible de ne pas penser à la séduisante Célimène du Misanthrope de Molière.

Arsinoé

Mais vous savez qu'il est des choses dans la vie
Qu'on ne peut excuser, quoiqu'on en ait envie;
Et je me vis contrainte à demeurer d'accord
Que l'air dont vous vivez vous faisait un peu tort,
Qu'il prenait dans le monde une méchante face,
Qu'il n'est conte fâcheux que partout on n'en fasse,
Et que, si vous vouliez, tous vos déportements
Pourraient moins donner prise aux mauvais jugements.

Célimène

Pour moi, contre chacun je pris votre défense,
Et leur assurai fort que c'était médisance;
Mais tous les sentiments combattirent le mien;
Et leur conclusion fut que vous feriez bien
De prendre moins de soin des actions des autres,
Et de vous mettre un peu plus en peine des vôtres;
Qu'on doit se regarder soi-même un fort long temps,
Avant que de songer à condamner les gens;
Qu'il faut mettre le poids d'une vie exemplaire
Dans les corrections qu'aux autres on veut faire;

(Molière, Le Misanthrope, acte III, scène 4)


Chrysale (le mari, à propos de sa femme Philaminte)

Pour peu que l'on s'oppose à ce que veut sa tête,
On en a pour huit jours d'effroyable tempête.
Elle me fait trembler dès qu'elle prend son ton;
Je ne sais où me mettre, et c'est un vrai dragon.

(Les Femmes savantes, Molière)



entrée

Mot de la directrice générale

Le 10 novembre 2003
Monsieur le Président,

Le rapport annuel d'activité 2002-2003 exprime d'emblée l'engagement généreux et professionnel de toute l'équipe des quelque deux cents personnes à l'emploi du collège.

Tous et toutes méritent d'être remerciés très vivement de faire de notre Collège un collège humain, soucieux de la réussite de ses étudiants, de ses étudiantes et un partenaire actif dans le développement de la région.

La nouvelle planification stratégique a rallié l'adhésion de tous et de toutes à poursuivre notre engagement dans l'accomplissement de la mission qui nous rassemble, la formation au niveau collégial de citoyens vertueux, responsables et compétents. Ces travaux auront aussi permis la consolidation de notre projet éducatif qu'on a senti bien vivant dans les préoccupations de nos gens. Le comité d'évaluation de la CEEC a clairement, lors de sa visite chez nous en novembre dernier pour l'audit, témoigné de la vigueur de notre projet éducatif et de l'engagement et la passion de nos gens dans sa réalisation.

Je remercie très sincèrement les membres du conseil d'administration de leur confiance et de leur dévouement à l'endroit du Collège.
La directrice générale (signature d'une écriture élégante)




C O N F I D E N C E S
D' U N E
F E M M E
D' A C T I O N

(Docufiction)

Note liminaire

Boutefeu dit le Littéraire

Bouter le feu, mettre le feu. Le mot désigne un bâton garni à son extrémité d’une mèche pour mettre le feu à une pièce d’artillerie. Par un développement métonymique, on est passé à la personne qui met le feu et, par extension, à incendiaire. De nos jours, le mot ne s’emploie qu’avec son sens figuré de personne suscitant des querelles, des conflits, des guerres. Boutefeu est le nom fictif que je donne au Littéraire parce qu’il lui convient car il était, en effet, une personne suscitant des querelles et des conflits. Par son intransigeance, son agressivité et son approche belliqueuse, il a été le principal responsable de la guerre de sept ans. J’admets qu’il n’a pas été le seul de son camp et du nôtre à aimer la confrontation. Mais je l’ai dès le début considéré comme la bougie d’allumage des affrontements, celui qui met le feu aux poudres, parce que le syndicat se servait beaucoup d’écrits et qu’on reconnaissait son style satirique qui m’horripilait, avec, en prime, des citations de Montaigne qui étaient souvent insultantes pour moi. J’ai pris les devants, j’ai essayé en vain de l’intimider, je l’ai considéré comme le leader à abattre et je l’ai traité comme tel sans lui donner de répit. A chacun des coups que je lui donnais, il y a eu une réplique qui, la plupart du temps, a fait mal car il savait où viser; cela contribuait encore plus à le motiver plutôt qu’à le décourager. Il disait que chacune de mes actions contre lui était du harcèlement. Ces coups lui servaient à démontrer ma mauvaisté comme dirait Jacques Ferron et à justifier sa bataille contre moi auprès de ses confrères qui continuaient à l’appuyer puisqu’il était l’objet d’attaques répétées. Ses collègues ne pouvaient le laisser seul contre celle qui le harcelait en se servant de tous les moyens à sa disposition ayant sous ses ordres, selon eux, des cadres serviles et des espions obséquieux. Certains de ces êtres troubles, soit dit en passant, étaient sensibles à mes charmes et je le savais, bien sûr: une femme sent ces choses-là.

Décorum

Ensemble des règles qu’il faut observer pour tenir son rang dans la bonne société. Ce qui relève des convenances, de la bienséance, du cérémonial, du protocole. Apparat officiel. Etiquette. Par exemple, dans une assemblée municipale, à la période des questions, on voit souvent des citoyens s’énerver et s’emporter verbalement contre le maire et ses conseillers à cause d’une augmentation de taxes ou un projet de dépenses. Ils peuvent aller jusqu’à l’injure. C’est un manque de décorum. Il faut être capable d’exprimer un désaccord sans manquer de respect pour les autorités. C’est une question de savoir-vivre et de civilité. Pendant les réunions du Conseil d’administration, nous avons toujours exigé le respect du décorum. Cela a frustré le syndicat des enseignants qui nous a appelée la reine du décorum pour laisser entendre que, pour nous, l’apparence avait plus d’importance que la substance et que nous voulions être obéie comme une reine au pouvoir absolu. A bien y penser, si à cause de mon autorité et de mon attitude majestueuse, mes adversaires m’ont qualifiée de “reine”, pourquoi n’en serais-je pas flattée malgré l’intention satirique évidente et la suggestion que j’étais antidémocratique. Mes espions m’ont dit que mon antagoniste m’appelait une Louis XIV en jupon. Il avait du goût pour l’hyperbole. Bien sûr, une directrice générale a un certain pouvoir. Il m'appelait aussi tyran tritri et Philaminte, le personnage despotique des Femmes savantes de Molière. C'était me direz-vous, un affronteur. Je le crois. La culture, ça ne donne pas le droit d'insulter les gens et ça ne donne pas d'immunité. Qui disait que la culture, c'est comme la confiture: moins on en a plus on l'étend? Je vous offre un peu de confiture aux fraises au seuil de ces confidences.

aire de repos

La confession généreuse et libre énerve le reproche et désarme l'injure. (Montaigne, III, 9)

Il faut que cessent ces injures et ces vômissements.


Enivrez-vous. Il est l’heure de s’enivrer. Enivrez-vous sans cesse! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. ( Baudelaire cité par la Directrice)




Confidences d'une femme d'action

C’est devant le majestueux fleuve Saint-Laurent que j’entreprends la rédaction de ces confidences avec l’intention d’être la plus honnête possible sans dramatiser mais sans minimiser le long conflit qui m'a opposé au syndicat des enseignants. Pour moi, le bilan des sept années que j’ai passées à la direction du collège de ma région est positif. Personne ne niera que j’ai laissé ce collège dans un meilleur état que je ne l’avais trouvé. Et je mets quiconque au défi de prouver le contraire. Le leader négatif qui m’a mis les bâtons dans les roues pendant sept ans aura-t-il la lucidité et l’honnêteté de l’admettre! Non, bien sûr, il en est totalement incapable. Bien que je ne me fasse aucune illusion sur sa capacité d’être objectif qui lui ferait reconnaître mes réalisations faites dans un contexte rendu difficile par l’opposition systématique du syndicat des enseignants, j’ai atteint une certaine sérénité qui ne m’empêchera pas toutefois d’exprimer mon mécontentement ici et là dans le récit que je ferai des événements. Je ne jouerai pas à l'impassible. Malgré ces colères et ces frustrations parfaitement normales, je n’éprouve aucune haine envers Le Littéraire et je ne ressens aucunement le désir de me venger de quelque manière que ce soit. Je suis une femme épanouie, bien dans ma peau et sans complexe. Malgré des coups bas de part et d’autre, j’estime que, tout compte fait, ce fut un combat loyal qui a causé des blessures mais n’a pas vraiment fait de vainqueur ni de victime et n’a pas causé de drame. Des deux côtés, les moyens juridiques ont été utilisés jusqu’à se neutraliser les uns les autres: c’est pour cela qu’il y a eu une entente hors cour. C’est mon opinion et j’y ai droit car ils n’ont pas le monopole, à ce que je sache, de l’intégrité et de l’engagement malgré le dialogue de sourds qui a prévalu pendant toutes ces années où j’étais personnellement au faîte de ma maturité et en pleine possession de mes moyens. Je le dis sans flagornerie car il fallait une bonne dose de confiance en soi pour accepter le poste de directrice générale de ce collège. Je n’entretiens pas d’animosité personnelle contre mes opposants surtout pas envers mon principal adversaire dont j’avais fait, paraît-il, une obsession. Il est vrai que je le voyais dans ma soupe. Il avait le don de m’indisposer et je crois qu'il le faisait exprès. Un peu délinquant, il avait de la difficulté à respecter l'autorité. Ce qui me dérangeait le plus, à part les calomnies et les insultes, c’était que la méfiance et l’hostilité de mes adversaires créaient un si mauvais climat que ma capacité d'initiative en était inhibée. Peu importe ce que je voulais faire, c’était toujours mal reçu et mal perçu. C'était particulièrement frappant avant les conseils d'administration où il ajoutait des points à l'ordre du jour juste pour m'embêter. Il avait l'attitude de l'opposition à l'Assemblée nationale ce qui n'est pas compatible avec le rôle d'un administrateur. Il devrait être interdit à un vice-président du syndicat des enseignants de siéger au conseil d'administration d'un collège. Il était en conflit d'intérêt et je crois qu'il le savait et s'en servait pour essayer de me déstabiliser.

Les poursuites judiciaires, c’est derrière moi, c’est bien fini. J’ai eu ma leçon. Je n’ai plus le gros orteil aussi sensible. Quérulente je fus, quérulente je ne suis plus. A force de recevoir des coups, on devient carapacée. Etre affectée par des attaques, c’est accorder trop d’importance à ceux qui les font. Je pars en voyage pour Vienne et Dubrovnik, mais je n’ai pas emporté dans mes bagages le poids de ces affrontements qui ont miné mes énergies. Je suis une femme d’action dynamique et ambitieuse qui retombe toujours sur ses pieds après une épreuve.

J’ai occupé de 1997 à 2004, la fonction de directrice générale du collège de ma région. Auparavant, j’ai été présente dans le réseau collégial pendant 20 ans; j’ai enseigné la chimie pendant onze ans pour ensuite occuper des fonctions de conseillère pédagogique en recherche et développement, d’adjointe à la direction des études et de directrice des études. Avant tout pédagogue, je suis chimiste de formation et j’ai une maîtrise en mesure et évaluation avec, pour centre d’intérêt, le savoir et son évolution. Membre de plusieurs conseils d’administration, je me suis engagée prioritairement là où ma passion pouvait trouver un exutoire, notamment pendant quatre années comme présidente du concours provincial scientifique et technique Science, on tourne, parrainé par la Fédération des cégeps. J’ai toujours eu un goût pour les nouvelles technologies. A titre de présidente du Centre local de développement (CLD), je suis partie prenante de toutes les initiatives qui contribuent au développement économique de ma région même si mon style de bourgeoise fait beaucoup d’envieux et surtout d’envieuses. En 2005, la Fondation du cégep que j’ai mis sur pied décernait pour la première fois une bourse de 2,000 $ qui porte mon nom attribuée à une étudiante ayant obtenu une moyenne générale égale ou supérieure à 90% pour l’ensemble de son dossier scolaire et qui a démontré par la réalisation de projets ou sa participation à des activités diverses, son implication dans son programme d’études et son engagement envers le collège. J’ai été l’hôtesse flamboyante du Gala du mérite économique en avril 2004, une soirée où se sont côtoyées les forces vives du milieu des affaires au sein duquel je jouis d’une réputation enviable et méritée. J’ai utilisé la tribune prestigieuse de cette soirée pour inciter les gens à s’approprier leur cégep, à en faire un objet de fierté et un lieu d’appartenance, d’autant qu’ils ont toutes les raisons de se réjouir des succès académiques qu’il permet à ses étudiants et de l’évaluation élogieuse reçue de la part du Comité d’évaluation du ministère. Ce sont des résultats qui ne sont pas assez connus de la population et je le déplore. Dans mon discours remarqué, j’ai dit à cet auditoire de choix: “Je rêve que tous les parents choisissent d’envoyer leurs enfants à notre collège.” Et voeu ultime avant de quitter la direction générale pour prendre ma retraite après sept ans de dévouement, j’ai demandé, vu l’urgence de la relance, de travailler à nous choisir, d’encourager les efforts locaux de développement et de contribuer à les faire grandir, de continuer à demeurer dans notre région. Et ce, pas dans un esprit de clocher et de compétition mais dans un esprit de clan et de famille, pour alimenter la vigueur de la vie économique et sociale de notre milieu. On m’a beaucoup applaudi ce qui m’a réchauffé le coeur après les années frustrantes que je viens de vivre et dont je vais maintenant parler avec toute l’honnêteté dont je suis capable.
Je viens de créer un FIER administré par le CLD, un fonds d’intervention économique régional pour favoriser la création ou le maintien d’emplois. Le gouvernement Charest a promis d’investir 400 millions dans les projets FIER. Autant en profiter: si la région met un dollar, le gouvernement en met deux. J’ai sollicité des hommes d’affaires pour constituer un fonds d’environ 1.7 million complété par les 3,4 millions du gouvernement, ce qui donnera 5.1 millions. J’ai mis moi-même 50,000.$ en capital de risque pour dix ans et j’espère un rendement de 10% par année. Comme vous voyez, je ne m’oublie pas et c'est normal. Ce que disait Liza Frulla de la politique s'applique aussi à la vie économique: "nous ne sommes pas en pastorale". Le plus important homme d’affaires de la région et un de mes amis a fait l’éloge de mon dynamisme dans le journal local. Ça m’a fait grand plaisir.

Si j’insiste sur l’honnêteté, c’est parce qu’à plusieurs reprises mes adversaires m’ont accusée de duperie, de malhonnêteté intellectuelle, de machiavélisme ou de faire des entourloupettes transformant des divergences d’opinion ou de stratégie en jugements éthiques, ce qui justifiait, selon eux, leur intransigeance. Ils croyaient avoir le droit d’’employer des mots blessants parce que, selon eux, l’autre ne méritait pas leur respect puisqu’elle était malhonnête ou incompétente. Ce sont des mots excessifs à ne pas employer à la légère. La pugnacité syndicale supposément légitime ne justifie pas tout. A leur décharge, je dois admettre que lors des réunions du Comité des relations du travail, appelé familièrement le CRT, l’adjoint à l’organisation scolaire, mon porte-parole, était particulièrement maladroit. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il manquait de finesse. Il se comportait comme un rustre qui se croyait mandaté pour faire des jobs de bras. Comme il avait l’ambition de devenir Directeur des études, il faisait tout pour me plaire. Alors, il en faisait trop et, en bout de ligne, me nuisait. Certain d'avoir mon appui, il disait n’importe quoi pour défendre nos positions et les vis-à-vis syndicaux, qui en avaient vu d’autres, le trouvaient de mauvaise foi. C’était difficile de tripoter les chiffres ou d’inventer de nouvelles directives (non-écrites) du Ministère pour justifier une diminution des ressources à l’enseignement en s’imaginant que cela passerait comme une lettre à la poste. De là est venu son surnom de Grandpied auquel régulièrement le syndicat ajoutait dans les plats. Difficile de ne pas rire devant ce surnom qui lui allait si bien. Cet adjoint qui mesurait 6’4” m’obéissait aveuglément. Ses ambitions, hélas!, dépassaient ses talents. Il y avait quelques personnes dans son genre qui en faisaient trop dans l’espoir d’obtenir une promotion comme, par exemple, le représentant des professionnels au CA qui a traité la représentante des étudiants de traître en plein journal local. Ces zélotes m’ont beaucoup plus nui qu’aidé. Peu à peu, la confiance déjà fragile s’est effritée et laissa place à son contraire, la méfiance, une méfiance qui transformait chaque réunion du CRT en marathon et en bataille rangée avec de longs caucus syndicaux pendant lesquels les quatre membres de l’exécutif du syndicat allaient vérifier les dires de la partie patronale. A leur retour, ça bardait. De mon bureau, j’entendais des éclats de voix car les sept représentants syndicaux discutaient ferme entre eux et s’engueulaient fréquemment avec les trois représentants du Collège. Ils insistaient pour en écrire le plus possible dans les procès-verbaux allant même jusqu’à formuler à notre place la position patronale pour pouvoir avoir des preuves écrites de ce qu’ils appelaient nos manigances et nos détournements de ressources au grand désespoir de l’avocate directrice des ressources humaines qui refusait de mettre le mot détournement (que sa formation d’avocate la portait à juger diffamatoire) dans le procès-verbal même si c’était dicté par la partie syndicale. Ils ont donné beaucoup de fil à retordre aux deux directrices des ressources humaines qui se sont succédé. Ils sont responsables de la démission de celle qui venait de Thetford Mines et qui a été la première engagée à ce poste stratégique. Peu combattive et plutôt affable, elle n’en pouvait plus de se faire agresser par la partie syndicale. Quant à l’avocate que j’ai engagée en prévision des poursuites, elle avait beaucoup de difficulté à leur tenir tête et sortait épuisée et enragée de ces réunions. Les affrontements étaient monnaie courante. Il n’y a pas de doute, ils étaient vraiment coriaces et manquaient souvent de décorum et de respect envers la partie patronale. Ça frôlait l'impolitesse et la goujaterie. C’est pour cela que je prévoyais avoir à employer des moyens extraordinaires pour les neutraliser et forcer leur principal leader à démissionner. Ça paraissait que ce pitbull venait du bas de la ville de Montréal. La BMW de la directrice des ressources humaines ne l’impressionnait pas ni ma Chrysler Sebring. Il est lui-même très à l’aise financièrement car il a fait un mariage avantageux et en plus, il est radin comme George dans Seinfeld. C’est ce qu’on dit pour le rabaisser et par jalousie, bien sûr. Dans notre région, l'argent inspire toujours le respect... et l'envie, j'en sais quelque chose.

Sauf la lutte collective menée en 1979 pour l’obtention d’un cégep neuf qui fut couronnée de succès et à laquelle participèrent le Littéraire et l’Irlandais, ce qui caractérisa l’administration précédente, ce fut la prudence. Après trente ans de ce régime marqué par l’immobilisme, il était temps de brasser la cage. Quelle aubaine pour une nouvelle administration que ce bas de laine de 2.4 $ millions ramassés pendant trente ans à coup de restrictions dans les dépenses! Ce fameux 2.4 $ millions allait faire couler beaucoup d’encre et servait à justifier toutes les demandes de tous les syndicats du collège en particulier celles, exagérées, du syndicat des enseignants. Mais c’était mon devoir de dire non et de résister à leur rapacité. J’avais l’impression que le syndicat des enseignants n’avait pas de limites: ils n’arrêtaient pas de dire que les enseignants croulaient sous le fardeau d’une tâche de plus en plus accablante sans réussir à me convaincre ce qui les mécontentait au plus haut point car ils savaient que je travaillais au moins douze heures par jour. Ils m’ont donné plus d’une fois l’impression d’être des fanatiques enragés incapables de comprendre mon point de vue. Je leur ai tenu tête et j’en ai payé le prix, un prix élevé car ce sont des batailleurs très articulés aux multiples talents dont celui d’être très habiles à manier la langue française puisque deux des quatre membres de l’exécutif du syndicat des enseignants sont des écrivains qui ont publié de nombreux articles de journaux et des livres. Ils étaient très cultivés et les citations de Montaigne qui me contrariaient tant ne provenaient pas d’un dictionnaire des citations mais dénotaient une connaissance approfondie du grand écrivain français. Ce qu'on cherche d'abord dans ce qu'on lit, c'est ce qui nous confirme dans ce que nous sommes, ce sont les parallèles qu'on est en mesure d'établir entre sa propre vie et celle de quelqu'un d'autre. écrit Victor-Lévy Beaulieu dans Un loup nommé Yves Thériault. L'à propos des citations de Montaigne greffées à notre conflit était remarquable et a provoqué chez moi à plusieurs reprises une admiration que je devais garder secrète, évidemment. Le même VLB a aussi écrit et j'allais l'observer chez mes adversaires: "Celui qui maîtrise les mots oblige la peur à s'escamoter, force la terreur à décamper, car le Minotaure ne vous domine que si le langage vous fait défaut." C'est un fait que j'ai essayé de les intimider et j'ai sans doute réussi à les rendre moins arrogants, plus prudents et moins effrontés mais pas moins combatifs.

Avec l’appui de mes contacts dans les milieux influents de la région, j’ambitionnais depuis longtemps le poste de directrice générale. Je franchis les étapes normales de mon ascension sociale en commençant comme simple professeur de chimie dans un collège. J’ai offert mes services ici au cégep pour enseigner la chimie mais je me suis heurté à l’hostilité du mâle dominant du département de chimie, un grossier personnage qui refusa agressivement de m’engager de peur de perdre son petit pouvoir devant une personnalité forte et flamboyante. Je ne dis pas cela par féminisme: c’est la pure vérité. Ce n’est d’ailleurs pas le seul département où sévit un enseignant qui joue au mâle dominant. J’ai aimé enseigner la chimie. Je fus ensuite conseillère pédagogique, adjointe au directeur des études et directrice des études dans différents collèges avant d’être choisie comme directrice générale, avec enthousiasme et à l’unanimité, bien sûr, par un comité de sélection qui réclamait un nouveau style de gestion et me demandait de brasser la cage. C’est ce que j’ai fait à mes risques et périls; je suis une femme d’action qui n’a pas peur des affrontements et qui ne craint pas de déplaire. Ça en prend beaucoup pour m’intimider. Ma fréquentation des hommes d’affaires (mon mari est vice-président d’une multinationale qui, malheureusement, a dû fermer une usine dans la région) me permet de jauger à leur juste valeur ces enseignants qui ont une sécurité d’emploi mur à mur et qui ne sont pas toujours conscients des contraintes budgétaires ou de l'importance de l'aspect économique dans le fonctionnement d'une société.

Pour gouverner, il fallait d’abord m’entourer de collaborateurs qui ne me porteraient pas ombrage et qui seraient prêts à m’appuyer inconditionnellement dans les moments difficiles. La première occasion qui se présenta fut la sélection du Directeur des ressources humaines. Le titutaire de ce poste pendant de nombreuses années venait de prendre sa retraite. Il souhaitait être remplacé par le Syndicaliste, l’ex-président du syndicat des enseignants avec lequel il avait entretenu d’excellentes relations. Cette situation était délicate. Je laissai la chance au coureur après l’avoir invité ouvertement à poser sa candidature en lui donnant l’accolade en face d’un restaurant, en présence de certains membres du comité des relations du travail (CRT) et de l’exécutif du syndicat des enseignants. J’ai un peu joué la comédie. Il le fallait à cause de l’ex-Directeur des ressources humaines. Cette mise en scène m’a été reprochée: je l’admets, elle était trompeuse. J’étais coincée. En effet, il était peu probable que je choisisse cet ancien président de syndicat comme directeur des ressources humaines. Nous n’avions pas les mêmes idées; il était certain qu’il ne partageait pas ce que mes adversaires appellent mon idéologie libérale. Et ils ajoutent pour me piquer qu’il n’avait pas la docilité requise.

Pendant le processus de sélection, le Syndicaliste se montra très indépendant d’esprit mais surtout arrogant et inutilement agressif à mon endroit. Par exemple, interrogé sur la manière dont il exercerait sa fonction tripartite de responsable des communications en plus de secrétaire général et directeur des ressources humaines, il me répondit sèchement: "C’est vous qui avez créé ce poste tripartite, c’est à vous de définir vos exigences, pas à moi." Questionné sur son curriculum vitae et les différentes étapes de sa carrière comme enseignant en sociologie, puis comme syndicaliste et pourquoi il aspirait au poste de directeur des ressources humaines, il répondit qu’il se croyait tout simplement compétent pour occuper le poste et, dans une atttaque personnelle totalement inappropriée, il déclara: "Moi, je n’ai jamais eu de plan de carrière." Il m’accusait donc d’être une carriériste. Je me demande s’il voulait vraiment le poste. Ce n’était évidemment pas l’homme qu’il me fallait. Je ne l’ai pas trouvé très aimable. Quand je lui ai demandé si son passé de syndicaliste ne le mettait pas mal à l’aise pour devenir la partie patronale, il me répondit: "Au contraire, le fait de connaître très bien la convention collective me permettra de l’appliquer avec équité." Je lui répliquai que sa réponse avait toutes les apparences d’un sophisme. Il me toisa très inamicalement en disant: "Sophisme? je ne crois pas que vous avez compris ce que j’ai voulu dire. La convention collective a été signée par les deux parties et peut être appliquée avec équité sans agressivité contre le syndicat."
Je dus me montrer habile pour neutraliser l’ex-directeur des ressources humaines en lui demandant de quitter le comité de sélection puisqu’il n’était pas neutre. On m’accusa ensuite de machiavélisme mais n’avais-je pas le droit de choisir la personne qui occuperait un poste aussi stratégique! Le lendemain, quand j’eus la délicatesse d’annoncer par téléphone au Syndicaliste que sa candidature n’avait pas été retenue, je ne pus m’empêcher de lui rendre la monnaie de sa pièce en lui disant : "Je vous ai traîné pendant tout le processus", ce qui laissait clairement entendre que je ne le trouvais pas compétent pour occuper le poste. Pour lui et ses amis, c’était une insulte. D’autant plus qu’une autre candidature de Thetford Mines était meilleure. On m’a accusé d’avoir créé ce poste tripartite sur mesure pour elle sans tenir compte de mon objectif qui était de maximiser les ressources, objectif que j’allais appliquer par la suite à tous les cadres en leur confiant plusieurs responsabilités qui leur permettaient d’utiliser leur plein potentiel tout en sauvant des sous. Dans un petit collège, tout le monde doit mettre la main à la pâte et prendre des bouchées doubles.

"Je vous ai traîné pendant tout le processus" est apparu comme l’insulte gratuite d'une antisyndicaliste qui veut écraser l’autre et l’humilier; cela provoqua une noire colère chez les amis du vice-président de la Fédération des syndicats. Ce rejet de la candidature du Syndicaliste et surtout ma petite vacherie téléphonique me valut l’hostilité des amis du candidat malheureux en particulier deux membres du comité des relations du travail, le Politique et le Littéraire qui allaient plus tard m’attaquer dans un bilan négatif de l’An 1. Ils prétendirent que la candidate de Thetford Mines était déjà choisie d’avance puisque, selon eux, le poste tripartite était taillé sur mesure pour elle; on me reprocha aussi ce qu’on qualifia de manigances pour exclure l’ex-directeur des ressources humaines du comité de sélection qu’on appela, par dérision, un comité de sélection flottant ou pire, un comité de sélection bidon. On parla même, selon mes espions, d’une façon sexiste, de machiavélisme en jupon. Toutes les consultations que je ferai plus tard seront qualifiées de bidon, à priori, puisqu’une despote (c’est ainsi qu’ils me voyaient) fait semblant de consulter car elle a tout décidé d’avance: elle n’a donc pas besoin de consulter. A ce moment-là, les consultations n’ont pour but que de préparer les gens à accepter la décision. J’aurais mauvaise grâce de contester cette analyse car elle est un peu vraie. J’ai le malheur de savoir ce que je veux; c’est ça pour moi avoir du leadership. Si j’étais un homme ça passerait mieux; comme chantait Dalida à qui je ressemble un peu physiquement: "mais moi, je ne suis qu’une femme". Dans une entrevue à la revue Actualité, Pierre Péladeau a dit que les femmes utilisent leurs charmes en affaires ce qui énerva les féministes de l’Université de Montréal qui s’opposèrent à ce que l’homme d’affaires reçoive un doctorat honorifique surtout au lendemain du drame de Polytechnique. Cette référence à Polytechnique enragea le Littéraire. Dans une lettre au Devoir, il défendit Pierre Péladeau et dénonça ce qu’il appelait le terrorisme rose. Je l’admets, il m’arrive d’essayer de séduire pour arriver à mes fins mais toujours d'une façon platonique malgré ce que disent certaines langues sales. Quand on a des atouts dans son jeu, pourquoi ne pas s’en servir!

Après ce premier grave (pour eux) accrochage à l’occasion de la sélection de la Directrice des ressources humaines, une étudiante adulte encouragée dans sa démarche par son enseignante devenue professionnelle porta une plainte verbale non écrite contre l’enseignant qui répandait ces calomnies sur mon soi-disant despotisme, un professeur de français membre du comité des relations du travail (CRT) dont il sera beaucoup question dans les lignes qui vont suivre car il savait comment s’y prendre pour contrecarrer mes projets et pour me contrarier. Le surnom de Boutefeu lui va comme un gant. L’Adjointe au directeur des études m’avait souvent parlé de cet enseignant controversé, auteur de livres et d’articles contre les libéraux, une sorte de Don Quichotte chevauchant la rossinante de la morale politique pour attaquer les moulins à vent de la corruption des adversaires de l’indépendance du Québec. Pendant la Commission Gomery, il a dû avoir bien des jouissances comme quand il a lu les deux livres de Jean-François Lisée sur Robert Bourassa. Selon l’Adjointe et d’autres sources libérales, il utilisait ses cours, quand il daignait en donner car il déteste les cours magistraux, à des fins politiques par le choix des oeuvres ou par des commentaires souvent virulents contre les fédéralistes au pouvoir à Québec comme à Ottawa. Il est même passé à la télévision à l'émission Femmes d’aujourd’hui. Interrogé par Jeanne Sauvé qui allait devenir Gouverneure générale du Canada et qui essayait de lui faire dire qu’il utilisait le Cassé de Jacques Renaud à des fins politiques, il répondit qu’il conduisait ses élèves au seuil de la politique et que ce n’était pas de sa faute si le problème de la langue au Québec était un problème politique. C'est un petit malin. Quand je pense que le curé de la plus grosse paroisse de la région l’a attaqué dans son sermon du dimanche, je me dis qu’il a le don de réveiller les passions et de susciter la controverse. Il déteste les libéraux qu’il appelle des parvenus. Tout ça a été écrit et publié dans ses livres.

Il lui arrivait même d’attaquer, dans son propre camp, les tenants de la stratégie étapiste de Claude Morin. Il prétendait que l’on devait réaliser l’indépendance après une élection comme l’ont dit René Lévesque et Jacques Parizeau dans une série d’entretiens au Toronto Star en novembre 1971 qu’il avait traduits de l’anglais et publiés dans une brochure des Editions du Parti québécois intitulée: Comment se fera l’indépendance dont il avait fait approuver le titre par René Lévesque lui-même. Il utilisait parfois ses propres textes en classe comme son analyse de Menaud maître draveur publiée dans son troisième livre et ne donnait pas vraiment de cours car il prétendait que les cours magistraux étaient une forme de fascisme. Auteur d’une thèse de doctorat sur l'espace autobiographique de la fiction défendue avec succès à l’Université Laval en 1987, il racontait avec humour des histoires puisées dans sa vie privée où les élèves ne savaient plus si sa femme, par exemple, était un personnage réel ou fictif. D’ailleurs, après avoir raconté une anecdote illustrant ses rapports avec sa femme, il demandait à ses élèves quelles paroles rapportées étaient réelles et quelles paroles étaient inventées tout en faisant remarquer que la partie inventée était plus vraie que la partie dite réelle. Il parlait de l’actualité sportive ou politique et critiquait mon administration puis, sans transition, il faisait un portrait de Célimène ( à qui il lui arrivait de me comparer, ce qui est flatteur pour moi), personnage du Misanthrope, en posant la question: "Célimène est-elle hypocrite ou stratégique?" en faisant réfléchir sur la situation de la femme au 17è siècle. Il raconta la visite de la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial où il s’était montré tellement désagréable avec, comme d’habitude, un manque total de décorum, que la Commissaire principale, Louise C., après la réunion, dans mon bureau, me demanda; "Qui est ce grossier personnage?" Il nous a fait honte. Il reprocha à un collègue professeur de philosophie son obséquiosité devant la commissaire, ancienne directrice des études du collège de Ste-Foy. Amicalement, car il savait que son confrère pensait comme lui sur la Commission, il lui dit: "Tu es un bel hypocrite!" et celui-ci lui répondit: "Hypocrite, non. Stratégique, oui." Il utilisait cette anecdote pour expliquer qu’il faut faire attention avant d’accuser la coquette et séduisante Célimène d’hypocrisie, elle qui avait quatre amants (sans relations sexuelles...) qu’elle encourageait en même temps. Selon des témoignages nombreux et convergents, il se donnait parfois des allures d’humoriste à la Yvon Deschamps ou à la Woody Allen qu’il admirait pour mieux faire passer ses idées au fond ce qu’il y a de plus sérieux. Aux yeux de nombreux élèves superficiels, il passait d’ailleurs pour un comique et même, disaient certains élèves, cet âge est sans pitié, un bouffon ou un clown. Il mettait de la bonne humeur et de la détente dans son enseignement et montrait du plaisir à expliquer avec aisance et décontraction des oeuvres littéraires complexes. On m’a raconté qu’au début d’une session, un matin de bonne heure alors que ses élèves étaient à moitié endormis, il essaya de les réveiller en faisant de l’humour et comme ça ne marchait pas, il leur dit après s’être plaint qu’il les trouvait difficiles: "Excusez-moi, je fais de l’esprit de bottine." Un de ses élèves répliqua: "Continuez, monsieur, c’est très délassant" ; il lui donna la main en lui demandant son nom.
Comme vous voyez, je m'intéresse beaucoup à lui. J’essaie de savoir ce qu’il dit en classe car il m’attaque constamment. Je reçois des téléphones de parents qui se plaignent que le professeur de français de leur fille ou de leur fils est un agitateur qui ne cesse de critiquer et prend un malin plaisir à déstabiliser ses élèves qui sont là pour étudier et non pour se faire manipuler par un enseignant qui abuse de la tribune que lui procure sa fonction et dont le totem est le renard. Son plus grand plaisir, dit-il en anglais dans un cours de français, c'est "to outfox" la Direction, ce qu’il est impossible de traduire comme le mot timing. Etre plus renard que la renarde, serait ma traduction. Cet enseignant est un personnage au moins aussi dangereux que le candidat au poste de directeur des ressources humaines et qu’il faudra absolument neutraliser. Lors de la première rencontre que j’ai eue avec lui pour discuter de la plainte de l’élève-adulte, je me sentais comme le directeur de la prison d’Alcatraz devant le dossier de Clint Eastwood: "QI au-dessus de la moyenne: à mater."

Pour savoir à qui j’aurais éventuellement affaire et pour établir un rapport de forces, j’ai attaqué la première car je savais que mon rejet du Syndicaliste l'avait contrarié gravement et allait avoir des conséquences. J’ai d’abord demandé à rencontrer le président du syndicat dit l’Ebéniste et professeur de biologie depuis vingt ans. Le prétexte: la plainte contre le Littéraire. J’attaquai directement l’enseignant visé à partir du contenu de la plainte et des critiques que j’avais entendues contre lui à travers les ans. J’allais à la pêche pour voir quelle serait la réaction du président du syndicat. Or, il se montra totalement solidaire de son collègue ajoutant même qu’il avait de l’admiration pour lui et qu’il aurait souhaité que ses trois enfants (soit dit en passant, inscrits dans un autre cégep) aient un tel professeur de français cultivé qui donne le goût de lire et fait aimer la littérature. En un mot, c’était des amis depuis des années. J’ai peut-être fait une erreur en le convoquant; il aurait été plus correct d’en parler directement à l’intéressé. Question d’éthique professionnelle. Devant la tournure des événements, j’essayai de faire croire que cette conversation à bâtons rompus avec le président du syndicat n’avait pas plus d’importance que cela et ne devait pas avoir de suites. Je voulais donc en rester là, quand je reçus un téléphone du Littéraire qui exigeait une rencontre pour discuter de cette plainte dont il connaissait l’origine même si je lui ai dit que ce n’était pas nécessaire puisque la discussion avec le président du syndicat m’avait rassurée. Il insista avec fermeté. Lui, il n’était pas du tout rassuré. Il tenait à donner son point de vue contre les attaques dont il avait été l’objet et il souhaitait me donner des renseignements qui pourraient corriger l’opinion que je semblais me faire de lui pour que nos relations partent sur un meilleur pied. Il était de très mauvaise humeur et, selon un de mes espions, il aurait dit que je ne ferais pas avec lui ce que j’avais fait avec son ami le Syndicaliste rejeté et bafoué. Je l’ai mis sur la défensive et je suis sûre qu’il se prépare à contre-attaquer. J’aurais dû me souvenir du proverbe haïtien: "Avant de traverser la rivière, il ne faut pas insulter le caïman." Mais je voulais, au fond, un affrontement où j’aurais le dessus en prenant l’initiative.
Cette rencontre a eu lieu: ce fut une heure mouvementée pleine d’escarmouches. Par l’indépendance et le caractère, Le Littéraire ressemble au Syndicaliste. C’est facile de comprendre pourquoi ils sont des amis. C’est évident que ces gens-là me prennent pour une arriviste et n’ont malheureusement pas beaucoup de respect et d’estime pour moi. Pourtant, ils ne me connaissent pas. Il a déjà travaillé avec des hommes remarquables et d’envergure comme René Lévesque, Jacques Parizeau et Camille Laurin alors qui suis-je, moi, pour venir lui faire la leçon? Je ne l’impressionne pas. Il tenait à ce que je le sache. C’est un homme fier. Et en plus, je viens d’arriver au collège tandis que lui, il est là depuis 1969. Quand je lui ai dit qu’il se servait de ses livres dans ses cours, il m’a plantée car cette critique était une vieille histoire et ne pouvait venir de la plainte de l’étudiante adulte puisqu’il avait étudié Les Femmes savantes de Molière pendant trois semaines au printemps 1997 en remplacement d’une enseignante en congé de maladie qui m’a décrit son comportement désinvolte et irrespectueux. Celui-ci aurait pris la feuille décrivant les quarante critères de correction de l’analyse littéraire utilisés par l’enseignante et, théâtralement, l’aurait jetée dans la poubelle en disant: "Je ne suis pas un ordinateur!" C’était un manque de respect pour sa collègue qui était une de ses anciennes élèves. "De plus, me dit-il, avec la réforme de l’enseignement du français, depuis cinq ans, j’étudie surtout des auteurs français, François Villon, Montaigne, Mme de La Fayette, Molière et je me sers de textes québécois comme un extrait de Marie-Didace, la dernière confession du Père Didace de Germaine Guèvremont ou le Testament de De Lorimier publié dans les Ecrits de prison qui est un chef-d’oeuvre de la littérature universelle, pour donner des exemples d’analyse littéraire. Je n’étudie plus Menaud, maître-draveur, ce monument d’impuissance”. Il n’eut pas beaucoup de peine à prouver que mon opinion sur lui provenait de ce qu’il a appelé, avec un violent mépris, “les mémérages de la clique libérale qui parlent dans mon dos depuis plus de vingt-cinq ans et qui se vengent des livres que j’ai écrits contre eux en essayant de nuire à ma réputation comme enseignant”. Alors là, ce fut l’affrontement en bonne et due forme qui atteint un sommet quand je lui ai rapporté, par provocation, pour lui passer un message et le déstabiliser, que l’étudiante adulte qui avait porté plainte contre lui l’avait trouvé vulgaire parce que, entre autres, il avait sacré en classe pour réveiller un élève qui s’était endormi sur son bureau au lieu d’écouter un enregistrement des Femmes savantes.

Comme j’avais répété cette accusation devant le président du syndicat, sa réponse était préparée et elle fut spectaculaire. Il voulut savoir quelle était ma conception de la vulgarité. Il me cita la phrase suivante de Montaigne en me demandant si le mot “cul” était vulgaire: "Plus le singe monte haut dans l’arbre, plus il montre son cul." “Non, lui répondis-je, ce n’est pas vulgaire.” Il me dit: “Est-ce que c’est parce que c’est Montaigne qui utilise le mot “cul”? Vous voilà prise en flagrant délit de snobisme !” Et il ajouta: “Soit dit en passant, directrice générale, ce n’est pas très haut dans l’arbre!” On m’avait bien averti que son arrogance n'avait pas de limites et on avait raison. Je l’ai vu en direct. Quant à y être, pour rester dans cette région du corps qui semble l’intéresser, il aurait pu me citer la fin des Essais où Montaigne écrit: "Au plus haut trône du monde, on est toujours assis que sur son cul." Et cet irrespectueux aurait pu ajouter: “Directrice générale, ce n’est pas un très haut trône.” C’est certain que ce fin lettré me servira cette citation un jour ou l’autre.

J’encassai l’insolence comme si de rien n’était en me croisant la jambe et il en profita pour me dire que j’avais de belles jambes tout en atténuant cette remarque inattendue et totalement inappropriée qui est presque un lapsus en me demandant, pour faire diversion, s’il y avait un micro sous la table, réflexe normal du spécialiste de l’affaire du Watergate qu’il se disait être. J’ai entendu dire que dans le récit de cette rencontre, au moment du commentaire admiratif et justifié, bien sûr, sur mes belles jambes, ses amis n’en croyaient pas leurs oreilles et lui dirent, mi-sérieux, mi-taquins, que j’aurais pu l’accuser de harcèlement sexuel. Voyons donc! Ces misogynes s’imaginent que je ne sais pas faire la différence entre une innocente gaminerie et du harcèlement. Au contraire, j’avouerai même qu’au milieu de cet affrontement, ce cri d’admiration involontaire et viril qui exprimait sans doute un désir inconscient, toucha la femme consciente de ses charmes que je suis et que je serai toujours. Pour le troubler encore plus et le faire rêver, je lui ai dit que j’étais une amoureuse. La conversation prenait cette tournure ambigüe qui fait tout l’intérêt des relations homme-femme. Comme il soulignait mon côté glamour, il fit un jeu de mots en me disant que j’étais une glamoureuse. Je savourai l’instant créateur. Mais excusez l’anti-climax, je dois dire qu'il n’est pas du tout mon genre. Il a beau avoir lu les Essais de Montaigne, je préfère la classe du séduisant directeur des ressouces matérielles qui est un bel homme et un administrateur de haut niveau qui ira loin.
Cet enseignant qui allait devenir mon plus implacable adversaire était habitué à la polysémie du langage et pouvait jouer sur plusieurs niveaux de sens tout en exprimant ses émotions, ce qui faisait que dans ses cours, on ne s’ennuyait pas. Je lui renvoyai le compliment en disant qu’il était un homme brillant et généreux, ce qui ne sembla pas le toucher puisqu’il me mit en garde d’une manière cinglante: “Faites attention, me dit-il, j’ai l’air de rien comme ça avec mes petites insolences calculées et mes citations de Montaigne, mais je suis un tueur!” Il a bien dit: "Je suis un tueur." Je n’en croyais pas mes oreilles. D’origine italienne, sa grand-mère est sicilienne et son grand-père piémontais; a-t-il du sang de la mafia dans les veines? S’il pense m’intimider, il est mieux de se lever de bonne heure. Comme me l’a raconté l’Adjointe, à moins qu’il ne sorte de nouveau son petit canif suisse (symbole phallique dérisoire) comme il l’avait fait devant la responsable de la condition féminine de la Fédération, ( qui se porta à la défense des employées unilingues de Eaton qualifiées grossièrement par un ministre libéral de "grosses maudites anglaises" et qui avait le physique de l’emploi), qui tomba dans son piège et se ridiculisa en l’accusant de l’avoir menacée au couteau comme si on était dans le Bronx. Le plus drôle c’est que les chefs mâles de la Fédération ont cru la féministe ou ont agi comme s’ils la croyaient. Ils ont écrit une lettre de réprimandes au syndicat local et, lors d’une rencontre dans un des meilleurs restaurants de la région, le Politique a dit à un leader national: “Votre lettre, vous pouvez vous la mettre là où je pense!” Tanné d'entendre les jérémiades féministes, le Littéraire avait apostrophé la féministe en chef de la Fédération en lui présentant un petit canif ouvert et en lui disant: "Si tu te sens attaquée, défends-toi." Devant la peur d'être ridiculisée, la féministe avait essayé de transformer cette pantomime en attaque au couteau comme dans les rues de New York. Et s'était rendue encore plus ridicule, ce qui était le but du Littéraire.

Redevenant pratique et mercantile, Boutefeu me réclama 288 $, un compte de dépenses que l’ex-directeur des études avait refusé de lui payer puisqu’il avait délégué un autre professeur de français que lui, le coordonnateur du département, à une réunion de coordination provinciale en guise de représailles. La semaine suivante, je lui donnais moi-même le chèque qu’il avait réclamé. Je lui ai fait remarquer que je savais qu’il avait été maltraité par ce hors-cadre vaniteux qui avait été forcé de quitter ses fonctions, ce qui le laissa perplexe. "Ah! Vous êtes au courant dit-il" Lors de cette deuxième rencontre, il était un peu moins sur un pied de guerre. Comme j’avais déjà enseigné la chimie au niveau collégial, il me considéra comme une collègue et sans autre forme de cérémonie, il se mit à me tutoyer et j’en fis autant. “Il y a des rumeurs, me dit-il, que tu te présenteras comme candidate libérale aux prochaines élections provinciales. Un de mes confrères a eu un contrat comme paysagiste d’un organisateur libéral qui souhaiterait t’avoir comme candidate.” Je ne m’habitue pas à son style direct. C’est un fait qu’on me courtise; je dis non...pour le moment. Sans aucun doute, je ferais une bonne députée, et même, pourquoi pas, une excellente ministre. J’aurais l’appui des hommes d’affaires en particulier du plus brillant d’entre eux qui est multimillionnaire, qui a réussi dans le domaine des assurances, qui est très influent dans la région et que j’ai la chance de compter parmi mes amis.

Cette longue partie de ping-pong d’une heure est de mauvais augure. Blessé dans sa fierté, cet enseignant sera sans doute un de mes critiques les plus sévères. Avec ces machos-là, il faut se montrer la plus forte. Après cet affrontement et après le rejet de la candidature de son ami, je suis certaine que je ne pourrai pas canaliser leurs énergies dans le bon sens; je ne pourrai pas compter sur l’appui de ces syndicalistes dans la réalisation de mes projets de développement qui demandent des efforts de tous. Ce sont des contestataires-nés qui me mettront des bâtons dans les roues. De toutes façons, je le savais puisque depuis plusieurs années, je m’intéresse au collège; je connais un peu les rapports de force et je sais qui sont les leaders. Sauf que là, je ne suis plus dans mon salon sur le bord du fleuve avec mes amis libéraux, un bon verre de vin français à la main. Je suis directrice générale du collège. La partie sera rude. C’est difficile de bien administrer une institution et de réaliser des projets quand les leaders d’opinion te sont hostiles. Je suis une passionnée mais, en revanche, je crois que ne suis pas une grande stratège. Je suis peut-être un peu trop émotive bien que je me serve parfois de mon apparente émotivité à des fins stratégiques. Il m’arrive de jouer les femmes troublées et faibles pour réveiller le mâle chevalier qui sommeille chez tous les cadres masculins et les membres du Conseil d’administration qui m’entourent et qu’il n’est pas bien difficile de réveiller. Moi aussi je suis maline.

Dès mon arrivée au pouvoir, il a fallu s’attaquer à l’organigramme en rationalisant les ressources humaines: il y a trop de membres du personnel de soutien qui ne donnent pas leur plein rendement. C’est délicat et le syndicat m’accuse déjà de traiter les employés comme des pions que je déplace selon mes caprices ou pour montrer qui est le boss. Rien de plus faux. J’ai fait le ménage avec l’appui de certains membres du personnel de soutien qui eux, comme ils le disent, “travaillent au lieu de se pogner le cul une grande partie de la journée”. Je m’excuse de reproduire ce langage vulgaire, mais si je le fais, c’est parce qu’il est criant de vérité. Lors de l’accueil du personnel, le président du syndicat du soutien a lu une lettre de protestation qui a gâché la rentrée de l’automne de ma deuxième année. La Sentinelle, bulletin d’information syndicale des enseignants essaie de faire de la satire sur mon dos. Ils nous reprochent de faire de la comptabilité créative avec l’International et de préférer les rénovations dans les bureaux de l’administration au bien-être du personnel. Lors de l’accueil du personnel, nous avons passé un message: c’est le gouvernement péquiste qui nous oblige à administrer serré; nous travaillons soixante heures par semaine, alors arrêtez de vous plaindre que votre tâche est trop lourde. Le Syndicat des enseignants est en colère. Selon eux, le gouvernement sait que nous avons 2.4 $ millions de surplus. Selon eux, je fais de la petite politique et je suis démagogue. Sans demander l’avis de personne, j’ai mis la hache dans le système audio-visuel en démantelant un appareillage permettant de projeter des films dans chaque classe à partir d’une centrale qui était peu utilisée par les enseignants; j’ai voulu envoyer le container en Afrique mais une guerre civile en Côte d’Ivoire m’en a empêché. C’est très difficile de rentabiliser l’International mais au moins, cela nous aura donné l’occasion de faire de beaux voyages toutes dépenses payées. J'allais en Afrique du Nord par affaires et j'en profitais pour prendre des vacances en France. N’est-il pas normal que la haute fonction que j’occupe soit accompagnée de certains avantages comme les ministres qui ont leur chauffeur, leur limousine et leur compte de dépenses.

J’ai eu la bonne idée d’inviter l’exécutif du syndicat des enseignants (dont ne font pas partie le Politique et le Littéraire) au restaurant pour discuter de mon projet de développement des programmes en assurances, en électrotechnique et en réseautique et mon projet de financement du Centre de transfert des technologies qui n’est pas encore reconnu officiellement et pas encore financé par le Ministère. Ils se sont montrés très réceptifs et m’ont accordé 4.2 ETC (équivalent temps complet) comme contribution à la réalisation de ces projets. C’est 5% des ressources consacrées à l’enseignement. C’est énorme. Enfin, des gens qui me comprennent et qui acceptent de faire leur part dans le développement du collège. Je me félicite d’avoir réussi à les convaincre. Le vice-président est un grand ami de l’Adjointe au directeur des études; c’est le premier qui a prédit que je serais nommée directrice générale. Il ne se présentera pas aux prochaines élections à l’exécutif du syndicat: c’est dommage. J’ai invité deux haut fonctionnaires de Québec comme conférenciers pour sensibiliser tout le personnel aux contraintes budgétaires auxquelles nous devons faire face. Peine perdue, les contestataires reviennent sur le surplus de 2,4 $ millions. Ils nous ont obligés à déménager une réunion du Conseil d’administration à l’auditorium et ont montré leur force en contestant ouvertement notre projet de leur faire financer en partie les nouvelles voies de sortie. Ils ont convoqué une assemblée syndicale en même temps que le C.A. et ont envahi la salle de réunion. Ils me donnent beaucoup de fil à retordre. Je ne suis pas au bout de mes peines. Ces enseignants nous accusent de vouloir diminuer les ressources allouées à l’enseignement et donc de vouloir augmenter leur tâche et cela au profit de projets qu’ils qualifient de périphériques comme le Centre de transfert des technologies qui n’est pas encore subventionné par le Ministère ou comme l’International. En particulier, l’International est l’objet privilégié de leurs attaques sous l'impulsion du coordonnateur du département d'Informatique qui est très coriace et qui augmente substantiellement ses revenus en s'occupant des stages d'été en informatique. Ils craignent un déficit dans le domaine de l'International et nous envient de faire des voyages avec des comptes de dépenses selon eux illimités; ils les qualifient avec mépris de voyages de prestige, sous-entendu, coûteux et inutiles. Ils sont vraiment nés pour un petit pain.
Je n’ai pas réussi à imposer mon choix au poste de Directrice des études. Je voulais nommer Louise K. à l'interne car je la juge compétente sans passer par un comité de sélection mais l'opposition de mes adversaires, le Syndicaliste en tête, réussit à créer un tel malaise que j'ai été obligée de reculer. Elle a cru être brûlée et ne s'est pas malheureusement présentée au comité de sélection qui a choisi un professeur de philosophie d'un autre collège comme directeur des études et je me suis arrangée pour que son mandat finisse avant le mien... pour pouvoir mieux le contrôler. Louise avait toutes les qualités pour être une excellente directrice des études. Elle aurait dû présenter sa candidature. Les gestes d'hostilité qu'elle avait posés contre le Littéraire l'ont portée à penser que la campagne contre sa nomination était dirigée contre sa propre personne.

Ayant reçu le mandat du Conseil d’administration de revoir tous les contrats signés par le collège pour obtenir des services (entretien, conciergerie, cafétéria), j’ai entrepris des négociations avec l’aide du Directeur des ressources matérielles. Je me devais d’augmenter les revenus provenant de la cafétéria. Il s’en est suivi une lutte épique. Nous nous sommes emparés des revenus provenant des machines à boisson. Puis, nous avons augmenté le loyer en menaçant de confier la cafétéria à l’entreprise privée. Ce n’était pas qu’une menace: je voulais vraiment confier la cafétéria à une entreprise privée. Comme moyen de pression, le Café du Bourg cessa d’offrir les services du Café-Inn. Le conflit culmina dans un faux débat devant tout le personnel précédé de la publication d’une analyse du syndicat des enseignants qui tentait de ridiculiser le fonctionnement du Conseil d’administration sous ma direction. Le Comité de direction intercepta ce Complément à l’Info-CA ce qui nous valut un grief que nous allions perdre sur l’utilisation des casiers des enseignants pour transmettre de l’information syndicale. Comme pour les frais de stationnement et les frais d’utilisation des ordinateurs, le dossier de la cafétéria donna l’occasion de se faire valoir aux mêmes opposants systématiques à toutes mes propositions pour assainir les finances du Collège. Cela en devient exaspérant. Le Conseil d’administration a beau m’appuyer, les attitudes négatives à mon endroit, au jour le jour, minent mes énergies. Mes adversaires sont habiles, tenaces et savent utiliser les médias, ce qu’ils ont appris à faire comme chroniqueurs dans des journaux ou comme militants politiques responsables de l’information. Mais ils ne m’auront pas. Leur mauvaise foi dépasse parfois les bornes comme quand on m’a accusée de mépriser les employées de la cafétéria quand je les ai appelées affectueusement "les petites madames". La porte-parole de l’association étudiante qui est aussi membre de l’exécutif du Collège m’a déçue. En effet, elle m’attaque dans le journal local sur la question des frais d’utilisation des ordinateurs par les élèves et, en général, sur mon peu de sens démocratique. Je serais une grande manipulatrice. C’est ainsi qu’on mine mon leadership. Le représentant des professionnels au Conseil d’administration l’a qualifiée de traître dans le journal local tiré à plus de 25,000 exemplaires et lu par toute la région. Ce journal ne manque pas une occasion de donner la parole à mes adversaires comme s’ils étaient aussi importants que moi qui joue un rôle majeur dans la région comme présidente du Comité local de développement (CLD) et comme Directrice générale du cégep. J’en ai fait le reproche personnellement à la rédactrice en chef qui m’a répondu que son journal essayait de faire du bon journalisme honnête et consciencieux. Elle semblait se réjouir de ma colère et oubliait que le Collège paie des pleines pages de publicité dans son journal. J’irai me plaindre au directeur du journal.

Le Littéraire et le Politique, membres du Comité des relations du travail (CRT) qui ne font pas actuellement partie de l’exécutif ont saboté les résultats de ma rencontre avec l’exécutif du syndicat des enseignants en soutenant que les concessions obtenues étaient illégales, contraires à la convention collective et constituaient un détournement de ressources. On suggère que j’ai acheté l’exécutif en payant la facture de ce repas bien arrosé et que j’ai tenté de les corrompre. Ce qui implique un jugement de valeur contre l’exécutif du syndicat qui aurait montré sa faiblesse en acceptant de céder 4.2 ETC pour des "projets périphériques". Je serais une séductrice. Pire. Paraît-il que je leur rappelle un roman de Guy des Cars intitulé la corruptrice. Ils charrient. Je ne sais trop quoi faire pour arrêter ces injures qui se répandent dans le collège. Pendant les réunions du Comité des relations du travail, la Directrice des ressources humaines est incapable de leur tenir tête: ils sont trop revendicateurs et connaissent trop bien la convention collective ayant déjà gagné des griefs ce qui les a rendus arrogants. L’arrogance, c’est bien ce qui les caractérise.

Tout le monde collabore à la relance du collège, mais pas eux. J’ai multiplié les activités sociales pour créer un climat favorable et mis sur pied une Fondation du cégep qui ramasse des fonds à un bon rythme. Mon objectif est d’atteindre le demi-million de dollars pour pouvoir financer certains projets et surtout donner des bourses aux élèves pour les attirer vers le collège et les encourager dans leurs études. Mais eux, ils sont petits et pensent petit : ils n’ont pas de vision de l’avenir du collège. Ils ne semblent pas conscients que des familles à l’aise financièrement se demandent s’Ils ne feraient pas mieux d’envoyer leurs enfants étudier dans un autre collège que le nôtre. Le fait qu’ils n’habitent pas dans la région explique bien des choses. Ils ne sont pas intégrés à la vie sociale de la région et ça paraît. Il y a une sensibilité qui leur manque; ils n’ont pas l’air de comprendre l’importance des activités sociales que j’organise. La preuve qu’ils ne comprennent rien: ils me traitent de grande mondaine arriviste. Nous ne sommes définitivement pas sur la même longueur d’ondes.

Ces considérations s’appliquent particulièrement à l’un d’entre eux et je n’ai pas besoin de le nommer. Comme représentant des enseignants au Conseil d’administration, le Littéraire est sur le Comité d’évaluation du Directeur des études et de la Directrice générale. Mais il n’est pas question que cet adversaire m’évalue. J’en fais presque une maladie. Je n’accepterai jamais d’être évaluée par lui. Il me déteste. A ses yeux, je ne fais jamais rien de bien. L’occasion m’a été fournie de le chasser du comité d’évaluation quand, avec un collègue du CRT, professeur de sciences politiques, il a envoyé au président du Conseil d’administration un bilan très négatif de l’An 1 où il me menace en prévoyant que l’An 2 se déroulera sous les auspices du dieu de la guerre Mars et non de la déesse de l’amour Vénus et où il attaque le représentant des professionnels qu’il accuse d’obséquiosité, de complaisance et même de soumission servile. Il est vrai que ce professionnel a des ambitions. Un millionnaire que je me vante d’avoir pour ami, le plus important agent d’assurances de la région qui pourrait être député libéral s’il le voulait, m’a fait plaisir en déchirant ce torchon de bilan ostensiblement en plein Conseil d’administration même en l'absence des auteurs de la lettre. En réplique à cette lettre qui m’accuse d’avoir fait une entourloupette et d’exiger de mes subalternes la servilité, j’ai contre-attaqué: il y aura une lettre au dossier pour chacun des deux enseignants et une suspension de six mois du Conseil d’administration pour le professeur de français. Je ne laisse plus rien passer après la publication d’un organe syndical, la Sentinelle, qui a tenté de me ridiculiser.

Le Littéraire a compris l’enjeu et pour que la lettre de doléances soit retirée de son dossier, il a démissionné du comité d’évaluation de la Directrice générale et a signé une intention de bonne conduite et de respect à propos de laquelle je ne me fais aucune illusion. Ce contestataire invétéré ne m’aime pas et ne m’aimera jamais. C’est un délinquant sans manières et je le traiterai en délinquant. Je l’ai à l’oeil et il est mieux de cesser ses attaques contre moi devant ses élèves et devant les autres professeurs comme on me l’a rapporté à plusieurs reprises. Mais au moins, il ne viendra pas verser son venin dans un comité d’évaluation qui aura assez d’objectivité pour reconnaître mes réalisations. On m’a informée qu’il se préparait à demander à voir les factures de mes dépenses de voyages en Afrique du nord et de celles du Directeur des ressources matérielles. C’est insupportable. Je tiens à un renouvellement de mandat pour cinq autres années et je prendrai les moyens pour l’obtenir. Il m’a ridiculisée devant tous les membres du Conseil d’administration en montrant que la résolution du Conseil exécutif qui le blâmait de sa lettre-bilan de l’an 1 était illégale parce qu’adoptée par deux membres sur cinq donc sans quorum. La page du procès-verbal qui contenait cette résolution a donc été retirée et et a été considérée comme n’ayant jamais existé. J’ai perdu la face et, évidemment, tous les membres du personnel en ont été informés. J’entends des rires dans les corridors et dans mes cauchemars. J’ai quand même atteint mon but: il ne fait plus partie du comité d’évaluation de la Directrice générale. Malheureusement, il a été remplacé par l’Ingénieur, un professeur de génie électrique qui est plus fatigant que lui. J’ai dû trouver une autre astuce pour m’en débarrasser. Etant donné que ce comité donne des avis sur le bonus de 6% que peuvent recevoir les deux hors-cadres, aucun employé ne peut siéger sur ce comité. Exit l’Ingénieur. On est en guerre parce que je suis convaincue qu’ils ne veulent pas que mon mandat soit renouvelé.

Revenant à Vénus, déesse de l’amour, on me reproche d’essayer de séduire en offrant des ordinateurs aux enseignants. J’ai eu le malheur d’écrire que, après un an, "le coup de foudre est maintenant terminé". J’entretiendrais des rapports passionnels avec le personnel et avec le Collège. Paraît-il que je suis partisane de la pensée unique et que je ne peux supporter l’opposition. Il est vrai que je suis assez lucide pour ne pas perdre mon temps à essayer de convaincre des gens qui ne penseront jamais comme moi, des gens qui manquent d’envergure et qui me détestent. J’exerce du leadership et je n’accepte pas qu’on s’oppose systématiquement à moi. On m’accuse aussi de ne pas respecter la démocratie. Toutes ces critiques proviennent de gens qui n’ont jamais rien administré. Ils vont apprendre à me respecter.

Je suis une bâtisseuse. J’adore les rénovations et le collège en avait bien besoin. Transformation de locaux, changements de meubles, peinture harmonisée, quel plaisir de faire du collège un grand chantier de construction et de rénover avec goût pour que les lieux de travail soient à la fois fonctionnels et agréables! J’aime travailler entourée de beauté. Une belle grande table en chêne, ça sent bon et ça réjouit l’oeil. Je me suis lancé aussi dans un vaste programme d’achat d’ordinateurs pour les élèves qui nous place à la fine pointe de la technologie. Je veux implanter un nouveau programme en environnement et l’Ebéniste, un professeur de biologie (président du syndicat) qui comprend les intérêts du collège, a fait un travail colossal: avec compétence, il a conçu tout un programme et rédigé les plans d’études d’une quinzaine de cours que nous avons présentés au Ministère. Après de nombreuses démarches où le Directeur des études ne m’a guère impressionnée, les fonctionnaires ont autorisé un programme en environnement-santé et sécurité qui se donne déjà dans d’autres cégeps. Je voulais un vrai programme en environnement basé sur les sciences de la nature et qui serait unique pour attirer de la clientèle de l’extérieur de la région. Les fonctionnaires bornés n’ont rien voulu savoir. Ces fonctionnaires sont des gens qui voient petit. Ils ne croient pas qu’on peut attirer à notre collège des élèves d’autres régions. Nous avons dû nous contenter d’un programme de santé et sécurité qui se sert du mot “environnement” pour attirer des élèves. Le Ministre de l’Education du gouvernement du Parti québécois, suite à mes pressions, a autorisé un investissement de plus d’un million de dollars pour rénover le sous-sol et nous équiper.

Je veux faire de mon collège un lieu d’excellence et de réussite. Pour cela, nous avons conçu et rédigé un projet éducatif fondé sur des valeurs universelles. Il faut des enseignants compétents, dévoués et disponibles qui ne passent pas leur temps à m’attaquer pendant leurs cours et qui respectent leur plan de cours. Dans des visites surprises dans les locaux de professeurs, je me suis aperçue du peu de disponibilité de certains enseignants. Ce n’est pas la majorité mais ils nuisent à la réputation du collège. J’ai alors donné l’ordre à l’adjoint à l’organisation scolaire, qui fabrique les horaires, de distribuer les cours sur un minimum de quatre jours et même cinq jours dans certains cas, pour assurer la présence des enseignants au collège. Montrant un peu trop de zèle, avec sa maladresse habituelle, Grandpied dans les plats demanda aux secrétaires de vérifier si les enseignants donnaient leurs cours de la première minute à la dernière minute de leur horaire et dans le local prédéterminé. Les six secrétaires visées ont refusé cette tâche non prévue à la convention collective du personnel de soutien et je les comprends. Elles n’ont aucun intérêt à provoquer des situations de conflit avec les enseignants. Espérons quand même que cette initiative prise en septembre 1999 par l’adjoint à l’organisation scolaire enverra un message aux personnes concernées. En avril 1999, j’avais demandé à l’Adjointe aux programmes de vérifier la présence en classe de mon ennemi numéro un pour lui rappeler ses devoirs d’enseignants lui qui se donne le droit de juger négativement toutes mes initiatives. Malheureusement, il se méfiait et avait toutes les réponses aux questions sur ses déplacements de locaux. Il se servira sans doute de cette vérification pour jouer au martyr et m’accuser de harcèlement. Mais nous ne faisons que notre devoir. Il y a toutes sortes de rumeurs qui circulent à son sujet. En tant qu'ancien, il en prend pas mal large. Quelques mois plut tôt, j’ai demandé à l’Adjointe d’aller faire remplir un questionnaire par les élèves de bureautique pour évaluer son enseignement. Comme les cours avaient eu lieu trois mois auparavant, les enseignantes de bureautique refusèrent. J’essayais d’avoir des armes contre lui suite à un malentendu à propos du moment où devait cesser la coupure des salaires de 2.5%. Les sept membres du CRT ont écrit une lettre aux membres du Conseil d’administration pour dénoncer le fait que nous voulions faire cesser la coupure en avril, au moment de la signature de la nouvelle convention, au lieu d’en janvier comme cela avait été convenu, paraît-il, au niveau national. Nous avons immédiatement corrigé l’erreur faite de bonne foi mais il en ont profité pour en faire une grosse histoire, comme d’habitude. Nous n’avons pas le droit à l’erreur. Leur hostilité est systématique. A chaque occasion qui se présente, ils en profitent pour souligner ce qu'ils appellent sans ménagement notre incompétence ou notre manque de jugement. Et, de vive voix, ils disent à tout le monde: "Regardez comme elles sont ridicules."

Assez, c’est assez. Pour remplacer mon choix de juin 1997, je n’aurai pas engagé une directrice des ressources humaines avocate pour rien. J’ai lu l’évaluation du directeur des études par l’exécutif du syndicat des enseignants formé de l’Ebéniste (président), du Politique (vice-président), du Littéraire (v.p.) et de l’Irlandais (sec.-trés.) C’est inacceptable. On m’attaque directement sur de nombreux comportements du directeur des études. On lui reproche “de faire la belle devant sa souveraine”. Franchement, y a des limites. On se prépare à m’évaluer de la même façon. L’objectif est le même: il ne faut pas renouveler le mandat des hors-cadres. Mes ennemis prendront tous les moyens pour atteindre cet objectif politique. Ce sont des conspirateurs mais je ne les laisserai pas faire. Un de mes espions enseignant qui me trouve à son goût vient de m’apprendre que ce rapport confidentiel d’évaluation du directeur des études a été lu à haute voix en assemblée syndicale devant une trentaine d'enseignants par l’Irlandais, un professeur d’anglais qui est membre de l’exécutif du syndicat, avec tous les talents oratoires qu’on lui connaît, à la demande expresse d’un membre du syndicat. Paraît-il qu’on pouvait entendre une mouche voler dans la classe où avait lieu l’assemblée syndicale et que ça fessait. C’est un texte virulent extrêmement convaincant m’a-t-on dit. Donc, on m’attaque ouvertement et on se prépare à m’évaluer négativement. Une campagne de salissage est en cours. Cela ne se passera pas comme ça. Ces mécréants vont voir de quel bois je me chauffe.

L’occasion de frapper fort m’a été fournie le 24 janvier 2001 quand l’exécutif du syndicat des enseignants a fait l’erreur d’accuser le directeur des études de double incompétence et de manque de jugement dans le dossier de la double sanction et des conditions d’admission à l’examen de reprise avec un tableau qui montre qu’avec les règles en cours, aucun élève n’a accès aux examens de reprise. On nous couvre de ridicule. Aux grands maux, les grands remèdes. L’avocate Directrice des ressources humaines a contacté le contentieux de la Fédération des cégeps qui fut d’accord pour envoyer aux quatre membres de l’exécutif des enseignants, une mise en demeure de se rétracter, de retirer leurs propos injustifiés, diffamatoires et inacceptables et de présenter leurs excuses au directeur des études dans les cinq jours ouvrables. Cette demande de faire des excuses va les énerver ça c’est certain. Ils diront: c’est eux qui se trompent et c’est nous qui devons nous excuser. Attendons la suite. Je suis certaine qu’ils refuseront de s’excuser. Nous serons alors justifiés de les poursuivre pour diffamation. On va leur clouer le bec.

Au lieu d’obtempérer sans ambiguïté, pendant trois mois, l’exécutif du syndicat des enseignants a joué au chat et à la souris, a menacé de m’évaluer pour régler mon cas, a retiré ses propos sans les retirer et a dit les regretter mais sans présenter des excuses sincères avec une citation de Montaigne qui aggrave leur situation. Voici l’extrait des Essais: "Nous devons la sujétion et l’obéissance à tous rois, car elle regarde leur office: mais l’estimation, non plus que l’affection, nous ne la devons qu’à leur vertu. Donnons à l’ordre politique de les souffrir patiemment indignes, de celer leurs vices, d’aider de notre recommendation leurs actions indifférentes pendant que leur autorité a besoin de notre appui." Cette citation affirme qu’ils n’ont pas le choix d’admettre notre autorité qui est rattachée à notre fonction. Mais que leur estime et même leur affection, nous n’y avons pas droit parce que nous sommes sans vertu, tyrannique, indigne et pleine de vices et, sous entendu, ils nous tolèreront mais tout en faisant tout pour que notre mandat ne soit pas renouvelé. De quels vices s’agit-il? Quand on parle de vices, on pense au sexe, à la boisson ou à la tyrannie. Le mot vice est un mot qui parle à l’imagination. Nos actions sont indifférentes, selon eux, car nous sommes inconscientes du mal que nous faisons. Cette citation a été lue par tout le personnel et relue pour la comprendre dans toutes ses implications. Et, évidemment, le Littéraire, qui l’avait dénichée dans un des trois tomes des Essais dans la collection Folio de Gallimard, s’est fait un devoir de mettre les points sur les i et d’expliquer avec application et volupté la citation de Montaigne. Il se promène dans tout le collège en insistant sur notre indignité. De quels vices parlent-ils? Ils se cachent derrière Montaigne pour dire des choses inadmissibles. Au moins la citation: "Plus le singe monte haut dans l’arbre, plus il montre son cul" n’a pas été rendue publique par écrit même si je sais qu’il l’a répétée à tous ceux qui voulaient l’entendre. C’est intolérable. Ils veulent la guerre. Ils l’auront et qu’ils ne viennent pas se plaindre par la suite. Comme la Fédération des cégeps a refusé de nous suivre, nous avons fait appel aux services d’un excellent avocat local, belliqueux, baveux et agressif comme je les aime, spécialiste des divorces et des situations conflictuelles. Cet avocat va nous coûter cher mais ça en vaut la peine. C'est le Collège qui va payer. Mais si on gagne, c'est le syndicat qui paiera tous les frais de notre avocat. Le 3 mai 2001, sous mon impulsion et sous mes ordres, le directeur des études et le Collège ont envoyé à chacun des quatre membres de l’exécutif du syndicat des enseignants, personnellement, par huissier, une poursuite en Cour supérieure de 80,000 $ pour avoir tenu envers le requérant des propos diffamatoires et méprisants. Ils ont reçu cette poursuite le 15 mai 2001, peu de jours avant les vacances d’été. Nous allons nous faire respecter. Ils veulent détruire notre crédibilité. Ils vont subir les conséquences de leurs propos diffamatoires.

Le 6 juin 2001, j’ai envoyé à tout le personnel du Collège le message suivant.
"Voilà que s’achève la quatrième année du Plan quinquennal de développement que l’on s’est donné en juin 1997 en visant les sept cibles adoptées par le Conseil d’administration du Collège. L’an prochain, le moment est venu de dresser le bilan des objectifs visés annuellement depuis et de préparer la définition du prochain Plan de développement stratégique.
En considérant l’évolution rapide des changements de la société actuelle et des besoins de formation en découlant, il nous apparaît préférable de se limiter cette fois-ci à un plan triennal plutôt que quinquennal. L’an prochain sera donc dédié entre autres à la consultation sur ce grand chantier que sera le proche avenir de notre Cégep.
A cet égard, je veux vous rappeler deux dossiers importants sur lesquels nous travaillons depuis quelques années déjà: l’autorisation d’un DEC en environnement et la reconnaissance collégiale de notre Centre de transfert technologique en écologie industrielle. Nous sommes à faire en sorte que les dernières ficelles s’attachent correctement afin que l’on puisse célébrer lors de la journée d’accueil du 17 août 2001.
D’ici là, j’espère vous avoir mis en appétit d’en savoir plus et je vous souhaite de passer de très belles vacances avec les gens que vous aimez.
En partant pour vos vacances annuelles, ayez l’assurance du devoir accompli et portez la tête haute d’avoir réalisé, une année de plus, la plus belle des missions qui soit, former et développer des intelligences, forger des âmes encore fragiles, donner le goût d’avoir et de maintenir des corps sains et contribuer au développement de notre communauté. Gardez aussi très présent à l’esprit que nous sommes un bon Collège qui sait faire réussir et qui réussit.
Je vous laisse avec mes meilleurs voeux et avec la hâte de vous revoir à la rentrée.
Avec dignité, honneur et vaillance,
Votre directrice générale."

Les quatre membres de l’exécutif du syndicat des enseignants, ce 14 juin 2001, viennent de porter plainte contre le Collège (donc contre moi) en vertu de l’article 15 du code du travail prétendant que la poursuite du Directeur des études et du Collège est une mesure de représailles de la part de l’Employeur suite à l’exercice normal de leur rôle d’officier syndical tel qu’exercé dans la lettre du 24 janvier 2001 concernant une décision d’ordre pédagogique affectant la vie des enseignants et des élèves. Ils réclament chacun 5,000 $ pour atteinte à leurs droits, soit 20,000 $. Mesure de représailles? On verra bien. C’est une façon syndicale de voir les choses qui tombera à l’eau si le juge de la Cour supérieure reconnaît qu’il y a eu diffamation. Une lutte serrée est engagée. Notre avocat en qui j’ai une grande confiance affirme que nous avons une bonne cause. Selon son analyse basée sur une longue expérience, un juge de la Cour supérieure, étant donné son âge et ses antécédents politiques, sera porté à blâmer des enseignants qui n’ont aucun respect de leurs Supérieurs et de l’Autorité et qui insultent par écrit le Directeur des études en le traitant d’incompétent, de doublement incompétent et en l’accusant de manquer de jugement. Un juge pensera qu’une institution ne peut fonctionner si les employés détruisent systématiquement la crédibilité de la Direction. Nous nous servirons de l’article 2088 du Code civil qui oblige un employé à un devoir de loyauté envers son employeur. Selon notre avocat, ces enseignants sont dans le pétrin. Il se frotte les mains. Nous avons une bonne cause. Nous ne pouvons pas perdre. Et c'est le syndicat qui paiera les frais de notre avocat en plus d'une amende pour atteinte à la réputation du Directeur des études. Sa confiance est contagieuse. Mes espions m’ont informée que cette poursuite les a complètement déstabilisés. C’était mon but. Enfin, je prends le dessus.

Je suis aux oiseaux et cette expression n’est pas une allusion au fait que mon ennemi m’appelle tyran tritri, oiseau belliqueux qui ne tolère personne dans son entourage. Un des deux représentants des enseignants au Conseil d’administration vient de faire une gaffe majeure. Cette fois-là, nous allons l’avoir. Il ne s’en sortira pas. Nous avions décidé d’exclure le Littéraire du Conseil d’administration parce qu’il était l’objet d’une poursuite judiciaire de la part du Directeur des études et du Collège; il n’était donc plus digne de siéger au Conseil du moins jusqu’à ce que la cause ne soit jugée. Le soir même, on a donc ajouté un point à l’ordre du jour de la réunion ordinaire du Conseil du 19 juin 2001: implication des membres du C.A., pour pouvoir faire une proposition d’exclusion du Littéraire, le représentant des enseignants. Or, il ne fut pas nécessaire de voter sur cette résolution. Il s’est passé quelque chose de plus grave. Cet “administrateur” a posé des questions sur le budget pour pouvoir m’accuser de ne pas avoir respecté une promesse que j’aurais faite à des enseignants du programme d’Arts et Lettres d’acheter des ordinateurs pour faire du multimédia. Je ne me souviens pas exactement de ce qu’il a dit mais cela se rapproche de ceci: quand vous avez fait cette promesse dans une réunion, vous étiez à jeun! J'ai compris et je ne suis pas la seule, qu'il me traitait d'alcoolique. Ah! c’était donc ça les vices dont parlait la citation de Montaigne. J’ai immédiatement exigé qu’il retire ses paroles diffamantes et il l’a fait avec sa désinvolture habituelle sans aucune sincérité. Encore un peu et il me traitait d’hystérique, moi qui étais l’offensée. A jeun? Qu’est-ce que ça vient faire dans une discussion sur le budget du Collège? Peu importe ce qu’il a voulu dire, ce que j’ai compris est insultant et indigne d’un membre du Conseil d’administration. Le "fin lettré" comme l’appelle ironiquement le Directeur des études vient de faire une bêtise qu’il paiera cher. Je vais le chasser du Conseil d’administration et je vais le chasser du collège en le poursuivant pour diffamation pour l’obliger à prendre sa retraite. Il enseigne au collège depuis 1969. Il est temps qu’il laisse sa place aux jeunes. Il nous a suffisamment écoeurés.

Par courrier recommandé, le 27 juin 2001, le représentant des enseignants au Conseil d’administration a été relevé de ses fonctions d’administrateur du Collège. Avec la directrice des ressources humaines, le directeur des études et le président du C.A., nous avons bien pesé nos mots. Les voici: "Les propos que vous avez tenus envers notre directrice générale durant l’assemblée ordinaire du 19 juin dernier constituent un manquement grave qui porte atteinte à notre institution et à un de ses administrateurs et qui a entraîné le dépôt d’une plainte en vertu du Code d’éthique."
Cela veut dire que l’exécutif du Conseil a adopté ma version des faits et que des membres du Conseil d’administration viendront témoigner en ma faveur. C’est important de le souligner. Ce même jour, mercredi le 27 juin, mon avocat a envoyé, par huissier, à cet enseignant, une mise en demeure réclamant 150,000 $ en dommages, en mon nom et au nom du Collège, Cette mise en demeure déclare: "Vous avez, malicieusement et dans le but de nuire, tenu à son endroit des propos méprisants, mensongers et hautement diffamatoires, le tout dans les circonstances que vous connaissez. Votre attitude a gravement porté atteinte à sa dignité et réputation."

L’étau se resserre. Le Littéraire sera bientôt forcé de prendre sa retraite en échange du retrait des poursuites car je le poursuivrai. Cela va leur coûter cher en frais d’avocats. J’espère que la Fédération des syndicats refusera de payer pour le défendre puisqu’il agissait comme administrateur et non comme syndiqué, membre de l’exécutif du syndicat. J’aimerais bien être un petit oiseau pour assister aux débats quant à savoir si c’est la Fédération qui paiera les frais d’avocat ou bien le syndicat local. Peut-être que les deux refuseront de payer. Paraît-il qu’il va demander au Collège de payer ses frais d’avocat étant donné qu’il a agi en tant qu’administrateur, membre du Conseil d’administration du Collège au même titre que moi. Puisque le Collège paie mes frais d’avocat comme membre du Conseil, le Collège devrait aussi payer ses frais d’avocat puisqu’il est membre du Conseil d’administration autant que je le suis. Il a commencé à faire des représentations auprès du Directeur des ressources matérielles qui l’a reçu froidement. Le Collège paiera mes frais juridiques, et c’est parfaitement normal et légitime: nous avons le droit de nous défendre contre de si basses attaques. En temps normal, je sais qu’une administration ne doit pas se servir des Tribunaux mais avec ce syndicaliste-là, rien n’est normal. Aux grands maux, les grands remèdes. De toutes façons, si le Juge nous donne raison, ce sera avec dépens et ils auront à payer tous nos frais d’avocat qui s’élèveront à plus de 50,000 $ en plus d'avoir à payer une amende substantielle pour atteinte à la réputation. Quand ils auront à exiger des membres de tous les syndicats de la Fédération une cotisation spéciale pour payer les dommages et intérêts et nos frais d’avocats, ils comprendront enfin qu’on ne joue pas impunément avec la réputation des hors-cadres, le Directeur des études et la Directrice générale d’un collège. Cela leur servira de leçon. Ils seront un peu moins arrogants après et nous montreront un peu de respect. Je vais leur apprendre à vivre.
De nombreux témoignages de sympathie me sont parvenus au Collège, malgré les vacances, de la part d’employés, de cadres, d’amis et de connaisssances qui ont à coeur ma réussite comme directrice générale. On emploie les mots les plus sévères pour blâmer la conduite de mon ennemi. D’ailleurs, m’a-t-on dit, ça fait longtemps que ce pamphlétaire joue avec le feu. Au moment de la publication de son premier livre, les industriels attaqués avaient pensé à le poursuivre mais ils ont reculé de peur d’en faire un martyr du séparatisme. Ce n’est pas parce qu’on est docteur en lettres qu’on peut se permettre de dire n’importe quoi et de diffamer des personnes sincères, respectables et dévouées.

Le 3 juillet, j’ai reçu une lettre adressée à toutes les personnes présentes au Conseil d’administration du 19 juin 2001 où l’enseignant note en détail les mots utilisés lors de ses questions sur le budget mais au moment où il rapporte les mots utilisés dans son accusation à l’effet que je n’aurais pas respecté un engagement que j’avais pris d’acheter des ordinateurs en Arts et Lettres, lors de l’accueil du personnel à l’automne 2000, il prend bien soin de ne rien mettre par écrit sur l’insulte qu’il m’a faite. Il souligne qu’il se réfère à l’accueil du personnel pour justifier l’emploi de l’expression "à jeun" qui, de toutes façons, était totalement inappropriée et qui lui a sans doute échappé dans le feu de l’action. Il essaie de noyer le poisson en vain car il recevra bientôt sur la gueule une poursuite pour diffamation que nous sommes en train de planifier. Peu importe ce qu’il a dit et son intention, il a fait une gaffe monumentale et nous la lui ferons regretter. Laissons-lui le temps de s’inquiéter et d’avoir peur et prenons plaisir à lui gâcher ses vacances. Mes espions m’ont informée qu’il se sent mal. Il voit le danger et il est très inquiet.

Le 6 août 2001, mon avocat m’a fait signer une requête en diffamation, atteinte à la réputation et dommages réclamant 100,000 $ pour les dommages que j’ai subis; le Cégep réclame aussi 70,000 $ pour dommages. La requête, signifiée par huissier, sera présentée à la fin d’août devant un juge de la Cour supérieure au Palais de justice. On verra bien si un membre du conseil d’administration d’un collège a le droit de laisser clairement entendre que la directrice générale, de façon courante, travaillait en boisson et, que, conséquemment, ses décisions étaient douteuses. On verra bien s’il y a une justice au Québec. Ça leur coûtera 170,000 $ pour avoir attaqué ma réputation et nui au Collège. Je vais mettre le syndicat dans la rue et son vice-président à la porte. Je répands partout ce qu'il a dit et tout le monde est scandalisé et me presse de me défendre. “Ne le manque surtout pas!” est ce que j’entends le plus souvent de la part de mes amis qui sont nombreux.

Le 29 août 2001, les douze coordonnateurs de département ont envoyé une lettre aux membres du Conseil d’administration. "L’assemblée des coordonnateurs et coordonnatrices de département dénonce le type de gestion par judiciarisation des relations de travail au Cégep. En conséquence, l’assemblée demande au conseil d’administration de prendre les mesures nécessaires afin de mettre un terme à l’utilisation des moyens juridiques dans la gestion du Collège." D’autre part, comme je le redoutais, l’assemblée générale du syndicat des enseignants a donné à son exécutif le mandat de procéder à une évaluation exhaustive de mon premier mandat avec un long questionnaire à remplir par chacun des enseignants avec la possibilité de faire des commentaires critiques. Les poursuites contribuent à les motiver encore plus et me font un tort considérable car les enseignants les désapprouvent. Je me sens menacée. L’assemblée a voté aussi le mandat de boycotter toutes les activités non prévues à la convention collective pour protester contre les poursuites. Mes espions, dont certains sont des enseignants, m’ont dit que la Fédération paiera tous les frais d’avocat des membres de l’exécutif du syndicat et les frais d’avocat de l’enseignant qui pourtant est poursuivi comme administrateur, de telle sorte qu’ils n’ont plus rien à craindre. Je me demande si je ne devrais pas retirer la poursuite contre l’exécutif du syndicat pour ne garder que celle contre le Littéraire. J’y pense sérieusement.
Je commence à recevoir des avis non sollicités. Chaque fois que j’ai à rencontrer un enseignant, celui-ci, après avoir réglé le sujet principal de sa visite, me dit poliment que je fais fausse route avec les poursuites. Que l’administration avait tort sur les examens de reprise et la double sanction et devrait le reconnaître humblement. Que le programme d'Arts et Lettres a un besoin urgent d'ordinateurs. Que le Littéraire est de bonne foi et veut le bien du collège. Que ma poursuite personnelle contre lui est absurde car celui-ci n’a pas dit ce que je prétends qu’il a dit. Ce n’est pas son genre d’attaquer les administrateurs à partir de leur vie privée. Que dans la région, personne ne lève le nez sur la boisson et que ce n'est pas un problème. Et que, de toutes façons, il n’est pas du genre à juger les gens et à jouer les moralisateurs. En trente ans, il n’a jamais attaqué la personne d’un administrateur et pourtant Dieu sait s’il en a eu des conflits. Une seule fois il est allé sur un terrain glissant en informant tout le monde qu’un directeur des études qui faisait prendre les présences à l’entrée de l’auditorium et qui s’était déclaré malade au lieu de prendre la parole comme prévu lors d’une journée pédagogique avait été vu le jour même chez Ro-Na (par "trempette" qui l’avait dénoncé) et s’était esquivé rapidement lorsqu’il avait constaté qu’il avait été vu. Tout le monde le défend, j’en reviens pas. Même ceux qui disent ne pas être de ses amis me désapprouvent. Même les enseignants retraités s’en mêlent. On me dit de penser au bien commun du Collège et d’envisager les conséquences: le Collège est déjà en plein malaise car j’abuse de mon pouvoir; l’image du Collège sera affectée avec une baisse possible de clientèle car tout le monde est au courant du conflit et tout le monde en parle dans la région. Beaucoup de gens disent que je gaspille l’argent des contribuables en frais d’avocat. On nous soupçonne même de prolonger le conflit pour enrichir l’avocat local qui serait de nos amis ou, du moins, l’ami de l’Avocate de service. Ça devient lourd. Le Littéraire est loin d’être isolé. Je constate qu’il jouit d’une certaine popularité même si beaucoup de monde le trouve fatigant. Malgré ses gros défauts, le Littéraire est estimé. Ceux qui ont lu ses livres ou qui partagent son option politique l'admirent. Les milieux ouvriers aiment son style baveux. On aime son style irrespectueux et irrévérencieux. Les ouvriers aiment bien quelqu'un qui écoeure les bourgeois. Les indépendantistes de la région ont du respect pour son engagement politique. On dit ouvertement que je suis sur son dos parce que je suis une maudite libérale qui abuse de son pouvoir pour faire de la petite politique partisane.

A cause du projet des enseignants de m’évaluer, j’ai accéléré le processus de mon renouvellement de mandat par le Conseil d’administration. Le syndicat des enseignants n’aura pas terminé son évaluation et je serai renouvelée pour cinq ans. C’est moi qui contrôle le Conseil d’administration, pas eux. Je les aurai déjoués.

Le 10 octobre 2001, pour échapper aux questions de Comité d’éthique et de déontologie du Conseil d’administration, le représentant des enseignants a démissionné du Conseil et envoyé sa lettre de démission à tous les enseignants et aux membres du C.A. Il en profite, évidemment, pour m’attaquer personnellement. Le Littéraire me reproche de sous-financer les programmes de Sciences humaines, de Sciences de la nature et d’Arts et Lettres puisque ce programme n’a pas encore ses ordinateurs même s’il y a plus de 650,000 $ dans la réserve accumulée du Collège. Sous-entendu, je favorise les programmes techniques au détriment des programmes pré-universitaires. "Cette administration, écrit-il, qui, pourtant ne se gêne pas pour dépenser des fonds publics de la façon que l’on sait. Pour cette administration, la fin justifie les moyens comme on l’a vu dans la menace d’aller en appel d’offres dans le dossier de la cafétéria et comme on le voit dans la judiciarisation des relations de travail dénoncée à l’unanimité par les douze coordonnateurs de départements. Ce qui est grave, c’est qu’on n’a pas l’air de se rendre compte que ces méthodes d’intimidation pourrissent notre climat de travail." Ce qui est terrible, c’est que je commence à me rendre compte que la très forte majorité des employés, cadres, professionnels, soutien et enseignants pensent comme lui. Il termine par un coup bas au Président du conseil à qui la lettre de démission est adressée: "Je démissionne comme membre du Conseil d’administration que vous co-présidez avec la directrice générale." Sous-entendu, si je co-préside, lui il ne préside pas de façon autonome. Peu importe, je l’ai forcé à démissionner comme représentant des enseignants: me voilà débarrassée d’un adversaire qui n’avait pas sa place au Conseil d’administration de mon collège et qui posait des questions déstabilisantes sur les dépenses et surtout l’International. Une rumeur circule à l’effet que nous avons poursuivi le syndicat et nous avons chassé son vice-président du C.A. parce que nous avons des choses à cacher. Nous tenterions de faire diversion et d’occuper l’exécutif du syndicat pour les empêcher d’aller au fond des choses du point de vue des frais de représentation, des voyages et ce qu’ils appellent les combines autour de l’International.
L’avocat syndical conteste ma requête en diffamation le 24 octobre 2001 en prétendant que "l’enseignant n’a jamais traité la requérante d’alcoolique" et que c’est moi "qui ai fait la diffusion de propos que l’intimé n’avait pas tenus" et que je suis "la seule responsable de la diffusion de propos erronés". Ma réclamation est donc abusive et grossièrement exagérée et la poursuite frivole. C’est l’arroseur arrosé. S’il y a procès, on trouvera six ou sept témoins qui diront comme l’intimé et six ou sept témoins qui diront comme moi et on ne sera pas plus avancé. On sera dans un cul-de-sac. La seule façon d’en sortir est de retirer les poursuites mais il n’y a rien de pressé. Attendons. Continuons à les occuper et à les déstabiliser.

Mon avocat local, l’avocate directrice des ressources humaines et moi-même avons préparé l’interrogatoire après contestation qui aura lieu le 31 octobre. Ce fut une réunion très fructueuse. Nous avons repassé le déroulement des événements du 19 juin et les paroles qui ont été prononcées par les uns et les autres. Nous avons décidé de ne pas tenir compte de sa lettre du 3 juillet où il insiste pour dire qu’il se référait à un accueil du personnel, ce qu’il appellera une fête dans l’interrogatoire du 31 octobre. C’est sa version des événements: nous en avons une autre, c'est tout. Le juge tranchera entre la parole d’une directrice générale estimée de tous et un enseignant délinquant qui ne respecte rien et insulte les administrateurs. Qui croira-t-on? Une personne respectable et dévouée comme moi ou cet enseignant qui adore insulter les gens surtout ceux qui n’ont pas ses idées politiques et cela depuis toujours. Nous allons présenter une preuve de caractère qui sera dévastatrice.

Dans son interrogatoire du 31 octobre, l’enseignant nie avec fermeté et avec conviction l’interprétation que nous faisons de ses propos. Il précise qu’il a dit se référer à l’accueil du personnel tandis que moi, je prétends qu’il parlait d’une rencontre en département. Voici, selon lui, ce qu’il a voulu dire: “Venez pas me dire que c’est dans l’enthousiasme que procure un bon verre de vin que vous avez promis à mes collègues d’acheter des ordinateurs.” Ma réaction le soir du 19 juin serait donc le résultat d’une mauvaise compréhension de ses propos. Il a répondu aux questions de mon avocat avec beaucoup d’aplomb. Quand mon avocat l’a accusé directement et ouvertement d’avoir laissé entendre que j’étais habituellement “paquetée” quand j’exerçais mes fonctions, il a répondu d’une façon qui ne ment pas: “Voyons donc! Vous n’êtes pas sérieux! Je n’ai jamais pensé ni dit cela! Et tout le monde le sait.” Est-on devant un “mal entendu”? Je commence à penser que je me suis énervée pour rien le soir du 19 juin. Tout le monde se demande pourquoi, ce soir-là, j’ai grimpé dans les rideaux pour employer leur expression. C’est vrai que j’étais sur les nerfs parce qu’on avait un problème de quorum et que j’avais décidé d’expulser Le Littéraire du Conseil d’administration jusqu’après les procès. Les deux enseignants membres du Conseil n’avaient qu’à quitter la réunion pour nous empêcher de voter la résolution qui exclurait mon ennemi du Conseil d’administration et ils l’ont d’ailleurs fait.

Je continue la lutte mais l’option de retirer les poursuites quand elles auront eu leur plein effet est de plus en plus sur la table. J’ai joué mon rôle à la perfection. A la fin des interrogatoires, j’ai pris les mains de l’avocat du syndicat en lui disant: “Je ne suis plus capable de prendre un verre de vin sans être traumatisée.” Mon charme n’a pas opéré. L’avocat a figé et m’a lancé un regard glacial. J’ai bien vu qu’il a pensé que j’en faisais trop. Ils ont dû se dire que je méritais l' Oscar de la meilleure actrice de l'année.
Un des enseignants qui me sert d’espion m’a remis une lettre ouverte non signée (mais on sait d’où ça vient) qui m’est adressée laissée par inadvertance sur un des photocopieurs. Elle est datée du 6 novembre 2001 et s’intitule: "Pourquoi ça ne va pas bien au cégep." Je pense qu’elle a été laissée volontairement sur le photocopieur pour qu’elle se rende à moi parce qu’ils n’oseront pas la publier. Je la retranscris en souvenir de leur acharnement contre moi et pour qu’on ait une idée du contenu de la campagne de dénigrement dont j’ai été l’objet et qui a conduit 70% des enseignants à s’opposer à mon renouvellement de mandat. Cette accumulation de faits et d’opinions négatives fait de moi une directrice exécrable et je suis bien évidemment tout le contraire de cela: je suis une directrice dévouée qui se tue au travail pour relancer un collège. Telle n’est pas la perception de ces gens-là qui n’ont pas cessé de m’en vouloir après les deux incidents des premiers mois de mon mandat. Aurait-il fallu que je choisisse le Syndicaliste comme Directeur des ressources humaines? Pouvais-je ignorer le plainte qui avait été faite contre Le Littéraire? Dans ce bilan, il n’est pas du tout question de ce que j’ai fait de bien en quatre ans. Vous avez donc une vision partielle, partiale, profondément injuste et foncièrement malhonnête. Pour eux, je ressemble à la méchante sorcière aux ongles longs des films de Walt Disney. C’est de la caricature et de la caricature extrêmement hostile. N'oub liez pas que cette lettre n'a jamais été rendue publique.

"6 novembre 2001 (confidentiel: for private eyes only)

Lettre ouverte à la Directrice générale: voici pourquoi ça ne va pas bien au cégep

Madame la Directrice générale,
Un administrateur l’a admis récemment: “Ça ne va pas bien actuellement”. Nous pensons que vous êtes la principale responsable du mauvais climat de travail qui existe au collège. Et nous avons l’intention de le prouver. Voici une série de faits que vous ne pouvez nier. Voici des paroles que vous avez prononcées et des gestes que vous avez posés qui montrent un manque de respect de votre part, vous qui n’avez que ce mot à la bouche pour dénoncer ceux ou celles qui ne pensent pas comme vous.

1- Par rapport aux employées de la cafétéria, à la gérante et au président du Café du Bourg

* en augmentant le loyer et en enlevant les revenus des machines distributrices, vous avez provoqué la fermeture du Café-Inn mais vous avez laissé croire que cette fermeture était la faute du Café du Bourg;
* lors d’une séance d’information convoquée conjointement avec le président de la coopérative du Café du Bourg en présence de plus d’une centaine de membres du personnel, vous avez manqué de respect envers ces employées en les appelant “des petites madames”; et le pire, c’est que vous ne vous rendez même pas compte que cette expression est méprisante;
* à cette occasion, vous avez été la seule à prendre la parole; vous avez humilié le président du Café du Bourg en le réduisant au silence et vous avez eu une attitude antidémocratique en essayant de nous imposer votre pensée unique;
* en menaçant d’aller en appel d’offres pour confier la cafétéria à une entreprise privée, vous avez créé pendant un an un sentiment angoissant d’insécurité chez les employées en particulier chez la gérante, au détriment de leurs conditions de travail et cela, pour quelques dollars;
* vous avez créé un sentiment d’insécurité par rapport à la qualité des services alimentaires donnés aux élèves et au personnel.

2- Par rapport aux employés de soutien

* lors de l’accueil du personnel, au début de l’an 2, le président du syndicat des employés de soutien a eu le courage de lire une lettre de protestation qui n’était pas prévue à l’ordre du jour, pour dénoncer le mépris de la directrice générale à leur endroit puisqu’elle les traite comme des “pions” qu’on peut déplacer à volonté;
* le résultat de vos modifications de l’organigramme: un nombre anormal de congés de maladie;
* il n’y a personne pour accueillir les visiteurs qui arrivent dans l’entrée principale; vous avez déplacé la réceptionniste et distributrice du courrier pour la déstabiliser et l’intimider avant qu’elle ne témoigne lors de l’audition du grief sur l’interception par le Comité de direction d’un courrier syndical, le complément à l’Info-CA, sur le problème de la cafétéria.

3- Par rapport aux élèves

* imposition d’une cotisation de 5 $ par session donnée à la Fondation incluse dans le calcul des frais d’inscription et autres;
* frais de stationnement; frais de polycopie; frais d’utilisation des ordinateurs, frais de toutes sortes; le cégep a les frais afférents les plus élevés au Québec

4- Hostilité à l’égard des membres de l’exécutif du syndicat des enseignants

- le vice-président du syndicat, professeur de sciences politiques (le Politique)

* vous avez déposé une lettre à son dossier parce qu’il était le co-auteur d’un texte qui critiquait votre gestion de la réserve accumulée de 2.4 millions et votre refus de financer de nouvelles voies de sortie; vous avez retiré cette lettre à son dossier après l’avoir obligé à signer un engagement de ne plus manquer de respect;
* pour l’intimider, vous l’avez menacé d’envoyer le directeur des études lui-même dans ses classes pour l’évaluer; vous avez tout de même envoyé un professionnel pour assister à ses cours et seule une évaluation favorable de ses élèves a fait cesser ce harcèlement.

- le président du syndicat, professeur de biologie (l'Ebéniste)

* en l’an 1, à l’époque où le “coup de foudre” n’était pas terminé, lors d’un repas “convivial”, vous avez exigé que 4.2 ETC ( Equivalent Temps Complet) soient utilisés pour financer vos projets périphériques comme le Centre de transfert au détriment des ressources à l’enseignement;
* alors que cet enseignant avait droit à 1 ETC de dégrèvement pour la réalisation d’un projet de recyclage de matières résiduelles dans une usine de la région, vous lui avez enlevé 35% de son dégrèvement soit l’équivalent de .35 ETC qui lui revenait comme président du syndicat;
* parce qu’il a signé le complèment à l’Info-CA dénonçant le fonctionnement du Conseil d’administration dans le traitement du problème de la cafétéria, en guise de représailles, vous lui avez refusé l’autorisation de participer à un congrès de trois jours sur l’environnement en lui disant: “ Avec moi, c’est donnant-donnant”.

- le secrétaire-trésorier du syndicat, professeur d’anglais (l'Irlandais)

* lors de l’accueil du personnel à l’automne 2000 dans l’auditorium, vous avez nommé absolument tout le monde (congés, retraités, retours, déplacements, nouveaux enseignants) sauf un: vous avez volontairement oublié un enseignant qui était de retour après trois ans d’absence et vous, qui vous vantez de votre savoir-vivre, avez négligé de le féliciter pour son recyclage réussi en anglais;
* à la suite de l’article publié dans le journal local sur la poursuite en diffamation de 80,000 $ du Collège contre l’exécutif du syndicat; à la suite de la photo et de l’article publiés dans le même journal sur la remise des bourses par le syndicat à des élèves, vous avez dit qu'il était un cancer et qu’il voulait détruire le collège comme vous l’aviez dit d’un autre membre de l’exécutif syndical dont il sera maintenant question et qui a été l’objet privilégié de votre “attention”.

-le vice-président du syndicat, professeur de français (le Littéraire)

* vous avez déposé une lettre de réprimande à son dossier à cause d’un texte critique dont il était le co-auteur sur votre “performance” pendant ce que vous avez appelé “l’an 1”. Vous avez retiré cette lettre de doléances à son dossier en échange de sa démission comme membre du Comité d’évaluation des mandats du Directeur des études et de la Directrice générale (les hors-cadres), ce qui était votre objectif “politique”. Vous avez aussi exigé qu’il signe un engagement de “bonne conduite” et de respect;
*suite à ce même texte critique, vous avez manoeuvré de manière à ce qu’il soit suspendu pendant six mois du Conseil d’administration pour manque de respect. Cette suspension était illégale car elle a été votée par un exécutif du Collège qui n’avait pas quorum; la résolution qui accusait le représentant des enseignants de manquements inclus dans le Code d’éthique fut donc biffée du procès-verbal et considérée comme nulle et non avenue. Vos manoeuvres ayant échoué, vous avez modifié la règle du quorum lors des réunions de l’exécutif ou du conseil de discipline ainsi que le règlement 7c qui permet de renouveler votre mandat en novembre et non en mars comme prévu par le règlement. Et vous avez chassé un professeur de génie électrique qui l’avait remplacé au Comité d’évaluation des mandats de manière qu’aucun membre de l’interne ne siège à ce comité;
* Vous avez tenté de le prendre en défaut dans son enseignement et vous avez donné à votre adjointe préférée le mandat de l’espionner systématiquement. Après plus de 30 ans d’enseignement dans notre collège, convoqué par cette adjointe en présence du coordonnateur du département de français, il fut sommé de s’expliquer sur de prétendues absences non motivées ou non expliquées. Dans un cas, il s’agissait d’un congé de maladie: l’information ne s’était pas rendue jusqu’au bureau de l’adjointe qui avait aspiré au poste de directeur des études et que vous vouliez nommer directement sans passer par un comité de sélection. Dans un autre cas, les élèves étaient dans un autre local (C-2103) afin de visionner un vidéo. Ayant répondu à toutes ses questions à sa satisfaction, piteusement, “l’adjointe” parla de “rumeurs” et s’excusa presque d’avoir fait subir un tel interrogatoire à un enseignant qui a donné au collège de bons et loyaux services pendant trente ans. Quelle administration de broche à foin qui se cache derrière des rumeurs ou des pseudo-plaintes!
* A propos de plaintes, vous avez commencé votre carrière de directrice en convoquant le président du syndicat pour déblatérer contre cet enseignant au lieu de vous adresser directement à lui comme vous auriez dû le faire; c’est un manque d’éthique professionnelle;
* suite au conflit de la cafétéria où le syndicat des enseignants vous a obligé à agir de façon civilisée, suite à l’évaluation du Directeur des études qui vous a fait paniquer, vous avez décidé de prendre les grands moyens: chaque membre de l’exécutif du syndicat a reçu la visite du huissier et a été poursuivi personnellement en Cour supérieure pour la somme de 80,000 $;
* à la fin des dernières négociations, une entente a été signée au niveau national pour que cesse la coupure de 2.5% de nos salaires au début de janvier 2000. Les sept membres du Comité des relations du travail ont dénoncé par lettre votre décision de continuer à couper jusqu’en avril. Cette lettre a été envoyée à chacun des membres du CA. Pour éviter cela qui nuisait à votre image, vous avez exigé que nous retirions la lettre. Essuyant un refus catégorique de sa part, vous l’avez accusé “de ne pas avoir rempli son contrat d’enseignant à la dernière session en bureautique”. Devant sa réaction de colère, quelques jours plus tard, vous avez envoyé l’adjointe avec un questionnaire d’évaluation qui devait être rempli par ses anciennes élèves de bureautique trois mois après la fin de la dernière session, afin de prouver que vous aviez raison. Malheureusement pour vous, les enseignantes de bureautique s’opposèrent à ces manigances.
* Au Conseil d’administration du 19 juin 2001, comme le représentant des enseignants vous a accusée de ne pas respecter un engagement que vous aviez pris lors de l’accueil du personnel à propos de l’achat d’ordinateurs en Arts et Lettres, vous avez décidé de frapper le grand coup: la révocation jusqu’au 17 novembre 2003 suite à une plainte d'un membre du CA et une poursuite en diffamation de 170,000 $.

Le tableau qui vient d’être tracé ici n’est pas exhaustif. Nous avons énuméré des faits vrais. Or, nulle trace de ces faits dans vos rapports d’évaluation annuels. Votre autoévaluation qui sert de fondement à votre demande de renouvellement de mandat pour cinq autres années ne parle pas des conflits que vous avez provoqués, des coups bas que vous avez donnés, de l’hostilité que vous avez engendrée et des conséquences désastreuses de vos agissements sur nos conditions de travail et le climat général du collège.
Quand une autorité se croit tout permis, abuse de son pouvoir, regarde de haut les gens et les voit comme des subalternes qu’on peut traiter cavalièrement, il peut se passer deux choses. Ou bien les subalternes encaissent les coups et s’écrasent. Ou bien ils dénoncent et contestent au lieu de se soumettre.
Quand on exige du respect, il faut d’abord en donner. Ça ne va pas bien au collège et vous en êtes la principale responsable. A la fin de votre mandat, vous devez donc partir."

Ce bilan est très négatif, trop ; telle est la vision des choses de mes adversaires. Ils n’ont pas diffusé ce texte mais tout ce qu’il contient a été propagé oralement par les uns et les autres. Je n'ai rien fait de bien en quatre ans. C’est très injuste. Il ne reste pas beaucoup de place pour le dialogue. Je n’ai pas le choix. Je vais me battre. Non seulement je ne partirai pas, mais je vais rester. C’est volontairement que je n’ai pas souligné le retour du professeur recyclé de la philosophie à l'anglais. Il se comporte en adversaire alors il ne doit pas s’attendre à des félicitations.

Comme prévu, le Conseil d’administration du 15 novembre 2001 vient de renouveler mon mandat pour cinq autres années. Je suis très sensible à cette marque de confiance obtenue malgré l’acharnement des quatre membres de l’exécutif du syndicat des enseignants contre moi. J’ai écrit une lettre à tout le personnel "pour exprimer ma joie et la partager avec tous ceux qui savent reconnaître mes réalisations et qui apprécient mon dynamisme et ma volonté de changement. Nous allons améliorer le climat de travail grâce à la bonne volonté de tous en ayant une attitude de bonne foi dans la recherche des solutions. Quand on veut, on peut. Nous allons y arriver. Pourvu que nous ayons le goût du bonheur." J’ai réussi à déjouer ceux qui me détestent. Je suis la plus forte.
Mes espions m’ont informée que ma lettre a enragé l’exécutif du syndicat des enseignants: ils la qualifient de triomphaliste et de provocatrice. Pour eux, dans le contexte des poursuites qui les traumatisent, mon enthousiasme est indécent. Ils n’ont certes pas le goût du bonheur! Pauvres eux autres! Je serai encore là pour au moins cinq ans. Quatre ans de dénigrement et de négativisme qui s’envolent en fumée, ça doit être dur à avaler. Ce sont de mauvais perdants. Il serait temps qu’ils se rendent à l’évidence. Je suis la plus forte et, sans vouloir me vanter, pour ce qui est de la stratégie, je ne suis pas si mauvaise que cela. Mon ennemi n’a plus le choix. Il doit partir.

Parlant des enseignants que j’appelle affectueusement mes espions, il faut savoir qu’un certain nombre d’enseignants désapprouvent les boycotts et m’expriment beaucoup de sympathie. Les renseignements qu’ils me donnent sont précieux. Je me sers aussi d’eux pour faire passer des messages. Je les appelle des espions mais je crois que ce sont plutôt des agents doubles. J’ai dit clairement à l’un d’eux, le même qui se disait stratégique et non hypocrite, que les poursuites ne seront pas retirées tant que Le Littéraire ne prendra pas sa retraite. Je suis sûre que le message s’est rendu. Cet individu n’a pas sa place dans mon collège. C’est lui ou moi. Or, mon mandat vient d’être renouvelé pour cinq autres années. Il devrait admettre sa défaite et partir sans perte actuarielle comme me l’a précisé ma directrice des ressources humaines.

Catastrophe: ils ne lâchent pas. Pire, ils contre-attaquent. Le renouvellement de mon mandat pour cinq ans les motive encore plus. Ile ont décidé de me faire la vie dure. Un nouveau bulletin d’information syndicale intitulé Le Huissier vient de paraître. Les trois premiers numéros du 7 décembre 2001, du 14 janvier 2002 et du 18 janvier ont été distribués à tous les enseignants et aux différents syndicats du Collège. Le Huissier du 7 décembre contient une citation en exergue d’une ironie détestable qui fera sourire ceux qui ne m’aiment pas: "L’humeur ambitieuse de la reine lui faisait trouver une grande douceur à régner". Il s’agit de Catherine de Médicis que le roi trompe ouvertement; alors, elle régne sur quoi au juste! C’est dans la Princesse de Clèves de Madame de La Fayette, Mais il y a plus grave. Puisque mon mandat a été renouvelé pour cinq ans, ils ont décidé de faire de l’évaluation formative. Les hypocrites, ils disent que c’est pour mon bien et le bien du Collège. Ils se vengent ainsi de toutes les tentatives d’évaluation des enseignants que font les administrations depuis des années. Rendez-vous compte. Ils publient en détail le "Rapport d’évaluation du premier mandat de la directrice générale" même si ce rapport devait rester confidentiel. Sur les nouvelles technologies dans lesquelles j’ai beaucoup investi, on me fait quantité de petits reproches mesquins qui reviennent à dire que la gestion des ressources humaines et des ressources matérielles laisse à désirer. On peut lire: "Avec 2.4 $ millions dans la réserve accumulée par le Collège, n’importe qui pouvait dépenser des milliers de dollars pour acheter des ordinateurs. Il n’y a aucun mérite à cela. Le fait de faire payer les élèves a conduit à des conflits qui ont nui à l’usage efficace des ordinateurs par les élèves. C’est un exemple de mercantilisme de la directrice générale. Chaque enseignant devrait avoir un ordinateur ou qu’on n’en parle plus."
Sur la promotion et l’image, sous le couvert de l’anonymat, des enseignants déversent leur fiel. Tout le personnel a pu lire: "La directrice générale projette une image mercantile, anti-démocratique, anti-syndicale. Elle est à temps plein au service de son image et à temps partiel au service du Collège. Elle manque de jugement et est tyrannique en utilisant des fonds publics pour payer son avocat à des fins personnelles pour saboter le processus de son évaluation. Sa priorité n’est pas d’investir dans la relation maître-élève, mais dans toutes sortes d’activités périphériques comme le Centre de transfert ou l’International où il y a beaucoup de dépenses et pas de revenus. Par ses activités extérieures, elle projette une image de petite-bourgeoise et de quêteuse. Ce fut une mauvaise décision d’investir 80,000 $ au Canal savoir. Donner 80 bourses de 1,000 $ aurait été plus efficace pour atttirer de la clientèle. La directrice générale fait semblant d’être surprise quand ses décisions sont contestées; elle est incapable de respecter un point de vue différent du sien. C’est le règne de la pensée unique et quand la DéGé n’obtient pas l’unanimité, elle pique des crises de diva. C’est la première fois dans l’histoire des cégeps que des hors-cadres poursuivent des enseignants en Cour supérieure pour diffamation. Je réclame la mise en tutelle de notre collège par le gouvernement et une Commission d’enquête publique gouvernementale."
Sur les fonctions administratives et relationnelles, encore une fois sous le couvert de l’anonymat, tout le collège a pu lire ceci:

"Voici le jugement global que je porte sur les quatre années de fonction de la directrice générale:
- elle est pourrie dans sa gestion des ressources humaines;
- dans le dossier de la cafétéria, elle a fait preuve de son manque d’humanisme; elle a même été cruelle envers les employées qu’elle ne respecte pas;
- dans le dossier de l’examen de reprise, elle a refusé de reconnaître ses erreurs;
- incapable d’argumenter et de défendre démocratiquement ses décisions et son style de gestion, elle a montré son impuissance et son incompétence en essayant d’imposer sa pensée unique par la voie des tribunaux;
- incapable de composer avec des opinions différentes des siennes, elle force les gens à démissionner en leur étant systématiquement hostile comme ce fut le cas des deux enseignants qui ont démissionné du CA du collège; ce n’est pas une rassembleuse;
- par son mercantilisme et la priorité qu’elle accorde aux activités périphériques (bal masqué, partie de sucres, tournoi de golf), elle camoufle le fait qu’elle cherche à diminuer les ressources à l’enseignement."

On reconnaît le style détestable de Boutefeu qui se cache comme un lâche derrière l’anonymat des réponses à un questionnaire d’évaluation. Un tel négativisme est intolérable. Je ne pouvais laisser passer de telles attaques.

En réplique, lundi le 28 janvier 2002, j’ai envoyé un Communiqué signé La Direction à tout le personnel enseignant.
"Nous profitons de ce Communiqué pour vous faire part que nous déplorons que votre exécutif syndical continue la publication d’écrits qui enfreignent, selon notre interprétation, les notions de confidentialité, de respect des renseignements personnels et qui sont mensongers à plusieurs égards. En effet, selon l’éthique la plus minimale, l’évaluation d’une personne doit se discuter à l’intérieur d’un processus très confidentiel. Nous vous demandons d’être vigilants et de mettre certains bémols sur les écrits qui vous sont transmis. Si quelqu’un d’entre vous ressent le besoin d’avoir des informations supplémentaires ou des réponses à leur questionnement, nous vous rappelons que notre porte est grande ouverte pour vous recevoir individuellement et collectivement."

Dans une demi-page du journal local du 12 février 2002, sur une colonne, je viens de faire publier le message suivant.
"Merci! Merci à nos enseignantes et à nos enseignants pour l’excellent travail réalisé! Le taux de réussite des étudiantes et des étudiants inscrits aux programmes de DEC est passé de 80.3% à l’automne 1995, à 89.7% à l’automne 2001. Une augmentation de 9.4%..." Suivent les noms de tous les enseignants du Collège. Ce message de félicitations a été publié pour influencer les enseignants car, par le Huissier du 7 février, l’exécutif du syndicat consulte ses membres quant à la décision de poursuivre la Direction à cause de mon communiqué du 28 janvier 2002.

Un processus de médiation commencé après les deux rencontres d’octobre dernier ne va nulle part parce qu’ils mettent comme condition le retrait des poursuites. Il n’en est pas question. Les poursuites sont la façon la plus efficace de maintenir un rapport de forces en ma faveur.

Mon communiqué du 28 janvier 2002 a provoqué une contre-attaque du syndicat. Les quatre membres de La Direction et le Président du Conseil d’administration ont reçu la visite du huissier, ce 28 février 2002. C’est une mise en demeure qui exige de se rétracter des propos tenus sur les écrits mensongers du syndicat avec des excuses écrites à chacun des quatre membres de l’exécutif du syndicat. Mon Communiqué du 28 janvier contiendrait "des affirmations injustifiées, diffamatoires et inacceptables et le Syndicat ne saurait tolérer d’attaque aussi indue à l’endroit de ses officiers syndicaux." Pour nous baver, ils reprennent le mot à mot de notre poursuite du 31 janvier 2001. Ils ont un an pour nous poursuivre pour diffamation. Hier, ils ont déposé un grief réclamant 35,000 $ pour non respect du droit de représentation du syndicat. Avec les 20,000$ de la plainte au Tribunal du travail, nous sommes rendus à 55,000$. Poursuite possible, grief, plainte au Tribunal du travail, échec de la médiation, leur rapport de forces augmente. Ils nous reprochent de les traiter de diffamateurs avant que la chose ne soit jugée et de les traiter de menteurs.

Dans un Communiqué daté du lundi 11 mars 2002 et signé La Direction, nous annonçons que la médiation n’aura pas lieu et nous admettons que nous sommes dans une impasse en écrivant: "l’audition des requêtes aura lieu en novembre et décembre 2002; il faut essayer de sortir de l’impasse avant cette date." C’est un aveu qui nous affaiblit.

Mes ennemis font des démarches pour faire connaître à tout le Québec le conflit qui nous oppose et pour dénoncer l’usage de la Cour supérieure à des fins politiques et antisyndicales avec les fonds publics. Des journalistes me téléphonent pour avoir ma réaction. Je refuse de commenter en disant que ce sont les Tribunaux qui trancheront. Selon mes espions, leur texte s’intitule: "Pour un vrai pouvoir au féminin" et ils veulent qu’ils soit publié dans Le Soleil, Le Devoir et la Presse. Ils ont même contacté le Journal de Montréal. Je crois que leur texte ne sera pas publié parce que les journaux ont peur comme la peste des poursuites. Je leur ai dit que c’est moi la victime et non pas eux et que j’avais le droit de me défendre contre des attaques diffamatoires.

Mes collègues de la Direction et du Conseil d’administration commencent à en avoir assez. Il faut sortir de l’impasse. Le président du Conseil d’administration n’a pas du tout aimé être dérangé pendant son voyage de chasse dans la région de Lanaudière pour venir témoigner devant la Commissaire Louise Verdone au Tribunal du travail qui l’a taquiné en lui suggérant d’aller chasser dans les rues de LaSalle où un chevreuil circulait librement. Il ne l’a pas trouvée drôle. La Commissaire n’est pas la seule à se moquer de nous. Le directeur des études a dû poireauter toute une journée dans l’antichambre pendant que la directrice des ressources humaines et moi avons ramé en réponse aux questions pointues de l’avocat syndical sur la politique institutionnelle d’évaluation des apprentissages sous l’oeil amusé des quatre membres de l’exécutif du syndicat des enseignants. On nous questionne en détail sur les différentes versions de la Politique institutionnelle d’évaluation et nous pataugeons là-dedans. "Le Huissier" en a profité pour souligner que la journée perdue par le Directeur des études au Tribunal du travail diminuerait "la présence formelle et informelle du directeur des études sur les lieux du collège". Mes collègues n’ont pas du tout apprécié de recevoir la visite du huissier.

Tenant compte de l’ensemble des données disponibles, la Direction du Collège a proposé le 17 mai 2002, un Projet de règlement et un Protocole d’entente qui exige le respect des personnes de la part du Syndicat et qui prévoit le retrait des poursuites le 30 juin 2003 à condition que le Syndicat ait démontré, pendant un an, par sa conduite et ses écrits, qu’il était capable de ce respect des personnes sans lequel aucune institution ne peut vivre. Vous avez bien lu juin 2003. J’étire l’élastique. Cette proposition patronale de retirer les poursuites dans un an seulement a provoqué un tollé de protestations et a été rejetée unanimement par l’Assemblée générale des enseignants. L’exécutif du Syndicat a fait adopter son propre projet de règlement qui exige le retrait immédiat des poursuites. Ce retrait serait le résultat d’une rencontre intensive de trois jours à compter du 12 août 2002 dans un hôtel de Montréal en présence de la médiateure.

Cette rencontre n’a pas eu lieu. Lors d’une réunion tenue à Montréal le 25 juin pour préparer celle du 12 août, la médiateure a retiré son offre de service suite à l’envoi par le Syndicat aux membres du Conseil d’administration de documents d’évaluation formative de la directrice générale "qui démontrent une stratégie de confrontation et une personnalisation incompatibles avec la médiation". Le Syndicat a offert de nous rencontrer quand même mais nous avons refusé. Il va falloir qu’ils cessent d’évaluer une directrice générale qui vient de voir son mandat renouvelé pour cinq ans. Leur attitude revient à contester ouvertement la décision unanime du Conseil d‘administration. Ces anarchistes ne respectent rien.

Le premier numéro du Huissier de l’automne daté du 15 août 2002 nous fait encore mal paraître en informant les enseignants que nous avons refusé les trois jours de rencontre de médiation et ironise sur mon affirmation selon laquelle j’étais “en mode de grande écoute”, ce qui serait contradictoire avec “notre refus de négocier”. Selon eux, il est faux que nous recherchions un règlement à l’amiable et ils donnent la chronologie juridique fort lourde de l’automne 2002 avec les auditions devant la Commissaire du travail les 16-17 et 18 septembre , les procès le 4 novembre, pour le directeur des études et le 2 décembre, pour la directrice générale, avec l’indication de la menace que le 28 janvier 2003 est la date limite pour déposer une requête en diffamation contre les quatre membres de la Direction et le Président du CA.

Parution du deuxième Huissier daté du 5 septembre: Lettre ouverte à la directrice générale précédée d’une citation de Montaigne qui décrit leur philosophie de l’action.

"La plus commune façon d’amollir les coeurs de ceux qu’on a offensés, lorsque, ayant la vengeance en mains, ils nous tiennent à leur merci, c’est de les émouvoir par soumission à commisération et pitié. Toutefois, la braverie et la constance, moyens tout contraires, ont quelquefois servi à ce même effet." Selon cette citation, je veux leur soumission mais tout ce que j’aurai de leur part, c’est braverie et constance. Admettent-ils vraiment que je les tiens à ma merci? C’est encore de l’ironie. L’objet de cette lettre ouverte: mes nominations d’enseignants que j’ai contactés un par un parmi les moins politisés sur mon comité pour la préparation d’un nouveau plan stratégique. Ces nominations sont illégales. J’ignorais que je devais passer par le Syndicat. La Convention collective dit: "Lorsque le Collège forme un comité qui comprend des enseignants, seul le Syndicat est habilité à les nommer." C’est clair. Mon avocate de directrice des ressources humaines l’ignorait aussi... Ils en profitent pour souligner lourdement que nous sommes des incompétentes et que nous ignorons la Convention collective. Les enseignants qui avaient accepté de faire partie du comité stratégique et qui nous étaient sympathiques sont furieux car ils étaient de bonne foi. Le syndicat revient encore sur les besoins d’amélioration dans le fonctionnement du Collège tels que révélés par le processus de mon évaluation par les enseignants. Ils écrivent: "Pas besoin de faire une enquête royale pour admettre la pertinence des analyses et des recommandations du rapport de la firme que nous avons engagée. Le premier devoir d’une directrice générale qui se dit “en mode grande écoute” est de relire ce rapport et de l’appliquer en commençant par le retrait rapide et sans conditions des poursuites judiciaires qui nuisent au climat de travail."
Ils me fatiguent au plus haut point avec leurs critiques soi-disant constructives.
A son assemblée générale du 26 septembre 2002, l’exécutif du syndicat a reçu le mandat unanime d’obtenir la ventilation précise des frais d’avocats encourus par le Collège dans les deux poursuites. Si nous refusons de leur donner les chiffres, ils iront devant la Commission d’accès à l’information. Ils n’auront pas les chiffres. Qu’ils aillent devant la Commission! Ils répandent la rumeur qu’on a gaspillé plus de cinquante mille dollars en frais d’avocats sans compter le temps et les énergies perdues par les administrateurs. Chaque fois que nous refusons une demande de budget, nous nous faisons mettre sur le nez ce gaspillage de fonds publics et la BMW de la directrice des ressources humaines stationnée devant les bureaux de l’avocat local. Ils disent: "Vous seriez bien mieux de lire la Convention collective et vous la faire expliquer au lieu de perdre votre temps et l’argent des contribuables en poursuites futiles et frivoles."

Pour cet automne, le directeur des études, l’adjoint à l’organisation scolaire et moi-même avons décidé d’une stratégie contre le Littéraire qui devrait enfin donner des résultats. Voici le plan. Le directeur des études écrira une lettre d’avertissement demandant au professeur de français de respecter son plan de cours, de donner des cours magistraux et de cesser d’attaquer l’administration devant ses élèves. Des parents nous ont souligné des lacunes sur ces trois points. Cette lettre le mettra en colère. Il se demandera: "que me veut le directeur des études?" S’agit-il d’une lettre de doléances comme le mentionne la convention collective au chapitre des mesures disciplinaires? Nous maintiendrons un flou artistique de nature à l’inquiéter et à l’irriter. Puis, l’adjoint à l’organisation scolaire lui donnera un local au premier étage juste au-dessus des travaux entrepris au sous-sol pour le programme en environnement. Comme par hasard, son horaire coïncidera avec les travaux les plus bruyants. Il se dira: "ils sont incapables de planifier les travaux; ils avaient tout l’été et ils viennent me déranger pendant mes cours après m’avoir demandé de donner des cours magistraux, ce qu’on ne peut faire dans le bruit." Ensuite, on attendra le moment le plus opportun pour frapper: sans avertissement, deux cadres viendront faire remplir un questionnaire d’évaluation de son enseignement afin de le prendre en défaut. C’est certain qu’il critiquera en parlant d’administration de broche à foin qui ne respecte pas le travail des enseignants. Attendons la suite: c’est un plan qui ne peut pas rater. On va l’avoir. Cet individu nous a assez causé de trouble. Mes amis libéraux se préparent à fêter. Les bouteilles de champagne sont au réfrigérateur et la glace est prête.

Et bien! le plan a raté. Le Directeur des études a reculé et je me demande pourquoi. Le 9 octobre, les réponses d’une classe de ses élèves au questionnaire ne sont pas celles que nous anticipions. Le directeur des études m’informe que le professeur de français jouit de l’estime de ses élèves. Ses élèves disent qu’il est un enseignant compétent et dynamique qui sait rendre l’apprentissage de la littérature intéressant. Le directeur a l’intention de lui présenter par écrit des excuses. Je trouve son attitude bizarre. Je n’ai plus le choix. Il faut retirer les poursuites. L’enseignant raconte à tout le monde cette visite de deux cadres dans sa classe et la décrit comme un abus de pouvoir inadmissible, un mois avant le début des procès. Evidemment, il est très convainquant et nous avons l’air fou pour ne pas dire l'air folle. On dit que je suis obsédée et que je m’acharne. On dit même que je suis incompétente et que je manque de jugement comme on l’a fait pour le Directeur des études. Ca va mal. Il est temps d’arrêter tout ce cirque juridique qui se retourne contre moi. Mes amis me le répètent avec insistance et je crois qu’ils ont raison. J’en ai assez. Je ne comprends pas ce qui se passe avec le Directeur des études. A-t-il des remords de conscience? Pourquoi a-t-il arrêté l’enquête après avoir fait passer le questionnaire d’évaluation dans le premier groupe et n’a-t-il pas continué dans les deux autres groupes? Boutefeu est en colère. Il fulmine. Nous devrons bientôt décider de retirer ou non la poursuite en diffamation du directeur des études contre l'exécutif du syndicat des enseignants. Le procès doit commencer le 4 novembre.

A propos de ma poursuite de 170,000 $ contre le Littéraire, mon avocat local a organisé à son bureau une rencontre avec la directrice des ressources humaines, avocate, avec le directeur des études et le président du Conseil d'administration, pour préparer le procès qui doit avoir lieu le 2 décembre et pour évaluer nos chances de victoire Si nous gagnons, le syndicat devra payer tous les frais du procès y compris notre avocat. On peut envisager une somme d'au moins 50,000 $. plus l'amende à payer pour diffamation. Ce sera un minimum de 200,000 $ en tout et partout.

Quel sera mon témoignage et quels témoins le corroboreront? Le bureau de notre avocat a fait un travail préliminaire: documents, chronologie, témoignages. Selon notre avocat, le procès sera long et coûteux. Voici quel serait notre plan de match. Peu importe ce qu'a dit exactement le Littéraire, nous allons prouver que la rumeur selon laquelle j'exerçais mes fonctions habituellement en boisson s'est répandue comme une traînée de poudre dans la région et dans le collège. Nous allons ensuite prouver que ce qu'a dit le Littéraire est directement responsable de cette rumeur et de sa diffusion. Enfin, nous allons prouver que cela a fait un tort considérable à ma réputation de dirigeante d'une institution post-secondaire et de présidente du conseil d'administration du CLD en plus de nuire à la réputation du collège et ainsi rendre le recrutement de nouveaux élèves plus difficile. Le syndicat devra donc payer une somme d'argent substantielle pour réparer le tort qui m'a été fait et qui a été fait au collège. C'est un plan relativement simple qui devrait marcher.

Les témoins seront faciles à trouver dans le collège et dans la région. Ils n'auront qu'à dire la vérité, En effet, les paroles de Boutefeu m'ont nui et ont apporté de l'eau au moulin des envieux et des jaloux qui souhaitent ma chute parce que je suis flamboyante. Ces paroles ont aussi scandalisé ceux qui me respectent. Elles m'ont empêché d'exercer mes fonctions dans la sérénité à laquelle j'ai droit. Nous ferons une preuve de caractère contre le Diffamateur en démontrant que depuis toujours il manque de respect envers les autorités et ne remplit pas les obligations d'un employé envers son employeur. Même si nous retirons la poursuite du directeur des études, ce qui n'a pas encore été décidé, nous nous en servirons pour souligner que les accusations de double incompétence et de manque de jugement permettent de déceler un pattern d'irrespect envers les autorités qui compromet l'harmonie dans le collège et crée un climat de contestation permanente qui rend la vie impossible. Le syndicalisme oui mais l'anarchie, non.

Nous avons essayé de prévoir leur riposte. Et là ça s'est gâté. Leurs témoins diront que j'ai mal compris les propos du Littéraire. Que ma réaction outrée et les justifications a posteriori que j'ai apportées pour la justifier ont contribué à dramatiser des paroles en soi anodines. Que je suis donc responsable de la propagation de propos dont j'ai déformé le sens. Que mon témoignage du 31 octobre contient deux erreurs graves et qu'à la limite c'est une fabrication puisque je n'ai pas tenu compte de la lettre du début de juillet qui précisait toutes les circonstances. Que mon attitude autoritaire, dominatrice exigeait une réaction syndicale vigoureuse pour que le syndicat des enseignants ne devienne pas un syndicat de boutique. Que mon animosité envers un excellent professeur ne justifie pas les actions de harcèlement faites contre lui spécialement la visite de deux cadres dans sa classe sans avertissement. Que mes accusations frivoles de diffamation ont nui à la réputation d'un enseignant estimé et aimé par ses élèves ( ce qu'a reconnu par écrit le directeur des études) et cela depuis plus de trente ans. Que le Littéraire est docteur en lettres et n'a cessé de se perfectionner pour donner un meilleur service aux élèves en plus d'avoir écrit cinq livres. Que les opinions du syndicat et les publications du Huissier peuvent entrer dans le cadre d'un exercice normal de la liberté d'expression prévue dans les chartes des droits et libertés.

Les avocats m'ont conseillé d'aller de l'avant avec le procès. Le directeur des études et le président du Conseil d'administration ont été d'un avis contraire. Leur argument massue fut que ce procès mobiliserait les énergies de toutes les parties et créerait un climat d'animosité permanente. Imaginez que les enseignants décident d'assister en grand nombre au procès dans un mouvement de solidarité au lieu de donner leurs cours. Ce serait le chaos. Les médias nationaux s'empareraient de l'affaire. La partie syndicale évoquera deux cas de SLAPP, ce qui sera spectaculaire. De plus, ont-ils dit, et cela a provoqué chez l'avocat local une sainte colère, votre avocat a déjà montré un échantillon de son éloquence quand il a demandé au juge "de faire cesser ces injures et ces vômissements". Ça ferait un beau procès mais avons-nous besoin de ce genre de spectacle et de ce genre de publicité. Non, il faut faire passer le collège avant tout désir de vengeance personnelle. Le président du CA qui est un péquiste et qui est plutôt bien disposé à l'égard de Boutefeu a été catégorique. Le Littéraire en 30 ans d'affrontement avec l'administration n'a jamais fait d'attaques personnelles. Réfléchissons bien avant de nous lancer dans pareille aventure. Et n'oubliez pas que nous avons reçu la visite du huissier: ils ont jusqu'en janvier pour nous poursuivre. Si nous continuons, ils nous poursuivront. Et il y a le Tribunal du travail et les griefs. Ils vont se battre comme jamais et il est impossible que nous ayons gain de cause sur tous ces fronts. Eux, ils ne lâcheront pas. Ils vont nous poursuivre.

Le Directeur des études m'a particulièrement tombé sur les nerfs. Il m'avait averti que le coup monté contre le Littéraire était extrêmement dangereux. Deux cadres qui envahissent la classe d'un enseignant aux longs états de service sans avertissement, ça ne se fait pas. C'est un manque d'éthique grave trois semaines avant les procès. Et c'est une erreur stratégique majeure. Seulement à cause de cet abus de pouvoir, on doit cesser le combat et retirer les deux poursuites. Même si on sait que cet enseignant fait des remarques sur l'administration dans ses classes, ce n'est pas une raison suffisante pour lui tendre des pièges et le harceler. Ses élèves ont de l'estime pour lui. Le Directeur des études a insisté pour répéter que le Littéraire était un excellent professeur de littérature, compétent et vivant et qu'il ne fallait pas s'arrêter à son apparente désinvolture qui n'est là que pour détendre l'atmosphère et créer un climat de créativité. Ma foi du bon Dieu, mon directeur des études a une certaine admiration pour lui. Il me laisse pratiquement tomber: il veut retirer sa poursuite. Même si j'ai autorité sur lui comme hors-cadre principale, je ne peux lui imposer de maintenir sa poursuite. Je n'en ai plus l'autorité morale.

J'ai écouté très attentivement les arguments de part et d'autre. Aurions-nous l'énergie que ça prend pour deux, trois ans de procès? Je sais que je pourrais gagner mon procès. J'en suis même certaine. Mais à quel prix pour la paix sociale? J'ai entendu l'avocat syndical dire qu'il irait jusqu'en Cour suprême. C'est toute mon administration que le syndicat remettra en question. C'est mon procès qu'ils feront. Est-ce que j'ai besoin de cette nouvelle épreuve?

Après une semaine de réflexion, de guerre lasse, nous avons négocié un Règlement hors cour qui implique, de leur part, le retrait des griefs, de la plainte au Tribunal du Travail et de la menace de poursuites pour diffamation et, de notre part, le retrait des deux poursuites judiciaires. Le tout signé le 30 octobre 2002 avec un protocole où chaque partie s’engage au respect mutuel et au respect des personnes comme le demande la Charte des droits et libertés. L’avocat syndical et le représentant de la Fédération ont fait la navette de mon bureau au local syndical pour ficeler l’entente et obtenir les signatures. Ils ont refusé de s’engager à la confidentialité. De toutes façons, tout a été rendu public dans la région et c’est de peine et de misère que j’ai réussi à empêcher que le conflit ne se rende dans les journaux nationaux. Les membres de l’exécutif ont refusé de me serrer la main et de serrer la main de l’avocat local et de l’avocate, directrice des ressources humaines. C’est de mauvais augure. Le coup des deux cadres dans sa classe, il ne nous le pardonnera jamais. Le directeur des études, avant de quitter pour un autre cégep, a écrit une lettre d’excuses à l’enseignant pour avoir dû déranger le déroulement normal de ses activités et pour les inconvénients que cela a pu lui causer. Cela est précédé d’un éloge du professeur de français dont on aurait pu se passer. J’ai compris, plus tard, ce qui se passait. Le directeur des études avait entrepris des démarches secrètes pour être engagé comme directeur des études au collège où il avait enseigné la philosophie pendant vingt ans. Il ne tenait pas à ce que le dossier de l’enseignant reconnu pour sa pugnacité le suive à son nouvel emploi. Il voulait tourner la page. Il a fait des démarches pour changer de collège sans que je le sache. Comment pouvais-je prévoir que mon allié de toujours me laisserait tomber. Comme aurait dit le syndicat: "Il a cessé de faire la belle devant sa souveraine." Cet abandon est la cause principale de notre échec. J’ai été trahie. Je suis déçue. On ne peut se fier à personne.

A la suite de cette entente hors cour, j’espérais sans trop y croire que nous aurions enfin la paix. Or, dans l’irrespect total de l’entente signée le 30 octobre 2002, le Huissier du 25 février 2003 sous la signature des quatre membres de l’exécutif du syndicat, entreprend d’expliquer pourquoi il y a eu deux poursuites. Avant d’aller plus loin, il faut comprendre ce qui s’est passé. C’est une attaque en règle. C’est du harcèlement. Selon eux, mon but avec les poursuites était d’échapper à l’évaluation des enseignants qui voulaient m’empêcher obtenir un deuxième mandat de cinq ans. Enumérant tous les départs parmi les cadres, il concluent: Le Syndicat n’est pas le seul à avoir de la difficulté à travailler avec la directrice générale. Avec une citation virulente de Montaigne, encore et toujours. La voici:
"L’obstination et une façon de débattre têtue et impérieuse pleine d’opiniâtreté est la plus sûre preuve d’incivilité et d’inimitié. Si elle se rabaisse à la conférence commune et qu’on lui présente autre chose qu’approbation et révérence, elle vous assomme de son autorité." S’en suit le reproche d’avoir gaspillé des fonds publics en frais d’avocat à des fins personnelles dans un abus de pouvoir sans précédent. Un éloge est fait de la stratégie des boycotts que le syndicat entend continuer à appliquer pour protester contre une augmentation de la tâche de 173 heures par année soit cinq heures par semaine dans le cadre de la restructuration salariale. Ils se félicitent d’avoir défendu la liberté syndicale contre les agressions patronales et remercient de leur solidarité les membres du syndicat, la Fédération et ses services juridiques et les syndicats.

Pour ajouter l’insulte à la blessure, ils ont envoyé cette analyse aux 17 directeurs généraux et aux directeur des études des collèges de la Fédération et à tous les syndicats de la Fédération ainsi qu’à tout le personnel du collège et aux membres du Conseil d’administration. Ils ont appris que j’avais des ambitions du côté de la Fédération des cégeps et ils veulent me nuire. Ça ne peut plus continuer. Il faut que les quatre membres de l’exécutif du syndicat quittent leur poste. Je vais les forcer à démissionner en les poursuivant de nouveau pour avoir écrit et diffusé un bulletin syndical diffamatoire qui ne respecte pas du tout la lettre et l'esprit de l'entente hors cour qu'ils ont signée. Etant donné le droit inaliénable de toute personne à sa dignité, à son honneur, à son intégrité et à sa réputation, il y a urgence d’agir afin que cesse cette conduite destructrice et inacceptable qui est hautement nuisible au Collège. Cette fois-ci, j’aurai leur peau d’autant plus que beaucoup d’enseignants en ont assez eux aussi de ce conflit qui s’éternise et nuit au Collège. Je les obligerai à se mettre à genoux devant moi et à démissionner de l’exécutif syndical.

Une résolution dans ce sens a été présentée au Conseil d’administration du jeudi 27 mars 2003. Après un débat à haute teneur émotive, en partie à cause de l’opposition de la représentante du personnel de soutien, Lise L., l’unanimité n’a pas été obtenue sur la nécessité d’entreprendre immédiatement des procédures judiciaires contre les auteurs du Huissier du 25 février 2003. Le Conseil d’administration s’est contenté de réitérer sa confiance envers la direction du collège, de blâmer la conduite des membres de l’exécutif du syndicat des enseignants, d’exiger que les membres de l’exécutif du syndicat des enseignants respectent leurs engagements et cessent tout harcèlement envers la direction du Collège. Les nouvelles procédures judiciaires seront prises plus tard, au besoin, non par l’exécutif du Collège dont je fais partie mais par le Conseil d’administration de nouveau réuni. Pour échapper à une poursuite, l’exécutif du syndicat, après avoir répandu son venin dans tout le réseau collégial, n’avait qu’à exprimer son accord avec les membres du Conseil qui souhaitent que nous passions tous à autre chose. C’est ce qu’il a fait en montrant hypocritement patte blanche dans un numéro du Huissier daté du 25 avril 2003.

C’est pour moi, une grave défaite. Je commence à penser à ne pas terminer ce mandat pour lequel je me suis tant battue et à préparer ma retraite. Je suis obligée d’admettre que j’ai perdu. Si le Conseil d’administration m’avait appuyée à l’unanimité, je gagnais la guerre car une autre poursuite contre les quatre membres du syndicat des enseignants aurait signé leur arrêt de mort: l’ensemble des enseignants aurait refusé de les suivre après le Huissier du 25 février 2003 qui était du harcèlement contraire à l’esprit du Règlement hors cour. Même la Fédération aurait eu des difficultés à les appuyer. Mais je me suis heurtée à l’obstination de la représentante du personnel de soutien qui était l’amie de l’Ebéniste et qui en a sans doute profité pour protester à sa façon contre les coupures de postes que j’avais faites parmi les employées de soutien. Parce que je voulais les poursuivre pour la troisième fois, mes ennemis m'ont qualifiée d’obsédée des tribunaux. Dans le jargon juridique, je serais une quérulente (du latin querulus, “qui se plaint”) qui multiplie les recours vexatoires en revenant toujours sur les mêmes questions afin d’empoisonner la vie de ceux qui sont mes cibles. Je serais donc une quérulente qui a fait preuve d’impéritie.

J’ai été sage de prendre ma retraite après avoir constaté que le Conseil d’administration ne m’appuyait plus parce qu’après l’entente hors cour, les attaques continuant de plus en plus féroces, les administrateurs n’ont pas compris qu’on était engagé dans une lutte sans merci. Montaigne a écrit dans le chapitre 15 du livre un qui s’intitule: "On est puni pour s’opiniâtrer à une place sans raison." "La vaillance a ses limites, comme les autres vertus; lesquelles franchies (...) on peut se rendre à la témérité, obstination et folie. (....)De cette considération est née la coutume que nous avons aux guerres, de punir (...) ceux qui s’opiniâtrent à défendre une place qui par les règles militaires ne peut être soutenue."
Après avoir ragé, il m’a fallu beaucoup de réalisme et d’humilité pour accepter que le jugement de la valeur et faiblesse du lieu se prend par l’estimation et contrepoids des forces qui l’assaillent. Il n’était pas question que je tombe dans la témérité, obstination et folie.

Après le départ du directeur des études qui m’a laissée tomber, de ma directrice des ressources humaines qui m’a été fidèle jusqu’au bout, du directeur des ressources matérielles dont l’ambition l’a mené ailleurs et des adjoints et adjointes au directeur des études, ma dernière année à la direction s’est passée en chicanes autour des 173 heures et en affrontements sur la réforme des collèges sur fond de boycotts de plus en plus paralysants et insupportables. Comme je l’avais prévu, le retrait des poursuites n’a rien réglé: le climat de travail est resté malsain et c’est le syndicat des enseignants qui en est responsable. J’ai encouragé un certain nombre d’enseignants qui en ont assez des boycotts à former une nouvelle équipe syndicale qui délogera mes adversaires. Certains enseignants ne voient pas en quoi le boycott du party de Noël fera avancer leur cause. Par des interventions en assemblée syndicale, ils commencent à s’opposer à l’exécutif actuel. On m’a informé qu’Amable, un technicien-enseignant en électrotechnique, ami de la directrice des ressources humaines, a attaqué les vieux et leur a demandé de laisser la place aux jeunes. Il les a aussi accusés d’utiliser des moyens de pression faibles comme les "byecotts" comme il le dit, au lieu de faire la grève et il a ajouté que ce sont des péquistes avant tout et non de vrais syndicalistes. C’était pas mal fort comme attaque. Mais même mon professeur d’histoire préféré qui a gagné un prix pour la qualité de son enseignement a trouvé que la diatribe d’Amable était malhabile. Tout de même, ils réussiront peut-être là où j’ai échoué. Ce sera ma vengeance en quelque sorte. Ce que je souhaite, c’est que mes adversaires invétérés soient battus aux prochaines élections syndicales.

Je quitterai le collège avec soulagement. J’ai fait plus que mon possible mais comme le dit le fils de l’homme d’affaires le plus important de la région: “c’est pas drôle d’être directrice générale d’un collège qui a ce genre d’individu dans le personnel”. Je partirai la tête haute, deux ans avant la fin de mon mandat, avec une prime de séparation respectable et une pension plus que convenable. Heureusement que mes adversaires n’habitent pas dans la région. Malgré toutes les calomnies dont j’ai été l’objet, je jouis toujours de l’estime de mes concitoyens qui savent bien, eux, combien j’ai à coeur le développement de la région.

Ainsi s’achèvent ces confidences qui donnent mon point de vue sur les événements qui ont marqué mon passage au cégep comme directrice générale. Je les ai écrites, je le répète, avec toute l’honnêteté dont je suis capable. Dans une guerre, il n’est pas facile de déterminer qui a raison. Cependant, il y a une chose qui devrait faire l’unanimité. Pendant sept ans, les deux parties ont parfaitement réussi à s’empoisonner réciproquement la vie. Je ne suis pas sûre que ni l’un ni l’autre ne doive en être fier. J’ai ma part de responsabilité. J’ai toutefois l’impression qu’ils se sont plus amusés que moi car il est plus facile de s’opposer que de bâtir. J’ai été une dure adversaire et, je l’avoue, j’ai utilisé des tactiques discutables pour nuire à mon ennemi numéro un. J’admets que je suis loin d’être certaine que mon adversaire a prononcé la fameuse phrase "Cette fois-là, vous étiez à jeun". Et s'il ne l'a pas dite, et bien je m'excuse de l'avoir accusé de diffamation. De toutes façons, comme il a répété cent fois ne pas l'avoir prononcée à quiconque voulait l'entendre, d'une certaine façon, ma réputation est sauve quoiqu'il ait dit aussi à chaque fois que nous l'avions inventée, ce qui ne plaidait pas en ma faveur. Mais, en conclusion, un observateur objectif conclura que le harcèlement a été des deux côtés.

Une question pour finir: est-il possible à une direction d’exercer normalement ses fonctions quand un petit groupe coriace essaie systématiquement de lui faire perdre sa crédibilité en la déstabilisant par des critiques incessantes utilisant des mots blessants, méprisants, insultants et même diffamatoires? Sur la question des propos diffamatoires, il n’y aura malheureusement aucun juge de la Cour supérieure pour trancher. Qui pourrait dire avec certitude que le juge ne nous aurait pas donné raison? Nous ne le saurons jamais. Comme nous ne saurons jamais si la Commissaire au Tribunal du travail aurait donné raison au syndicat ainsi que l’arbitre des griefs.

Tel que je le souhaitais, ceux que j’ai encouragés à se présenter aux élections du syndicat des enseignants ont formé une équipe qui a vaincu 43 à 36 ceux qui n’ont cessé pendant sept ans de me contrarier. Le Syndicaliste, revenu au cégep, et son équipe dont le Politique faisait partie, ont été battus. Cela veut tout de même dire quelque chose! Si le Littéraire s’était présenté à la vice-présidence contre notre ami Amable Beausapin qui a été le brillant architecte de cette victoire, il aurait subi une défaite humiliante. Mais il a eu peur de perdre et ne s’est pas présenté, lui le guerrier sans peur et sans reproche. Quel pissous! On peut conclure avec certitude que sa politique d’opposition systématique à mon endroit a été rejetée puisque ses amis ont été battus. Tout le monde a compris que c’est lui qui a subi la défaite car dans sa tournée des départements, Amable s’est servi d’un texte dont il était l’auteur qui continuait à m’attaquer à cause de mon adhésion aux quinze orientations de la Fédération des cégeps et parce que, lors d’une rencontre intersyndicale, j’avais traité de malhonnête intellectuellement un professeur d’anglais qui me faisait un procès d’intention. Amable s’est promené dans le collège en disant: “Vous êtes pas tanné de ces attaques continuelles et de ces "byecotts" inutiles?” Malgré sa crédibilité et sa compétence, le Syndicaliste qui a été huit ans vice-président de la Fédération (qui a financé mes adversaires) a mordu la poussière. Le soir du vote, les vainqueurs ont fêté à l'Université, une brasserie du Vieux-S. et je me suis retenue d’aller célébrer avec eux mais ils savaient que je les félicitais de leur belle victoire qui est aussi la mienne.

(25 juillet 2006- 4 octobre 2007)





Avertissement

Les Remarques sur les acteurs, le contexte et le vocabulaire ainsi que la Chronologie des événements et les 35 documents commentés sont le matériau qui a servi à construire les Confidences d'une femme d'action et le chapitre C'est la faute à Montaigne.

Avec les Remarques, nous quittons l'univers d'une femme de pouvoir pour entrer dans un autre univers, celui de la contestation de ce pouvoir sur le ton de cette implacabilité dont parle Claude Gauvreau dans une de ses réponses au questionnaire Marcel Proust. Avec la même précision de l'horloger suisse que nous avons déjà démontrée dans la description de l'appareil urinaire. Des lectures sur l'hypertrophie bénigne de la prostate qui a causé la formation de pierres dans la vessie nous ont appris que pour éviter la formation de calculs vésicaux, il faut assouplir les muscles de la prostate qui font pression sur l'urètre en prenant du Xatral et diminuer sa grosseur par de l'Avodart et boire beaucoup d'eau tout en mangeant mieux et moins pour maigrir.




Aire de repos

"Il ne faut pas dire tout ce qu’on pense, car ce serait sottise; mais ce qu’on dit, il faut qu’il soit tel qu’on le pense, autrement, c’est méchanceté.(...) Or, de moi, j’aime mieux être importun et indiscret que flatteur et dissimulé. J’avoue qu’il se peut mêler quelque pointe de fierté et d’opiniâtreté à se tenir ainsi entier et découvert sans considération d’autrui.(...) Par quoi je m’abandonne à la naïveté et à toujours dire ce que je pense, laissant à la fortune d’en conduire l’événement. (...) Et quand personne ne me lira, ai-je perdu mon temps de m’être entretenu tant d’heures oisives à pensements si utiles? (...) Si vous êtes couard et qu’on vous honore pour un vaillant homme, est-ce de vous qu’on parle? On vous prend pour un autre. (...) Qui me louerait d’être bon pilote, d’être bien modeste, ou d’être bien chaste, je ne lui en devrais nul grand merci. Et pareillement, qui m’appellerait traître, voleur ou ivrogne, je me tiendrais aussi peu offensé, moi qui me vois et qui sais bien ce qui m’appartient." (Montaigne)

Le temps guérit les douleurs et les querelles, parce qu’on change, on n’est plus la même personne. Ni l’offensant, ni l’offensé, ne sont plus les mêmes. (Pascal, Pensées, 1662)

Lors vismes leur mauvaisté. ( Jacques Ferron, Historiettes, 1969)

Il ne faut pas appeler devoir une aigreur et âpreté intestine qui naît de l’intérêt et passion privée. (...) Ils nomment zèle leur propension vers la malignité et violence; ce n’est pas la cause qui les échauffe, c’est leur intérêt; ils attisent la guerre non parce qu’elle est juste, mais parce que c’est guerre. (III,1)

Les deux qualités lui sont naturelles, la politesse et la patience, jumelles du savoir-vivre. (Daniel Boulanger, Le ciel est aux petits porteurs, 2006)



R E M A R Q U E S S U R L E S A C T E U R S, L E C O N T E X T E

E T L E V O C A B U L A I R E


L’abus ordinaire de la procédure civile: les SLAPP

La Presse parle des SLAPP (Strategic Lawsuit Against Public Participation - poursuite stratégique pour contrer la participation populaire) le mercredi 11 octobre 2006 sous la plume d’Yves Boisvert dont nous retenons le témoignage.
"Il y a dix ans, écrit Boisvert j’ai écrit une chronique pour dénoncer les SLAPP. J’y relatais le cas de trois promoteurs qui avaient poursuivi des citoyens... et j’ai été poursuivi par l’un d’eux! Dans mon cas, ce n’était qu’un embêtement, puisque notre journal est assuré. La Presse a les moyens ( et la volonté) d’embaucher les meilleurs avocats et de faire face à une poursuite. Nous avons d’ailleurs gagné le procès. Mais pour un citoyen non assuré, c’est-à-dire pour à peu près tout le monde, c’est une punition financière considérable. On est bien obligé de se défendre, même si la poursuite n’a aucun fondement. Et au bout du compte, même en cas de victoire, les frais d’avocats ne seront pas remboursés.(...)
Celui qui est poursuivi sans juste cause sera traîné pendant des mois et des années d’interrogatoires(...) Juridiquement, l’utilisation de mauvaise foi de tous les trucs du Code de procédure civile n’est pas un abus. Il faut faire face à un malade mental ou un plaideur à peu près déjanté pour qu’un juge déclare qu’il y a “abus de procédure”. En bas de ça? C’est du droit. (...) Il y a dix ans, une réforme de la procédure civile a été entreprise, précisément pour faire en sorte que dès l’entrée dans le système, une poursuite se retrouve devant un juge. Mais la réforme n’a pas été appliquée." D’où la conclusion d’Yves Boisvert: "En attendant, on peut avec de l’argent fabriquer de l’injustice avec la Justice."

Dans notre cas, c’est le collège qui nous a poursuivis et c’est le collège qui a payé tous les frais d’avocat du directeur des études et de la directrice générale. Donc des fonds publics ont été utilisés. De notre côté, le syndicat a payé les frais d’avocat pour la poursuite du Directeur des études contre les quatre membres de l’exécutif, ce qui est normal. Mais pour ce qui est de l’enseignant membre du conseil d’administration, c’est une autre histoire. Le Littéraire aurait pu se retrouver seul devant la poursuite et avoir à payer de sa poche tous les frais d’avocat pour sa défense. C’est d’ailleurs ce que souhaitait la prétendue diffamée. La décision de la Fédération des syndicats de payer les frais d’avocat a été beaucoup plus politique que juridique. Nous avons eu l’écho de discussions au comité de direction de la Fédération: il a fallu que le Syndicaliste mette tout son poids politique de vice-président de la Fédération pour faire pencher la balance en notre faveur car certain fonctionnaire syndical, à courte vue, regardait de haut et de loin les poursuites, refusaient de voir leur dimension politique et les réduisait à un conflit de personnalités. D’où la pertinence des propos d’Yves Boisvert. Si la Fédération avait refusé de payer les frais d'avocat pour sa défense à propos d'événements survenus au Conseil d'administration, le Littéraire aurait entrepris une lutte serrée pour que le collège paie ses frais d'avocat puisque en tant que membre du Conseil d'administration, il avait les mêmes droits que la Directrice. A la réflexion, l'avocat syndical aurait dû envoyer une facture au Collège même si, dans l'entente hors cour, il est convenu que chaque partie paie ses frais d'avocat.

L'accès à la justice et les poursuites-baillon (SLAPP)

Yves Boisvert, La Presse, 19 mars 2008

(...) La commission parlementaire des institutions a été convoquée pour examiner la réforme de la procédure civile et la possibilité de faire ce que les Américains appellent une loi «anti-SLAPP».

Une SLAPP (Strategic Lawsuit Against Public Participation) est une poursuite-bâillon. Le cas typique est celui d'un groupe de citoyens ou d'écologistes poursuivi par un promoteur pour atteinte à sa réputation. Le but étant de faire taire les opposants en les écrasant avec des frais judiciaires considérables, même si la poursuite est mal fondée.

L'an dernier, trois experts de McGill ont fait le tour de la question (...) et disent essentiellement ceci: on peut adopter une loi spécifique contre les «poursuites-bâillons»(...) Une autre option s'offre au gouvernement: modifier le Code de procédure civile pour donner plus de pouvoirs aux juges afin de rejeter le plus rapidement possible toutes les poursuites abusives. En effet, les poursuites «punitives» dénuées de sérieux existent dans toutes sortes de domaines. De même que les actes de procédure inutile dans des poursuites par ailleurs sérieuses. Comme les experts consacrent les plus longs passages à cette solution «générale», on devine qu'ils inclinent dans cette direction, plus fondamentale. C'est en tout cas mon point de vue.

La question des SLAPP n'est en effet rien d'autre que celui de l'accès à la justice. Si les juges contrôlaient mieux les interrogatoires et le nombre d'experts (pourquoi pas un expert unique choisi par le juge), si celui qui perd payait les frais d'avocat de l'autre, on n'aurait pas de loi «anti-SLAPP», mais on aurait avancé pour rééquilibrer les forces devant les tribunaux.

Ces experts recommandaient comme piste possible de simples changements au Code de procédure civile qui permettraient, entre autres, de rejeter dès l'entrée une poursuite abusive. C'est déjà possible, mais on a donné une interprétation très restrictive à l'abus. Il faudrait l'élargir. Une poursuite-bâillon, c'est-à-dire apparaissant nettement comme destinée à brimer la liberté d'expression, pourrait donc être plus facilement écartée et faire moins de dommages; avec le remboursement des frais, l'auteur de cette poursuite aurait moins intérêt à se lancer dans une pareille aventure. (...) ce débat en apparence technique renferme des questions de justice sociale et de justice tout court qui peuvent changer la vie de bien des gens. (...)

A plaindre?

Est-ce que la Directrice générale est à plaindre? Son passage à notre collège a été rentable financièrement pour elle: très bon salaire de plus de 85,000 $; primes de rendement de 6% chaque année (même en situation budgétaire difficile, comme les dirigeants de grosses compagnies privées, les hors-cadres ne s’oublient pas: en 2005, dans le réseau collégial, 1.4 millions de dollars ont été payés en primes à des hors-cadres); voyages en Afrique et au Mexique; compte de dépenses; prime (légale, hélas!) de séparation dans les six chiffres (143,000 $, dit-on mais c’est un secret d’Etat); excellente pension. Elle n’est pas trop à plaindre financièrement. Ni la rigueur intellectuelle ni la rigueur budgétaire ne la caractérisent. Elle n’a pas hésité à imposer au Collège une dépense de 50,000 $ en frais d’avocat sans compter le temps et l’énergie gaspillés par les administrateurs qui auraient eu mieux à faire que de témoigner devant l’arbitre des griefs, la Commissaire du travail ou le juge de la Cour supérieure. Nous avons vu trop souvent la BMW de l'avocate, directrice des ressources humaines, stationnée devant les bureaux de l’avocat local. Il eût été préférable qu'elle prenne de son précieux temps pour suivre des cours sur notre convention collective et des leçons sur la rédaction des procès-verbaux du Comité des relations du travail (CRT).

La directrice générale contrôlait tout. Elle a beaucoup dépensé pour les rénovations. Pendant des mois, le collège a été un vaste chantier de construction au grand plaisir des entrepreneurs. Une première directrice des ressources humaines, de Thetford Mines, a été épuisée par sa triple fonction de responsable des ressources humaines, des communications et de secrétaire générale et par l’exigence pressante de la mise sur pied d’une Fondation du cégep et la multiplication des activités sociales annuelles: bal masqué, party de Noël, cabane à sucre, tournoi de golf, cérémonie de remise des diplômes, remise de bourses, reconnaissance des années de service, réunions soulignant les départs (nombreux) des cadres ou les prises de retraite, reconnaissance de l’excellence scolaire; toutes ces activités sociales objets des “byecotts” comme disait Amable avaient une grande importance pour la directrice générale qui aimait les mondanités. A cause des poursuites contre l’exécutif du syndicat puis de la menace d’une augmentation de la charge de cinq heures par semaine (173 heures par année), 95% des enseignants ont boycotté ces activités sociales pendant trois ans. Ces boycotts étaient très frustrants pour elle, mais avions-nous le choix? On ne peut pas aller faire des mamours à une administration hostile qui nous poursuit devant les Tribunaux. Un hebdomadaire local tiré à 25,000 exemplaires et distribué gratuitement à chaque foyer, informait la population des poursuites et des boycotts des enseignants et la rédactrice en chef, dans des articles substantiels, avec professionnalisme, expliquait le point de vue de chacune des parties, ce qui ne manquait pas d’irriter la directrice générale qui s’en est plaint plusieurs fois avec véhémence puisqu’il apparaissait que cela allait mal au collège et qu’elle en était responsable, ce qui n’était pas bon pour son image de marque. On commençait à comprendre dans la région que son autoritarisme mal avisé créait un gros malaise. Devant ses récriminations parce que , selon elle, l’article informant la population de la poursuite de 80,000$ ne méritait pas la première page, le directeur du journal, qui était un extrême modéré, lui a pourtant répliqué: “Je ne vous dis pas comment diriger le cégep; laissez-moi diriger mon journal comme je l’entends.” A partir du moment où il y a eu des poursuites et c’était le but recherché, le journal local se fit très discret. Tout devint sub judice. La censure était efficace.


A jeun! (On an empty stomach)

Le petit Robert dit: à jeun, sans avoir rien mangé, l’estomac vide. En anglais: on an empty stomach, être à jeun. Remède qu’il faut prendre à jeun. Pour cette analyse de sang, il faut être à jeun. Dans le Robert, dictionnaire historique de la langue française, on lit: l’expression “à jeun” est employée familièrement en parlant d’une personne (1846), et spécialement d’un alcoolique, qui n’a encore rien bu. Ce qui donne à la réaction de la directrice générale un semblant de légitimité. C’était évidemment une erreur d’employer cette expression dans une réunion où la tension était à couper au couteau. De bonne foi, nous avons exprimé nos regrets et nos excuses. Nous n’étions pas obligé de le faire. Mais la directrice, elle, n’a jamais admis devant nous qu’elle avait charrié, qu’elle s’était trompée, que son témoignage du 31 octobre 2001 ne tenait pas debout et elle n’a jamais présenté d’excuses au principal intéressé et au syndicat des enseignants. Ce qui confirme que les excuses devaient être à sens unique. L'exigence de civilité était donc un prétexte à censure. En sept ans, malgré ses nombreuses erreurs, cette administration n’a jamais reconnu ses torts. Il y a là un manque flagrant de respect. Quand on est imbu de soi-même et de son importance, quand on a un complexe de supériorité qui pousse à la condescendance et même au mépris, on ne se rabaisse pas à s’excuser.

Quand nous étions enfant, pour aller communier à la messe, il fallait être à jeun. Et notre mère ou notre grand-mère n’avait pas besoin de nous le rappeler; nous le savions et nous allions communier sans avoir rien bu ni mangé depuis minuit: nous étions à jeun. Nous étions obéissant et pieux. Nous avons bien changé. Peut-être Jean-Jacques Rousseau avait-il raison: l'homme naît naturellement bon, c'est la société qui le corrompt. Il n’était évidemment pas question d’alcool pour un petit garçon de six à dix ans.
Signalons une curiosité. Dans le premier chapitre d’un roman de Jacques Ferron, Le Ciel de Québec publié en 1969, les soeurs du Précieux-Sang envoient chaque matin une voiture tirée par un cheval à Mgr Camille, au Séminaire, afin qu’il vienne dire la messe dans la basse-ville de Québec. Un matin, Mgr Camille ne trouve pas de voiture devant la porte. L’étalon n’était plus dans l’écurie du couvent; il était aller courir les juments. Les Soeurs, écrit le docteur Ferron, se préparaient à descendre à la chapelle. Après la messe, elle iraient déjeuner. Comme de bonnes catholiques, afin de pouvoir aller communier, elles étaient à jeun. Ferron s’amuse en notant que "le cheval hennissait trop pour un cheval de communauté. Cet étalon est jeune, fougueux, impatient. C’était sans doute un cheval très intelligent. De plus, ne mangeant qu’après la sainte messe tel qu’il est prescrit dans la règle du couvent au chapitre des dépendances logeant les personnages non consacrés, il se trouvait à jeun". A jeun, cela voulait dire qu’il n’avait pas mangé ni bu; cela ne voulait certainement pas dire que le cheval était un alcoolique. Si nous avions dit au docteur Ferron en le rencontrant devant la Banque de Montréal sur la rue St-Charles à Longueuil avec sa Renault 16 que quand il fait remarquer que le cheval était à jeun cela voulait dire que le cheval était un ivrogne, il aurait éclaté de rire et nous aurait trouvé plus farfelu que lui.

Anthipathie

1- Dans les années soixante-dix, le Littéraire prit sur le pouce une étudiante, il se présenta et elle dit: “C’est vous qui coulez les élèves qui n’ont pas vos idées politiques?” D’où venait ce genre de préjugés? Peut-être du président des jeunes libéraux de l’époque qui a hérité du travail de son père dans le domaine des assurances. Sa note avait baissé; alors, il accusa son professeur de lui avoir mis 70% au lieu de 80% à cause de son engagement chez les jeunes libéraux.

2- Plus récemment, une de ses élèves faisait la baboune. Il se dit que cette belle fille de dix-sept ans avait une peine d’amour ou bien ne l’aimait pas tout simplement, ce sont des choses qui arrivent. Après un mois, comme il commençait à mieux la connaître et à l’estimer, ce dont elle était consciente, il se risqua à lui dire discrètement: “Maintenant que tu as pu te faire une opinion par toi-même, tu sembles de meilleure humeur et plus détendue pendant mes cours. Dans ton entourage, on t’avait parlé contre moi, n’est-ce pas!” Elle lui répondit: “Comment ça se fait que vous le savez! Qui vous l’a dit?”

Anti-libéral

Certains notables ont mal supporté qu’un militant indépendantiste de Longueuil, né à Montréal, fasse (selon eux) de la propagande ( ils s’y connaissent en commandites) anti-libérale et anti-fédéraliste. Il y avait toujours un ou une élève pour rapporter à sa mère (ou à son père) ses brefs commentaires sur l’actualité politique. Sans être une commère, ce fléau des petites villes, cette mère en parlait à une amie qui en parlait à une autre; ses propos parfois amplifiés parvenaient inévitablement à des oreilles libérales qui, sans en être obsédés, ont enduré cela pendant quatre décennies tout en essayant à diverses reprises de le museler ou même, carrément, de se débarrasser de lui. Enduré est le mot juste: ils l’ont enduré. Sans dramatiser, quand on se croit sorti de la cuisse de Jupiter comme tout bon libéral qui se respecte et qu’on contrôle une région, comment peut-on tolérer qu’un étranger vienne vous narguer dans votre propre cour.
Le professeur de sciences politiques a été président du Parti québécois du comté de St-Jacques qui avait Claude Charron comme député. Le cas de l’Irlandais est plus complexe car il avait collaboré, par amitié, avec le député libéral sous Robert Bourassa (l’Adjointe aux programmes était la femme de ce député libéral); puis, il est devenu indépendantiste et a participé à la campagne du OUI de 1995. A en croire ces cadres libérales du cégep, la politique n’avait rien à voir dans leurs décisions et leur manière de traiter les personnes. Mais c’est faux. Notre expérience nous porte à affirmer que c’est carrément de l’hypocrisie. Leur engagement libéral ouvert ou camouflé est une clef pour comprendre leur comportement. Elles avaient leur liste noire.

L'avocate de service et le ton

Le ton, c’était la spécialité de l’Avocate de service qui fut sélectionnée comme directrice des ressources humaines après l’épuisement de celle qui fut engagée avant elle. Une fatigue excessive a été causée par sa triple fonction. La directrice générale a mis son départ sur le dos du syndicat à cause des réunions du Comité des relations de travail (CRT) qui étaient fort tendues. L’Avocate de service ne connaissait rien à notre convention collective qui est fort compliquée mais elle était avocate et ses connaissances juridiques seraient utiles en cas de recours judiciaires contre le syndicat des enseignants. Elle a d’ailleurs été engagée pour ça. Elle passait beaucoup de temps au téléphone à consulter le contentieux de la Fédération des cégeps.
En analyse littéraire, la tonalité est la coloration affective qui se dégage d’un texte. Le ton est une manière de s’exprimer dans un écrit. Cette directrice des ressources humaines, porte-voix de la directrice générale, n’aimait pas le ton de nos écrits et le ton de nos interventions en CRT. Nous non plus, d’ailleurs, nous n’aimions pas son ton pète-sec. Au Comité des relations du travail, nous lui avons fait passer quelques mauvais quarts d’heure. Dans des repas bien arrosés, quand nous voulons rire, nous repassons nos exploits. Comme nous maîtrisions mieux qu’elle la convention collective (ce n’était pas difficile), elle nous reprochait constamment notre ton, un ton qui, selon elle, était arrogant et insolent même quand les mises en demeure essayaient de nous forcer à présenter non seulement des excuses, mais des excuses sincères. Ces excuses ne pouvaient pas être sincères puisqu’elles étaient accompagnées de demandes que la Direction corrige ses erreurs. Il y avait aussi un humour qui les agaçait dans des citations bien choisies. Nous étions si peu intimidés par leurs sparages politico-juridiques que nous poussions l’effronterie jusqu’à enrichir nos propos de réflexions puisées dans les Essais de Montaigne publiés en 1592. Le directeur des études a commis une erreur; nous avons pris la peine de l’avertir poliment, en privé; mais il n'a pas reconnu son erreur et il ne l'a pas corrigée. Il était bien difficile ensuite en le dénonçant par écrit, de garder un ton aimable et courtois. On se disait qu’il fallait le brasser un peu pour qu’il comprenne. Obéissant à la directrice générale à laquelle il était soumis hiérarchiquement, le directeur des études nous a poursuivis pour diffamation et atteinte à la réputation. Six mois plus tard, il a corrigé son erreur à propos des conditions d'accessibilité aux examens de reprise. Puis, il a retiré sa poursuite avant de quitter notre collège avec joie, comme il l’a écrit lui-même dans sa lettre d’adieu, pour retourner comme Directeur des études là où il avait enseigné la philosophie. Et il a ensuite été nommé directeur général d’un autre collège. Nos attaques supposément diffamatoires qui avaient ruiné sa réputation ne l’ont pas empêché d’obtenir ces promotions. Dans les milieux patronaux, quiconque tient tête à un syndicat mérite une promotion.

Complot

Projet concerté secrètement pour nuire à quelqu’un; intrigue menée, ruse contre quelqu’un. Le complot implique plusieurs actions coordonnées dans un but précis. Par exemple, le directeur des études envoie à un enseignant une lettre en apparence anodine exigeant qu’il respecte son plan d’études, qu’il donne des cours magistraux et qu’il n’attaque pas l’administration pendant ses cours. Auparavant, l’adjoint à l’organisation scolaire, contrairement à une pratique établie qui donne des locaux au deuxième étage pour les cours de français, choisit pour cet enseignant des locaux au premier étage, au-dessus de travaux très bruyants d’aménagement du sous-sol exécutés pendant ses cours: l’enseignant pourra difficilement enseigner, s’impatientera, se choquera et il accusera la Direction d’incompétence, de manque de planification des travaux et de manque de respect à l’égard du travail des enseignants. Puis, sans avertissement, au milieu de l’après-midi, deux cadres (féminines) feront irruption dans une de ses classes avec un questionnaire qui donne l’occasion aux élèves de confirmer les insinuations contenues dans la lettre du Directeur des études. Vous avez là tous les éléments d’un complot. Comme on l’a vu, ce complot qui est une action de harcèlement, a lamentablement échoué. De plus, ce complot a donné l’occasion au Directeur des études de montrer qu’il avait un certain sens de l’éthique puisqu’il n’est pas allé au bout de la démarche. Devant l'évaluation très positive des élèves, il a sagement mis fin à l'opération.

Crédibilité

Ce qui fait qu’une chose mérite d’être crue. Influence dont jouit une personne auprès de quelqu’un par la confiance qu’elle inspire.

Démocratie

Système politique selon lequel la souveraineté appartient à l’ensemble des citoyens. La démocratie repose sur la liberté et l’égalité des citoyens. Conforme aux intérêts du peuple. Antonymes: aristocratique, oligarchique. La démocratie ne peut exister sans la liberté de parole, la liberté de pensée, la liberté d’opinion et le respect de la diversité. Exiger l’unanimité est anti-démocratique car cela interdit l’opposition et la dissidence. Les poursuites judiciaires pour atteinte à la réputation peuvent être anti-démocratiques car elles restreignent considérablement la liberté d’expression et d’opinion. C’est d’ailleurs l’objectif visé.

Un déplacement et une diversion

Supposons que l’exécutif d’un syndicat écrit que, sur un dossier précis, une Direction a manqué de jugement et s’est montrée incompétente. Supposons que cette direction lui envoie une mise en demeure de retirer ses propos et de s’excuser. Si l’exécutif, par écrit, retire ses propos et s’excuse, il admet avoir mal agi. Il montre du regret d’avoir offensé la Direction qui demande réparation de l’offense soi-disant grave dont elle a été victime. Le syndicat se reconnaît coupable. La question qui se pose n’est plus: est-ce que c’est vrai que, sur un dossier précis, par exemple, les règles d’admission à l’examen de reprise, la Direction s’est montrée incompétente et a manqué de jugement? (Soit dit entre nous, c’était un dossier mineur.) La question est devenue: était-ce bien de l’écrire puisque cela a fait de la peine à la Direction? Tel est l’effet pervers d’une mise en demeure: un déplacement et une diversion. Ce n’est pas à la Direction de s’excuser de son erreur; c’est le syndicat qui doit s’excuser d’avoir dit que c’était une erreur. Même si vous faites la preuve mathématique que le directeur des études s’est trompé, il vous faut retirer vos propos et vous excuser. Avec la régle du 70-50% (expliquée plus loin), aucun élève n’avait droit à l’examen de reprise qui était prévu dans la politique d’évaluation des apprentissages. Nous avons dénoncé cette absurdité avec un tableau qui montrait que, mathématiquement, personne n’avait droit à l’examen de reprise. De quoi avions-nous à nous excuser? Notez qu’avant d’écrire ce texte envoyé à tous les syndiqués, on avait averti le Directeur des études, en privé, que ça ne marchait pas mais il ne nous a pas écouté. Nous avions donc exercé un recours à l’interne avant de le dénoncer ouvertement à l’interne. La règle qui disait qu’il fallait avoir eu 70% dans toutes les notes accumulées pendant la session devait être abolie et, six mois plus tard, elle a été abolie. Si nous avions écrit que la Direction avait fait preuve d’impéritie ( ce qui est synonyme d’incompétence), comme personne n’aurait compris, le Collège n’aurait pas pu nous menacer de poursuites pour diffamation et atteinte à la réputation et le Directeur des études n’aurait pas pu nous poursuivre pour diffamation. Voyez comme les mots sont importants.

Le devoir de loyauté. Code civil du Québec: article 2088

Le salarié, outre qu’il est tenu d’exécuter son travail avec prudence et diligence, doit agir avec loyauté et ne pas faire usage de l’information à caractère confidentiel qu’il obtient dans l’exécution ou à l’occasion de son travail.
Ces obligations survivent pendant un délai raisonnable après cessation du contrat, et survivent en tout temps lorsque l’information réfère à la réputation et à la vie privée d’autrui.
Dans le magazine Jobboom de septembre 2006, Pierre Frisko écrit: Comme ce fut le cas à la SAQ, il arrive que les employeurs invoquent le devoir de loyauté pour empêcher leurs employés de les critiquer sur la place publique. Les tribunaux ont tendance à sanctionner les actes d’atteinte à la réputation de l’employeur. Mais attention! Une critique des décisions et des actions d’un empoyeur n’est pas nécessairement une atteinte à sa réputation. Mais selon la jurisprudence, il faut que l’employé ait d’abord épuisé les canaux internes de l’institution ou de l’entreprise pour régler le problème. La dénonciation publique ne devrait être utilisée qu’en dernier recours. Remarquez que c’est ce que nous avons fait. Nous sommes restés à l’interne, dans le collège, parmi les enseignants puis dans l’ensemble du personnel, mais comme ça ne marchait pas, nous avons envisagé une dénonciation publique dans le journal local. C’est pour empêcher qu'elle soit publiée que nous avons été poursuivis.

La dignité du salarié. Code civil du Québec: article 2087

L’employeur, outre qu’il est tenu de permettre l’exécution de la prestation de travail convenue et de payer la rémunération fixée, doit prendre les mesures appropriées à la nature du travail, en vue de protéger la santé, la sécurité et la dignité du salarié.
Interrogé par Pierre Frisko, Me Fernand Morin dit: Pour moi, assurer la dignité du salarié est le pendant de la loyauté à l’égard de l’employeur. C’est quand même une obligation sur laquelle on passe vite. Et nous ajoutons: le harcèlement d’un employeur contre un employé va contre la dignité de l’employé. Et cet employé a le droit de se défendre.
C’est, évidemment, ce que nous avons fait avec toute l’énergie nécessaire et avec l’appui du syndicat des enseignants.

Diffamatoire?

Qui tend à porter atteinte à la réputation, à l’honneur, à l’intégrité de quelqu’un. Est-ce que le rapport du juge Gomery qui critique Jean Chrétien, Jean Pelletier (son chef de cabinet), Marc-Yvan Côté, Jacques Corriveau et bien d’autres libéraux est diffamatoire? Non! Ces critiques font pourtant une mauvaise réputation à ceux qui en sont l’objet. Ils le méritent. On ne peut donc pas dire que toute critique d’un personnage public est diffamatoire même si les observations faites modifient la perception que les gens en ont. Sinon, aucune opposition ne serait possible; on ne pourrait pas exercer une fonction critique à l’endroit d’un détenteur d’un pouvoir quelqu’il soit. Voilà la preuve que le recours aux poursuites en diffamation est le plus souvent anti-démocratique. C’est se servir des Tribunaux à des fins politiques, pour intimider et déstabiliser l’adversaire et pour l’affaiblir financièrement en le menaçant d’amendes exorbitantes et en l’obligeant à de coûteuses dépenses en honoraires d’avocats avec la menace d’avoir à payer les frais d’avocat de la partie adverse. (C’est ce que veut dire l’expression "avec dépens".) Les attaques devant les Tribunaux dont nous avons été l’objet, bien que fort stimulantes car nous aimons la bataille (comme disait Pierre Bourgault), n’en était pas moins énergivores. En plus, nous étions privés de vacances sereines car les mises en demeure nous tombaient dessus entre les sessions ou autour des vacances d’été. C’était sa façon à elle de se venger et de nous faire regretter nos prises de position et notre engagement.

Contre les cours magistraux

Montaigne critique les cours magistraux: "On ne cesse de criailler à nos oreilles, comme qui verserait dans un entonnoir, et notre charge ce n’est que redire ce qu’on nous a dit." Peu importe la discipline ou la matière, l’élève ne devrait pas être considéré comme une cruche qu’on remplit. En littérature, c’est le texte qui prime et non le commentaire; il faut lire et relire les textes et les faire comprendre et apprécier. Le directeur des études a écrit une lettre au Littéraire pour exiger des cours magistraux. Ce n’était certes pas à une ancienne professeure de chimie qui a quitté l’enseignement pour devenir DéGé à lui montrer comment enseigner la littérature. Par un mimétisme simpliste, comme il disait qu’elle était une mauvaise administrateure, il était prévisible qu’elle dirait qu’il était un mauvais professeur jusqu’à ce que, de guerre lasse (c’est le cas de le dire), elle envoie une responsable de la Fondation, ex-membre du C.A., lui dire que sa fille avait bien aimé ses cours et qu’elle avait gardé un excellent souvenir de son professeur de français. Il s’est rappelé avoir distribué à ses 120 èlèves un excellent travail de la jeune fille, une analyse littéraire d’un extrait des Lettrines de Julien Gracq où un des plus grands écrivains français trace le portrait de son père. Rappelons que le directeur des études a été obligé de reconnaître officiellement et par écrit, sur la foi des réponses des èlèves à un questionnaire dont le but était de le couler, certaines qualités indéniables de ce professeur. Il ne tient pas à se vanter mais il a été tellement attaqué qu’il se doit de rappeler cette lettre élogieuse.

Espionnage

Les deux événements déclencheurs déjà mentionnés (le rejet agressif de la candidature du Syndicaliste au poste de DRH et la “plainte” contre le Littéraire) signifiaient le début d’un power-trip dont les manoeuvres intimidantes rendirent peu à peu le dialogue impossible et l’affrontement inévitable. Par exemple, “l’Adjointe” a espionné le professeur de français pendant quelques semaines. Puis, elle le convoqua à son bureau, le 15 avril 1999. En présence du coordonnateur du département de français, le Grammairien, qui demeura un témoin silencieux, elle lui a demandé d’expliquer des classes vides à l’heure de ses cours. Dans un cas, à trois reprises puisqu’il avait trois groupes, il était dans un autre local avec ses élèves pour visionner un film vidéo sur le Misanthrope et, dans l’autre cas, il était malade et la secrétaire avait négligé de transmettre le rapport d’absence. Après la rencontre, il a reçu une lettre de l’Adjointe le remerciant de sa collaboration (voir document 6) et lui conseillant poliment d’aviser le secrétariat pédagogique de ses déplacements de cours “car, en cas d’urgence, on doit pouvoir vous retrouver rapidement”. Comme il avait prévu le coup, il avait pris en note en détail les présences de ses élèves et tout ce qu’il faisait semaine par semaine, cours par cours.

Le professeur de politique (indépendantiste) a dû subir lui aussi des vexations de la part de l’Adjointe, toujours la même, frustrée de ne pas être directrice des études, qui lui imposa pendant quelques cours la présence d’un professionnel pour des raisons obscures qui ne tenaient pas compte de difficultés à obtenir des documents utilisés par l’enseignant et qui n’étaient pas disponibles. Les élèves durent remplir un questionnaire d’évaluation et, heureusement, ils portèrent un jugement favorable sur leur professeur malgré des difficultés temporaires. L’évaluer à ce moment précis, c’était particulièrement cheap. Ce sont des gestes comme ceux-là qui créent un mauvais climat et provoquent une agressivité durable et parfaitement justifiée.

Des excuses sincères

Il fallait présenter des excuses et des excuses sincères. La sincérité, c’est une notion subtile. Est sincère celui qui est disposé à reconnaître la vérité en toute bonne foi et à faire connaître ce qu’il pense et sent réellement sans consentir à se tromper soi-même ni à tromper les autres. Synonymes: authentique, vrai, non truqué. Antonymes: hypocrite, menteur, affecté, feint. Comment fait-on pour déterminer si des excuses sont sincères? Pour que nos excuses soient reconnues comme sincères, des conditions exorbitantes étaient imposées. Il fallait admettre que nos propos étaient diffamatoires. Il fallait s’engager à ne pas recommencer, ce qui voulait dire cesser d’exercer notre jugement critique, élément essentiel de la fonction syndicale. En pratique, donc, l’exigence de sincérité équivalait à s’humilier, à se soumettre, à se transformer en syndicat de boutique et à cesser de traiter d’égal à égal.

Faux témoignage ne diras

Du petit catéchisme de la province de Québec, citons, pour mémoire, au cas où cela pourrait nous servir, le huitième commandement de Dieu: "Faux témoignage ne diras, ni mentiras aucunement" qui nous ordonne de dire toujours la vérité, et de respecter l’honneur et la réputation du prochain. Et que défend le huitième commandement? Le huitième commandement défend le faux témoignage, la médisance, la calomnie et le mensonge. Qu’est-ce qu’un faux témoignage? Un faux témoignage est une déposition contraire à la vérité, faite devant les tribunaux. Un témoin peut ne pas dire la vérité par manque de mémoire ou déformer involontairement les paroles ou les faits. Un témoin peut se tromper de bonne foi. Un témoin peut aussi volontairement déformer des paroles pour incriminer quelqu’un. Il peut être de mauvaise foi. Il peut carrément recourir au mensonge et à la tromperie. Mentir, c’est dire autre chose que ce que l’on sait être vrai. Cela est possible. Cela existe. Cela s’est déjà vu. Et cela peut être grave et conduire à des erreurs judiciaires. La falsification et la conscience de la falsification, c’est-à-dire le mensonge, cela existe n'est-ce pas!

Si quelqu’un a besoin de recourir à une fabrication ou s’il y a des erreurs dans sa version de ce qui s’est dit, n’est-ce pas un signe que sa cause n’est pas fondée. "Faux témoignage ne diras, ni mentiras aucunement" est un commandement qui ordonne de dire toujours la vérité. Si par erreur, volontaire ou non, vous accusez quelqu’un de vous avoir diffamé, avez-vous respecté l’honneur et la réputation du prochain? Est-ce que vous ne regrettez pas, madame, d’avoir nui à la réputation de l’enseignant en le traitant de diffamateur et vous, maître, avocat local et vous, avocate de service, avez-vous respecté le code de déontologie du Barreau?

Le pouvoir au féminin

A propos du pouvoir au féminin, un mot pour dire une évidence, à savoir que chaque homme et chaque femme est un être humain. La catégorie de l’humain inclut le féminin et le masculin. Si on parle de valeurs féminines ou de valeurs masculines, parlons aussi de valeurs humaines. D’ailleurs, c’est quoi exactement “une qualité féminine” ou “une qualité masculine”? Il y a des femmes qui traversent le lac St-Jean à la nage. Si un homme au pouvoir recherche le consensus ou manifeste de l’empathie dans une situation difficile, il est humain tout simplement. Dans cette situation, il nous semblerait abusif de parler d’une façon péjorative de féminisation de la société. Surtout dans le domaine de l’éducation. Les femmes, à ce que nous sachions, n’ont pas le monopole de l’humain. De toutes façons, comme l’écrit Montaigne, dans le célèbre chapitre cinq du livre trois: "Je dis que les mâles et femelles sont jetés en même moule; sauf l’institution et l’usage, la différence n’y est pas grande".

La fonction et la personne

Elle prétendait avoir de la classe et faire partie de l’élite mais elle était plutôt forte sur le cosmétique, l’apparence et le décorum. Contrairement à Montaigne qui a occupé la fonction de maire de Bordeaux pendant quatre ans et qui disait avec son bon jugement habituel, "le maire et moi sommes deux", il y avait, a-t-elle voulu nous faire croire, comme une union substantielle entre le Collège et sa directrice générale Montaigne insiste sur la distinction qu’il faut faire entre la fonction et la personne. Ce n’est pas honnête de prétendre que tout désaccord sur l’exercice de la fonction est une attaque contre la personne ou une attaque contre l’institution. Comme l’ont subi la représentante du personnel de soutien et l’Ingénieur, l’autre représentant du personnel enseignant au Conseil d’administration, c’était l’unanimité ou le drame car quiconque n’était pas d’accord avec elle mettait nécessairement le collège en péril. Nous devions nous opposer à tant d’extravagance. Ces attitudes de prima donna méritaient une remontrance rédigée avec fermeté car quand nous écrivons ce que nous pensons "notre âme marche d’une grande allégresse". ( I, 40).

Gérer des subventions et développer des projets

Voilà ce que font les OSBL, les organismes sans but lucratif, dont certains sont apparentés à des cégeps. Nous avons déjà parlé de comptabilité créative ce qui est un euphémisme obligé puisque nous n’avons pas de preuves. Difficile d’avoir accès aux factures. A ce propos, les grands médias d’information sont abonnés à la Commission d’accès à l’information pour avoir des renseignements sur les dépenses des administrateurs des Sociétés d’Etat. D’accord pour les stages des étudiants hors Québec mais quand un tel organisme fait concurrence à SNC-Lavallin pour des projets de développement, on est devant un détournement de mission. Les collèges n’ont pas à faire concurrence à des firmes d’ingénieurs. Ce qui nous frappe, ce sont les avantaqes de toutes sortes rattachés aux fonctions d’administrateurs “bénévoles” de ces organismes. Frais de représentation, logement, repas, transport, frais divers de toutes sortes, prestige de voyages en Afrique, en Amérique du Sud, au Mexique, en Asie et même en Europe. La carte de crédit est très utilisée. Est-ce normal qu’une corporation qui s’occupe de l’International et qui est apparentée à un cégep fasse un déficit de 135,000$ en peu de temps? Nous aurions aimé voir les factures qui ont "justifié” ce déficit quand même considérable. Est-ce que c’est ça qu’on appelle faire du développement? Ce développement n’était-il pas censé rapporter des revenus au cégep!

Pour un cas précis, nous vous suggérons de vous rendre sur le site Internet du Courrier de Saint-Hyacinte où les éditions du 15 novembre 2006, du 13 décembre 2006 et du 20 décembre 2006 posent de bonnes questions à propos de ce qui se passe dans un autre collège que celui dont il est question dans ce livre. Nous vous recommandons "Le festival de la mise en demeure" (15 novembre) et "Des questions pour les administrateurs du cégep" (13 décembre). Ces corporations apparentées à des cégeps fonctionnent bizarrement: une chatte n’y retouve pas ses petits. Cela pose le problème plus large des dépenses et des avantages offerts aux bénévoles qui sont membres des conseils d’administration à tous les niveaux: collèges, sociétés d’Etat, hôpitaux, commissions scolaires etc. On pense au cas de la Société des courses de chevaux et aux administrateurs de la Société des alcools du Québec. Il doit y avoir des dépenses normales et légitimes, mais la preuve est faite qu’il est tentant de faire des abus ou ce qu’on appelle du “laxisme” pour éviter d’employer le mot “fraude”. Ce n’est pas nécessairement une question d’individus quoiqu’il y ait un certain type de personnes qui recherchent ces situations. C’est tout un système et c’est le mérite du Courrier de Saint-Hyacinthe et de son équipe de journalistes de nous fournir un exemple concret de ce genre de fonctionnement. Nous vivons dans une drôle de société où le “développement” sert souvent d’alibi. Remarquez que le Courrier ne parle pas de fraude ou de malhonnêteté. Il y a toutes sortes d’avantages reliés au fait d’être membre de conseils d’administration de divers organismes; cela peut donner lieu à des abus de divers ordres. Il faut donc constamment surveiller les dépenses de ces "bénévoles" et des membres des Organismes sans but lucratif. C’est tout un système qui doit être remis en question. Dernière heure: Grand ménage au cégep de Saint-Hyacinthe. Le directeur général démissionne et son bras droit est congédié. C'est dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe, édition du 7 février 2007. Ce directeur général qui a été directeur des ressources matérielles pendant notre conflit...

Harcèlement

Selon l’article 81.18 de la Loi sur les normes du travail, le harcèlement psychologique est défini comme une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci un milieu de travail néfaste. Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié. Le harcèlement peut provenir d’un supérieur (supérieur selon la hiérarchie dans l’organigramme d’un collège). Remarquez que dans la définition juridique du harcèlement, le caractère répétitif n’est pas essentiel; une seule conduite grave peut constituer du harcèlement psychologique. L’intervention à l’automne 1997, à la fin du mois d’août, c’est du harcèlement psychologique. Si vous êtes professeur dans un collège depuis 1969 et que la nouvelle directrice générale qui vient d’entrer en fonction en l997 convoque le président du syndicat et attaque votre personnalité et votre enseignement, vous avez subi de la part de la directrice générale une conduite vexatoire qui s’est manifestée par un comportement hostile et non désiré” qui a entraîné “un milieu de travail néfaste. Il s’agit d’une seule conduite grave qui a produit un effet nocif continu pour le salarié. La loi sur le harcèlement psychologique a été adoptée le 19 décembre 2002; depuis le 1er juin 2004, arbitres et tribunaux ont à déterminer du bien-fondé des plaintes de harcèlement psychologique en milieu de travail. Si la loi avait été en application à l’automne 1997, Le Littéraire aurait mis de côté son orgueil de mâle qui fait semblant de n’être pas affecté et il aurait porté plainte. Ayant reçu sa leçon, la directrice générale se serait calmée et toute la suite des choses aurait été différente. L’intervention de l’Adjointe dans la classe de bureautique, trois mois après la fin des cours, c’est du harcèlement. L’intervention des deux cadres dans une de ses classes de français précédée d’une lettre du directeur des études, cet ensemble qualifié de complot, c’est du harcèlement. L’espionnage systématique, c’est du harcèlement. Mais la loi contre le harcèlement psychologique n’a été en application qu’à partir du 1er juin 2004 et elle n’est malheureusement pas rétroactive. Voyez comment une loi peut améliorer la vie concrète des salariés.

Un peu d’humour

La Commissaire du Tribunal du travail Louise Verdone avait le sens de l’humour. C’était une femme toute menue qui parlait peu et se contentait d’écouter très attentivement en prenant des notes. Obligé de venir témoigner devant le Tribunal du travail, rue Port-Royal, suite à notre plainte, le président du Conseil d’administration du collège dut quitter la forêt de la région de Lanaudière où il était à la chasse. Il n’avait toutefois pas apporté son fusil rue Port-Royal. Comme on peut le deviner, il était de fort mauvaise humeur d’être obligé d’interrompre ses vacances. Au téléjournal de la veille, on avait montré un chevreuil égaré dans les rues de Lasalle, tout près de Montréal où était situé le Tribunal. Alors la commissaire Verdone dit au témoin qu’il n’était pas nécessaire d’aller à la chasse aussi loin que la forêt de Lanaudière: il n’avait qu’à aller chasser le chevreuil qui se promenait dans les rues de Lasalle. Comme il était dans le bois la veille, il n’avait pas vu les nouvelles ce qui rendit la scène encore plus drôle. Dans l’entente hors cour, nous avons retiré notre plainte au Tribunal du Travail. Nous aurions bien aimé connaître le jugement de la Commissaire: est-ce que la poursuite du Directeur des études et du Collège, donc de la Directrice générale, était une mesure de représailles contre chacun des quatre membres de l’exécutif du syndicat qui ont exprimé une critique légitime sur un dossier pédagogique et est-ce que le Collège aurait dû payer une somme de 5,000 $ à chacun des quatre membres de l’exécutif en dommages? On ne saura jamais hélas! ce qu’aurait décidé la commissaire Louise Verdone. Nous pensons qu’elle nous aurait donné raison: d’habitude, les gens qui ont le sens de l’humour ont un excellent jugement. 5,000 $, ça se prend bien.

Intégre

D’une probité absolue. D’une honnêteté à toute épreuve. Incorruptible. Dans une entrevue, Roy Dupuis a dit: Ce qui me touche chez Maurice Richard, c’est son intégrité. C’était un homme simple, qui ne trichait pas. Maurice Richard est un homme aussi admirable que De Lorimier. Ces deux Québécois éminents se sont opposés aux Anglais, ce qui énerve l’éditorialiste de La Presse André Pratte qui a fait, à leur propos, un jeu de mots stupide, méprisant et impardonnable en les appelant "le pendu et le suspendu". La volonté de ce fédéraliste de rabaisser ce qui fait l’objet de l’admiration de ses adversaires témoigne d’un manque de noblesse flagrant. Il est difficile de rester digne et calme devant de tels propos volontairement et sciemment offensants. Pour André Pratte, les Anglais sont plus importants que le Chevalier De Lorimier et que Maurice Richard. Telle est l’idéologie de Power corporation, les propriétaires du journal de la rue St-Jacques et des nombreux membres de la famille Desmarais et des conseils d'administration, qui financent le Parti libéral à coups de 3,000 $ par année. En quelques années, cela fait 300,000 $. C'est une façon de contourner l'esprit de la loi de René Lévesque sur le financement des partis politiques. Paul Desmarais a apporté son support moral à Nicolas Sarkozy en le recevant pendant dix jours à son domaine de Charlevoix; il appuie aussi de la même façon et en plus financièrement Jean Charest.

Frivole

Aucun rapport avec la légèreté des moeurs d'une femme frivole. Dans le monde juridique, une poursuite est rejetée si elle est déclarée frivole c'est-à-dire sans fondement. Par ailleurs, la directrice, sur les conseils de son avocat, a déclaré que les excuses du Littéraire pendant la réunion du C.A. étaient frivoles c'est-à-dire non sérieuses, non sincères, non valables.

Jugement

Faculté de l’esprit permettant de bien juger de choses qui ne font pas l’objet d’une connaissance immédiate certaine, ni d’une démonstration rigoureuse. Avoir du jugement. Manquer de jugement. Erreur de jugement. Voir judicieux, perspicace, discernement, finesse, intelligent, bon sens, sens commun. Si vous faites une erreur et qu’on vous signale cette erreur, le reconnaître serait faire preuve d’un bon jugement.

De la liberté d’enseigner

Malgré l’espionnage des cadres (six employées du secrétariat pédagogique, c’est tout en leur honneur, ont refusé de surveiller les enseignants)(voir document 7 ), la délation et les plaintes encouragées et même suscitées, nous avons défendu notre liberté d’enseigner en nous appuyant sur l’article 2-3 de la convention collective qui stipule: "Ni le Collège, ni le Syndicat n’exercent ni directement, ni indirectement de contraintes, de menaces, discrimination ou distinctions injustes contre un enseignant à cause de son âge, de ses opinions, de ses actions politiques, de l’exercice de ses libertés d’enseignement ." Si cet article de la convention collective existe, c’est pour empêcher qu’une Direction exerce des contraintes, des menaces et des pressions injustes sur un enseignant à cause de son engagement politique et syndical. Nous avons vécu "parmi les rocs occultes et parmi l’hostilité" (Miron).

Petit voyage dans le monde de Lilliput

Voici un bon exemple d’attitudes petites mesquines qui affectent nos conditions de travail. Tout le monde devrait savoir que les enseignants travaillent à la maison: préparation de cours; correction de travaux, préparation et correction d’examens, lectures, perfectionnement. Au collège, la plupart des enseignants ont leurs bureaux dans de grandes salles où il y a beaucoup de circulation d’élèves ou d’enseignants. Il y est difficile de se concentrer. Donc, c'est un fait, les enseignants travaillent beaucoup à la maison. L’adjoint à l’organisation scolaire Grandpied décidait des horaires des professeurs: c’était le principal fondement de son petit pouvoir. La règle qui devait s’appliquer, c’est des horaires sur quatre jours. Le Littéraire reçut son horaire: il était volontairement sur cinq jours, en voici la preuve. Il colligea les horaires de ses collègues. Nathalie P., mère de trois jeunes enfants, avait aussi un horaire sur cinq jours. Il suffisait qu’elle échange avec son collègue un de ses groupes du même numéro de cours (Fr.101) et le tour était joué: les deux enseignants auraient eu un horaire sur quatre jours. L’adjoint à l’organisation scolaire refusa. (Il est aujourd’hui Directeur des ressources humaines dans un gros collège de Montréal. grand bien lui fasse.). Le Directeur des études refusa le changement d’horaire de gré à gré. Nathalie alla voir le Directeur des études, lui parla de la conciliation travail-famille qui est inscrite dans notre Convention collective: aucun argument n’ébranla le "brillant” directeur qui lui dit: “La prochaine fois que tu auras un problème, viens me voir au lieu d’aller voir le Littéraire.” Celui-ci, au lieu de voyager cinq jours aller-retour (140 Km) dut payer les frais d’un motel pendant toute la session pour éviter la fatigue. Et Nathalie, mère de trois enfants en bas âge, voyagea cinq jours aller-retour, de son domicile au lieu de travail (140 km). pendant quinze semaines. Tout de suite après avoir essuyé un refus à sa demande de changement d’horaire, le Littéraire vit le Directeur des études, le sourire mauvais, se diriger vers le bureau de la Directrice générale par un escalier spécial pour aller lui raconter son mauvais coup. On lui souhaite bonne chance dans l’exercice de ses nouvelles fonctions de Directeur général d’un collège. Nous sommes ravis de ne pas avoir ruiné sa carrière par nos graves diffamations. Si c’était à refaire, nous aurions changé d’horaire sans leur accord: on les aurait mis devant le fait accompli car ce qu’ils ont fait était contraire à la Convention collective par rapport à la mère de famille qui subissait injustement les conséquences de leur mesquinerie. L’exemple des horaires manipulés montre le niveau auquel se situaient ces esprits lilliputiens. Grandpied, en privé, ajouta: “S’ils ne sont pas contents de leurs horaires, qu’ils déménagent et viennent habiter dans la région!” Ici,le subtil Grandpied est du même niveau qu’Amable. Ubu et Lilliput vous saluent, petits esprits médiocres.

Malveillance

Tendance à blâmer autrui et à lui vouloir du mal. Agressivité, animosité, désobligeance, hostilité, intention de nuire à quelqu’un. "La malveillance et le dénigrement sont les deux caractères de l’esprit français." (Chateaubriand). La personne malveillante est agressive, aigrie, méchante. Cela indique une disposition à vouloir du mal à quelqu’un par haine, envie, jalousie ou pour toute autre raison. L'action malveillante crée un malaise c'est-à-dire un état plus ou moins pénible supposant une certaine souffrance physique ou morale qui empêche de se sentir bien ou heureux. Ce malaise est une inquiétude, une angoisse, une tristesse. C'est une sensation pénible et irraisonnée dont on ne peut se défendre parce qu’on ne peut agir sur la cause ou bien parce qu’on ne la connaît pas ou bien parce qu’on ne la contrôle pas et surtout parce qu’on a peur des conséquences, procès, pertes d’argent, pertes d'énergie, suspension.

Ostracisme

De ostrakon, coquille: les sentences étaient notées sur un morceau de poterie appelé ostrakon. Bannissement de dix ans prononcé à la suite d’un jugement du peuple, à Athènes et dans d’autres cités grecques de l’antiquité. Décision d’exclure ou d’écarter du pouvoir une personne. Par extension: hostilité d’une collectivité (un conseil d’administration, par exemple) qui rejette un de ses membres. L’ostracisme n’a pas sa place dans un fonctionnement démocratique au XXIè siècle. (voir document 5) De toute évidence, la directrice générale rêvait de voir l’adversaire qui lui tenait tête passer devant un tribunal (Cour supérieure ou comité de déontologie du CA) pour qu’il soit jugé et humilié. Humilier l’autre, soumettre l’autre, tel est le but que poursuit une dominatrice malveillante. Pour éviter le comité de déontologie, il dut choisir l’exil. Pour éviter la Cour supérieure, elle souhaitait qu’il choisisse aussi l’exil c’est-à-dire la retraite. Il préféra se battre et la victoire fut le résultat de ses efforts et des appuis de ses amis du syndicat et de la Fédération: ce fut la directrice et ses acolytes qui sont partis.

Pamphlet

Court écrit satirique et polémique, qui attaque avec vigueur le gouvernement, les institutions, un personnage connu. Il est classé dans la littérature de combat. Le pamphlétaire est un intellectuel, un homme libre qui dénonce, fustige, blâme un adversaire ou un ennemi. Il déteste le mensonge et l’imposture et montre le scandale. Il évite difficilement le manichéisme: il y a des bons et des méchants, c’est inévitable, c’est la loi du genre. Alfred Fabre-Luce écrit: Servir en s’opposant: pour un intellectuel, c’est la plus belle devise. Tant d’autres se contentent de suivre! (Journal 1951, p.54) Le pamphlétaire dérange autant les détenteurs du pouvoir et leurs penseurs à gages que les suiveux. "C’est la faute à Montaigne" est un pamphlet. Les Remarques aussi.

De la politesse. "Il n'y a pas d'imposture à être poli." (Jacques Ferron)

Un excellent golfeur québécois, Marc Girouard, affirme dans une entrevue publiée dans le Journal de Montréal, que sa qualité préférée est la politesse. La politesse est un signe de respect et de considération. L’impolitesse indique un manque de respect. Malheureusement, plus la critique est percutante et pertinente, moins la personne visée vous trouvera poli. Rappelons-nous ce qu’une amie de la mère de Lizzy, dans la série télévisée Orgueil et préjugés, basée sur le roman de Jane Austen, dit de Wickham: “C’était un homme beaucoup trop poli pour être honnête”. Montaigne dit que ses essais donnent la mesure de sa vue et pas nécessairement la mesure de la réalité. Modestie louable. Sans doute, mais les faits que nous rapportons sont exacts. Nous avons subi une forme de violence qui, comme dirait Montaigne, est un vrai témoignage de l’humaine imbécillité(III, 13). Ecoutons le Dr Ferron: Je dis le mieux que je peux ce que je pense et là, parfois, cela peut sembler impoli. A ce moment-là, ça peut blesser. Souvent, la politesse consiste à ne rien dire. Aimant les paradoxes, le brillant Marc Girouard dit que ses deux qualités préférées étaient la politesse et la franchise comme si ne pas être franc était une forme d’impolitesse. Si un syndicat d’enseignants explique pourquoi il n’est pas d’accord avec la direction sans employer de mots injurieux, que vient faire la politesse là-dedans! A moins qu’il soit interdit d’être en désaccord.


Pourquoi les poursuites? Recours à la fiction

A- Au Conseil d’administration du 19 juin 2001, le vice-président du syndicat a dit que la promesse d’acheter des ordinateurs pour les élèves du programme d’Arts et Lettres, faite par la directrice générale à trois de ses collègues lors de l’accueil du personnel à l’automne 2000, n’a pas été faite dans l’euphorie que peut provoquer quelques verres de bon vin. Donc, il fallait respecter la parole donnée. Il n’y avait pas, objectivement, matière à faire un drame. Le seul objectif était d’obtenir des ordinateurs en Arts et Lettres, objectif, d’ailleurs, qui a été atteint d’une drôle de façon puisque la Fondation en a payé la moitié. La poursuite en diffamation l’accusait de nuire à la réputation d’une personne, ce qui, officiellement, est devenu l’enjeu de ce mauvais psychodrame. Ce qui avait le double avantage de faire diversion en détournant l’attention de la promesse non tenue et de mettre dans l’embarras un adversaire et un syndicat.
Une question: pourquoi la directrice a-t-elle mal interprété ses propos et pourquoi a-t-elle intenté contre le représentant des enseignants une poursuite de 170,000$? Quand on veut se débarrasser de quelqu’un, on cherche à le prendre en défaut. Pour vraiment répondre à cette question, il faut changer de genre littéraire et décrire des personnages fictifs. Lançons-nous donc dans la fiction. Par exemple, un personnage de roman dirait ce que nous avons entendu de multiples fois de différentes personnes: “Fais attention, elle n’est pas contrôlable!” D’une opinion contraire, un autre personnage fictif qui a été traîné deux fois devant les Tribunaux et ressemble comme deux gouttes d'eau au Littéraire répondrait:
”Vous vous trompez complètement. Elle sait très bien ce qu’elle fait. Tout est calculé. Elle est parfaitement lucide et machiavélique. Devant ses collaborateurs de la Régie ou du Conseil exécutif , quand elle est particulièrement contrariée, elle paraît bouleversée et sur le point de remettre sa démission; elle semble s’effondrer sous le poids de la détresse. C’est du grand théâtre. C’est de la tragédie. C’est Phèdre! C’est lady Macbeth. C’est lady Catherine de Bourgh courroucée contre Lizzy. Mais au fond, c'est de la comédie: c'est Philaminte. À ce moment-là, elle est la plus redoutable car tout le monde la plaint et s’offre pour l’appuyer contre ces mécréants du syndicat qui ne respectent rien en disant: “Y a des limites! C‘est épouvantable! Ça n’a pas de bon sens qu’une personne dévouée comme vous qui travaille quinze heures par jour subisse des attaques aussi injustes et aussi basses”. C’est comme ça qu’elle a fait approuver les mises en demeure et les poursuites. Il ne faut jamais la sous-estimer surtout quand elle semble la plus émotive. C’est une femme qui essaie de séduire et qui aime faire du charme avec les hommes jeunes comme on l’a vue avec le président de la Fédération, un golfeur professionnel à la carrure d’athlète à la Jean Béliveau, quand elle lui a dit, avec une légèreté et une coquetterie dignes de Célimène (personnage du Misanthrope), le faisant rougir, qu’elle le trouvait beau... au cours d’une réunion patronale-syndicale de médiation qui était supposée être sérieuse. C’était étonnant de voir une femme plus que mûre, une quinquagénaire, jouer à la femme fatale et à la croqueuse d’hommes en se donnant des airs de Mae West! C’est à partir de ce moment-là que, contrairement à l'opinion ferme du Syndicaliste, vice-président de la Fédération, nous avons cru que la directrice n’irait pas jusqu’au bout de sa démarche et que son but, au fond, c’était de nous occuper, de nous intimider, de nous neutraliser et de nous écoeurer. ”
Un autre personnage fictif, par exemple, l’épouse très bien informée du personnage accusé de nuire à la réputation des hors-cadres ajouterait: “Si c’est vrai, dit l’être cher, qu’ils voulaient se débarrasser de toi; si c’est vrai qu’elle voulait t’éliminer, elle cherchait l’occasion et tu la lui as donnée. Au Conseil d’administration du 19 juin 2001, quand tu l’as attaquée en disant qu’elle n’avait pas tenu sa promesse, elle en a profité. De toutes façons, tes ennemis avaient décidé de te chasser du C.A. sous prétexte que tu étais poursuivi par le Directeur des études comme membre de l’exécutif du syndicat. Le soir même, ils ont ajouté un point à l’ordre du jour intitulé “Implication des membres du C.A.” qu’on a refusé de préciser et qui visait à t’exclure des réunions du C.A. Souçonneux, tu as demandé de quoi il s’agissait; un membre du Comité exécutif t’a répondu bêtement que tu le saurais quand on serait rendu là dans l’ordre du jour. Déjà, on t”avait exclu et tu ne méritais pas qu’on te traite comme un vrai administrateur en ne répondant pas à tes questions légitimes sur l’ordre du jour modifié le soir-même. La moutarde commençait à te monter au nez. La directrice du Centre de technologies est arrivée comme d’habitude une demi-heure en retard et il y avait des problèmes de quorum. En attendant qu’elle arrive, le Directeur des ressources matérielles assis à côté de toi autour de la table alors qu’il n’avait pas d’affaire là n’étant pas membre du C.A., te narguait en refusant de répondre à tes questions sur le dossier de la cafétéria et des services alimentaires. En attendant que la réunion commence, il roulait des épaules et préférait se vanter de ses exploits au golf Fairmont de Pointe-au-pic dans la région de Charlevoix où il avait joué, disait-il, 82 en laissant sous-entendre que tu ne serais pas capable d’en faire autant. Ils t’ont eu avec ce climat hostile et ce mépris. Tu as commis une erreur. Tu as dit quelque chose que tu n’aurais pas dû dire puisque ça pouvait être déformé. Tu n’aurais pas dû employer l’expression “à jeun”. Alors, elle ne t’a pas manqué. Poursuite de 170,000 $. Son but était clair: t’éliminer en te forçant à prendre ta retraite pour sortir du pétrin où tu avais mis le syndicat. Elle aurait alors été portée en triomphe par la clique libérale. Mais, en bout de ligne, c’est toi qui as gagné parce qu’elle a été obligée de retirer ses poursuites, elle n’a pas été capable de vous faire taire, elle a démissionné deux ans avant la fin de son mandat et tu lui as gâché son “règne” alors que toi, après son départ, tu as continué à enseigner en paix pendant une autre année avant de prendre ta retraite, au moment où tu l’avais décidé. Et l’élection d’un nouvel exécutif syndical avec Amable comme vice-président n’a pas beaucoup de signification puisqu’ils sont impuissants devant la baisse de clientèle; ils sont là pour sauver les meubles dans certains programmes techiques au détriment de la formation générale et des sciences humaines dont ils ne se soucient pas. Dans un contexte de décroissance, un syndicat ne peut pas faire grand chose.” Après avoir entendu cette analyse, l’enseignant s’exclama: “ Tu es très perspicace!” en se félicitant d’avoir une conjointe aussi avisée. Quand on l’expulsa du Conseil d’administration, il se référa à l’antiquité grecque. (voir document 5) Il répliqua en rappelant le cas d’Alcibiade qui fut chassé d’Athènes. Quand l’opposition d’un citoyen ne pouvait plus être tolérée par le pouvoir, les Athéniens votaient l’ostracisme. Il avait été ostracisé.” (Fin de la fiction)

Procès

Au figuré, faire le procès de quelqu’un, le critiquer sévèrement. Litige soumis, par un demandeur, à une juridiction. Procès au civil. Attaquer, poursuivre. Intenter un procès à quelqu’un. Le procès déplace le conflit; il le transporte sur un autre terrain, celui de la Cour supérieure qui fonctionne selon ses règles propres avec ses lois, ses lenteurs, ses coûts. Vous êtes dans un collège où les relations de travail sont régies par une convention collective signée par les deux parties. Surgit un désaccord. L’exécutif du syndicat s’exprime franchement et revendique. Le désaccord pourrait se régler à l’interne selon des mécanismes prévus à la convention collective; il suffirait que la direction admette son erreur. Or, voilà que la Direction sort du collège et attaque l’exécutif du syndicat en Cour supérieure pour diffamation avec l’argent de nos taxes. Ce déplacement est inadmissible.

Réputation

Avoir une bonne réputation est le fait d’être honorablement connu du point de vue moral. Le fait d’être avantageusement connu pour sa valeur, sa compétence, son engagement, ses talents, son humour, sa culture, sa générosité. Nuire à la réputation de quelqu’un: le déshonorer, le diffamer. le rabaisser, semer le doute sur sa compétence. Un critique littéraire qui n’aime pas un livre nuit à la réputation de l’écrivain, ce qui n’empêche pas le droit à la critique. La réputation est une chose fragile qui peut être atteinte facilement surtout dans un milieu social restreint comme une petite ville ou un collège. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer (ni surestimer) le bon sens des gens et leur capacité à prendre certains dénigrements avec un grain de sel en les mettant à juste titre sur le compte de la jalousie, de l’envie ou de la médiocrité. Les attaques directes sont plus rares qu’on ne le pense car elles sont risquées et exigent du courage. La mentalité villageoise est friande de potins, de cancans, de rumeurs, de ragots, de racontars, de mémérages qui sont faciles et peuvent nuire à la réputation d’un enseignant surtout s’il n’habite pas la région où il enseigne et surtout s’il a des adversaires politiques qui se vengent de lui en le dénigrant par en arrière sans qu’il puisse se défendre.
Le moyen préféré des envieux est la rumeur, le ragot et non l’attaque frontale. C’est ainsi qu’ils se rendent intéressants ou bien essaient d’augmenter leur influence en rabaissant l’autre.
Prenons un exemple. Pendant l’heure du dîner, devant deux témoins fiables (la mère et la fille étudiantes en bureautique), dans une classe, P. efface le tableau sur lequel est écrit le plan d’un cours que le Littéraire se prépare à donner. Et quand le Littéraire l’affronte en le traitant de fasciste, celui-ci va se plaindre à la Directrice des ressources humaines d’avoir été agressé. Celle-ci le calme en lui disant: "Tu connais le Littéraire. Il a mauvais caractère. Il prendra bientôt sa retraite alors laissons tomber."
Ou, ce qui est plus sérieux, P. encourage des élèves à signer une pétition contre cet enseignant afin qu’il ne donne pas un cours dans le programme d'Arts et Lettres pour éviter les comparaisons entre les niveaux de culture littéraire des différents professeurs du programme ou des comparaisons entre un style d’enseignement à la Montaigne et un autre style dominateur et autoritaire. Les élèves refusèrent de signer la pétition mais dès son premier cours, le Littéraire sentit l’hostilité de quelques élèves du programme et il eut une grosse côte à remonter dont il connaissait la cause. En montrant un film dans la salle du Grammairien sur l'Odyssée sur un appareil très spécialisé, l'image déclenchait un retour en arrière aux endroits où il y avait eu de la publicité coupée lors de l'enregistrement. Ce qui compliqua singulièrement le visonnement qui en plus était contrôlé par un élève membre de la secte qui devait bloquer les retours en arrière: comme il devait tout de même sauver les apparences, cela ne se passa pas trop mal. Le Littéraire étudia le genre épique dans l’Odyssée d’Homère et Menaud maître draveur et le tragique dans Oedipe roi de Sophocle et les Ecrits de prison de De Lorimier tout en observant les attitudes négatives des quelques membres du fan club des deux gourous de la secte. A la fin du cours, après l’examen final, les deux plus brillantes élèves de la classe ont tenu à faire un détour pour venir dire au Littéraire: Merci du magnifique cours que vous nous avez donné. Elles portaient un jugement très sévère sur les deux langues sales qui les avaient induites en erreur. Elles leur en voulaient d’avoir semé le doute sur la compétence de leur professeur. L'hypocrisie, la lâcheté, la médiocrité, la jalousie et l'envie sont des choses détestables.

Le respect

Selon Le petit Robert, le respect est un sentiment qui porte à accorder à une personne une considération admirative, en raison de la valeur qu’on lui reconnaît, et à se conduire envers elle avec réserve et retenue. Est respectueux celui qui éprouve ou témoigne du respect, de la déférence. On peut inspirer le respect; on doit mériter le respect. Le respect, ça ne s’impose pas. Elle s’imaginait que le seul fait d’être directrice devait lui assurer un respect automatique. C’était une grave erreur. Une personne en autorité qui est attaquée peut accuser l’opposant de lui manquer de respect, ce qui fait diversion par rapport à l’objet de la critique. L’accent est alors déplacé vers la forme au détriment du fond. C’est l’objectif visé. Par ailleurs, la conduite d’une personne en autorité qui veut être respectée doit être irréprochable. Si elle commet des abus de pouvoir ou manque d’éthique dans le choix des moyens pour attaquer les opposants, il est normal qu’on se défende et alors, qu’elle ne vienne pas se plaindre qu’on lui manque de respect et qu’elle ne vienne pas nous accuser d’être irrespectueux ou irrévérencieux. Le fait d’occuper une fonction n‘entraîne pas automatiquement le respect. C’est la personne qui occupe la fonction qui doit mériter le respect par sa compétence, son honnêteté, son jugement et son sens de la démocratie. Si une Directrice accuse un enseignant d’être vulgaire et d’un tas d’autres choses plus ou moins désagréables, elle doit s’attendre à ce qu’il y ait une réplique. "Qui sème le vent récolte la tempête", dit le proverbe.

Retour de la fiction

”L’adversaire de la directrice était coupable et il fallait le condamner car il ne cachait pas le dédain que lui inspirait le régime de flatterie et d’incompétence qu’elle avait instauré. A cause de ses critiques de la Direction et de ses attaques incessantes en classe et hors de classe, oralement et par écrit, il fut convoqué devant le comité du Conseil d’administration chargé d’appliquer le code de déontologie des administrateurs. Comme il était condamné d’avance, il refusa de se présenter. Il n’était pas opportun d’aller s’expliquer; il aurait pu dire des choses qui aurait été utilisées contre lui dans son procès en Cour supérieure. Il n'était pas question d'aller se faire humilier par ces jean-foutre. De toutes façons, le sort en était jeté: l’ostracisme avait été prononcé contre lui. Il remit sa démission forcée comme représentant des enseignants au Conseil d’administration du collège. C’était la première étape et elle réussit. L’autre étape, la décisive, consistait à l’obliger à prendre sa retraite, forme radicale d’ostracisme, pour éviter deux lourds procès en Cour supérieure et des frais d’avocat assumés par le syndicat. L’étape décisive échoua, le Ciel en soit loué, Dans son inconscient, elle souhaitait sans doute sa mort, forme encore plus radicale d’ostracisme.” (Fin de la fiction.)

Les sept péchés capitaux

A propos des vices des rois dont parle Montaigne, il faut mettre cela en rapport avec les sept péchés capitaux du petit catéchisme que nous avons appris par coeur à l’école primaire. Dans le petit catéchisme de la province de Québec, on peut lire: 58. - Quelles sont les principales sources du péché? -Les sept principales sources du péché sont l’orgueuil, l’avarice, l’impureté, l’envie, la gourmandise, la colère et la paresse. On les appelle communément péchés capitaux. 63.- Qu’est-ce que la gourmandise? -La gourmandise est un amour déréglé du boire et du manger. 64.- Quelle est la gourmandise la plus dangereuse? La gourmandise la plus dangereuse est l’ivrognerie, qui fait perdre la raison et rend l’homme semblable à la bête.” Et rend l’homme semblable à la bête, ce langage avait bien impressionné nos très jeunes années. “Il boit” dit Phonsine à Angélina du Survenant, ce qui le condamnait à ses yeux En citant Montaigne, nous ne nous référions pas aux sept péchés capitaux. Il ne s’agissait pas de faire la morale à qui que ce soit: nous n’aimons pas les moralisateurs ni les moralisatrices et nous savons faire la distinction entre la vie privée et la vie publique. Tout le monde vous dira que boire un verre ou deux de vin, c’est bon pour la santé et comme disait la compagnie créole, "c'est bon pour le moral".


(Vieux-Longueuil, 18 octobre 2007)




( 23 août 2007, après un voyage de trois semaines en Gaspésie et dans le Bas-du-fleuve à St-Vianney, dans un chalet situé au bord du lac Langis, à 30 km de Matane, en passant par la maison de Victor-Lévy Beaulieu, à Trois-Pistoles; 2 septembre, après un voyage de cinq jours aux Eboulements dans la région de Charlevoix; 10 octobre, après une visite à deux vignobles situés non loin de Napierville: le vignoble Morou et le vignoble Le Royer-St-Pierre.)



Vengeance is for suckers.
(Paul Newman à Robert Redford dans le film The Sting, l'Arnaque).



Aire de repos

Etre écrivain

"Les écrivains véritables sont nécessaires: ils expriment ce que d’autres ressentent sans pouvoir lui donner forme et c’est pourquoi toutes les tyrannies les bâillonnent. Est-ce que les écrivains sont un luxe? Le luxe, ce n’est pas nécessairement la possession des choses. C’est un luxe que de se promener au printemps dans une prairie; c’est un luxe d’être heureux, quand tant de gens souffrent; un luxe d’être bien portant parmi tant de malades. Je ne vois aucun mal à ce qu’écrire soit un luxe pour celui qui le fait, pas plus que de chanter ou de prier.

Les “quatre voeux bouddhiques” que je me suis souvent récités au cours de ma vie, j’hésite à les redire en ce moment devant vous, parce qu’un voeu est une prière, et plus secret encore qu’une prière. Mais en simplifiant, il s’agit: de lutter contre ses mauvais penchants; de s’adonner jusqu’au bout à l’étude; de se perfectionner dans la mesure du possible; et enfin, “si nombreuses que soient les créatures errrantes dans l’univers, de travailler à les sauver”. De la conscience morale à la connaissance intellectuelle, de l’amélioration de soi à l’amour des autres et à la compassion envers eux, tout est là, il me semble, dans ce texte vieux de vingt-six siècles.

Il faut peiner et lutter jusqu’au bout, nager dans la rivière en étant à la fois porté et emporté par elle, et accepter d’avance l’issue qui est de sombrer au large.

(...) notre Montaigne, l’homme qui, en Occident, a peut-être ressemblé le plus à un philosophe taöiste (...)."

(Marguerite Yourcenar, Les yeux ouverts, entretiens, 1980)

"Un ouvrage littéraire est bien souvent la mise bout à bout et le tricotage intime dans un tissu continu et bien lié - telles ces couvertures faites de bouts de laine multicolores qu’on appelle au Québec des catalognes- de passages appuyés à l’expérience réelle, et de passages appuyés seulement à la conformité au caprice de la langue, sans que le lecteur y trouve rien à redire, sans qu’il trouve même à s’apercevoir de ces changements continuels de références dans l’ordre de la “vérité”.

Ecrivain: quelqu’un qui croit sentir que quelque chose, par moments, demande à acquérir par son entremise le genre d’existence que donne le langage. Genre d’existence dont le public est le vérificateur capricieux, intermittent, et peu sûr, et l’auteur le seul garant fiable."

(Julien Gracq, En lisant en écrivant, 1981, José Corti, p.158-159)


"On écrit parce que la société ne vous accorde qu’un nom, qu’un rôle, qu’une femme, et que ce n’est pas assez. On se conforme à ce partage, le seul équitable. Et l’on reste avec l’énorme excédent de ses virtualités. On écrit pour ne pas les perdre, pour tromper l’état civil, sa femme, son devoir, pour échapper à la société, se substituer à son super ego. On écrit par révolte contre soi-même, pour libérer le monstre, le mégalomane, pour être soi-même et tout ce qu’on n’est pas et qu’on pourrait être. C’est permis, c’est faisable, car on écrit à un niveau qui n’est pas sujet aux lois de la société pour la bonne raison qu’on écrit en dehors de toute société et qu’on sera lu par un solitaire du même acabit, non par un citoyen: par un complice. C’est pour lui seul qu’on écrit. On ne l’oblige à rien. S’il ne se sent pas de mèche, il cesse de lire et l’affaire ne va pas plus loin. Le livre est le grand lieu de la contestation et le restera."

(Jacques Ferron, Du fond de mon arrière-cuisine)


Tant d'hommes pour transformer le monde et si peu pour le contempler.
(Julien Gracq)




C' E S T L A F A U T E À M O N T A I G N E

E S S A I H Y B R I D E

Note brève de l'Editeur

(L'Editeur est un personnage fictif. Cette façon de procéder est un artifice littéraire. Il a été inspiré à l'auteur par la lettre de l'Editeur au début d'Adolphe, le roman de Benjamin Constant. )

Celui que ses premiers livres ont fait qualifier de pamphétaire même s’il préfère le titre d’essayiste (“ça fait longtemps que tu t’essaies” lui disait sa mère) a toujours cru que la modération avait meilleur goût que l’invective. Il ne devait jamais oublier non plus ce que son père, grand joueur de whist, aimait répéter: "Quand on est valet, on n'est pas roi." Ce à quoi il répliquait: "Veux-tu dire qu'on est né pour un p'tit pain?" Son père haussait les épaules. Il avait été traducteur du français à l'italien pendant des réunions syndicales dans le domaine du textile et avait été gérant de clubs de baseball bantam, midget et juvénile. Ce n'était donc pas un homme replié sur lui-même; il était conscient de l'existence de classes sociales et de rapport de forces. Dans cette histoire, personne ne fut proclamé officiellement vainqueur puisque les instances juridiques, la Cour supérieure ou le Tribunal du travail ne se sont pas prononcées. Nous sommes devant ce que les anglophones appellent une "unsettled business", une affaire non réglée.

"Ce que la crainte m’a fait une fois vouloir, je suis tenu de le vouloir encore sans crainte." Cette pensée de Montaigne plaisait à l’avocat syndical (un avocat dont le premier but dans la vie n’est pas de gagner de l’argent) qui a déjà pris le temps d'aider le Littéraire, vice-président à l’information, à rectifier le tir d’un texte virulent écrit en plein coeur du conflit en lui posant des questions comme: “As-tu des preuves de cela? Ne pourrais-tu pas dire cela autrement?” Cet exercice a fait que l’avocat était devenu le co-auteur du texte qui était plus efficace que l‘original. Si vous faites quelque chose que l’adversaire n’avait pas prévu, vous le déconcentrez, vous lui faites oublier ses propres objectifs, vous avez un avantage et vous l’obligez à réagir et, si possible, à trop réagir ("overreact") et ainsi à se nuire. Ce fut la stratégie de Mohammed Ali contre Joe Frazer. Les textes syndicaux étaient parfois virulents et provocateurs. Mais il faut savoir que ça ne prenait pas grand chose pour faire grimper la Direction dans les rideaux. Le Littéraire et l'Irlandais auteurs des textes syndicaux connaissaient pourtant un passage du dernier livre de Jacques Audiberti, "Dimanche m’attend" publié chez Gallimard en 1965: "De toute façon, je déplore, alors même que j’y souscris, tout ce qui frise la polémique, la prise à partie, la verve méchante, oui! tout ce qui, sous couleur de cribler par le moyen du style une cible vivante se rattache sans erreur à la guerre." Par ailleurs, on a beau ne pas vouloir utiliser ce que le Directeur d'un théâtre local a qualifié de mots blessants, on a beau ne pas vouloir être désagréable ou déplaisant, il y a des limites à la politesse. Est-ce que les membres d’un exécutif syndical ont le droit de critiquer une Direction de collège? Est-ce qu’on a le droit de ne pas être d’accord avec ses décisions sans risquer de se faire accuser d’avoir manqué de loyauté à l’égard de l’employeur? Est-ce qu’on a le droit de s’exprimer librement sans risquer une SLAPP dans la face.

Le Littéraire a relu l’ensemble des documents comme un historien et cette étude loin du bruit et de la fureur de l’action a produit une mise à distance salutaire. L’auteur de l'essai que vous allez lire, en santé et en train de perdre du poids. ayant pris sa retraite comme enseignant avec beaucoup de temps libre et animé d’une jubilation intérieure d’avoir échappé à tant de dangers ( ce qu’il voit mieux maintenant) alors qu’il enseignait dans un milieu miné par l’hostilité ouverte de l’administration, il fallait s’y attendre, ou l’hypocrisie et l’envie de certains enseignants, même dans son département, ce qui est navrant, cet auteur, dis-je, est différent de celui qui a subi des poursuites en diffamation et des actions de harcèlement. Il voit mieux maintenant ce que certains harcèlements avaient de vicieux. A force de subir des gestes d'hostilité, on s'y habitue au point de les considérer comme normaux. Les autres acteurs syndicaux étant actuellement occupés à vivre un nouvel amour ou à gagner leur vie avec de nouveaux cours à préparer ou à faire face à de sérieux ennuis de santé, ou à terminer la rédaction d’une thèse de doctorat, il ne restait à l’auteur d’autre choix que d’assumer ce qu’il avait écrit et de porter seul, malgré l’usage du nous et avec le support moral indéfectible de ses amis, sans filet de sécurité sinon celui de la fiction et du docufiction, le poids libérateur de ce qu’il a appelé un témoignage.

En revoyant l’ensemble du conflit, l’auteur s’est demandé ce que pouvait faire la directrice générale pour survivre pendant sept ans. Etant donné sa formation en chimie (qui développe peut-être l’esprit de géométrie plus que l’esprit de finesse) et ses préjugés de classe, étant donné son goût pour le décorum et sa volonté de dominer, elle était à court de moyens pour se défendre devant la pertinence, la cohérence et le caractère systématique de l’opposition du syndicat des enseignants suite aux erreurs qui ont marqué le début de son mandat en 1997-1998 et suite à ses décisions impopulaires d’exiger des frais de stationnement, de privatiser la cafétéria, d’augmenter les frais afférents et de refuser de financer le coût de sa décision d’implanter de nouvelles voies de sortie de certains programmes à même le surplus de 2.4 $ millions accumulés pendant trente ans. A ce sujet, lors des négociations, les sept membres du Comité des relations du travail (CRT) ont cru que la Direction avait tenté de les duper, ce que deux membres du CRT (le Politique et le Littéraire) ont dénoncé dans une lettre qui a déclenché une série de mesures disciplinaires. Durant cet affrontement, à nos yeux, la partie patronale s'est discréditée. C’est ce qui explique l’âpreté du conflit et l’impossibilité d’un vrai dialogue. Obsédée par la peur d’être évaluée par les enseignants, la directrice décida de prendre les grands moyens pour se débarrasser de ses adversaires. Une fois la stratégie de recourir à des poursuites adoptée, la Direction a été prise dans un engrenage et dans une logique qui allait la mener à sa perte. Les quatre directeurs et les deux adjoints ont quitté le collège l’un après l’autre. Ils se sont brûlés: chacun à sa manière, ils ont atteint le degré zéro de la crédibilité à cause de leurs actions de plus en plus injustifiées contre le syndicat des enseignants et les quatre membres de son exécutif et, en particulier, le Littéraire qui a été vraiment choyé.

En plus des poursuites, les blâmes les plus mérités portent sur les décisions et les tactiques de la première année de pouvoir; les critiques les plus sévères s’appliquent aux actions de harcèlement de la DéGé qui s’étendent sur plusieurs années et sur le troublant témoignage du 31 octobre 2001 au sujet du Conseil d’administration du 19 juin 2001 qui n’a été connu que d’une dizaine de personnes et qui incriminait à tort l’enseignant en lui imputant des propos qu’il n’avait pas tenus, en déformant le sens de ceux qu’il avait tenus mais qu’il n’aurait sans doute pas dû tenir étant donné la porte que ces propos ont ouverte. Cette administration se comportait comme si elle était irréprochable alors qu’elle était loin de l’être tant du point de vue de l’éthique que de la compétence technique. Chacun vivait dans l’attente du prochain coup que lui donnerait l’autre. Il valait la peine d’expliquer comment les quatre directeurs et les deux adjoints ont cessé le combat et sont partis.

Ces épisodes de la vie d’un collège du Québec ont un air de vérité qui ne ment pas. On remarquera que le narrateur est un "nous" qui s’exprime au nom d’un groupe de personnes. Le Littéraire s'identifie complètement à ce "nous". Comme le disait le regretté chanteur André “Dédé” Fortin, “un groupe, c’est comme une équipe de hockey; ça peut avoir de la profondeur”. Je n’ai pas changé un mot du manuscrit. La suppression même des noms de famille ne vient pas de moi: les adversaires du syndicat sont désignés par leur fonction ou par des surnoms. Selon l’auteur, des gens qui se servent des Tribunaux pour museler ou intimider des adversaires méritent l’anonymat. Quant à ses amis, l’auteur a utilisé un pseudonyme tout en insistant sur leur fonction. Ceux qui savent de qui il s’agit mettront un visage sur les pseudonymes; quant aux autres, cela ne fait pas de différence: pour eux, ce sont l’équivalent de personnages fictifs puisqu’ils ne les connaissent pas dans la vie réelle tout en sachant qu’ils existent.

Bien que les adversaires relativement anonymes ne soient pas présentés sous un jour favorable, je ne crois pas que l’auteur dépasse les bornes de ce qui est acceptable dans une société démocratique où le droit à la réputation ne doit pas étouffer la liberté d’expression. Ce portrait de l'ex-directrice lui apparaîtra comme une détestable caricature et un salmigondis de malveillances qui ignorent volontairement toutes ces réalisations abondamment décrites dans les rapports annuels qu’elle a elle-même rédigés. Soit dit en passant, ce sont ces rapports qui servaient à justifier des bonis annuels de 6%. Malgré les graves omissions, ces rapports annuels contiennent aussi des choses positives et l’auteur le reconnaît mais il considère que ce n’est pas son rôle d’en parler. Son propos est d’expliquer les raisons d’un conflit et de décrire le climat et le malaise qui ont été créés par le recours patronal aux poursuites en Cour supérieure. Son intention est de dénoncer les SLAPPs qui empêchent la liberté d’expression. Il tient aussi à dénoncer l’utilisation du harcèlement contre des enseignants qui faisaient honnêtement leur métier. C’est, enfin, et c’est pour lui très important, de montrer le rôle capital des citations de Montaigne à toutes les étapes du conflit, ce qui justifie le titre de ce chapitre. Montaigne, maître de résilience.

Il croit qu’on est devant deux cas de SLAPP. En effet, à deux reprises, une direction de collège s’est servie des Tribunaux pour rendre extrêmement coûteuse, en énergie et en argent dépensés, l’opposition d’un syndicat à ses projets, à ses décisions et à sa façon d’exercer le pouvoir, et cela, c’est important de le souligner, en se servant des fonds publics. Chaque membre de l’exécutif du syndicat a été poursuivi personnellement. Et notons qu’après l’entente hors cour signée par les deux parties, une troisième tentative de poursuite de la DéGère contre les quatre membres de l’exécutif du syndicat des enseignants a été rejetée par le Conseil d’administration du collège.

La Directrice générale a essayé de faire croire que les quatre membres de l’exécutif du syndicat n’étaient pas représentatifs de la majorité des enseignants. Elle les a poursuivis personnellement en espérant que la majorité ne les appuirait pas et les laisserait tomber. Ce fut sa plus grave erreur avec celle de transformer des critiques de l’exercice de la fonction en attaques diffamatoires contre la personne. Elle a essayé de diviser pour régner avec, par exemple, ses prêts d’ordinateurs personnels soulignés, chaque fois qu’une demande avait été acceptée, par une cérémonie un peu ridicule dont le but était que l’enseignant remercie ostensiblement sa bienfaitrice. Il est d’une importance capitale de savoir que l’exécutif du syndicat a toujours agi avec des mandats clairs de l’assemblée générale avec un fort taux de participation. Il s’agit ici de démocratie syndicale authentique. Si plus de 90% des enseignants ne les avait pas appuyés, ils auraient démissionné de leur poste. Par exemple, quand l’exécutif a rédigé l’évaluation du directeur des études et a recommandé son non-renouvellement de contrat, c’est après en avoir reçu le mandat clair par l’assemblée générale du syndicat des enseignants de même que c’est après une vaste consultation qu’a été prise la décision d’envoyer des mises en demeure et de menacer de poursuivre la Direction qui venait de traiter les membres de l’exécutif de menteurs et qui les traitait de diffamateurs avant que la chose ne soit jugée. Cette application rigoureuse et consciencieuse des règles de la démocratie faisait la force de l’action syndicale et la solidarité qui en a été le résultat explique sa victoire.

Les péripéties qui ont abouti à cette victoire, soit la non-privatisation de la cafétéria, le financement des nouvelles voies de sortie par le Collège, l’échec des actions de harcèlement à cause des réticences du directeur des études qui craignait de s'enliser, le retrait des poursuites, la publication d’un numéro du bulletin syndical Le Huissier qui expliquait le conflit en long et en large, le refus du Conseil d’administration de poursuivre de nouveau les quatre membres de l’exécutif du syndicat, les départs de nombreux cadres, le départ forcé de la directrice, tout cela est raconté avec clarté et avec une précision d"horloger.

Certains croient que les acteurs syndicaux se sont bien amusés parce qu’ils aiment les affrontements. C'est vrai et c'est faux. C'est en bonne partie faux parce que subir des actions sournoises de harcèlement n'a rien d'amusant. Les nombreuses interventions de l’administration qui constituaient du harcèlement étaient non seulement stressantes et déstabilisantes mais constituaient des abus flagrants de pouvoir. C’est d’ailleurs pour cela que la loi condamne le harcèlement. En plus des deux poursuites qui étaient fort stressantes parce qu'on aurait pu perdre et avoir à payer les frais d'avocat de la partie adverse (50,000 $), en plus d'amendes substantielles, deux événements furent particulièrement déplaisants parce qu'ils impliquaient des éléves: la visite de l'Adjointe aux programmes, baptisée à cette occasion kakafala par une élève, dans une classe de bureautique avec un questionnaire d’évaluation à remplir par les élèves, trois mois après la fin des cours; et la visite surprise de deux cadres féminines dans une classe de français avec un questionnaire à remplir par les élèves dont les réponses auraient pu fournir de la matière qui justifierait une mesure disciplinaire à l’enseignant, trois semaines avant les procès.

Certains événements reviennent ce qui fait qu'on pourra avoir des impressions de redites. Sans vouloir faire de comparaison déplacée, car il n’est pas question de se comparer à ces grands peintres, il serait ridicule de reprocher à Borduas d’avoir mis trop de noir dans un tableau ou à Riopelle d’avoir mis trop d’oies dans sa célèbre fresque "L’Hommage à Rosa Luxembourg" qu’on peut admirer au Musée du Québec ou à Alfred Pellan, d’avoir mis trop de rouge dans certaines de ses peintures.

Soulignons que les gestes spectaculaires de harcèlement étaient ponctués d’un tas d’autres petits événements en apparence insignifiants qu’il aurait été trop fastidieux de décrire en détail mais qui créaient un climat de suspicion contraire à la liberté d'enseigner. Ces enseignants objets de pressions de toutes sortes étaient devant une administration qui était en guerre contre eux et qui avait décidé de leur compliquer la vie, de leur faire payer cher leur opposition afin qu’ils se découragent, abandonnent la lutte, se taisent et même, dans le cas du professeur de français, qu’il disparaisse en prenant sa retraite. Il fallait des nerfs solides pour résister à toutes ces formes de harcèlement. Ce n'était pas la dictature telle que l'a vécue Dany Laferrière en Haïti mais on a quand même cherché ma mort professionnelle. Ayant été identifié comme des opposants au régime créé par Sa Majesté, vous pouviez vous attendre au pire car vous étiez "persona non grata". Vous étiez de trop et vous étiez ostracisé.

Si en lisant "les confidences" de la directrice vous vous êtes dit qu'elle avait eu raison d'agir comme elle l'a fait, "C'est la faute à Montaigne" remettra en question vos certitudes et vos conclusions et vous rendra, au minimum, perplexe. Les enseignants impliqués dans ce conflit et particulièrement l'auteur étaient vraiment, eux, en situation de légitime défense. Votre perplexité sera la preuve que cet ouvrage n'est pas un essai à thèse mais un écrit honnête. Après sept ans de guerre où tous les coups possibles ont été donnés, en arriver à cette vue panoramique non partisane relève sans aucun doute de l'exploit.

L'Editeur (fictif) (16 octobre 2007)





Aire de repos

Chante toujours, beau marle. (Amable)

Ben de la voile! Ben de la voile! mais pas de gouvernail! (Phonsine)

Quant au reste, monsieur le curé, j’ai toujours fait pour bien faire, au meilleur de ma connaissance... (Didace)

Mais Didace se tut. Debout, le sang aux tempes, tout son être tendu, il écouta: il venait de reconnaître dans le ciel une clameur unique. Une bande d’outardes, encore invisibles, approchaient, criant, claironnant leur fuite des glaces arctiques et leur course à des eaux chaleureuses. Bientôt elles obliquèrent au-dessus du fleuve et volèrent plus bas. Soudain, brisant l’ordre du triangle une outarde, puis deux, et plusieurs autres après s’en dégagèrent et brouillèrent leur vol. Elles planaient tantôt à droite, tantôt à gauche, dans un nonchalant remous d’ailes, comme s’abandonnant aux fantaisies du vent. Aussi subitement elles reprirent leur rang et soumirent leur essor à la discipline première, mais en forme de double triangle, cette fois. (...)
- C’est-il beau! dit-il à Joinville. C’est-il assez beau de les voir passer en herse!

( Germaine Guèvremont, Marie-Didace, 1946)






Rappel des acteurs

Le nous qui s’exprime dans l’essai (comme dans les Remarques) articule la pensée des acteurs syndicaux et de leurs amis qui ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à une victoire collective, celle d’un syndicat.

Les acteurs (et les actrices)

A. Nous

L’exécutif du syndicat des enseignants était formé d’un prof. de biologie (l’Ebéniste), président, d’un prof. de sciences politiques (le Politique), vice-président aux griefs, d’un prof. de français et de littérature (Le Littéraire), vice-président à l’information, membre du Conseil d’administration comme représentant des enseignants et d’un prof. d’anglais (l’Irlandais), secrétaire-trésorier. Un prof. de sociologie (le Syndicaliste), ex-président de notre syndicat, était vice-président de la Fédération, responsable des services juridiques et des finances: c’est la Fédération qui a payé notre avocat, dont les frais ont été moins de la moitié de ceux déboursés à l’avocat local, qui a représenté le collège (48,900 $); en plus de ce montant, celui-ci, lors des négociations de l’entente hors cour, a réclamé 10,000 $ pour la fermeture de chacun des deux dossiers des poursuites en diffamation, donc 20,000 $. Comme nous avons demandé la même somme pour retirer nos griefs, la plainte au Tribunal du Travail et la possibilité de poursuites contre la Direction, tout en exigeant des excuses, sa demande fut retirée. Au palais de justice, ne faisant pas dans la dentelle, cet avocat local a dit au juge: “Il faut que cessent ces injures et ces vômissements”. Cette violence verbale donne une idée du climat. Comme sa cliente jouait à la victime, il était normal que son avocat essaie de jouer au justicier. En l’écoutant tonitruer, nous pensions à l’Art poétique de Verlaine: Prends l’éloquence et tords-lui le cou!

La Courageuse était membre du conseil d’administration comme représentante du personnel de soutien. Un prof. de génie électrique (L’Ingénieur) était l’autre représentant des enseignants au Conseil d’administration.

La Fédération regroupe des syndicats d’enseignants de niveau collégial. Son budget annuel dépasse le million de dollars. Le CRT est le Comité des relations du travail formé de trois administrateurs et de sept enseignants, les quatre membres de l’exécutif du syndicat et trois élus par l’Assemblée générale, en particulier, la coordonnatrice du département de Soins Infirmiers dite l’Infirmière présente au Conseil d’administration fatidique du 19 juin 2001 et qui a fait des mises au point fort utiles comme témoin crédible de ce qui s’était passé. Le coordonnateur du département de français dit le Grammairien a aussi été impliqué de façon positive même s’il vivait en fonction de ses intérêts particuliers et même s’il n’est jamais venu nous appuyer en assemblée syndicale. Le CRT est le comité le plus important et ses membres discutent de la répartition des ressources et de tout sujet traité dans la convention collective signée par les deux parties.

B. Les Autres

La Dégère a été professeur de chimie pendant onze ans et a été nommée directrice générale en juin 1997. “Toute opinion différente de la sienne la frappait en plein front non comme un argument, une nuance, mais comme une trahison.” (Mémoires, Jean-François Revel) Après avoir choisi une cadre de Thetford Mines, elle a engagé une avocate comme directrice des ressources humaines en prévision de la judiciarisation des relations de travail. Les autres acteurs sont mentionnés à mesure: le directeur des études; l’Adjointe aux programmes, et l’adjoint à l’organisation scolaire baptisé Grandpied parce qu’il avait le pied pesant et qu’il se mettait souvent les pieds dans les plats. Le fondement de son pouvoir est le fait qu’il contrôlait les horaires des enseignants et “manipulait” (on disait “tripotait”) les chiffres (les prévisions des nombres d’élèves par cours servaient à calculer le nombre d’enseignants alloués à chaque discipline; puis avait lieu la distribution de la tâche de chaque enseignant suite à un projet de répartition présenté, en réunion, par le coordonnateur du département élu par ses pairs ; l’avocat patronal dit “l’avocat local”; Amable, technicien en génie électrique (électrotechnique) puis enseignant, qui est resté longtemps dans l'ombre, nom fictif que nous lui avons donné à cause de sa ressemblance frappante avec le personnage d’Amable dans Le Survenant et Marie-Didace, deux romans remarquables de Germaine Guèvremont; le Séduisant, le directeur des ressources matérielles, de la formation continue et de l’International qui laissait la Dégère prendre tous les coups mais qui est aussi responsable qu’elle du projet de privatisation de la cafétéria, du stationnement payant, de l’augmentation des frais afférents payés par les élèves, des mises en demeure et des poursuites judiciaires et du déficit de l’International. Il a eu de gros problèmes dans un autre cégep où il a été nommé directeur général jusqu’à ce qu’il soit obligé de donner sa démission. C’est ce qu’on appelle la justice immanente.

Par ailleurs, dans l’administration de ce collège, il y a des zones d’ombre. Comment en est-on arrivé à un déficit de 135,000$ à la corporation créée pour gérer l’international? Comment expliquer que le collège soit passé d’un surplus de 2.4$ millions à un déficit de 345,000 $ en sept ans? Pourquoi le Directeur des ressources matérielles a-t-il quitté le collège? Le Littéraire se pose des questions et il n‘a pas de réponses. On ne peut pas passer sa vie à demander des documents en ayant recours à la Commission d’accès à l’information.

La Courageuse est morte en novembre 2003 des suites d’un cancer; Le Syndicaliste est décédé le 7 septembre 2005 des suites d’une crise cardiaque. Nos deux amis avaient moins de cinquante-sept ans. Nous dédions ces pages à leur mémoire.



Aire de repos


Réponses de Claude Gauvreau au questionnaire Marcel Proust

Votre qualité préférée chez l'homme?
Par-dessus toute chose, en tout, j'estime l'authenticité.

Votre qualité préférée chez la femme?
Quitte à friser le pléonasme. je dirais que ma qualité préférée chez la femme c'est la féminité.

Votre vertu préférée? L'obstination.

Votre occupation préférée? Ecrire.

Le principal trait de votre caractère? L'implacabilité.

Ce que vous appréciez le plus chez vos amis?
La compréhension. J'en arrive à l'âge où, longtemps méconnu et incompris et dénigré, j'ai besoin de goûter à un peu d'admiration.
A cause d'un vieux pli pervers, je suis toujours étonné qu'on me fasse confiance
mais, chaque fois, c'est un des beaux et bouleversants moments de l'existence.
J'apprécie la franchise, l'absence de ruse, la spontanéité.

Ce que je déteste par-dessus tout?
J'ai en horreur les calculateurs, les exploiteurs, les tacticiens roués, les adeptes de l'extorsion, les arrivistes, les opportunistes, toutes les formes de l'inauthenticité.

Etat présent de mon esprit?
Je suis combatif, imaginatif, extravagant, optimiste.



Extrait de: "Quand les écrivains québécois jouent le jeu", présenté par Victor-Lévy Beaulieu, Editions du Jour, 1970. Le poète et dramaturge Claude Gauvreau avait 45 ans. Il s'est suicidé en juillet 1971.


Mise en marche du moteur


C’est elle qui gouverne, et d’un ton absolu
Elle dicte pour loi ce qu’elle a résolu.
Elle est par vos lâchetés souveraine sur tous
Son pouvoir n’est fondé que sur votre faiblesse.
(Les Femmes savantes, 1672)


Comme notre esprit se fortifie par la communication des esprits vigoureux et réglés, il ne se peut dire combien il perd et s’abâtardit par le continuel commerce et fréquentation que nous avons avec les esprits bas et maladifs. (Montaigne, Essais, III, VIII)


O combien est heureux qui n’est contraint de feindre
Ce que la vérité le contraint de penser,
Et à qui le respect d’un qu’on n’ose offenser
Ne peut la liberté de sa plume contraindre. (Du Bellay, 1558)


Je crois finalement qu’écrire fait partie de la liberté d’expression. On a le droit d’écrire comme on a le droit de parler. J’ai toujours aimé écrire, considérant cela comme un droit et non comme un métier. (Jacques Ferron, octobre 1972)


Jacques Ferron écrit à Victor-Lévy Beaulieu à la mi-mars 1979. "Lisez Dickens, j'achéve "Barnabe Rudge", ce livre qui décrit les émeutes anti-papistes de 1780, où justice est rendue par le lecteur promu juré."(Correspondances, Editions Trois-Pistoles, 2005)

Aucun juge ne s'étant prononcé sur les poursuites en diffamation, et la plainte au Tribunal du Travail, j'espère que justice sera rendue par le lecteur promu juré.


C’ E S T L A F A U T E À M O N T A I G N E

Essai hybride sur sept ans de guerre et de développement non durable.

Dans les Misérables de Victor Hugo, avant de mourir tiré par une balle, Gavroche chanta: "Je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire. Le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau".

C’est avoir de bons yeux que de voir tout cela.
(Les Femmes savantes, Molière)

Vivre et écrire, sans distinction. (Roland Barthes)

On n'a pas besoin de la justice pour régler cette affaire-là

Introduction

Dans un collège public de la Rive-Sud de Montréal, entre 1997 et 2004, il y a eu une guerre ouverte entre deux personnes, un professeur de français et vice-président du syndicat et une directrice générale faisant partie de la clique libérale d’une petite ville de province. Cette directrice est sans doute un cas unique en son genre donc forcément intéressant. Dans le monde de l’Education, des poursuites en Cour supérieure, cela ne se voit pas tous les jours. A notre connaissance, c’était la première fois que ça arrivait.

On peut dire que cette directrice a tenté d’exercer le pouvoir comme si un collège public était une entreprise privée. Autocrate et narcissique, cette apprentie dictateure n’a pu tolérer l’existence d’une opposition. Elle a abusé de l’exigence du devoir de loyauté de l’employé envers l’employeur afin de museler le syndicat des enseignants et son exécutif qui fonctionnait toujours avec l'appui fortement majoritaire de l'assemblée générale. Elle a été incapable d’exercer ses fonctions de directrice en composant avec un vrai syndicat qui sait communiquer des positions claires se basant sur des connaissances techniques inattaquables obtenues par un travail d’équipe constant. Comme le disait la rédactrice en chef du journal local qui a dû subir ses pressions et ses jérémiades à plusieurs reprises, c’était le règne de la pensée unique, une sorte de fanatisme plate qui essaie d’imposer ses vues, qui échoue et qui fait semblant de “péter les plombs” devant une opposition articulée et pugnace. Nous savons que nous décrivons un cas particulier et qu'il ne faut surtout pas généraliser et en faire une théorie sur le pouvoir exercé par les femmes. Nous nous gardons bien de généraliser. On pourrait être tenté de considérer l’opposition des hommes qui militaient dans le syndicat comme de l’acharnement sexiste, du harcèlement machiste qui sont, comme vous savez, des formes de misogynie. Nous disons aux féministes: vous êtes sur une fausse piste. Nous n'avions pas le choix.
Après quelques mois de tentatives de séduction et quelques luttes qu’elle a perdues comme celle de la privatisation de la cafétéria, celle de l’utilisation des casiers des enseignants pour diffuser de l’information syndicale et celle du respect de l’enveloppe E réservée à l’enseignement où, sur 86 ETC elle voulait piger 4.2 ETC (enseignants à temps complet), ce qui est énorme pour un petit collège, à d’autres fins que l’enseignement, ce qui aurait augmenté la tâche de l’ensemble des enseignants, elle a décidé de prendre les grands moyens, c’est-à-dire deux poursuites judiciaires pour diffamation et du harcèlement psychologique dans le but d’éliminer un des leaders de cette opposition visé par les deux poursuites. Attention, vous avez bien lu “éliminer”. Vouloir “éliminer” quelqu’un, si on comprend le sens des mots, cela fait penser aux guerres de religion, à la pègre, aux services secrets et aux crimes passionnels. C’est de la violence comme, durant les séries de la coupe Stanley, quand un joueur a cassé le poignet de Mario Lemieux à grand coup de hockey ou qu'un joueur des Hurricanes a blessé Saku Koivu à l'oeil. Ç’est le contraire de ce respect de la personne qu’elle exigeait pour elle-même mais dont elle s’est gargarisée pendant sept ans quand il s’agissait des autres. Evidemment, comme elle aurait dû s’y attendre, nous avons combattu et ce combat, c’est l’équivalent d’une guerre et pas seulement une guerre de mots, une guerre que nous avons gagnée parce que nous étions nombreux à la mener et que nous avons été solidaires.

Dans un conflit, on a le droit de vouloir gagner mais pas par n’importe quel moyen. On peut s’opposer à un adversaire tout en ayant de la classe, en jouant fairplay et en respectant des règles d’éthique élémentaires, ce que n’ont pas fait la directrice générale et ses acolytes. C’est du moins notre prétention comme disent les avocats que les circonstances nous ont obligés à fréquenter plus que nous l’aurions souhaité mais quand même avec beaucoup de profit. L’avocat patronal qui a obtenu 48,900 $ pour ses précieux services, avec ses effets de toge, ses tactiques et sa grandiloquence était tout droit sorti des "Belles histoires des pays d’en-haut" de Claude-Henri Grignon. C'était fort intéressant de l'observer car il donnait un bon spectacle. Mais c'était à même les fonds publics. 50,000 $ pour un petit collège d'environ 1,000 éléves, c'est beaucoup d'argent gaspillé pour satisfaire la mégalomanie d'une directrice générale et les désirs de vengeance d'une "élite" locale.

Notre lutte fut collective. Si l’enseignant que la directrice voulait éliminer avait été seul, il aurait perdu. Toute la Fédération avec ses présidents de syndicats, son comité de direction et son personnel, plus de 90% de la centaine d’enseignants de notre collège ainsi que les syndicats de professionnels et du personnel de soutien nous ont appuyés. Comme nous avons été l’objet de deux poursuites en diffamation, les services compétents d’un avocat et de son bureau ont été requis. Les quatre membres de l’exécutif syndical ont été impliqués à fond. Par sa formulation impeccable des propositions adoptées en assemblée syndicale, l'Irlandais a contribué à galvaniser les énergies et à motiver la base. Ce fut un plaisir de travailler avec cet épicurien amateur de jazz et de musique irlandaise propriétaire d’une maison ancestrale à St-Ours et père de deux filles qui sont sa fierté. Ce fut une belle fraternité ponctuée de repas de travail mémorables au restaurant Four à bois avec les deux autres membres de l’exécutif, aux qualités complémentaires, le professeur de sciences politiques, à la mémoire d’éléphant, au sens politique sûr et aux réflexes utilement lents, le professeur de biologie, pratique et expéditif, et le professeur de sociologie, vice-président de la Fédération, expérimenté, compétent et prudent. Ces enseignants ont à leur actif quinze ans de syndicalisme et la lutte qu’ils ont menée ensemble a solidifié leur amitié.

Le genre de harcèlement sournois que privilégiait la Dégère et ses acolytes modifiait nos conditions de travail en créant un climat d’insécurité et un malaise lourds à porter. En réaction aux attaques mesquines et aux dépenses de fonds publics, nous avons été tenté par la lettre d’injures qui est un genre littéraire créé par André Breton et les surréalistes, mais cela n’aurait pas été publiable. Nous avons résisté à cette tentation car nous croyons que la modération est plus efficace d’autant plus que, comme le dit Talleyrand et comme Michel Chartrand, Jean Paul Lauzon, Pierre Falardeau et VLB nous en fournissent régulièrement la preuve, tout ce qui est excessif est sans portée. On aurait pu se défouler en les traitant, comme font les Français, "de pétasses qui se conduisent comme des connasses" ou "de pitounes qui ont un comportement de nounounes" mais cela aurait donné quoi je vous le demande. Nos adversaires nous ont assez souvent traité de mufles, de cancers ou de mécréants sans ajouter à leurs motifs de le faire. Nous avons préféré l'ironie et la finesse et y aller par le haut en nous référant à sa majesté la reine et en citant Montaigne. A ce propos, voyez ce qu’écrit Montaigne dans les Essais: "Celui qui d’une douceur et facilité naturelles, mépriserait les offenses reçues, ferait chose très belle et digne de louange; mais celui qui, piqué et outré jusques au vif d’une offense, s’armerait des armes de la raison contre ce furieux appétit de vengeance, et après un grand conflit s’en rendrait enfin maître, ferait sans doute beaucoup plus. Celui-là ferait bien, et celui-ci vertueusement: l’une action se pourrait dire bonté; l’autre, vertu." (II ,2) Comme disait celui qui fut directeur général pendant trente ans, dans une lutte, si vous donnez des coups, vous devez vous attendre à en recevoir. Ce que vous allez lire s’arme des armes de la raison contre un furieux appétit de vengeance et après avoir été piqué et outré jusques au vif d’une offense, après un grand conflit s’en rend enfin maître et parvient à mépriser les offenses reçues, ce qui est une chose très belle et digne de louange. ( A jeun, en anglais, se dit : "on an empty stomach" et cela n'a rien à voir avec les boissons alcooliques.)

Certaines personnes croient que nous avions besoin d'une thérapie. C’est possible car le stress, avons-nous appris plus tard, ce n’est pas bon pour la prostate. Au moment d’une divergence d’opinion avec deux enseignantes toutes en formes en Soins infirmiers sur un refus de priorité donc sur le congédiement d'une jeune enseignante auquel nous nous opposions, dans un corridor du collège, elles ont lancé à voix forte en s'éloignant du local syndical, cet avertissement prémonitoire et méchant en s'adressant au Ittéraire: “Attention à ta prostate!” Veut-on laisser entendre qu’on n’aurait pas dû écrire parce que, paraît-il, il faut lâcher prise et cesser de vivre dans le passé, ce passé conflictuel qui troublerait notre âme? Ecrire est un exercice de mémoire; écrire est une sorte de travail sur soi. Il n’était donc pas question d’oublier, de se taire, de pratiquer la politique de l’autruche. Comme le disait André Glucksmann à propos de questions beaucoup plus graves dans son livre sur la haine, c’est la présence ou le danger du despotisme qui nous montre la valeur de la démocratie. Cela s’applique à la petite échelle d’un collège qui est une institution où des êtres humains vivent leur vie professionnelle, ce qui a, pour eux, une certaine importance. Il nous semble, en plus, que c’est une histoire qu’il valait la peine de raconter. Comme le chante Serge Fiori du groupe Harmonium, "nous avons quelque chose à raconter, il faudrait peut-être nous écouter". Et dans L’appendice aux confitures de coings, Jacques Ferron déplore le fait que le silence recouvre le pays de son ombre et que les gens se taisent portés à minimiser tout ce qu’ils ont vécu.

Nous écrivons la suite de l’affaire du Cassé qui est le sujet du premier chapitre de De la clique des Simard à Paul Desrochers...en passant par le joual (1973) dont un des acteurs de soutien était le président des jeunes libéraux du comté, celui-là même qui a hérité d’une entreprise prospère dans les assurances et qui est devenu un homme d’affaires sans doute estimable engagé dans le développement de sa région et qui fait la publicité de son entreprise sur RDI. Ami de la directrice générale, Il s’est illustré en déchirant ostensiblement, en plein Conseil, en l’absence des auteurs, notre analyse critique de l’An 1. Ce geste théâtral en apparence viril est la preuve que nos écrits dérangent. La boucle est ainsi bouclée.

Comme d’habitude, la directrice et ses amies pousseront des cris d’orfraie devant des remarques qu’elles qualifieront, naturellement, pour les discréditer, de désobligeantes, désagréables, déplaisantes, impolies, vexantes, irrespectueuses, irrévérencieuses, offensantes. Voyez comme la liste des adjectifs est longue. On n'y ajoutera pas diffamatoires. Après les coups qu’elles ont donné, elles pourraient cesser de jouer aux vierges offensées.

Jacques Ferron écrit dans Les confitures de coings: "Mais, me direz-vous, il ne s’agissait que d’une misérable petite affaire! Oui, bien sûr, vous avez raison, mais tout est relatif. Moi, j’en faisais une grande affaire et, comme elle me concernait, mon jugement prévalut."

Voici donc le point de vue d’un syndicat qui est un collectif (d’où l’usage majestueux mais non papal du "nous") avec lequel Le Littéraire m’identifie étant donné le rôle-clé qu'il a joué dans les affrontements entre la Direction et le syndicat des enseignants même s'il ne portait pas le titre de président du syndicat. Stimulantes pour les enseignants et irritantes pour les adversaires, les citations de Montaigne devraient donner le goût d'aller lire les Essais. Si vous le faites, vous ne le regretterez pas, surtout si vous avez lu, en guise d'introduction, "Montaigne à cheval", une biographie remarquable de Jean Lacouture qui se lit comme un roman. Les nombreux passages autobiographiques des Essais sont d'une saveur incomparable.

C'est la faute à Montaigne: le point de vue du syndicat

Le 17 décembre 2004, un collège a reconnu la contribution d’employés ayant 25, 30 ou 35 ans de service. A cette occasion, on a souligné les sept ans de fonction d’une directrice générale retraitée depuis le 1er juillet 2004. En 1956, Robert Rumilly a publié un livre à la gloire de Maurice Duplessis intitulé: "Quinze années de réalisations." On pourrait brocher ensemble les rapports annuels et les autoévaluations qui ont procuré à cette directrice, chaque année, un bonus de 6% (environ 35,000 $) en plus d’un salaire de hors-cadre généreux et intituler cela: Sept ans de réalisations, réalisations qui sont certes réelles et dont elle s’est chargée elle-même de faire la publicité. En lisant ces autocongratulations bien rémunérées, ce qui nous frappe, ce sont les omissions. Or, ces omissions ne sont pas anodines; elles nous concernent directement. Elles seront toutes abordées ici car elles portent sur
1- le climat de travail, 2- le respect de l’éthique, 3- différentes formes de harcèlement pour déstabiliser l’adversaire, 4- la qualité de la vie démocratique et la liberté d’expression qui en est la condition, 5- l’équité dans la répartition des ressources 6- l’usage des fonds publics, en somme les valeurs qui doivent s’exprimer dans une institution publique d’enseignement pré-universitaire pas seulement sur papier dans un beau projet éducatif mais dans la réalité de la vie de tous les jours. Or, sur chacun des sujets apparaissant dans cette énumération, le bilan est négatif et c’est ce que nous allons démontrer.

Deux poursuites judiciaires de 80,000 $ et de 170,000 $ non fondées et du harcèlement, cela pose des problèmes d’éthique, cela crée un très mauvais climat de travail, cela empêche la liberté d’expression et, par conséquent, c’est toute la vie démocratique d’un collège qui en est affectée. Le Syndicat des enseignants s’est opposé à la Direction qui était responsable de cette situation. Le conflit qui en est résulté a beau se passer dans un petit collège, les enjeux sont quand même dignes d’intérêt.

De 1997 à 2005, les relations interpersonnelles n’ont pas été fondées sur l’empathie; la recherche des consensus n’était pas la priorité de la directrice générale dont le style rouleau compresseur n’avait pas grand chose de féminin. Quand une directrice se surestime et sousestime ceux qui ne pensent pas comme elle et commence l’exercice de son mandat en s’attaquant directement à deux leaders syndicaux, on ne peut pas s’attendre à autre chose qu’un long conflit. Les membres de l’exécutif syndical (quatre hommes) ont été traités par elle comme des ennemis; ils ont vécu dans le conflit et l’affrontement et ils ont dû constamment créer un rapport de forces pour résister aux coups bas, aux mesquineries et aux abus de pouvoir d’une directrice qui a agi comme si la fin justifiait les moyens. C’est ce qui découle des faits et c’est ce qui permet, à notre avis, de porter un jugement très sévère sur l’ensemble de son oeuvre.

Comme dirait le Politique, commençons par une mise au point. Selon nous, un pouvoir qui recherche les consensus et qui préfère l’entente et l’harmonie n’est pas spécifiquement féminin mais devrait être le type de pouvoir exercé par tout être humain, homme aussi bien que femme, particulièrement dans le domaine de l’éducation où règnent les relations interpersonnelles dans la transmission de connaissances et de compétences. L’autorité devrait être un service et non l’occasion de l’exercice d’un pouvoir. Nous avons appliqué cette idée (qui, incidemment se trouve dans le Nouveau Testament, dans les Actes des Apôtres) dans nos relations avec nos élèves mais tel n’a pas été le cas de la directrice générale. A supposer qu’il y ait des comportements ou des qualités spécifiquement masculins ou des comportements ou des qualités spécifiquement féminines, la catégorie de l’humain les englobe. Il est à la mode actuellement de parler de féminisation de la société, notion ambigüe ou carrément tordue chez Eric Zemmour surtout quand elle pousse à conclure qu’un homme souple qui cherche le consensus (ou qui s’occupe du bébé et des enfants ou fait des tâches menagères) est féminisé, ce qui s’opposerait à la virilité que doit posséder tout mâle digne de ce nom. On nous a souvent accusés de machisme ou de misogynie parce que nous nous sommes opposés à ce qu’il y ait un Comité femmes à la Fédération des syndicats. Pourtant, quand nous avons appris qu’une femme accédait au pouvoir dans notre collège, un espoir de renouveau s’est répandu parmi toutes les catégories de personnel, hommes aussi bien que femmes. Hélas!, nous avons assez vite déchanté.

"Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur" écrit Beaumarchais dans Le mariage de Figaro. Selon nous, l’ex-directrice à la retraite mérite d’être blâmée mais notre opposition ne s'attaque pas à sa personne mais à certaines de ses actions qui ont une existence objective. Pour décrire le début des hostilités, un peu de mise en scène.( La métaphore du théâtre s’imposera tout au cours du récit. All the world's a stage, and all the men and women, merely players, écrit Shakespeare: Le monde est une scène de théâtre et tous les hommes et femmes en sont simplement les acteurs.)

A bord! A bord! Le navire a chargé le vent sur son épaule de toile. Avant tout, sois véridique avec toi-même- d’où découlera, comme du jour la nuit, que tu ne seras faux pour personne. (Hamlet)

Tout a commencé, au printemps de 1997, peu après la nomination de la directrice générale, dans le stationnement en face d’un restaurant à dix minutes de marche du cégep. En présence du Directeur des ressources humaines qui avait annoncé sa retraite, comme le Syndicaliste, ex-président du syndicat des enseignants de notre collège et vice-président de la Fédération sortait du restaurant après un repas avec ses amis du syndicat, la directrice générale qui se dirigeait à pied vers le collège a fait volte-face et, à notre grande surprise, a marché plus de soixante pieds pour venir lui donner l’accolade en lui suggérant de poser sa candidature au poste vacant. Il faut savoir qu’il hésitait à se présenter mais devant tant de chaleur, il décida de poser sa candidature. La suite des choses allait nous faire comprendre que c’était de la stratégie car le Directeur des ressources humaines qui quittait ses fonctions souhaitait que le Syndicaliste lui succède. Le masque est tombé quand nous avons su que cet ex-Directeur avait été écarté du comité de sélection supposément parce qu’il n’était pas objectif ayant un préjugé en faveur d’un des candidats. La candidature du Syndicaliste a été rejetée. La directrice générale a attendu au lendemain avant de lui téléphoner pour lui annoncer la mauvaise nouvelle en lui disant méchamment: “Je vous ai traîné pendant tout le processus.” Après avoir analysé ce comportement, du début jusqu’à la fin du processus, en particulier la description tripartite de la fonction qui allait comme un gant à la candidate de Thetford Mines qui a été choisie et le comité de sélection flottant, nous avons vu qui était la directrice générale et, comme dirait Jacques Lemaire, l’ancien joueur et coach du Canadien, nous n’avons pas aimé ce que nous avons vu: une sorte de Machiavel au féminin.

Notre collègue et ami éliminé et humilié (pourquoi fallait-il l’humilier?), un des premiers gestes de la directrice générale, en août 1997, au début de la session d’automne, a été de convoquer le président du syndicat, l’Ebéniste, pour tenter de faire la même chose au Littéraire. De toute évidence, dans son salon, ses amis libéraux en avaient fait un portrait peu flatteur. Elle savait qu’il serait son principal opposant. Après l’avoir entendu déblatérer contre le Littéraire, n’entrant pas dans son jeu, le président du syndicat coupa court à ses prétentions et la décontenança en disant qu’il aurait souhaité que ses trois enfants l’aient comme professeur de français. Le Littéraire qui était l’objet d’une plainte a tout de suite exigé une rencontre pour tirer les choses au clair. Cette rencontre a eu lieu. Sans entrer dans tous les détails de ce qui lui était reproché, comme elle insistait pour répéter d’un ton provocateur qu’il était “vulgaire”, il voulut savoir ce qu’elle considérait comme vulgaire et il lui tendit un piège à ourse dans lequel elle est tombée, en lui demandant si, dans la citation suivante, Montaigne était vulgaire: Voici la citation des Essais: "Plus le singe monte haut dans l’arbre, plus il montre son cul. Est-ce que c’est vulgaire?" Elle lui a répondu: “Non, ce n’est pas vulgaire”. “Pourtant, fit-il remarquer, Montaigne utilise le mot cul et si moi j’utilisais le mot cul, vous diriez que je suis vulgaire. Si vous dites que ce n’est pas vulgaire, c’est par pur snobisme!” Et il ajouta, agressif: “Soit dit en passant, directrice générale, ce n’est pas très haut dans l’arbre.” Il est utile de savoir que Montaigne traitait d’égal à égal avec les princes de son temps et n’était guère impressionné par le pouvoir. D’où l’utilité de lire les Essais et de s’en inspirer. Il est vrai qu’il a réussi le tour de force d’être en bons termes autant avec les protestants qu’avec les catholiques et qu’il a servi d’intermédiaire dans des négociations. C’est un exploit que nous admirons mais qui a été hors de notre portée étant donné les circontances abondamment décrites dans la chronologie et dans les documents. Il faut être deux pour danser le tango.

Plutôt que de suivre les conseils de Dale Carnegie dans "Comment se faire des amis pour réussir dans la vie" que l'abbé Jules Desrosiers lui avait passé à quinze ans, il a préféré marcher sur les traces de Cyrano de Bergerac empanaché d’indépendance et de franchise. "Moi, dit Cyrano, c'est à l'intérieur que j'ai mes élégances." La citation de Montaigne, la directrice ne l’attendait pas et elle a tenté de camoufler le geste de harcèlement que constituait sa rencontre avec le président du syndicat en couvrant le Littéraire de compliments du genre “vous êtes brillant”, “vous êtes généreux”, “on voit que vous êtes très cultivé”, “vous êtes dynamique” flatteries qui le laissèrent de glace et lui rappelèrent La Fontaine: "Le flatteur vit aux dépens de celui qu'il flatte." Comme dirait Séraphin Poudrier: "Pas trop de fleurs, pas trop de fleurs. La saison est passée." Quand il refusa de participer à une session de formation donnée aux nouveaux élus au Conseil d’administration du collège, elle a bien vu qu’il lui serait impossible de le contrôler. Elle ne s’imaginait pas encore ce qui lui pendait au bout du nez. Lui non plus, d’ailleurs.

Lors d’une deuxième rencontre, une semaine plus tard, pour lui remettre un chèque de 288 $ pour payer les frais d’un voyage à Québec, au printemps, au Comité provincial de français, comme coordonnateur de département, dépenses qu’avait refusé de payer le Directeur des études ( qui a dû quitter son poste) elle a cité celui qu’elle a appelé “ce cher Montaigne”: "Toute autre science est dommageable à celui qui n’a la science de la bonté." On le voit, chacun avait préparé sa citation. Il a alors compris son invitation à être ce bon gars que décrit Richard Desjardins dans une de ses chansons. Il n’en était évidemment pas question. Vulgaire? N’était-ce pas de la psychologie de classe! Ou plus simplement une vacherie pour déstabiliser l’autre et l’empêcher d'être lui-même. "Vous êtes fier" dit le comte de Guiche. "Vous l’avez remarqué", répond Cyrano.

Rien n'obligeait la directrice, certes, à choisir le Syndicaliste comme Directeur des ressources humaines. Et l’avenir a bien montré que ça n’aurait pas marché car, comme Jean Charest, elle aimait beaucoup les “yes men”, les cadres dociles et le Syndicaliste n’en était pas un. Mais tout est dans la manière. Quant à la convocation du président du syndicat pour critiquer le Littéraire, c’était un manque d’éthique professionnelle car elle aurait dû d’abord lui en parler. Dès le début de son mandat, au printemps et à l’automne 1997, elle a donc cherché le trouble. Comme on dit dans les analyses de l’action dans les romans, tels sont les deux événements déclencheurs d’un conflit où chacun des deux protagonistes a cru que l’autre voulait sa peau. Dans le récit qui va suivre, on ne vous épargnera pas le schéma actantiel de Greimas utilisé par des enseignant(e)s qui sentent le besoin d’imiter Thomas Diafoirus, ce personnage de Molière qui parlait latin pour passer pour un docteur en médecine. D’un côté, il y avait (les méchantes actantes) l’ex-professeure de chimie, directrice générale, l’avocate directrice des ressources humaines, l’ancien professeur de philosophie, directeur des études, l’ancienne professeure de Soins Infirmiers, Adjointe au Directeur des études, l’ancien professeur d’Informatique, adjoint à l’organisation scolaire, dit Grandpied le pas subtil, le "flamboyant" avocat local, certains membres du Conseil d’administration, Amable Beausapin, le technicien devenu professeur, certains enseignants en forte minorité qui ne respectaient pas les boycotts, qui étaient des "money makers" dans une situation de double emploi ou qui jouaient aux agents doubles qui se promenaient dans le collège comme des sous-marins soviétiques au moment de la guerre froide. Il y avait quelque chose de pourri au royaume du Danemark. De l’autre, il y avait (les bons actants) les quatre membres de l’exécutif du syndicat, le vice-président de la Fédération, (les adjuvants) les trois enseignants membres du Comité des relations du travail, en particulier la coordonnatrice du département de Soins infirmiers; l’Ingénieur, l’autre enseignant membre du CA, l’avocat de la Fédération, les agents doubles qui jouaient sur tous les tableaux, qui faisaient surface et nous rapportaient les propos de la directrice générale, quelques enseignants militants syndicaux comme le coordonnateur du département d’informatique particulièrement lucide et ulcéré par l’International et l’Assemblée générale du syndicat des enseignants. Telles étaient les forces en présence.

Pour porter un jugement sur l’ensemble des sept ans de l’exercice du pouvoir de cette directrice, la première chose qui frappe, c’est le roulement anormal du personnel cadre, roulement dont elle était en bonne partie responsable parce qu’elle demandait à ses collaborateurs de poser des gestes qui contrevenaient aux règles de l’éthique la plus élémentaire dans le but de nuire à ses adversaires. Il serait fort instructif de connaître les causes des départs de neuf cadres, soit un directeur des études, deux directrices des ressources humaines, un directeur des ressources matérielles, et, surtout, de cinq adjoint(e)s à la direction des études, dont certain(e)s ont refusé d’espionner le vice-président à l’information du syndicat local, le Littéraire, pour le déstabiliser à la suite de plaintes toujours anonymes qu’elle signalait chaque semaine, elle ou son avocate, la directrice des ressources humaines, comme nous en a informé une adjointe qui a occupé ce poste pendant un an avant de revenir à l’enseignement de l’anglais. Au lieu d’intervenir, nous a-t-elle raconté, comme cette adjointe qui avait été directrice d'école primaire avant d'enseigner l'anglais exigeait de parler directement à la personne, parent ou élève qui, supposément, avait porté plainte, elle n’en entendait plus parler. Après un an de refus d’intervenir, ne pouvant tolérer ce genre de procédé et ce genre de pression, et pour d’autres raisons aussi, elle quitta son poste de cadre et revint à l'enseignement de l'anglais. Après la convocation du président du syndicat, ces demandes d’intervention constituent la deuxième action objective de harcèlement selon la définition juridique de la loi sur le harcèlement qui s’applique depuis juin 2004 et en voici une troisième.

Les enseignantes du département de bureautique, qui, comme chacun sait, n’ont pas spontanément tendance à s’opposer à l’administration, ont refusé carrément que l'Adjointe, conjointe du député libéral sous Robert Bourassa, devenue membre du comité patronal national de négociation dont le mandat était de ne pas négocier et qui a conduit au décret de 2005, et que la DéGé a voulu nommer directrice des études sans passer par un comité de sélection, les enseignantes de bureautique, disions-nous, ont refusé que cette Adjointe passe un questionnaire d’évaluation aux anciennes élèves du Littéraire, trois mois après la fin des cours, après les vacances d’été, pour lui donner de la matière pour corriger l’erreur grossière que la directrice a faite en l’accusant de ne pas avoir respecté son contrat en bureautique quand il a répondu non à sa demande que les sept signataires (dont il faisait partie), membres du Comité des relations du travail renoncent à ce que se rende au Conseil d’administration une lettre (voir document 8) dénonçant sa volonté de continuer à couper nos salaires de 2.5% jusqu’en avril même si une entente nationale avait eu lieu qui convenait que la coupure devait cesser dès le 1er janvier. Exiger ce genre d’intervention d’une adjointe contre un enseignant à cause de son action syndicale est un abus de pouvoir et un manque d’éthique. Dans ces circonstances, comme en d’autres situations, ses manoeuvres portaient atteinte à l’intégrité des adjoint(e)s puisqu’elle leur demandait d’utiliser leur fonction à des fins de petite politique partisane. L’Adjointe au Directeur des études n’a pas à faire de harcèlement contre un enseignant mais comme elle faisait partie de la clique libérale, elle était d’accord pour intervenir en bureautique. Mais pas deux autres cadres, un adjoint et une adjointe qui ont quitté leurs fonctions. Pas surprenant qu’il y ait eu un tel roulement de personnel à la fonction d’adjointe ou d’adjoint au directeur des études. Leur résistance aux pressions de la directrice générale les honore et prouve qu’il existe encore dans les administrations de collèges des gens qui ont une conscience et des principes.

Peu à peu, nous avons compris que les affrontements que nous vivions se situaient dans un contexte idéologique plus large. En effet, à une réunion de la Fédération, à l’occasion d’un exposé de Pascale Dufour, professeure au Département de science politique de l’Université de Montréal, nous avons reconnu l’idéologie de la Directrice et celle de la Fédération des cégeps. Cette idéologie dite libérale place l’individu au coeur de la vie sociale, ce qui implique et là on la reconnaît, la marginalisation des acteurs collectifs comme les syndicats par la réingénierie, la sous-traitance, les consultations-bidon, l’utilisation abusive des consultants, les privatisations et une politique de décentralisation vers les régions mettant l’accent sur les acteurs socio-économiques dont elle fait toujours partie, comme présidente du Conseil d’administration du Centre Local de Développement (CLD), ce qui indique que, malgré sa retraite forcée du collège, elle est toujours active. Elle a été la cheville ouvrière de la création d’un fonds d’investissement régional (FIER) de 5.1 millions dont 3.4 millions du gouvernement libéral qui sera administré par le CLD: elle espère un rendement de 10% pendant dix ans sur les 50,000 $ qu’elle a investis comme elle l'a déclaré candidement au journal local. Dans une société démocratique, rien n’interdit de critiquer, espérons-le, cette idéologie “libérale” censée respecter la liberté d’expression, une liberté brimée par les menaces de poursuites en diffamation comme le journal local l’a vécu après la publication d’une lettre ouverte écrite par un citoyen qui contestait la façon de dépenser la subvention de 21 millions donnée par le gouvernement du Parti québécois pour le développement économique de la région. Répétons-le, la présidente du Conseil d’administration du CLD de sa région vient d’investir 50,000 $ dans un Fonds d’investissement régional (FIER) soi-disant à risque où le 1,7 million investi par des hommes d’affaires de la région est complété par 3.4 millions d’Investissement-Québec (le gouvernement libéral investit 2$ pour chaque dollar “régional”: 400 millions ont été prévus à cette fin dans le dernier budget du ministre des finances Michel Audet). Les 5.1 millions sont administrés par le CLD pour le développement économique de la région et la création d’emplois. Tout ce beau monde espère un rendement de 10% sur investissement pendant dix ans. Ces informations se trouvent dans le journal local. Evidemment, rien de malhonnête là-dedans: c’est l’économie libérale en marche qui permet à certains de profiter du système tout en se donnant des airs de travailler pour le bien commun, ce qu'ils font malgré tout mais sans s'oublier.

Avec l’accession au pouvoir de la directrice générale en 1997, on voit cette idéologie libérale en pleine application. Pendant sa première année en l997-l998, des modifications de l’organigramme ont eu pour effet d’augmenter la tâche du personnel de soutien et de confier à certains cadres des doubles ou des triples tâches pour lesquelles ils n’avaient pas nécessairement de compétence. On pourrait donner des exemples d’erreurs et de négligences de cadres surchargés, erreurs et négligences qu’il était de notre devoir syndical de dénoncer, ce qui a exaspéré la directrice générale. Elle a échoué dans sa tentative à laquelle nous nous sommes opposés avec succès de confier la cafétéria en sous-traitance à une compagnie privée au détriment de la qualité alimentaire des repas avec le danger que les sept employées perdent leur emploi, employées qu’elle a appelées avec condescendance "des petites madames" ou comme le dit une blogueuse prétentieuse "le p'tit peuple" lors d’une réunion organisée pour tout le personnel afin, croyions-nous, que les deux points de vue sur la cafétéria puissent être entendus. Lors de cette réunion, la Dégère a été la seule à parler et le représentant de la coop qui gérait très bien la cafétéria, a dû se contenter de distribuer un document exprimant sa position en arrière de l’auditorium. Cela en dit beaucoup sur sa conception de la démocratie. Qu’elle seule prenne la parole avec l’aide d’un "powerpoint", cela dépassait tellement l’entendement que tout le monde a figé. Un seul point de vue avait droit de cité, le sien. On a vu qu'elle aimait donner des cours magistraux. Le réprésentant de la coop, qui était un professionnel, n’insista pas car, de toute évidence, elle refusait de participer à un débat. A cette occasion, réunis à l’auditorium, plus d’une centaine de membres du personnel, nous avons tous été trop polis en tolérant son monologue. Nous n’avons pas fait d’esclandre pour ne pas faire de diversion car nous savions que personne ne serait influencé par son exposé qui n’a eu aucun impact. La très forte majorité des membres du personnel ont continué à penser qu’elle n'avait pas d'affaire à privatiser la cafétéria qui était bien administrée et qui offrait d’excellents services alimentaires depuis 20 ans.

Quand le stationnement a cessé d’être gratuit et que La Direction a multiplié les frais payés par les élèves malgré les protestations de l’Etudiante, porte-parole de l’Association étudiante, on a qualifié son administration de mercantile, et l’Association étudiante a transformé le slogan "l’étudiant, c’est important" par "l’étudiant, c’est payant", affiche qui a été saisie par le subtil Grandpied, l’adjoint à l’organisation scolaire qui lui était tout dévoué dans l’espoir de devenir Directeur des études, ce qui n’arriva pas, heureusement. Cet adjoint de 6’ 4” “serviable” et aux multiples talents est aujourd’hui directeur des ressources humaines dans un gros collège de Montréal. Parlant de liberté d’expression, le syndicat a été obligé de faire un grief et de le gagner suite à la sentence de l’arbitre Gilles Lavoie pour avoir le droit de se servir des casiers des enseignants sans que l’administration puisse intercepter nos bulletins d’information comme elle l’a fait pour notre Complément à l’Info-CA (voir document 9 ) qui faisait très mal parce qu’il décrivait en détail le fonctionnement ubuesque du Conseil d’administration sous sa direction à travers un exemple, le dossier de la cafétéria. Suite à l’évaluation négative que les enseignants ont faite de son premier mandat, elle a engagé une firme privée qui a échoué dans sa mission de redorer son image. Plus tard, au coût de 73,600$, une firme privée a fait une étude pour nous apprendre ce que nous savions déjà à savoir que la clientèle se trouvait à l'ouest du collège, du côté de V.

Auteur des questionnaires détaillés et responsable du processus de son évaluation qui a conduit 70% des enseignants à ne pas recommander son renouvellement de mandat, l’exécutif syndical a dû subir son hostilité permanente. Par exemple, Grandpied a donné machiavéliquement au Littéraire une classe au rez-de-chaussée qui serait troublée par des bruits de construction qui provenaient de travaux dans le sous-sol pour le programme en environnement-santé-sécurité, ce qui, inévitablement, susciterait des sarcasmes de sa part et l’impossibilité de donner des cours magistraux, cours magisraux qu’une lettre non officielle du Directeur des études réclamait de lui ainsi qu’une injonction de cesser ses attaques contre l’administration. Un certain après-midi, il a reçu la visite inopinée de deux cadres féminines dans sa classe, sans avertissement, trois semaines avant les procès, avec un questionnaire à remplir par les élèves afin de prouver que le méchant syndicaliste ne respectait ni l’administration, ni ses élèves. Les élèves, perspicaces, déjà avertis que l’administration en voulait à leur professeur, à la vue des questions, comprirent le but de la démarche et ne firent pas de réponses qui pourraient justifier une mesure disciplinaire, suspension ou autre, de l’administration contre lui. Cette solidarité étudiante en temps de crise fut fort appréciée par le professeur de français qui y a vu un effet bénéfique de son enseignement et confirma sa position de base dans la vie à savoir qu’il y a des avantages à s’adresser à l’intelligence des gens et à leur faire confiance. C'est un souvenir fort émouvant pour le Littéraire. Après la compilation des réponses de ses élèves, le Directeur des études a écrit une lettre d’excuses à l’enseignant pour l’avoir dérangé et n’a pu s’empêcher de constater, par écrit, que ses élèves l’estimaient et considéraient qu’il était un professeur de littérature compétent et dynamique, ce qui était normal puisque par ses méthodes et son style non magistral d’enseignement, après avoir étudié les plus beaux poèmes de François Villon, il venait de leur faire comprendre et appécier un roman difficile du 17è siècle, "La Princesse de Clèves" de Madame de La Fayette et qu’il était en train d’analyser avec eux Le Misanthrope, de Molière, des classiques qui, comme par hasard, traitent du thème de la sincérité dans le couple et dans la vie sociale. Cette lettre d’excuses accompagnée d’un jugement favorable sur son enseignement a été précédée d’une rencontre à V. où le Directeur des études lui fit faire, aimablement, le tour du propriétaire, ce qui le convainquit qu’au fond, bien que parfois obstiné, c’était un honnête homme et que le vrai problème, ce n’était pas lui. Cette visite de deux cadres dans sa classe, c’est la quatrième action de harcèlement contre le vice-président du syndicat, la plus grave, après la convocation du président du syndicat en août 97, les demandes répétées d’intervention et d'expionnage faites à une adjointe et la tentative de l'Adjointe aux programmes de passer un questionnaire dans son ancienne classe de bureautique.

(La DéGé avait envoyé un professeur d’éducation physique devenu temporairement aide pédagogique dans sa classe de bureautique pour venir écornifler sous prétexte de vérifier la présence d’une élève en classe avec laquelle il s’entendait bien (et qui, soit dit en passant, était danseuse nue dans un club d’un petit village de la région et qui l'avertit qu'une étudiante adulte (une autre) parlait contre lui dans son dos). Cet enseignant-espion a obtenu une prime de séparation d’une année de salaire quand il a pris sa retraite... Dans cette classe de bureautique dont le but était d'améliorer le français écrit, il avait donné un sujet d'examen final plutôt original. "Vous êtes la secrétaire d'un grand éditeur de Montréal. Vous écrivez à Gallimard pour lui demander de publier en un seul volume le Survenant et Marie-Didace de Germaine Guèvremont. Vous justifiez votre demande en montrant que Marie-Didace est la suite du Survenant et en expliquant que les deux romans n'en font qu'un puisque ce sont les mêmes personnages et qu'après le départ du Survenant, on peut trouver une trentaine de références au dieu des routes dans Marie-Didace." A la mi-session, voici le sujet donné pour un autre travail. Le président de Cascades est en voyage en France. Pendant ce temps, Richard Desjardins sort son film "L'erreur boréale". Comme secrétaire, vous écrivez un rapport sur le contenu de ce film pour que votre boss, de retour de voyage, sache quoi répondre aux questions des journalistes." Comme vous voyez, on était loin de l'étude des anglicismes ou du langage spécialisé de l'administration que doit connaître toute bonne secrétaire. Il ne donna ce cours qu'une seule fois... Fermons la parenthèse.)

Ce genre de visite de deux cadres féminines que nous avons qualifiée à juste titre de complot qui aurait pu aboutir à une suspension ou à une autre mesure disciplinaire et qui créait un milieu de travail néfaste se produisit pendant que les quatre membres de l’exécutif syndical devaient faire face aux tribunaux suite à des poursuites judiciaires de 80,000$ (le 15 mai 2001) pour diffamation à cause d’une lettre aux 100 membres du syndicat, une critique du directeur des études intitulée "la double incompétence" sur les examens de reprise et la politique d’évaluation du collège. (Six mois plus tard, le directeur des études faisait les modifications que nous avions demandées.) La poursuite a été précédée d’une mise en demeure qui prétendait que les mots "manque de jugement", et "doublement incompétent" utilisés dans un texte envoyé à tous les enseignants le 24 janvier 2001 pour qualifier une décision du directeur des études sur les examens de reprise étaient diffamatoires et portaient atteinte à sa réputation. Dans cette mise en demeure datée du 31 janvier 2001, le Collège nous demandait de retirer ces propos et de nous excuser et nous donnait cinq jours ouvrables pour le faire. Nous avons présenté des excuses et retiré nos propos à deux reprises mais en vain car l’administration tenait à maintenir un rapport de forces par une poursuite aux frais des payeurs de taxes. C'est ce qu'on appelle une poursuite stratégique, une SLAPP.

Cette poursuite fut suivie d’une autre de 170,000 $ (le 8 août 2001) pour diffamation à cause de propos que le vice-président du syndicat aurait tenus comme membre du Conseil d’administration lors d’une réunion du Conseil du 19 juin 2001.
A ce Conseil dont il était membre comme représentant des enseignants, le Littéraire avait devant lui une fiche qu’il a conservée, une fiche préparée minutieusement pour poser à la DéGé une question précise qui est, mot à mot, la suivante: "Lors de l’accueil du personnel, l’automne dernier, devant trois de mes collègues, vous vous êtes engagée à acheter des ordinateurs pour faire du multi-média en Arts et Lettres. Or, il n’y a rien de prévu dans le budget du collège. Vous n’avez donc pas respecté votre engagement. C’est ce qui est écrit sur la fiche et c’est ce qu’il a lu. Il a ajouté ( ce qui n'était pas prévu et ce fut une erreur, évidemment): "Et vous étiez à jeun!" ce qui est, selon notre interprétation, un éloge indirect du vin puisque ça voulait dire que cet engagement, lors de l’accueil du personnel, la directrice générale ne l’avait pas pris dans l’enthousiasme convivial que peuvent provoquer quelques verres de bon vin. Ce n’est évidemment pas ce que la directrice a compris. La fumée lui sortant par les oreilles, courroucée, elle a demandé à l'enseignant de retirer ses propos ce qu’il a fait sur le champ tout en étant fort surpris de sa réaction. Plus tard, lors de l’interrogatoire pré-procès, au palais de justice de S., le retrait des paroles mal interprétées a été qualifié par elle de frivole au sens juridique du terme: de toute évidence, l'avocat local avait donné des conseils. Lors de cet interrogatoire pré-procès soigneusement noté par une sténo et dont nous avons le texte daté du 31 octobre 2001, elle prétend qu’il a dit: “Cette fois-là, vous étiez à jeun” en ajoutant curieusement “et je le jure” comme pour montrer qu’elle était consciente de la gravité de cette phrase et son caractère incriminant et elle dit qu’il se référait à une réunion de département. Selon elle, sa promesse d’acheter des ordinateurs aurait été faite dans une réunion du département de français et c’est en se référant à cette réunion de département qu’il aurait dit: "Cette fois-là, vous étiez à jeun".
C’est sa version des faits et six ans plus tard, on peut bien le dire, c’était absurde. En effet, si l’enseignant s’était référé à une réunion de département où il n’y a jamais de boisson, comment aurait-il pu parler de vin? Ces faits font appel à la logique, à une logique implacable. Les amateur(e)s de romans policiers et de logique auront compris pourquoi, plus tard, l’enseignant a osé affirmer dans une réunion des quatre membres de la Direction et des trois autres membres de l’exécutif syndical qui étaient présents lors du fameux Conseil d’administration du 19 juin 2001 que le témoignage de la directrice générale était une fabrication. Ce n’était pas la logique qui dominait dans son témoignage du 31 octobre. Nous savons que l’idée de “fabrication” implique quelque chose de volontaire. Mais à la réunion précitée, c’est ce que le Littéraire a dit devant sept témoins et non des moindres et l’exactitude exige que nous le rapportions tel quel. L'enseignant a pensé que la phrase incriminante: "Cette fois-là, vous étiez à jeun" a été inventée de toutes pièces. Il fallait ajouter: "cette fois-là", parce que ce qui avait été dit par l’enseignant au Conseil d’administration du 19 juin 2001 ne justifiait pas une poursuite pour diffamation et un procès, c’est aussi simple que ça. Il a peut-être eu tort de penser cela mais il l'a pensé. Le Littéraire a signé un affidavit: "Je n'ai pas dit "cette fois-là". Et cinq témoins étaient aussi prêts à le signer. Les formulaires étaient prêts mais ces affidavits ne furent pas signés car entretemps, une entente hors cour a été signée.

Le contexte n’était pas une réunion de département, comme elle l’a prétendu, mais un accueil du personnel au hot-dog comme avait dit avec mépris le Grammairien, au vin et à la bière. Comme l’enseignant craignait une erreur, il avait noté les circonstances précises de son intervention dans une lettre envoyée au début de juillet aux 19 personnes présentes au Conseil d’administration du 19 juin 2001, remise en mains propres à la directrice, pour éviter que sa mémoire ne soit défaillante. (document 21) Malheureusement, elle n’a pas tenu compte des précisions contenues dans cette lettre que l’on peut lire dans les documents. De toutes façons, il était impossible que l’enseignant se réfère à une réunion du département de français car les questions regardant le programme d’Arts et Lettres ne sont pas discutées en département mais dans des réunions de programme. Cela peut paraître un détail mais c’est capital. Il est tout aussi impossible qu’il ait dit: "Cette fois-là" puisque cela supposerait qu’il pensait qu’habituellement, au jour le jour, la directrice n’était pas à jeun dans l’exercice de ses fonctions, ce qui est faux puisqu’il n’avait aucune raison de penser cela. Il lui a déjà dit en public, dans une rencontre précitée entre les quatre membres de la Direction du collège et les quatre membres de l’exécutif du syndicat: pour nous, le témoignage de la directrice lors de l’interrogatoire pré-procès ne correspond pas à ce qui s’est dit. Il fallait qu’il y ait beaucoup d’émotivité dans l’air au Conseil d’administration du 19 juin 2001 pour qu’une référence au vin normalement consommé lors d’un accueil du personnel soit métamorphosée en attaque personnelle et en diffamation. Et, en effet, comme la directrice et ses complices avaient décidé lors de cette réunion d’exclure l’enseignant du Conseil d’administration (la preuve, on avait ajouté, le soir même, un point à l’ordre du jour: “implication des membres du CA”), la directrice générale était un peu agressive et fébrile. Mais, plus tard, à tête reposée, pendant les vacances, au moment de la rédaction de la poursuite en diffamation de 170,000 $, ça prenait beaucoup d’imagination pour transformer un éloge du vin en insulte diffamatoire. Pendant ce temps, dans la région circulait cette rumeur que la directrice générale s’était fait insulter pendant une réunion du Conseil d’administration. Comme aurait dit Balzac, "en province, une semblable aventure s’aggrave par la manière dont elle se raconte". Personne ne savait avec exactitude ce qui s’était vraiment dit mais les mémérages allaient bon train. Comme d’habitude, en province ou en région. Dans la poursuite, la somme d’argent réclamée était la conséquence du tort causé à la réputation de la Dégé dans la région; nous avons donc demandé que notre mise au point faite devant les quatre membres du Comité de direction reçoive la même publicité que les prétendus propos diffamatoires. Une question: la déformation des propos de l’enseignant était-elle faite de bonne foi? Les deux erreurs complémentaires qui l’incriminaient étaient-elles volontaires ou involontaires? C’est possible que ces deux erreurs aient été involontaires et nous sommes prêts à lui donner le bénéfice du doute même si nous pensons qu’elle aurait dû tenir compte de l’information contenue dans la lettre du début de juillet, un mois avant sa poursuite. (Document 21) Au lecteur de trancher.

Remarquons que la version de l’enseignant, qui est différente de la sienne, est la même que cinq autres témoins qui étaient présents comme observateurs au Conseil d’administration du 19 juin 2001 et qui connaissaient d’avance la question puisqu’ils en avaient parlé en détail en soupant chez St-Hubert, avant la réunion du Conseil d’administration. Nous insistons. Peu après le 19 juin 2001, elle a reçu en mains propres une lettre ( allez voir le document 21) qui précisait toutes les circonstances de la question. Elle l’a ignorée. Pourquoi? Nous lui disons: “Etes-vous prête, aujourd’hui, madame l’ex-directrice, à admettre que votre témoignage du 31 octobre 2001 contenait deux erreurs?” Laissons tomber la question de décider si ces deux erreurs étaient volontaires ou involontaires. C’était, objectivement, des erreurs. Néanmoins, quant à nous, la conclusion est double et incontournable.

Première conclusion: pour justifier un procès en diffamation, on a été obligé de modifier les propos tenus (on a ajouté les mots "Cette fois-là") et de changer la circonstance ( une réunion de département et non un accueil du personnel) à laquelle on se référait. Deuxième conclusion: si on se base sur ce qui a été dit et sur la référence à l’accueil du personnel, il n’y avait pas matière à procès. “Que pensez-vous, madame, de cette logique implacable? La prétention de votre avocat que l’enseignant a dit quelque chose qui laissait entendre que vous étiez toujours “paquetée” quand vous exerciez vos fonctions est absurde, ridicule et sans fondement. L’enseignant membre du conseil d’administration n’a jamais pensé cela, ne pense pas cela, et, par ses paroles, il n’a jamais laissé entendre une telle fausseté. Que cela soit bien clair; dans l’exercice de vos fonctions dont nous avons été témoin, vous avez toujours été en pleine possession de vos moyens. Les hypothèses qui ont été faites pour expliquer votre vive réaction au CA du 19 juin concernent votre vie privée et cela ne nous regarde pas et ne nous intéressent pas. Voilà qui devrait vous rassurer. N’ayez aucun doute là-dessus. Vous ne deviez pas prendre la citation de Montaigne sur les vices au pied de la lettre. Ne peut-on pas dire qu’en retirant la poursuite, vous avez reconnu que vous vous étiez trompée. Que d’argent, de temps et d’énergie gaspillés!" Voilà ce que nous nous préparions à dire en cour devant le juge. C'est sans doute pour éviter d'avoir à faire face à ces contradictions que la Directrice a décidé de retirer sa poursuite. Le procès aurait contribué encore plus à défaire cette image de femme d'action irréprochable, dévoués et vertueuse qu'elle s'efforçait de construire tant bien que mal.

Le paradoxe, c’est que cette poursuite contre un enseignant de plus de trente ans d’expérience, membre du Conseil d’administration et vice-président du Syndicat des enseignants, auteur de cinq livres, docteur en lettres et militant indépendantiste, basée sur des paroles qui n’ont pas été dites ainsi que l’autre poursuite contre l’exécutif du syndicat à cause d’une critique du Directeur des études ont plus fait pour nuire à la crédibilité professionnelle de la directrice générale et du directeur des études que tout ce que nous avons dit et écrit en sept ans. Car il y avait cinq personnes fiables dont l’Infirmière, la coordonnatrice du département de Soins infirmiers qui a beaucoup de crédibilité, qui ont été témoins de ce qui s’est vraiment passé le 19 juin 2001 et qui n’ont pas manqué de rétablir les faits auprès de tous les membres du personnel, y compris, bien sûr, les enseignants qui étaient de bonne foi, voulaient savoir et finançaient notre avocat. Voilà pourquoi les propositions d’appui étaient adoptées à l’unanimité par les enseignants présents aux assemblées syndicales pendant les moments forts du conflit avec un taux de participation exceptionnel de plus de 80% et que plus de 90% des enseignants respectaient les boycotts. Car si les enseignants avaient cru que leur représentant au Conseil d’administration avait eu une conduite inappropriée, ils lui auraient demandé de démissionner, ce qu’ils n’ont pas fait; au contraire, ils l’ont massivement appuyé. Et si le Littéraire avait tenu des propos diffamatoires, il se serait cru indigne de représenter les enseignants au Conseil d’administration du collège et il aurait démissionné de lui-même sans autre forme de cérémonie. Mais il ne pouvait accepter d’être accusé faussement. Il n’était pas question de se laisser diffamer. Il fut obligé de se défendre. Dans ces circonstances, il était malheureusement impossible d’adopter l’attitude conciliante de Montaigne.

Après ces poursuites qui nous déstabilisaient, après la publication d’un Huissier reproduisant le Rapport d’évaluation de la directrice générale, la DéGé a fait l’erreur de traiter les quatre membres de l’exécutif de menteurs dans un écrit daté du 28 janvier 2002, distribué à tout le personnel et signé: La Direction. (Document 28) Elle nous a diffamés en continuant à nous traiter de diffamateurs avant que la chose ne soit jugée; elle nous a aussi diffamés en nous traitant de menteurs. Nous avons alors appliqué le grand principe du droit romain cité par le frère de l'Ebéniste qui est avocat lors de l'audition d'un grief: “ce qui est bon pour pitou est bon pour minou” et comme elle nous a insultés en prétendant que nous avions écrit des propos mensongers, cela lui a valu, à son tour, à elle, aux trois autres membres de la Direction ainsi qu’au président du Conseil d’administration, le Chasseur, une mise en demeure avec menace de poursuites du syndicat et le plaisir exquis d’une visite du huissier, un genre de visite qui ne passe pas inaperçue et qui fait jaser... Cette mise en demeure de se rétracter et de s’excuser ainsi que des griefs et un recours au Tribunal du travail pour anti-syndicalisme devaient peser lourd dans la balance quand elle et le directeur des études ont enfin décidé de retirer les deux poursuites lors d’un règlement hors cour signé par les parties le 30 octobre 2002.

Quand on essaie de comprendre ce qui a pu pousser la DéGé à sortir l’artillerie lourde juridique, il faut nécessairement soulever le problème de son évaluation par les enseignants. Vers la fin de son premier mandat, comme cela est prévu dans les règlements, le Conseil d’administration nous a demandé notre avis pour savoir si on devait lui donner un deuxième mandat de cinq ans. Même si elle contrôlait les principaux lieux de décision, les diverses étapes de son évaluation ont donné lieu à une guerre de relations publiques et déclenché chez elle des mécanismes psychologiques d’autodéfense étonnants. Personne n’aime être évalué surtout quand on pense que l’évaluateur est hostile. Les enseignants en savent quelque chose surtout les jeunes pendant leurs trois premières années avant d’obtenir leur permanence. La perspective de son évaluation l’a tellement traumatisée que le jugement critique porté par les enseignants sur son premier mandat commencé en 1997 a fait d’elle une redoutable adversaire. Elle a alors décidé que les quatre membres de l’exécutif syndical étaient des ennemis à abattre. Nous étions des conspirateurs qui voulaient la chute de sa majesté. Elle nous a déclaré la guerre et nous n’avons pas eu le choix: nous sommes devenus de plus en plus des "warriors", ce qui devait éventuellement et fatalement nous nuire politiquement comme elle le souhaitait car il était inévitable qu’un certain nombre de nos membres partisans du double emploi et des refus de priorité conduisant au congédiement de jeunes professeurs, par ailleurs amadoués par un coûteux programme de prêt d’ordinateurs personnels et frustrés du boycott des partys de Noël, du boycott des remises de dipômes ou autres activités sociales, choqués (avec raison) de ne pas bénéficier des nouvelles échelles de salaires accompagnant l’acceptation de cinq heures supplémentaires par semaine, il était inévitable, disions-nous, qu’ils nous rendent responsables du mauvais climat attendu que nous pouvions difficilement nous expliquer parce que pour se défendre contre des accusations de diffamation, à la fois en Cour supérieure et devant le Comité d’éthique du Conseil d’administration, vous êtes obligé de révéler des faits ou des propos qui apportent de l’eau au moulin de vos accusateurs sans parler du fameux "sub judice". Si vous dites: “On m’accuse d’avoir dit telle ou telle chose mais ce n’est pas ce que j’ai dit”, vous répandez les propos qualifiés de diffamatoires et vous vous coulez. C’est très embêtant comme situation. (Nous avons dû payer le prix de la lutte que nous avons menée: formé de gens qui n’ont pas été solidaires et qui n’ont pas respecté les boycotts, un nouvel exécutif syndical dont la DéGé a souhaité et encouragé l’élection a été élu après avoir exploité avec succès le malaise créé. Nous sommes donc devenus de simples soldats appelés “les vieux” par un démagogue, Amable Beausapin. Depuis lors, c’est le calme plat après la loi 142 de décembre 2005 imposant les conditions de travail aux 500,000 employés du secteur public et une situation difficile créée par une baisse de clientèle dans certains programmes techniques puisqu’on s’en va vers une clientèle d’environ 900 élèves alors que, dans les belles années, il y avait plus de 1200 élèves. Après deux ans, Amable, mis en disponibilité, a quitté l’exécutif du syndicat des enseignants. Assuré de 80% de son salaire avec une petite tâche, pourquoi ferait-il du bénévolat? Sa vocation syndicale comme enseignant aura été de courte durée. Comme technicien, il avait été plus tenace. Sa mission avait été de battre l’équipe syndicale qui avait donné tant de fil à retordre à son amie l’Avocate de service. Une fois sa mission accomplie, Amable Beausapin est retourné dans l’ombre d’où il n’aurait jamais dû sortir. Et il prendra sa retraite en juin 2008.)

Ces poursuites en Cour supérieure étaient machiavéliques, si on tient compte de l’aspect financier avec les frais d’avocat, les nôtres et ceux de la partie adverse (avec dépens) si nous avions perdu et les menaces de grosses amendes puisque les poursuites visaient personnellement chacun des quatre membres de l’exécutif du syndicat. Même après le règlement hors cour, quand un membre de l’exécutif du syndicat voulut faire un emprunt personnel à la banque, il constata qu’il restait des traces des poursuites dans son dossier de crédit. La Fédération avait beau tout financer, cela mettait beaucoup de pression sur chacun de nous. Ce qui nous fait conclure qu’en théorie les enseignants ont le droit d’évaluer les hors-cadres, c’est-à-dire la directrice générale et le directeur des études, qui sont les personnes les plus puissantes d’un collège mais, qu’en pratique, c’est un exercice périlleux qui peut conduire à des représailles. Surtout quand on se permet d’être mordant comme dans le rapport confidentiel d’évaluation du directeur des études qui nous a poursuivis (ayant quitté notre cégep, il occupe le même poste dans un autre cégep, lui dont on avait supposément détruit la réputation et ruiné la crédibilité et, aux dernières nouvelles, il vient d’être nommé directeur général d’un collège; si nous ne l’avions pas diffamé, il serait aujourd’hui ministre de l’éducation), rapport confidentiel, disions-nous, qui a tout déclenché, où nous avons demandé "qu’il cesse de faire la belle devant sa souveraine", donc qu’il cesse d’être une marionnette à qui la directrice générale coupait fréquemment la parole pendant les conseils d’administration. ce qui nous énervait beaucoup en tant que mâles, nous l'avouons. Nous ne nous attendions pas à ce que cette figure de style,”faire la belle devant sa souveraine” trouvée par l’Irlandais provoque une réaction aussi démesurée car, après tout, comme disait le maire Jean Drapeau suite au Vive le Québec libre du général De Gaulle en 1967, sur le balcon de l’hôtel de ville de Montréal, "le mot chien n’a jamais mordu personne". Après avoir pris connaissance de notre rapport d’évaluation du Directeur des études qui l'attaquait directement, quand la directrice générale a appris que ce rapport avait été lu par l’Irlandais devant trente enseignants réunis en assemblée générale, elle a vu le danger et comme elle savait qu’elle serait évaluée à son tour, elle a redouté avec raison notre évaluation et elle a décidé de passer à l’offensive. Pour nous donner des armes, nous avons lu "L’Art de la guerre" du Chinois Sun Tzu rédigé au 4è siècle avant notre ère et cité dans le film Wall Street. Nous avons pris bonne note que, selon Sun Tzu, l’art de la guerre est fait de stratégie et de ruse et qu’il est basé sur la duperie et le mensonge.

Nos références à la royauté avec des citations en exergue des Huissiers, bulletin d’information syndicale ainsi nommé en référence aux visites des huissiers à nos domiciles respectifs, parfois à sept heures du matin, en plein été, ont provoqué chez elle une exaspération croissante. Par exemple, dans le premier numéro du Huissier, daté du 7 décembre 2001, on pouvait lire, en exergue, la citation suivante: "L’humeur ambitieuse de la reine lui faisait trouver une grande douceur à régner" écrit Madame de La Fayette au début de La Princesse de Clèves à propos de Catherine de Médicis. Cette ironie devait vite devenir, pour elle, insupportable. Pour répondre à l’exigence par mise en demeure donc par lettre d’avocat de retirer nos propos et de nous excuser, nous avons écrit une lettre datée du 26 mars 2001. Quand nous avons cité Montaigne, le vase déborda. Montaigne écrit dans le livre premier de ses Essais, au chapitre trois: "Nous devons la sujétion et l’obéissance également à tous rois, car elle regarde leur office: mais l’estimation, non plus que l’affection, nous ne la devons qu’à leur vertu. Donnons à l’ordre politique de les souffrir patiemment indignes, de celer leurs vices, d’aider de notre recommendation leurs actions indifférentes pendant que leur autorité a besoin de notre appui." Ici, il ne fallait évidemment pas prendre le mot "vices" au pied de la lettre. Dans notre contexte, il ne s’agissait pas de se référer aux sept péchés capitaux du petit catéchisme mais plutôt à l’ensemble de son oeuvre. Cette citation les enragea et leur fit rejeter notre lettre d’excuses et de rétractation. Nous n’étions pas sincères puisque nous continuions, à travers Montaigne, à les insulter en les traitant d’autorités indignes qui nous obligent à celer leurs vices et qui ne méritent pas notre estime et encore moins notre affection puisque nous doutons de leur vertu. C’était provocateur. Le mot chien n’a jamais mordu personne, bien sûr, mais il y a quand même des mots qui mis ensemble dans une phrase ne laissent pas indifférents même s'ils sont datés de 1592. Nous nous en sommes rendus compte devant le Tribunal du travail en voyant la réaction outrée de l’avocate de service.
De même, quand le représentant des enseignants a été chassé du Conseil d’administration suite à une plainte d’un des valets de la DéGé, la référence à Alcibiade, ostracisé d’Athènes, exaspéra car elle obligea à consulter un dictionnaire des noms propres comme le remplacement du mot incompétence (ce mot étant, paraît-il, diffamatoire) par le mot impéritie exigea l’usage du dictionnaire des noms communs. “Lui et ses Grecs!” (voir document 5) lança le défunt président du Conseil, honnête homme pacifique avant que le plus important agent d’assurances de la région ne déchire théâtralement en plein conseil d’administration notre bilan de sa première année (voir document 1) qui prévoyait que la deuxième année se déroulerait sous les auspices de Mars et non de Vénus étant donné que, comme elle l’avait écrit elle-même, "le coup de foudre était terminé", expression qui révélait qu’elle concevait ses rapports avec le personnel comme des rapports passionnels, ce qui explique bien des choses sur son comportement. Ce bilan de l’An I valut une lettre disciplinaire au dossier des deux auteurs, le Politique et le Littéraire, à ce moment-là membres du Comité des relations du travail, lettre qui fut retirée suite à un engagement (loufoque) de bonne conduite précédé de la démission d’un des signataires (ce qui était l’effet recherché) comme membre du comité d’évaluation de la directrice générale. Ce comportement de Mère supérieure qui donne des leçons de respect et de politesse nous parut grotesque, anachronique, archaïque et en porte à faux. C’était comme si, avec maternalisme, elle nous prenait pour des adolescents délinquants alors que nous ne faisions qu’exercer un droit syndical normal à la critique. Mais nous étions dans l'anormal, la suite des choses allait le montrer.

Devant le refus de donner l’information sur le coût des poursuites, le syndicat des enseignants a été obligé de recourir à la Commission d’accès à l’information. Après le départ de la DéGé, pour éviter d’avoir à passer devant le Commissaire, la nouvelle Direction révéla qu’une somme de 48,900 $ a été versée par le Collège au bureau du tonitruant avocat local, pour payer pour les poursuites judiciaires. Nous avons le détail de ces dépenses. A notre avis, c’est un véritable scandale de gaspiller ainsi des fonds publics alors qu’il y a tant de besoins criants à combler dans notre collège.

Par diversion, elle parlait de manque de respect chaque fois que nous n’étions pas d’accord avec elle comme si nous n’avions pas le droit de contester ses projets dits de développement qui ont mené à quatre programmes qui, selon la formule heureuse trouvée par un professeur d’informatique, cannibalisent d’autres programmes et qu’on doit subventionner, ce qui augmente la tâche des autres enseignants, parce que ces programmes manquent malheureusement de clientèle en assurances, en informatique, en bureautique et en environnement-santé et sécurité. A cause du mode de financement actuel, pour permettre des classes de 5-6 élèves dans des cours de ces programmes de techniques, des enseignants en sciences, en sciences humaines, en français, en philosophie accepteront-ils d’avoir des classes de plus de 35 èlèves? Les intentions étaient bonnes mais le résultat l’est moins. Ces nouveaux programmes, dans un contexte prévisible de baisse de clientèle, c’était du développement non durable. On peut en conclure que chaque fois que nous contestions ses décisions, c’était injuste d’essayer de nous faire passer pour des mécréants qui veulent détruire le collège comme elle l’a dit en plein Conseil d’administration. Quand on regarde la situation financière déficitaire qu’elle a laissée et les difficultés dans les quatre programmes précités, on voit bien que nous n’avions pas tort de contester. Pour nous, malgré les bonnes intentions, une formule résume bien ses sept années à la direction de notre collège: beaucoup de voile, pas beaucoup de gouvernail. En effet, on nous a informé que le centre de V. est un gouffre financier et que l’International, qui lui a donné l’occasion de voyages d’affaires coûteux et prestigieux, ce n’était pas rentable avec un déficit de 135,000$. D’ailleurs, le Conseil d’administration a aboli l’international. Au fond, faire de l’international en Côte d’Ivoire, en pleine guerre civile, ce n’était pas une bonne idée.
Rappelons que, quand la nouvelle directrice générale est arrivée au cégep en 1997, il y avait un solde de fonds, autrement dit, un surplus de $2.4 millions, ce qui est une somme considérable pour un petit collège. Ce bas de laine laissé par l’administration précédente et accumulé pendant trente ans en partie aux dépens de services auxquels les employés et les étudiants avaient droit, n’existe plus de telle sorte que la directrice générale qui l’a remplacée nous a annoncé un déficit de 345,000$ pour 2004-2005. Ce déficit de 345,000$ reviendra en 2005-2006 à moins que des mesures drastiques ne soient prises. Ces mesures ont été prises et le budget actuel du collège ne compte pas de déficit grâce à la bonne administration de la nouvelle directrice générale qui a économisé en fonctionnant pendant un certain temps sans directeur des ressources matérielles et sans directeur des études en dépression depuis plus d'un an.

Tel est votre héritage, madame l’ex-directrice: en sept ans, de 1997 à 2004, le collège est passé d’un surplus considérable de 2.4$ millions à une situation déficitaire. Votre prime (légale) de départ dans les six chiffres et dont le montant exact n’a pas été rendu public (ce serait 143,000 $); 60,000 $ d’obligations contractuelles lors du congédiement d’un adjoint qui a refusé de persécuter le Littéraire; 80,000 $ pour une émission au Canal savoir que peu de jeunes regardent; 73,600 $ pour une étude peu utile de marché; 135,000 $ de déficit pour l’International; un gros loyer pour un édifice à moitié vide à V,; 48,900 $ de frais d’avocat: ce sont là des dépenses qui mènent à un déficit. Voilà votre bilan comme administrateure. Cela ne vous a pas dérangée de dépenser 48,900 $ de fonds publics en frais d’avocat pour qu’on comprenne bien que, comme le dit Philaminte, la despote des Femmes savantes de Molière, "la contestation est ici superflue".

Le 17 décembre 2004, d’une façon protocolaire obligatoire, le Collège a reconnu vos états de services comme directrice générale pendant sept ans. Même s’il vous restait deux ans à faire, vous avez encaissé votre prime et vous êtes partie parce que vous saviez que votre administration a placé le Collège dans une situation financière difficile et parce que le Conseil d’administration ne vous a pas appuyée dans votre volonté de briser encore une fois le syndicat des enseignants en le poursuivant de nouveau parce qu’après une entente hors cour qui, selon vous, devait le réduire au silence, il avait osé écrire et publier son explication de ce qui s’était passé pendant la saga judiciaire dans Le Huissier du 25 février 2003. Lors de ce Conseil d’administration, (dont le Littéraire et l'Ingénieur ne faisaient plus partie), votre recherche anti-démocratique de l’unanimité s’est heurtée au courage et à la détermination de la représentante du personnel de soutien Lise L.(voir document 35), qui refusait qu’on parle de nouvelles poursuites contre l’exécutif du syndicat des enseignants et qu’on a tenté d’intimider et qui en a été traumatisée.

A notre connaissance, c’est la première fois dans l’histoire des collèges fondés en 1968, qu’on essaye de diriger un collège à coups de lettres d’avocats et de poursuites stratégiques pour empêcher la liberté d’expression (SLAPP) en gaspillant l’argent des contribuables, avec ce qui s’en suit, un climat de travail pourri, un malaise généralisé, une vie démocratique compromise et une tension continuelle imposée à des enseignants démocratiquement élus à la tête d’un syndicat. Car se servir de la Cour supérieure dénature les relations de travail et brime la liberté syndicale et la liberté d’expression. Ces poursuites judiciaires ont gâché ces sept années pendant lesquelles vous avez écrit une des pages les plus sombres de l’histoire de la vie collégiale au Québec. Au-delà de vos idiosyncrasies (comme disait le Dr Camille Laurin; il ne s’agit pas d’une insulte mais des caractéristiques propres à une personne ou à une collectivité), nous avons analysé votre idéologie, cette idéologie “libérale” qui n’a pas fini de faire des dégâts dans la société québécoise parce qu’elle est opérante au sein du Parti libéral et du parti de Mario Dumont, de l’actuel gouvernement minoritaire libéral du Québec, du Conseil du patronat, de la Fédération des cégeps et des auteurs du document "Pour un Québec lucide" qui inclut l’avocat Lucien Bouchard devenu négociateur patronal entre autres lors du conflit à la Société des Alcools du Québec, à 1,200 $ de l’heure et peut-être plus et dont les interventions publiques sont un appui objectif au gouvernement provincial en place, un service en attire un autre. Le moins qu'on puisse dire, c'est que Jean Charest sait utiliser les talents des anciens premiers ministres péquistes Lucien Bouchard et Pierre-Marc Johnson.

En défendant la liberté d’expression et la liberté syndicale et en ne nous laissant pas intimider par le recours abusif, disproportionné, inopportun et malveillant aux Tribunaux, nous avons vécu une belle expérience de solidarité entre nous et avec la Fédération, son personnel, ses dirigeants, ses instances et ses services juridiques. En particulier, nous avons bien apprécié l’avocat syndical pour sa compétence et son humour et le Syndicaliste pour son appui politique et financier. Parlant d’humour, après son témoignage controversé du 31 octobre 2001 (celui du "cette fois-là, vous étiez à jeun"), la DéGé a pris les mains de notre avocat en lui disant avec un trémolo dans la voix: “Je ne suis plus capable de boire un verre de vin sans être traumatisée”. Traumatisée par quoi au juste? A la sortie de la salle d’audiences, Maître Jacques nous a demandé si elle avait suivi le cours Théâtre 601. “Sans doute, avons-nous répondu, et son avocat aussi.” Il aurait fallu mettre sous les yeux de la directrice souffrante la phrase d’André Malraux qui dit: il faut essayer de diminuer autant que possible la part de comédie.

En conclusion, un collège a été le témoin durant sept ans des abus de pouvoir encouragés et approuvés par la clique libérale qui n’a jamais digéré les dénonciations dont les libéraux de Robert Bourassa ont été l’objet dans les années 70 jusqu’à la défaite du 15 novembre 1976, à l’époque où les libéraux provinciaux fonctionnaient de la même façon que les libéraux fédéraux empêtrés dans le scandale des commandites et d’Option-Canada qui leur a fait perdre le pouvoir aux élections du 23 janvier 2006.
Les mises en demeure, les avocats, les procès, les juges et les tribunaux n’ont rien à voir avec les activités de ce que Paul Valéry, dans Monsieur Teste, appelle les professions délirantes. L'auteur du Cimetière marin parle des infortunés que leurs destins ont appelés aux professions délirantes. Il écrit:"Je nomme ainsi tous ces métiers dont le principal instrument est l’opinion que l’on a de soi-même, et dont la matière première est l’opinion que les autres ont de vous. Les personnes qui les exercent sont nécessairement affligées d’un délire des grandeurs qu’un certain délire de la persécution traverse et tourmente sans répit.” Délire des grandeurs, délire de la persécution, c'est bien vu.

Bien avant les poursuites, dans une lettre prémonitoire adressée à l’ensemble du personnel, la Dégère a cité Baudelaire. Dans cette lettre écrite dans le grand style lue par deux cent-cinquante personnes, elle a écrit: "Enivrez-vous. Il est l’heure de s’enivrer. Enivrez-vous sans cesse! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise." Cette invitation à s’enivrer du poète Baudelaire, ne s’agissait-il pas d’une métaphore! De la part d’une femme cultivée, nous aurions apprécié la même perspicacité en d’autres circontances. Qui est sorti gagnant de cette saga judiciaire? Le seul gagnant, c’est l’avocat de la plaignante qui se conduisait comme si le Palais de justice lui appartenait. Une image nous reste qui vaut mille mots. Pendant que notre avocat explique au juge Jolin que la poursuite du Directeur des études reléve de la convention collective et non de la Cour supérieure, ce qui est une question technique difficile où le juge nous a donné raison, ce qui avait pour conséquence que le Collège ne pouvait poursuivre dans le cas du Directeur des études, cet avocat se lève et en allant se préparer un café, il s’interpose longuement entre le juge et notre avocat qui a continué son plaidoyer comme si de rien n’était. Comme nous lui exprimions notre étonnement admiratif, notre avocat haussa les épaules car ce n’était pas la première fois qu’il avait à faire face à ce genre d'avocat qui manque de classe et de fair play. Plus tard, cet avocat local a fait une requête coûteuse de réunion des deux causes, celle du directeur des études et celle de la directrice générale, pour faire passer le Littéraire pour le Grand Diffamateur. Il a demandé à la cour de faire un seul procès pour que toutes les accusations de diffamation reposent sur les épaules d’un seul homme considéré déjà comme le coupable, le grand Coupable que cinq actions de harcèlement n’avaient pas réussi à abattre. A sa face même, cette requête était farfelue et frivole et au moment où il était évident que le juge la rejetterait, elle fut retirée par l'avocat local pour qu’il n’en reste aucune trace sinon dans son compte de banque.

A votre santé! Je vous offre un verre de vin blanc frais La Parcelle du temps Réserve 2005 du Vignoble Le Royer St-Pierre

Le Littéraire, au nom d’un groupe d’enseignants
Vieux-Longueuil, dix décembre 2004 - vingt mars 2008



Aire de repos

Les abeilles pillotent de çà, de là, les fleurs, mais elles en font après le miel qui est tout leur; ce n’est plus thym ni marjolaine. (1, 25)

Gagner une brèche, conduire une ambassade, régir un peuple, ce sont actions éclatantes. Tancer, rire, vendre, payer, aimer, haïr, et converser avec les siens et avec soi-même doucement et justement, ne relâcher point, ne se démentir point, c’est chose plus rare, plus difficile, et moins remarquable. Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition. De fonder la récompense des actions vertueuses sur l’approbation d’autrui, c’est prendre un trop incertain et trouble fondement. Il n’y a que vous qui sache si vous êtes lâche et cruel, ou loyal et dévotieux: les autres ne vous voient point, ils vous devinent par conjectures incertaines; ils voient non tant votre nature que votre art. Par ainsi, ne vous tenez pas à leur sentence, tenez-vous à la vôtre. (Essais, III, 2)



Crois-tu que de vivre dans le conflit t'apportera le bonheur? (Philippe Barberis)


Mais, me direz-vous, il ne s’agissait que d’une misérable petite affaire! Oui, bien sûr, vous avez raison, mais tout est relatif. Moi, j’en faisais une grande affaire et, comme elle me concernait, mon jugement prévalut. ( Jacques Ferron)




C O N C L U S I O N: D E L’ I N S O U M I S S I O N

Pendant que d’autres parlaient de mondialisation, au lieu d’être accablés par "cet universel naufrage du monde" (Montaigne), nous étions engagés modestement, nous les machos et les misogynes, dans la défense de sept femmes, sept employées de la cafétéria menacées de perdre leur emploi par la privatisation et dans la promotion de la qualité des aliments servis aux élèves. Nous étions aussi engagés dans la défense d’un syndicat dont l’existence même était en jeu. Les problèmes mondiaux comme la protection de l’environnement, la menace terroriste que fait planer sur la planète le radicalisme islamiste d’Al Quaeda, la situation d’exploités et de dominés de millions de femmes et d’enfants et d’hommes aussi, la poudrière du Moyen-Orient où la création d’un Etat palestinien est toujours remise à plus tard, tout ce qu’on voit tous les jours aux nouvelles télévisées fait paraître de peu d’importance nos préoccupations d’enseignants. Mais conscience planétaire et soucis quotidiens coexistent chez la plupart de nos contemporains. Les guerres pour le contrôle du pétrole sont présentées comme des combats pour la démocratie et la liberté. Après le 11 septembre 2001, (nine eleven comme on dit), pendant que nous agressent des images de chars israéliens et de bombes humaines en Palestine où les relations avec Israël constituent un problème insoluble qui a des répercussions mondiales; pendant que la compagnie Halliburton de Dick Cheney fait des profits faramineux avec la guerre en Irak qui a coûté 400 milliards en date du 20 janvier 2007 et coûte 9 milliards par mois et des centaines de morts; pendant que des explosifs sautent dans les trains et les métros de Madrid et de Londres et que le Conseil de sécurité de l’ONU tente de juguler la menace nucléaire en Iran et en Corée du Nord; pendant que nous nous sentons impuissants devant les massacres au Rwanda et au Darfour; pendant que des centaines de milliers de sans-abris souffrent du froid et de la faim tous les jours; pendant que de jeunes soldats meurent en Afghanistan et en Irak, conséquence de l’influence sur Bush des apprentis-sorciers faucons comme Paul Wolfowitz et Richard Perle; pendant que Condoleeza Rice, ex-directrice brillante de la compagnie pétrolière Chevron essaie d’expliquer qu’il faut combattre les Talibans en Afghanistan et les Sunnites en Irak pour vaincre le terrorisme international, notre vie quotidienne d’enseignants est faite de soucis bien ordinaires de nombre d’élèves dans nos classes, de contenus de cours, d’horaires étirés, de liberté académique, d’évaluation par compétences, de médiocres rivalités entre collègues et de réunions convoquées par des cadres qui cherchent à s’occuper. Par ailleurs, la vie syndicale se préoccupe avec difficulté de refus de priorité, de baisse de clientèle, de mis en disponibilité, de répartition équitable des ressources, de conflits interpersonnels. de programmes menacés et de conditions de travail décrétées. Il aura fallu mêler Montaigne à nos querelles pour élever le niveau des débats et les civiliser. Plusieurs citations de cet écrivain unique ont fortement irrité nos opposantes. Mais c’est grâce à Montaigne, maître de résilience, que nous avons résisté à nos adversaires et que nous avons combattu avec un certain panache, ce qui nous ramène à Cyrano de Bergerac, la poésie en moins.

La directrice savait que nous n’étions pas d’accord parce que nous ne nous gênions pas de le dire et de l’écrire ( elle avait ses courtisans, ses espions et ses agents doubles qui cherchaient des avantages et que nous connaissions). Il fallait vraiment qu’elle vive dans un monde à part pour croire qu’elle réussirait à nous casser en exigeant de nous des lettres d’excuses ou des engagements de bonne conduite. Que voulait-elle au juste? Ce n’est pas compliqué à comprendre: pour assouvir sa passion tyrannique, elle voulait notre soumission. Elle voulait régner sans opposition. Narcissique et égotiste, elle voulait le pouvoir absolu en annihilant toute opposition. Faisant partie de la hautepéteuterie* de sa petite ville, elle s’attendait à notre soumission et elle l’avait obtenue de l’exécutif syndical qui nous avait précédé quand, après un repas bien arrosé dont elle a payé la facture, utilisant son charme incomparable auquel nous étions sensible bien plus qu'il n'y paraît, elle obtint 4.2 ETC (équivalent temps complet) pris dans l’enveloppe réservée à l’enseignement. Cette servitude volontaire nous a profondément irrités. Quand nous avons été élus à l’exécutif, ce fut une autre histoire. Nous sommes allergiques à la soumission et à la servilité. L’ayant constaté, et s’imaginant toujours y avoir droit, elle entama deux poursuites pour diffamation et elle commit plusieurs gestes d’abus de pouvoir et de harcèlement qui ne sont pas anodins et dont le caractère vexatoire n’a pas échappé à certains qui ont dit après avoir pris connaissance du dossier: “Ça n’a pas dû être facile!” Obnubilée par le pouvoir ou par l’argent comme tous les parvenus libéraux, elle se croyait tout permis avec un sans-gêne affligeant. Montaigne l’a bien décrite dans les lignes suivantes:
"En celle qui est enivrée de cette intention violente et tyrannique, on voit par nécessité beaucoup d’imprudence et d’injustice; l’impétuosité de son désir l’emporte; ce sont mouvements téméraires et de peu de fruit."
De peu de fruit en effet sinon de nous avoir donné l’occasion de gagner une bataille et de mieux comprendre et d’apprécier l'incomparable Montaigne, ce qui n’est pas rien. Nous terminerons par une autre citation de l’auteur des Essais, sans fausse modestie:
"Quelle plus grande victoire attendez-vous que d’apprendre à votre ennemi qu’il ne vous peut combattre?" Elle aimait répéter: “Pendant que moi, je fais du développement pour le collège, eux ils ne font rien d’autre que critiquer.” Vous savez maintenant que cette vue simpliste était fausse. Elle avait tout prévu sauf que le Directeur des études la laisserait tomber en se trouvant un emploi ailleurs; pour parler ironiquement, il a alors manqué à son devoir de loyauté. Il a cessé d'être soumis et de "faire la belle devant sa souveraine". Elle avait tout prévu sauf notre pugnacité et notre ténacité dans la volonté de faire du conflit une lutte collective gagnée par un syndicat qui s’est tenu debout.
Devant un pouvoir dominateur, ou tu cèdes ou tu résistes. Que serait-il arrivé si nous l’avions laissé faire ses quatre volontés même si l’expérience a démontré comme se plaisait à le répéter le Politique “qu’elle n’avait pas de limites” allant, par exemple, jusqu’à demander à la conseillère en orientation de renoncer à sa permanence et à devenir temps partiel à contrat “pour le bien du collège”. Si nous l’avions laissé faire, nous aurions pu enseigner en paix sans nous faire espionner et sans que nos classes ne soient envahies par des cadres féminines munies de questionnaires piégés. L'adjointe kakafala serait devenue Directrice des études. Les Conseils d’administration harmonieux terminés, nous aurions vidé les bouteilles de vin ensemble en dégustant quelques morceaux de pain français avec du pâté de campagne, du fromage d’Oka et quelque pâtisserie savoureuse suivie d’un bon café. Nous nous serions quittés en nous donnant l’accolade et nous aurions emporté avec nous l’odeur capiteuse de son parfum comme l’écrivait Baudelaire de "la Circé tyrannique aux dangereux parfums" jusqu’à rendre notre femme jalouse. Il n’aurait pas été question de diffamation et d’atteinte à la réputation, ni de Conseil de discipline ou de Cour supérieure ni de griefs ou de plainte au Tribunal du Travail, ni de mises en demeure, d’avocats et de huissiers. La cafétéria aurait été privatisée et peu importent les conséquences sur la qualité des aliments et la sécurité d’emploi des employées. Sa majesté aurait éprouvé "une grande douceur à régner" et nous aurions eu le contentement béat qu’apportent des relations harmonieuses avec l’Autorité et le Pouvoir. Le directeur des ressources matérielles, de la formation continue et de l’International nous aurait invité à visiter sa cave à vins, ce qui nous aurait donné l’impression d’appartenir au même monde que ceux et celles qui veulent qu’on les admire à cause de leur carte de crédit Or.
Renonçant à tous ces avantages et bien d’autres, nous avons préféré l’insoumission. Nous avons préféré donner aux jeunes et à une région l’exemple d’un vrai syndicat qui sait se tenir debout et se bat pour la liberté d’expression et la démocratie afin que l’argent ne soit pas le premier facteur qui influence toutes les décisions. Nous avons décidé de rester libres et nous n’avons aucun regret. Nous avons combattu la censure avec succès malgré deux SLAPP. C’est pour nous un sujet de fierté. Et nous avons tenu mordicus à ce que notre aventure soit imprimée noir sur blanc pour qu’elle ne soit pas oubliée.

Tel est notre témoignage.

Note: En voyage au lac St-Jean, les hôtes du gîte A la ferme Hébert nous ont appris une expression qui décrit certains parvenus de St-Félicien. Autour du parc Lafontaine à Montréal, on parlait de ceux qui “pètent plus haut que le trou”. Au lac St-Jean, en se référant à certaines personnes de St-Félicien, les bleuets parlent de “hautepéteuterie” et même de “superhautepéteuterie”. Ça dit bien ce que ça veut dire.


J’entends les cris de l’engoulevent, j’observe son vol dans le ciel d’un soir d’été, les lumières s’allument sur le parc Robin, il est temps de mettre fin aux jeux et de rentrer à la maison de mes grands-parents italiens, ma petite main droite dans la douce main gauche de ma mère.



E P I L O G U E

En lisant Les Illusions perdues, roman d’Honoré de Balzac où abondent les portraits de personnages, il est venu deux idées à l’auteur qu’il croit opportun de partager avec le lecteur en guise d’épilogue. Notons ces deux définitions du petit Robert du mot épilogue: remarque exposant des faits postérieurs à l’action et destinée à en compléter le sens; dénouement (d’une affaire longue, embrouillée).

La première remarque est un retour sur une citation de Montaigne que nous avons choisie dans un moment de colère: la méthode de harcèlement de notre adversaire est "un vrai témoignage de l’humaine imbécilité", pour dire que ce que nous avons appelé avec une certaine grandiloquence “de la pensée unique” ou “du fanatisme plat” est peut-être, plus simplement, ce que Balzac appelait de la bêtise en décrivant une grande dame de province, madame de Bargeton qu’il qualifiait aussi de reine et de souveraine. Quand il n’était pas d’accord avec le comportement “provincial” de madame de Bargeton, Balzac, exaspéré, parlait de sa bêtise. Il nous est arrivé de le penser à propos de notre adversaire. A l’époque où existait une aristocratie, entre hommes, un duel lavait une offense. De nos jours, quand on se croit victime d’une insulte ou qu’on se sent menacé dans sa fonction ou qu’on veut exercer une vengeance politique et qu’on est une grande dame qui fait partie de la hautepéteuterie* de sa petite ville, on appelle son avocat surtout quand on sait qu’on n’aura pas à en assumer personnellement les frais. C’est une caractéristique d’une certaine classe sociale. Ce n’est pas brillant mais ce n’est pas nécessairement de la bêtise. Balzac aurait dit "de cette bourgeoise infatuée qu’en femme exagérée, elle exagérait la valeur de sa personne". Jane Austen aurait écrit qu’elle avait beaucoup d’admiration pour sa personne. Elle aurait dit aussi qu'en femme "accomplie", rien ne devait lui résister.

Deuxième remarque de conséquence du point de vue des rapports entre les mots et la réalité. La distance dans l’espace et l’éloignement dans le temps nous ont donné cette étrange impression que le portrait que nous avons tracé a créé un personnage fictif extrêmement séduisant qui s’est exprimé dans des “confidences”. Est-ce que l'auteur est tombé amoureux de sa création? Allez donc savoir... Toutes les parties du livre mettent en scène des personnages que l’absence de noms propres a rendus presque fictifs (ce qui ne veut pas dire qu’ils ne nous parlent pas de la réalité) et dont le présent est si loin de ce passé pourtant récent qu’ils en sont devenus comme les acteurs d’une pantomime dont on cherche le sens dans la tristesse du souvenir de nos amis le Syndicaliste (Daniel L.) et la Courageuse (Lise L.) aujourd’hui disparus

Vieux-Longueuil, décembre 2004 -vingt et un mars 2008


Le voyageur de Charlevoix ayant mis le point final à son livre, après 40 ans d’enseignement dont 36 au même collège et trois ans ans de réflexion et d’écriture, s’est senti désinstitutionnalisé, c’est-à-dire, libre comme les prisonniers sortis de prison du film The Shawshank Redemption, libre du poids de certains éléments hostiles d'une région et libre d'aimer cette région à travers des contemporain(e)s et l'affection qu'il porte au père Didace et à l'oeuvre si riche en humanité de Germaine Guèvremont.




Hors-texte

La plus commune façon d'amollir les coeurs de ceux qu'on a offensés, lors qu'ayant la vengeance en main, ils nous tiennent à leur merci, c'est de les émouvoir par soumission, à commisération et à pitié : toutefois la braverie, la constance, et la résolution, moyens tous contraires, ont quelquefois servi à ce même effet. (Essais, I,1)


Conversation entre l'Irlandais et le Littéraire

L'Irlandais Pierre G.: Pourquoi a-t-elle réagi si fortement?
Le Littéraire Robert B.: Elle était énervée à cause de la proposition de me suspendre du Conseil. En plus, je l'accusais de ne pas avoir tenu une promesse. Elle a vu rouge. La fumée lui sortait par les oreilles.
G. Sans doute mais à froid, pour le procès, pourquoi ont-ils inventé des mots que tu n'as pas dits? Je sais ce que tu as dit, j'étais là le soir de la réunion.
B. Nous étions en guerre. Il s'agissait de prendre l'autre en défaut pour le traîner en Cour supérieure.
G. Comment ça se fait que tu as dit: Et vous étiez à jeun?
B. Ces mots m'ont échappé. Une situation très émotive peut faire perdre le contrôle des paroles que l'on dit. C'est ce qui m'est arrivé. A ce moment-là, on les retire et on s'excuse. C'est ce que j'ai fait.
G. Tu as touché un point sensible.
B. Peut-être. Mais je n'en sais rien. J'ai eu une image: pendant que je parlais, je la voyais à l'accueil du personnel ou au party de Noël, le verre de vin à la main et j'ai fait l'erreur de laisser mon inconscient parler. Cela a sorti tout seul. Ça m'a échappé. C'est très rare que des choses comme ça m'arrivent. J'ai été le premier surpris. C'était involontaire. Dans mes cours, il m'arrive souvent d'improviser mais ce sont des improvisations préparées depuis trente ans. Une femme qui fait beaucoup de "social" a l'habitude de lever le coude. N'en faisons pas une maladie! Ne pas oublier la part de théâtre là-dedans. Moi aussi, j'aime bien lever le coude. La preuve, ce soir alors que nous faisons une dégustation de toutes les bières que nous aimons. Pas besoin d'Alain R. pour faire ça.
G. Ce soir-là, la tension était à couper au couteau.
B. Sa vie privée ne me regarde pas. Séparons la vie privée et la vie professionnelle. Comme disait Montaigne: "Le maire et moi sommes deux". De toutes façons, au royaume des tire-bouchons, est-ce que cela avait tellement d'importance? C'était un prétexte pour me planter. J'ai fait une erreur. Elle en a profité. Point à la ligne, comme dirait le professeur de physique Bernard, dit Einstein. Il disait aussi: "en sus" et "elle avait le gros orteil trop sensible". J'aimais bien Bernard L., je m'en rends compte maintenant qu'il a pris sa retraite. C'était un type brillant. Lui aussi il était trop sensible, "soupe au lait" qu'on disait.
G. L'inconscient, c'est un terrain glissant. Tu n'es pas Freud ni Dostoievski.
B. Non et elle n'est pas Carson Mac Cullers ni Lady Catherine de Bourgh.
G. "The Heart is a Lonely Hunter" dit l'Irlandais.
B. Oui, le coeur est un chasseur solitaire. Ce qu'on pense d'elle, est-ce si important? Montaigne écrit: "Je ne présume les vices qu'après les avoir vus." Et je n'ai rien vu. Et si j'avais vu quelque chose, je n'aurais pas joué avec ça.
G. De toutes façons, comme le dit ta femme, tu es un auditif: tu ne vois jamais rien. "L'humeur ambitieuse de la reine lui faisait trouver une grande douceur à régner." C'était génial cette citation de Madame de Lafayette.
B. Après trente ans d'un régime terne, lors de son premier discours devant le personnel à l'automne 1997, il y avait une certaine lourdeur et beaucoup de scepticisme. La pâte ne levait pas malgré son éloquence, sa prestance et son charme de femme mûre. Je te le dis, j'ai éprouvé un drôle de sentiment en la voyant se débattre contre l'apathie: j'ai ressenti comme de la pitié, je ne trouve pas d'autre mot. J'ai failli courir à sa rescousse. Tu sais comme j'ai de la difficulté à rester passif dans une assemblée quelle qu'elle soit. Un peu plus et je lui disais publiquement: "En mon nom personnel, je vous souhaite la bienvenue parmi nous chère madame et je vous dis bonne chance!" Mais, de quel droit aurais-je pu parler au nom de tout le monde. Et, après l'épisode choquant du rejet du Syndicaliste, j'ai décidé de ne pas intervenir ni de l'appuyer. Je suis resté passif. Ce fut ensuite un engrenage.
G. Une femme accédait au pouvoir après trente ans de prudence et d'économies. Nous aurions pu être bien disposés à son égard.
B. En effet, mais elle se comporta dès le début comme une adversaire. "Car c’est toujours une aigreur tyrannique de ne pouvoir souffrir une forme diverse de la sienne." (Montaigne) Une fois, après un conseil d'administration, elle m'a invité avec d'autres membres du Conseil, à un goûter. J'ai refusé. J'aurais dû dire oui et nous aurions vidé les bouteilles de vin ensemble et nous aurions fait la paix. Mais j'ai refusé de fraterniser; j'ai préféré garder mes distances.
G. Faire la paix avec elle à la russe, comme dans Dostoievski. Le regrettes-tu?
B. Elle a choisi choisi l'affrontement. Le chant des sirènes ne nous a pas endormis. Nous avons résisté à celle que Baudelaire appelle "la Circé tyrannique aux dangereux parfums". J'avais des raisons politique aussi.
G. Le regrettes-tu? Tu faiblis mon frère. Resaissis-toi. Une Sluman, une Labatt 50, une Stella d'Artois, une Corona, une Moretti, une Jubilator de Schultz, une bière de Boston, même partagées, avec des croustilles Lays, c'est assez de dégustations pour ce soir. Allons chez Four à bois manger une bonne pizza pâte mince croustillante.
B. Nous avons refusé de nous laisser séduire. Les féministes de la Fédération syndicale avaient raison. Admettons-le: nous sommes des machos et des misogynes. Surtout toi, l'Irlandais.
G. I'll drink to that, personne n'a jamais douté de ma virilité. J'ai arrêté de compter après 25. Une dernière demi-bière!
B. Tu te vantes! As-tu vraiment fait le décompte et te souviens-tu au moins des prénoms?
Santé Philaminte! Nous aimons votre parfum Cèlimène. Vous auriez trouvé une grande douceur à régner. Et, majesté, nous aurions pu être vos hommes-lige. Dans tout rebelle, il y a un un soumis qui sommeille et qui veut la sainte paix.
G. Tu es un peu gris toi l'homme fidèle. Es-tu saoul? Tu regrettes quoi au juste! Nous avons préféré être des "warriors".
B. Préféré? Nous n'avions pas le choix. Elle avait quand même de la prestance.
G. Tu veux parler de ses vêtements! De son apparence bourgeoise!
B. Quelle belle occasion ratée de fraterniser! Santé, l'Irlandais!
G. Le coup de foudre n'a pas eu lieu. Santé, le fin lettré.
B. Pourtant, nous n'avons qu'une vie à vivre...
G. Nous avons tenu tête. Et nous avons gagné.
B. La roue tourne comme disait Tchékhov; je suis sorti de la roue. Levons nos verres à la lutte que nous avons menée et au regret de ce qui aurait pu être.
G. Levons nos verres à l'amitié!
B. Levons nos verres à nos deux amis disparus. A Lise Latraverse! O proud Death!
G. A Daniel Lussier!
Now craks a noble heart. Good-night, sweet prince,
And fligths of angels sing thee to thy rest!
B. The rest is silence.

Silence. Long silence. (31 mars 2008)



C H R O N O L O G I E (1997-2005) E T 35 D O C U M E N T S

Et quand personne ne me lira, ai-je perdu mon temps de m’être entretenu tant d’heures oisives à pensements si utiles? (Montaigne)

Qui efface le passé efface le présent. (Proverbe argentin)

Je crois finalement qu’écrire fait partie de la liberté d’expression. On a le droit d’écrire comme on a le droit de parler. Quand on écrit, on ne fait taire personne. (Jacques Ferron)


Never explain, never complain. (Benjamin Disraeli)
(Ne jamais se justifier; ne jamais se plaindre, cité par Philippe Sollers))

Le vrai courage, c’est, au-dedans de soi, de ne pas céder, ne pas plier, ne pas renoncer, ne pas se laisser briser. (Jean-Pierre Vernant) Ce qui est la définition de la résilience.



Remarque

La chronologie et les 35 documents sont publiés ici pour authentifier tout ce qui précède. Tous les mots des documents étaient soupesés car la moindre erreur était exploitée par l'autre et parce que la plupart des documents que nous citerons ont été rendus publics pour multiplier leur force de frappe. Le fait de recevoir une lettre d'avocat livrée par huissier, une mise en demeure ou une poursuite judiciaire change tout. A partir de ce moment-là, vous marchez sur des oeufs. Cette annexe est une source précieuse pour qui veut reconstituer toutes les étapes d'un conflit politico-syndical dont seulement une douzaine d'acteurs ont connu tous les tenants et aboutissants. C'est un instrument qui doit être utilisé très librement. Elle aurait pu ne pas être publiée mais elle est utile si on sait bien s'en servir. Ceci étant dit, elle contient quand même quelques morceaux d'anthologie. La lettre sur l'ostracisme chez les Grecs mérite le détour; aussi la lettre dénonçant le complot tramé par la Directrice contre le Littéraire. Et celle du Directeur des études s'excusant et faisant l'éloge du Littéraire. Et surtout l'éloge de la Courageuse par le syndicat des enseignants.




C H R O N O L O G I E
(1997-2005)
D O C U M E N T S

Mai 1997: sélection de la Directrice générale; c’est le début de ce qu'elle appellera avec modestie l’an 1.

juin 1997: sélection de la candidate de Thetford Mines comme Directrice des ressources humaines. Le Syndicaliste est reçu en entrevue et est rejeté de façon humiliante.

août 1997: de retour des vacances d’été, la DéGère convoque le président du syndicat des enseignants qu’elle rencontre pour la première fois. Sans en avoir d’abord parlé à la personne concernée, elle fait état d’une plainte non écrite donc anonyme d’une étudiante adulte contre le Littéraire. Celui-ci a exigé une rencontre qui a tourné en affrontement. C'est le deuxième événement qui a déclenché les hostilités.

13 octobre 1997: lettre de protestation contre le fait que la DéGère veut nommer directement l’Adjointe aux programmes dite Kakafala comme Directrice des études sans passer par un comité de sélection. Lors d'un vrai comité de sélection, un professeur de philosophie d'un autre collège est choisi.

An 1, 1997-1998: la DéGère refuse de financer à même le surplus accumulé de 2.4$ millions trois nouvelles voies de sortie en assurances, en électrotechnique et en réseautique. Après une lutte d’un an pour éviter une augmentation de la tâche des enseignants, le syndicat obtient gain de cause.

15 juin 1998: lettre de deux membres du Comité des relations du travail (CRT), le Politique et le Littéraire. Cette lettre provoquera un psychodrame dont l’objectif est de nous faire comprendre que quiconque critique la directrice générale commet un crime de lèse-majesté et manque nécessairement de loyauté envers l’employeur. Le ton de notre lettre, paraît-il, est inacceptable. Le fameux ton qui nous sera reproché pendant cinq ans par l'avocate de service qu'on a baptisé le Ton à cause de cela.

D O C U M E N T 1: bilan de l’An 1

Montréal, le 15 juin 1998
Madame la Directrice générale,
Vous vous êtes engagée devant l’exécutif syndical à financer à 100% le coût des nouvelles voies de sortie(...) Ce financement à 100% relevait du gros bon sens étant donné la richesse collective accumulée de 2.4$ millions. (...)
Cette année, vous avez eu le déplaisir de vivre la dynamique entre l’exécutif syndical, la partie syndicale au Comité des relations du travail (CRT) et l’Assemblée générale. Nous espérons que vous avez compris que le rôle d’un exécutif syndical n’est pas de faire passer vos propositions que vous avez pris soin de présenter lors d’un repas bien arrosé au restaurant où vous avez payé l’addition. Vous réclamiez 4.2 ETC qui auraient été enlevés aux ressources à l'enseignement. Désormais, vous allez cesser de faire des rencontres avec l’exécutif. Comme prévu dans la Convention collective, les discussions doivent avoir lieu en Comité des relations de travail (CRT). Si vous ne changez pas vos façons de fonctionner, nous allons avoir les mêmes problèmes l’an prochain.
Si votre sourire au Conseil d’administration devant les propos serviles et méprisants à l’égard des enseignants du représentant des professionnels exprime votre vraie personnalité, si votre entourloupette du 109,000$ pris dans la réserve de l'enveloppe E réservée à l'enseignement au dernier CRT montrant que vous tenez à avoir raison à tout prix exprime votre vraie nature, nous prévoyons que l’an II se déroulera beaucoup plus sous les auspices de Mars que de Vénus.
Le Littéraire et le Politique, membres du Comité des Relations du Travail (CRT)

19 juin 1998: Pendant une réunion du Conseil d’administration, en l’absence des auteurs qui sont en vacances, un membre du C.A., agent d'assurances prospère, ami de la Dégère, dans un geste de censure inusité, déchire publiquement la lettre précitée. En tant que membre du Conseil d’administration, le Littéraire devra passer devant le Conseil de discipline. Amable (nous apprendrons plus tard qu’il est un ami de l’Avocate de service) assiste au Conseil à titre de technicien et, au téléphone, après avoir raconté avec un plasir sadique au Littéraire le geste théâtral et l'agressivité ambiante, il conclut: "Tu es dans la marde."

25 juin 1998: lettre disciplinaire du Collège versée aux dossiers des deux enseignants à cause de la lettre du 15 juin pour avoir tenu des propos inacceptables. Selon cette lettre patronale, les propos, le ton et les menaces sont totalement inacceptables. Nous ne nous attendions pas à ce genre de reproche de manque de loyauté envers l’employeur qui est mentionné dans le Code civil. Une approche juridique est prise par la Direction.

D O C U M E N T 2: lettre recommandée (aussi envoyée au Littéraire )

Monsieur le Politique
Le 25 juin 1998
Objet: Remarques défavorables versées au dossier
Monsieur,
Le 15 juin 1998, le Littéraire et vous-même, à titre de membres du CRT, adressiez une lettre à la Directrice générale avec copie au Président du Conseil d’administration, dans laquelle vous faites des remarques défavorables.
De tels propos tenus dans un contexte de négociations peuvent à la limite être tolérés. Autrement, des remarques telles celles soutenues dans votre lettre sont clairement irrecevables, causent préjudice au Collège et témoignent d’un flagrant manque de loyauté envers votre employeur.
Compte tenu que le Collège et le Syndicat (...) ont convenu d’une entente (...) le 11 juin dernier, c’est donc dire en dehors du contexte de négociations, les propos, le ton et les menaces formulées dans votre lettre sont considérés totalement inacceptables. Ils sont de toute évidence une preuve que vous avez causé préjudice au Collège et que vous n’avez pas agi avec loyauté envers votre employeur.
Par conséquent, soyez avisé que cette lettre est versée à votre dossier (...).
La Directrice des ressources humaines, des communications et secrétaire générale.

D O C U M E N T 3: autre lettre recommandée: suspension de six mois du CA

Le 25 juin 1998
Monsieur le Littéraire
Lors de sa réunion du 19 juin 1998, le Conseil d’administration fut saisi de la lettre que vous adressiez à la Directrice générale le 15 juin 1998 avec copie au Président du Conseil.(...)
(...) la présente est pour aviser que le Conseil de discipline entend vous imposer une suspension à titre d’administrateur et ce, jusqu’au 31 décembre 1998, pour les manquements suivants à vos obligations d’administrateur:
Considérant que vous n’avez pas agi dans le meilleur intérêt du collège;
que vous avez manqué à vos obligations que la loi vous impose
en ne faisant pas preuve de loyauté envers le Collège;
que vous n’avez pas agi avec modération dans vos propos, ni évité de porter atteinte à la réputation d’autrui et n’avez pas traité les autres administrateurs et administratrices avec respect. (...)
La conseillère en déontologie et secrétaire générale (L.B.)

20 août 1998: Ayant compris que ce qui fait problème, c’est sa participation au comité d’évaluation de la Directrice générale, le Littéraire est obligé de démissionner de ce comité pour se débarrasser de la lettre de doléances à son dossier qui est une première étape vers le congédiement. Il veut éviter aussi d’avoir à passer devant le Conseil de discipline du C.A.

20 août 1998: lettre d’entente entre le Collège et les deux enseignants, où les parties s’engagent “au respect mutuel” afin de “favoriser un climat de travail sain” et “d’encourager les relations professionnelles, les communications et les interactions harmonieuses”. Le Collège retire la lettre aux dossiers et s’engage à informer le Conseil de discipline de l’entente; le syndicat retire son grief en rapport avec la lettre du 15 juin. Au comité d'évaluation de la DéGère, le Littéraire fut remplacé par l’Ingénieur, autre représentant des enseignants au Conseil d’administration et qui pouvait être aussi critique. C’est ce qu’on appelle tomber de Charybde en Scylla. L’Ingénieur participa à deux réunions d’évaluation où il posa quelques questions embêtantes sur l’administration du budget. La directrice générale fit alors adopter un règlement sur la composition du comité d’évaluation: il n’y avait plus de membres de l’interne sur le comité. Le prétexte: le comité avait son mot à dire sur l’allocation aux hors-cadres du bonus annuel de 6% et des employés ne pouvaient intervenir dans ce processus. Le comité d’évaluation était formé de trois membres externes qui voyaient les choses de loin. La directrice prenait donc les moyens pour obtenir une évaluation favorable basée sur du papier, des bilans dont elle était elle-même l’auteur et qui justifiaient le fameux bonus de 6% et qui, éventuellement, justifieraient un renouvellement de mandat de cinq ans.

D O C U M E N T 4: Projet patronal d’entente présenté en août 1998; il a été modifié mais nous le citons parce qu’il révèle les façons de voir de la directrice.

Considérant la volonté des parties de favoriser le développement d’un climat de travail sain;
Considérant à ce titre leur commune volonté d’encourager les relations professionnelles, les communications et les interactions harmonieuses;
Considérant que les menaces, les comportements d’intimidation et tout autre comportement irrévérencieux contreviennent aux volontés ci-haut énoncées;
Les parties s’engagent au respect mutuel et à collaborer à la réalisation des volontés susmentionnées;
Les deux enseignants reconnaissent avoir, dans leur lettre du 15 juin 1998, tenu des propos inacceptables et en expriment leur regret. Le Collège retire la lettre versée aux dossiers. Le Syndicat retire son grief et renonce à tout autre grief. Toute dérogation à la présente entente entraînera sa nullité.

Commentaire
On remarque l’utilisation de l’article 2088 du Code civil qui décrète que l’employé a un devoir de loyauté envers son employeur. Les deux enseignants ont compris que toute critique de l'employeur les placerait dans une situation à risque en violation du devoir de loyauté. Avec cette mentalité, comment serait-il possible de faire du syndicalisme! Par ailleurs, l’ostracisme de quatre mois a été levé contre le représentant des enseignants au C.A. Dans ce document, on constate qu’une critique syndicale est considérée par la partie patronale comme “un comportement irrévérencieux”. La DéGère se comportait donc comme une Mère supérieure dans un couvent. Ou une des femmes savantes de Molière. Ou mieux encore, comme disait le caricatural Collins, dans "Orgueil et préjugés" de Jane Austen, la Très Honorable lady Catherine de Bourgh

D O C U M E N T 5: Dans une lettre adressée au président du Conseil d’administration, en date de 12 août 1998, donc avant l’entente du 20 août, le Littéraire a expliqué l'ostracisme dont il était la victime en remontant aux Grecs de l'Antiquité.

Monsieur le Président,
En préparant un cours sur la littérature grecque ancienne, dans le contexte de la suspension qui plane sur ma tête “à titre d’administrateur et ce, jusqu’au 31 décembre 1998” pour des gestes posés à titre de membre du CRT et nullement comme administrateur, suspension qui aura pour effet, entre autres, de m’empêcher de siéger au Comité d’évaluation de la Directrice générale et du Directeur des études, j’ai étudié la notion d’ostracisme dont j’aimerais vous entretenir ici.
Dans “La Cité antique” de Fustel de Coulanges, nous lisons:
Les anciens ne connaissaient ni la liberté de la vie privée, ni la liberté de l’éducation, ni la liberté religieuse. La personne humaine comptait pour bien peu de chose vis-à-vis de cette autorité sainte et presque divine qu’on appelait la patrie ou l’Etat. L’Etat pouvait frapper sans qu’on fût coupable et par cela seul que son intérêt était en jeu. Aristide assurément n’avait commis aucun crime et n’en était même pas soupçonné; mais la cité avait le droit de le chasser de son territoire par ce seul motif qu’il avait acquis par ses vertus trop d’influence et qu’il pouvait devenir dangereux, s’il le voulait. On appelait cela l’ostracisme. L’ostracisme n’était pas un châtiment; c’était une précaution que la cité prenait contre un citoyen qu’elle soupçonnait de pouvoir la gêner un jour. A Athènes, on pouvait mettre un homme en accusation et le condamner pour incivisme, c’est-à-dire pour défaut d’affection envers l’Etat. La vie de l’homme n’était garantie en rien dès qu’il s’agissait de l’intérêt de l’Etat. (Fustel de Coulanges, “La Cité antique”, Flammarion, Paris, 1984, p.268)

Jacqueline de Romilly écrit dans son excellent livre: “Alcibiade”:
L’ostracisme consiste à exiler un homme politique mais cet exil n’a rien d’infamant et n’est pas une punition. Son principe est d’écarter quelqu’un qui gêne ou contrarie la politique athénienne, soit parce qu’il prend trop d’importance, soit parce qu’il y a heurt entre deux chefs et deux politiques. On écartait l’un des deux et l’autre avait les mains libres.
(Jacqueline de Romilly, “Alcibiade”, Livre de poche, p.74)

Le Collège-la DéGé (l’Etat-la cité) se drape du code d’éthique et de déontologie et m’accuse de manquements à mes obligations d’administrateur alors que j’ai agi dans l’exercice d’une fonction syndicale et non comme administrateur. En fait, à la demande de la DéGé “qui se sent menacée” et qui ne veut pas être évaluée “par quelqu’un qui n’est pas neutre”, l’exécutif du Collège suivi d’un CA a exercé un ostracisme de quatre mois. Ayez dont l’honnêteté intellectuelle de le reconnaître. Cet ostracisme est une décision purement politique qui utilise le Code d’éthique à des fins politiques, pour m’empêcher de siéger au Comité d’évaluation.
Votre décision montre votre difficulté à accepter une opposition à l’image d’une directrice générale qui continue à dire que son projet de développement des programmes a été adopté à l’unanimité malgré l’opposition par vote et expliquée par écrit de l’Ingénieur. Dans le meilleur intérêt du Collège, en tant que membre du Comité des relations du travail qui sait de quoi il parle, je tiens à réaffirmer que je désapprouve complètement sa façon de mener des relations de travail. Si on avait à appliquer un code d’éthique aux tactiques de négociation et aux manoeuvres déployées par la partie patronale en particulier au CRT du 11 juin, elle ne passerait pas le test. Quand on négocie, il faut avoir un minimum de respect pour l’autre partie. et un minimum d’honnêteté intellectuelle. Je trouve assez ironique que la personne qui exige l’unanimité pour pouvoir fonctionner quitte à la créer de toutes pièces quand elle n’existe pas, m’accuse de manquer d’éthique.
En somme, en me suspendant comme administrateur, vous commettez un ostracisme. Le problème, c’est que cette vieille institution grecque n’existe pas dans la loi des collèges et ne fait pas partie de nos règlements. Comment allez-vous sortir du dilemme où les deux lettres recommandées du 25 juin 1998 vous ont placé par une décision prise par un Comité exécutif-conseil de discipline où siègent deux membres qui sont en conflit d’intérêt, la Directrice générale et le Directeur des études qui ne veulent absolument pas me voir siéger au Comité qui doit les évaluer? Salutations.

Explications complémentaires

1- Dénoncer l'entourloupette du 109,000 $ qui devait servir à financer les coûts de convention, cela méritait une punition: lettre au dossier; suspension du Conseil d’administration et obligation de passer devant le conseil de discipline; deux lettres recommandées datées du 25 juin dont l’avis postal a été reçu le vendredi en l’absence du destinataire et dont le Littéraire n’a pris connaissance que le 2 juillet, le lendemain du congé férié de la fête du Canada. Tout le monde aura remarqué la délicate attention qui consiste à vouloir l’inquiéter et l’occuper pendant ses vacances.

2- Après avoir enfin reçu les procès-verbaux du Conseil d’administration, nous avons constaté que la menace de suspension du Littéraire jusqu’au 31 décembre et les accusations sur la conduite de l’enseignant membre du Conseil étaient inscrites dans une résolution du comité exécutif-conseil de discipline adoptée par deux membres présents sur cinq donc sans quorum était illégale. Comme notre alliée, présidente de l’association étudiante dite l’Etudiante, était membre de l’Exécutif du Collège, nous étions bien informés. La lettre recommandée du 25 juin si désagréable, excessive et injuste était donc sans fondement légal, ce que le Conseil d’administration du 22 septembre a reconnu à l’unanimité, après les explications convainquantes de l’enseignant. La page 648 du procès-verbal du 22 juin qui accuse l’enseignant n’existe plus et même n’a jamais existé. C’est toute une déconfiture pour la directrice générale qui a perdu la face devant tout le monde. Mais, à la prochaine occasion, elle a fait modifier la régle du quorum pour les réunions de l’exécutif du Collège. Mars ne réussit pas à la DéGé, elle qui dit préférer les rapports vénusiens même si, comme elle l’a écrit elle-même, "le coup de foudre est maintenant terminé". Après des mois de désaccord sur le financement des nouvelles voies de sortie (assurances, réseautique, électrodynamique), elle a tenté de sauver la face en faisant inscrire que le conflit avait abouti à une entente gagnant-gagnant, expression vide comme les aiment les administrateurs. Parlant de cadres et de hors-cadres, suite à notre expérience, on a conclu que les enseignants ambitieux et souvent frustrés qui quittent l’enseignement pour devenir cadres dans le réseau collégial n’ont souvent pas la formation et les qualités nécessaires pour exercer des fonctions de gestion. Au moins une session de formation à l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales de Montréal ne leur ferait pas de tort.

15 avril 1999: l’Adjointe aux programmes dite Kakafala qui nous en veut, entre autres, de nous être opposés à sa nomination au poste de directrice des études, convoque le Littéraire à son bureau en présence du coordonnateur du département de français, le Grammairien. Pendant plus d’un mois, elle a espionné l’enseignant et lui reproche des classes vides à quatre reprises. A trois occasions, l’enseignant était dans un autre local avec écran pour visionner le Misanthrope de Molière; l’autre classe vide s’expliquait par une journée de maladie. Echec et mât. L’Adjointe, piteuse, remercie l’enseignant de sa collaboration (et de son calme). Après la tentative ratée de passer un questionnaire en bureautique et la pseudo-plainte, c’est la troisième manifestation de harcèlement. Le harcèlement est fait de conduites vexatoires qui sont hostiles et non désirées et qui créent un milieu de travail néfaste.

(Dans le cas du Politique, qui enseigne depuis 20 ans, l’Adjointe, qui est une libérale notoire et épouse de l'ex-député libéral sous Robert Bourassa profitera de difficultés temporaires pour lui imposer la présence humiliante dans sa classe d’un professionnel pendant quelques cours avec une évaluation des élèves qui, heureusement, fut positive.)

D O C U M E N T 6: lettre de l’Adjointe suite à sa tentative ratée de prendre le Littéraire en défaut.

Le 15 avril 1999
Monsieur le Littéraire
Objet: Notre rencontre du 15 avril 1999
Monsieur,
Pour donner suite à notre rencontre du 15 avril, je vous rappelle que vous ne devez pas modifier votre horaire de cours sans autorisation. Si, pendant la session, vous avez à déplacer vos heures de cours, vous devez en aviser votre coordonnateur ainsi que la Direction des études.
Si pour des raisons pédagogiques, vous avez des contraintes spécifiques, vous devez les exprimer lors de la distribution des charges au moyen du formulaire de contraintes d’horaire de cours.
J’ai apprécié votre attitude de collaboration lors de cette rencontre.
Veuillez recevoir l’expression de mes salutations les meilleures.
L’Adjointe à la direction des études, aux programmes et aux départements (L.K.) c.c.: coordonnateur du département de français

Commentaire
Quand une adjointe veut coincer un enseignant, elle doit faire preuve de précision et de rigueur, autrement dit de professionalisme. Ce n’est pas ici le cas. Ainsi, l’enseignant n’a pas modifié son “horaire de cours”, ni déplacé ses “heures de cours”. A l’heure prévue dans son “horaire”, il a déplacé ses élèves vers le local-C-2103 pour passer un vidéo sur le Misanthrope de Molière. Comme il fallait faire vite pour l'espionner sans qu'il s'en rende compte, et bien, on est allé trop vite.

15 septembre 1999: six secrétaires refusent de participer à une opération tournée des locaux ayant pour but avoué la vérification que les enseignants donnent effectivement leurs cours. Ces femmes responsables disent qu’il n’y a aucun avantaqe à ce que le personnel de soutien soit perçu comme délateur, “Père Ovide”, porte-panier et que l’efficacité de leur travail suppose des liens de confiance avec les enseignants. C’est un autre échec de la Direction. La solidarité de nos collègues féminines est très appréciée. Après l’échec de l’espionnage du professeur de français, les penseurs de l’administration reviennent à la charge. Grandpied, avec son tact habituel et ses gros sabots, tente de mobiliser les secrétaires une par une; elles ont répliqué collectivement d’une façon cinglante en prenant bien soin de préciser ironiquement qu’elles ne sont pas en rébellion. En revoyant sur ARTV des épisodes des Belles histoires des pays d'en-haut de Claude-Henri Grignon, on comprend la virulence de la référence au Père Ovide, le rapporteur officiel de Séraphin. Merci à Carol, Nancy, Claire, Nicole, Sylvie et Chantale.
Voici cette lettre remarquable de précision et de fermeté.

D O C U M E N T 7 : six secrétaires disent NON à la délation

Le 15 septembre 1999
Adjoint à la direction des études, organisation scolaire

Les personnes signataires ont été choisies par le Collège pour une opération “tournée des locaux” ayant comme but avoué la vérification que les enseignements donnent effectivement leurs cours.
Les personnes soussignées refusent cette tâche pour les raisons suivantes:
+ Nous n’avons aucun avantage à diviser nos forces;
+ Nous croyons que pour l’efficacité de notre travail nous devons créer des liens de confiance avec les enseignants et non provoquer des situations de conflits;
+ Nous ne croyons pas que ce genre de contrôle relève du personnel de soutien;
+ Il n’existe pas de tâche de “surveillant d’enseignants” dans notre convention collective;
+ Nous n’avons pas avantage à ce que le personnel de soutien soit perçu comme délateur, “Père Ovide”, “porte-panier”.
Après discussion avec les autres membres de notre syndicat, il ressort que notre position est partagée par l’ensemble du personnel de soutien.
Nous souhaitons vivement que ce genre d’ajout de tâche “nouvelle et litigieuse” soit évaluée en CRT AVANT d’ëtre présenté aux personnes, s’il y a toujours lieu.
Ce NON catégorique n’est pas une rébellion mais une position inconfortable que nous ne nous sentons pas obligées et ne voulons pas tenir.
Carol T., Nancy P., Claire B., Nicole F., Sylvie B., Chantale G.
c.c. Directrice générale, Directeur des études, DRH, Syndicats du personnel de soutien, des enseignants et des professionnels

de septembre à novembre 1999: les trois premiers numéros de La Sentinelle, bulletin d’information syndicale, sont publiés.

D O C U M E N T 8: Lettre ouverte à la Directrice générale sur la cessation de la coupure de 2.5% signée par les sept enseignants membres du CRT

Lundi, 24 janvier 2000
Madame,
Dans le contexte des coupures des coûts de main-d’oeuvre de 6% du gouvernement de Lucien Bouchard pour atteindre le déficit zéro, depuis mars 1997, nos salaires sont coupés de 2.5% Cette coupure nous a fait mal et nous espérions tous que les négociations nous en débarrassent au plus sacrant. Quand on a un minimum de respect des enseignant(e)s et un minimum de sens politique, on ne songe même pas à “jouer” avec cette coupure de 2.5%. Or, au Comité des relations de travail (CRT) du vendredi 14 janvier, la partie syndicale a appris que vous avez décidé de couper nos salaires jusqu’en avril prochain, moment prévu pour la signature de la convention collective. (...)
Nous vous rappelons qu'il y a eu une entente au niveau national: la coupure de 2.5% doit cesser le 1er janvier 2000. Et nous vous demandons de la respecter. (...)

17 octobre 2000: le Syndicat distribue à ses membres via les casiers personnels des enseignants un Bulletin d’information intitulé: Complément à l’Info-CA qui est intercepté et lu, en Régie, par les quatre directeurs, avant sa distribution aux enseignants. Le Bulletin syndical décrit d'une façon détaillée le fonctionnement ubuesque d’une réunion du Conseil d’administration sur la privatisation de la Cafétéria. Suite à cette interception, le Syndicat dépose un grief qu’il gagnera sur le droit à la liberté d’expression et le droit d’utiliser le service de courrier interne pour tout document d’information envoyé à ses membres et sans conditions. Comme négociateur patronal, le directeur des ressources matérielles faisait le matamore; il était agressif au point qu’à deux reprises, il a poussé la gérante de la cafétéria jusqu’au bord des larmes. C’est un exploit qui n’a pas été raconté dans les gazettes. Après nous avoir quitté, il continua dans le même style dans un autre collège comme directeur général et, en décembre 2006, après une série d’articles bien documentés du journal local sur les corporations apparentées axées sur l’International et une enquête de juricomptables, il a été obligé de démissionner de son poste de DéGé. L'arbre tombe souvent du côté où il penche.

D O C U M E N T 9: Le dossier des services alimentaires et de la cafétéria

C O M P L E M E N T À L ‘ I N F O-CA, vol.4 no.18 (publié le 4 octobre 2000 à la suite de la réunion du 27 septembre 2000)

(Signé par les quatre membres de l’exécutif syndical; envoyé à tous les enseignants. Le Complément à l’Info-CA décrit en détail une réunion du C.A. sur le dossier de la privatisation de la cafétéria; il a été intercepté par la Direction avant sa distribution dans les casiers des enseignants, geste qu’un arbitre a jugé illégal.)

Notre propre honneur est intéressé dans de pareilles manoeuvres et l’action de ces mercantiles est si détestable que ç’eût été y prendre part que de ne pas s’y opposer.
(inspiré de Molière, Dom Juan, acte 3, scène 3)

Texte intégral de la proposition déposée au Conseil d’administration
Attendu que le projet éducatif du Collège prône l’honnêteté intellectuelle, le respect des personnes, la qualité de vie et non le mercantilisme;
Attendu que le Café du Bourg est un organisme sans but lucratif qui offre d’excellents services alimentaires depuis 22 ans;
Attendu que le Café du Bourg ne doit pas être traité comme un organisme extérieur au Collège auquel on imputerait des coût d’utilisation des équipements (électricité) ou de services (conciergerie etc.) comme si ces coûts n’étaient pas déjà financés par le Ministère (augmentation des frais d’opération de 4 800$)
Attendu que les “négociations” qui ont conduit à une augmentation de loyer de 14 250$ à 18 000$ avec la menace d’aller en appel d’offres pour obtenir plus de revenus pour le Collège, ont eu comme conséquence la déstabilisation du Café du Bourg et l’iinsécurité des employés de la cafétéria et du Café-Inn et sont directement responsables de la fermeture du Café-Inn;

Il est proposé par le Littéraire et appuyé par l’Ingénieur:
1- Que le C.A. confirme et maintienne le Café du Bourg dans sa vocation d’organisme sans but lucratif dont l’objectif est la qualité des services alimentaires offerts aux élèves et aux personnels du Collège au meilleur coût possible;
2- Que le C.A. rejette la possibilité d’aller en appel d’offres et rejette l’orientation qui consiste à donner un but lucratif aux services alimentaires;
3- Suite à la demande générale, que des négociations soient entreprises pour permettre la réouverture du Café-Inn dans les plus brefs délais;
4- Afin que ne se reproduisent plus la démoralisation et le stress causés par les “négociations” de l’année dernière, éléments de nature à nous priver de services alimentaires de qualité, que le C.A. s’assure du maintien à long terme du Café du Bourg comme organisme à but non lucratif qui administrera la cafétéria et le Café-Inn dans la stabilité et le respect.

24 janvier 2001: communiqué de l’exécutif du syndicat à tous les enseignants intitulé: la double incompétence accompagné d’un tableau démontrant que la règle du 70%-50% est absurde puisqu’elle rend impossible l’accès à un examen de reprise. Sous l’administration précédente, le budget de $25,000. par année devant servir au centre d’aide en français avait servi à d’autres fins pendant cinq ans. Regardez dans les annuaires de cégep des années 90 et vous verrez qu’il y a un seul collège francophone à ne pas avoir de picot noir à côté de son nom indiquant l’existence d’un centre d’aide en français. Comme on le constate, les administrateurs de notre collège, il n’y a rien à leur épreuve.

D O C U M E N T 10: L A D O U B L E I N C O M P E T E N C E

Mise en contexte

A la demande du Comité d’évaluation du Conseil d’administration, le Syndicat a émis un avis négatif sur le renouvellement de mandat du Directeur des études. Mandaté par l’Assemblée générale, l’exécutif du syndicat a donné les raisons motivant le non renouvellement sans se faire d’illusion sur le poids de cet avis: ce ne sont pas les enseignants qui ont le pouvoir dans ce Collège, c’est la Directrice générale. Et de fait, le Directeur des études a vu son mandat renouvelé pour cinq autres années.

Voici le texte qui a déclenché la judiciarisation de nos relations de travail

24 janvier 2001
Expéditeurs: les quatre membres de l’exécutif du syndicat
Destinataires: tous les membres du Syndicat des enseignants

L A D O U B L E I N C O M P E T E N C E
Cet automne, le Conseil d’administration a adopté un plan de réussite qui donne aux élèves ayant obtenu entre 50% et 60% comme note finale du bulletin la possibilité d’un examen de reprise. La double sanction et la nécessité d’avoir obtenu 70% durant la session éliminaient cette possibilité. Les enseignants se sont opposés à la double sanction et l’ont fait savoir au Directeur des études. La double sanction a été maintenue et il a fallu une délégation d’élèves et un vote de boycott de l’assemblée syndicale des enseignants pour ébranler notre brillant directeur. A propos du 70%, le soir même de l’adoption du plan de réussite par le C.A., il fut averti (par le Littéraire) de l’absurdité de la règle du 70% accompagnée de l’obligation d’avoir obtenu au moins 50% à l’examen final, (ce qui est une double sanction, d’où le titre, ironique, de la lettre) absurdité démontrée par le tableau qui suit. Réponse du Directeur des études: vous ne comprenez pas les exigences de l’évaluation par compétences. Il a maintenu la règle de double sanction du 70%-50% et organisé une journée pédagogique sur les “compétences”. Ce qui fait la preuve de sa double incompétence.
S’il est évident que tout a été fait pour qu’il n’y ait pas d’examens de reprise à la fin de la session d’automne 2000, comment l’expliquer? Avec cette administration mercantile, il faut regarder l’aspect financier. Pour l’application du plan de réussite, le montant d’argent donné par Québec est de 103 700$. L’administration a préféré utiliser autrement cet argent plutôt que de payer des enseignants en temps supplémentaire pour des examens de reprise.
Le directeur des études demande un renouvellement de mandat de cinq ans. Est-ce que les membres externes du C.A. qui ont le droit de vote tiendront compte du manque de jugement que le Directeur des études a montré dans le dossier de la double sanction et des examens de reprise? Placer des enseignants et des élèves dans une situation absurde, est-ce que ça améliore le climat de travail et est-ce que ça contribue à la bonne réputation du collège ?
( au verso) L’aide à la réussite: mythe ou réalité?
La preuve mathématique que pour être éligible à l’examen de reprise, il faut que l’étudiant ait réussi son cours
Session: valeur 70%; examen final: valeur 50%: total obtenu
50x70%= 35; 50x50%= 25; total: 60
60 x70%=42; 40x50= 20; total: 62
70x70%= 49; 30x50= 15 ; total: 64
80x70= 56; 20x50= 10; total: 66
Morale de cette histoire: si vous appliquez la régle du 70% de la session et du 50% de l’examen final comme critère d’éligibilité, prescrite par la direction des études, aucun de vos élèves ayant échoué n’aura droit à un examen de reprise.

Commentaire
Prenons un exemple. En français, la session compte pour 50% de la note du bulletin et l’examen final 50%. Il fallait avoir eu 70% pendant la session soit 35 points; et 50% à l’examen soit 25 points. Il fallait donc avoir eu 60% qui est la note de passage pour avoir droit à une reprise, ce qui est absurde. En sciences humaines, la session compte pour 70% et l’examen pour 30%. 70% de 70 égale 49 points; 50% de 30 égale 15: total 64. Il fallait avoir eu 64% pour avoir droit à l’examen de reprise, ce qui est absurde. Comme disait un professeur de maths à la voix de stentor: “C’est mathématique!” Au lieu de reconnaître immédiatement son erreur, le Directeur des études, sous les ordres de la directrice générale qui est sa supérieure hiértarchique, nous a envoyés une mise en demeure, première étape vers une poursuite judiciaire.

31 janvier 2001: au nom du Collège, lettre d’un des avocats du contentieux de la Fédération des cégeps; c’est une mise en demeure de nous rétracter et de nous excuser d’avoir écrit des propos diffamatoires.

D O C U M E N T 11: mise en demeure envoyée par un avocat de la Fédération des cégeps

Montréal, le 31 janvier 2001
PAR HUISSIER
Aux quatre membres de l’Exécutif
Syndicat des enseignants
Objet: Cégep de Germaine-Guèvremont c. vous-même
Messieurs,
Nous représentons le Cégep de Germaine-Guèvremont qui nous a confié le mandat de vous transmettre la présente.
Le ou vers le 24 janvier 2001, vous faisiez parvenir à l’ensemble des enseignants du Cégep une lettre intitulée “La double incompétence” dans laquelle vous alléguez la “double incompétence” et le “manque de jugement” du directeur des études du Cégep. De tels propos sont injustifiés, diffamatoires et inacceptables. Le Cégep ne saurait tolérer d’attaque aussi indue à l’endroit d’un représentant de sa direction.
Conséquemment, vous êtes mis en demeure de vous rétracter de ces propos par écrit auprès de l’ensemble des enseignants du Cégep et ce, dans les cinq (5) jours de la réception de la présente. De plus, vous êtes également mis en demeure de présenter, dans le même délai, vos excuses écrites au Directeur des études.
A défaut de vous conformer à la présente dans les délais qui y sont mentionnés, nous avons le mandat d’entreprendre contre vous tous les recours judiciaires nécessaires au respect des droits du Cégep et des membres de sa direction sans autre avis ni délai.
Veuillez agir en conséquence,
Stéphane G., avocat

5 février 2001: en réponse à la mise en demeure, les quatre membres de l’exécutif du syndicat envoient une lettre où ils retirent leurs propos mais en ajoutant que cela ne règle pas le problème qu’ils ont soulevé sur la politique absurde d’évaluation qui n’a pas encore été corrigée. Ils annoncent que la directrice générale sera évaluée par tous les enseignants, à la demande du Comité d’évaluation du C.A., ce qui permet à l'administration de conclure que nos excuses ne sont pas sincères.

D O C U M E N T 12: l’exécutif se conforme à la mise en demeure et retire ses propos

5 février 2001
Expéditeurs: L’Exécutif du Syndicat
Destinataires: Tous les membres du Syndicat des enseignants
Objet: Mise en demeure datée du 31 janvier 2001

Chers membres,
Par le moyen d’une lettre d’avocat expédiée au Syndicat le 31 janvier 2001, la direction du Collège considère que les expressions “double incompétence” et “manque de jugement” utilisées dans notre communication du 24 janvier dernier seraient “injustifiées, diffamatoires et inacceptables”, opinion que nous ne partageons pas.
La direction du Collège nous demande de retirer lesdits propos et de nous excuser auprès du directeur des études, ce que nous faisons volontiers par la présente et ce, dans l’intérêt supérieur de l’ensemble de la communauté collégiale, mais sans pour autant renoncer ni à nos droits syndicaux, ni à notre liberté de pensée et de parole.
Toutefois, bien que cette mise en demeure nous rappelle les lois sacrées du “décorum”, qu’il nous soit permis de revenir sur le fond et de souligner qu’il n’est pas dans l’intérêt des élèves qu’après trois semaines de la session d’hiver, les règles du jeu ne soient pas encore clarifiées par rapport à la double sanction et à l’examen de reprise.
Par ailleurs, l’Exécutif profite de la présente pour vous informer qu’il sollicitera, lors de la prochaine assemblée générale, le mandat d’amorcer le plus rapidement possible le processus d’évaluation de la directrice générale en fonction depuis le printemps 1997 comme nous le demandent les règlements du Conseil d’administration.
Nous reviendrons sur ces dossiers à la prochaine asssemblée syndicale qui se tiendra mardi le 13 février. c.c. directeur des études

Commentaire
Cette lettre du 5 février n’a pas été acceptée par la Direction. Alors, l’Exécutif a demandé au Collège un modèle de lettre de rétractation et d’excuses. Le modèle qui a été déposé par la Directrice des ressources humaines au Comité des Relations du Travail du 15 mars 2001 a été accompagné de menaces de poursuites judiciaires...

15 mars 2001: puisque la lettre du 5 février n’est pas considérée par la Direction comme une lettre “d’excuses sincères”, l’exécutif du syndicat lui demande un projet de lettre d’excuses. Voici ce projet patronal.

D O C U M E N T 13: projet patronal de rétractation et de lettre d’excuses

15 mars 2001
Monsieur le directeur des études
Monsieur,
Suite à la position du Collège qui ne reconnaît pas notre lettre du 5 février comme une véritable rétractation, ni de sincères excuses, suite à nos propos contenus dans notre lettre du 24 janvier 2001, veuillez prendre note des commentaires suivants:
Nous retirons formellement les propos tenus à votre endroit soit, principalement et non limitativement, “double incompétence” et “manque de jugement”, contenus dans notre lettre du 24 janvier 2001.
Nous tenons également à vous formuler nos plus sincères excuses eu égard aux circonstances. c.c. Tous les enseignants du Collège

26 mars 2001: en nous inspirant du modèle patronal, nous écrivons une deuxième lettre de rétractation et d’excuses mais nous réclamons que la Direction admette ses torts et corrige ses erreurs et nous mettons un texte de Montaigne, en exergue, qui met le feu aux poudres. Cette citation donnait à la Direction, paraît-il, des raisons de douter de notre sincérité: on aurait dit que, pour elle, la sincérité consistait à nous transformer en syndicat de boutique qui approuve toutes ses initiatives et son style autoritaire. Nous en avons conclu que le conflit perdurait et les menaces de poursuites étaient maintenues à cause des citations des Essais: on s’est dit : C’est la faute à Montaigne.

D O C U M E N T 14: deuxième lettre de rétractation et d’excuses envoyée par l’Exécutif du syndicat avec copie à tous les enseignants

Le 26 mars 2001
"Nous devons la sujétion et l’obéissance à tous rois car elle regarde leur office: mais l’estimation, non plus que l’affection, nous ne la devons qu’à leur vertu. Donnons à l’ordre politique de les souffrir patiemment indignes, de celer leurs vices, d’aider de notre recommandation leurs actions indifférentes pendant que leur autorité a besoin de notre appui." (Montaigne, Essais, Livre 1, ch. 3)

Monsieur le directeur des études,
Comme nous l’avons fait dans notre lettre du 5 février 2001, nous retirons formellement les propos tenus à votre endroit, soit “double incompétence” et “manque de jugement” contenus dans notre lettre aux enseignants datée du 24 janvier 2001.
Si cette lettre du 24 janvier 2001 vous est apparue comme un manque de respect de votre personne, nous le regrettons puisque telle n’était pas notre intention et puisque ce qui était visé, ce n’était pas la personne mais uniquement l’exercice de la fonction.
Lors de notre rencontre constructive du 15 mars 2001, nous avons formulé des demandes d’amélioration du fonctionnement du CRT et nous avons souhaité plus de respect de la part des cadres et des hors-cadres à l’égard des enseignants qui sont des spécialistes de l'évaluation (...)
En terminant, il est opportun d’ajouter que le Collège s’est engagé à ce que la présente lettre mette fin à ce litige et élimine complètement et définitivement la possibilité de recours judiciaires et/ou de mesures disciplinaires contre les membres de l’Exécutif du syndicat, engagement que nous aimerions avoir par écrit dans les plus brefs délais.

27 mars 2001: lettre de l’Avocate directrice des ressources humaines qui nous accuse de manquer de sincérité; le Collège refuse de s'engager à ne pas poursuivre en justice les quatre membres de l’exécutif du syndicat; le litige continue de plus belle. Le Collège s’enfonce volontairement dans une judiciarisation des relations de travail.

D O C U M E N T 15: lettre de refus patronal de reconnaître la sincérité de notre lettre d’excuses signée par la DRH; c.c. à tous les enseignants.

Le 27 mars 2001
A l’Exécutif du Syndicat
Messieurs,
Suite à la lettre que vous avez adressée au Directeur des études et distribuée à l’ensemble des enseignants le 26 mars, (...) nous ne reconnaissons pas cette lettre comme mettant fin au litige.
Directrice des ressources humaines, des communications et sec. générale

D O C U M E N T 16: Lettre du Président du syndicat à la Directrice générale, avec copie conforme au DE et à la DRH et à tous les enseignants en réponse à la lettre de refus patronal

Le 2 avril 2001
Madame la Directrice générale
Rappelons les faits. Après avoir blâmé le Collège dans sa gestion de l’examen de reprise, nous avons reçu, sous votre impulsion et votre responsabilité, une mise en demeure qui exigeait une rétractation et des excuses.
Dans une lettre datée du 5 février 2001, nous avons obtempéré. Mais vous n’y avez pas trouvé “une véritable rétractation”, “ni de sincères excuses”, ce qui était la preuve que vous teniez à prolonger le conflit. Nous avons alors demandé à la Directrice des ressources humaines un “modèle” de lettre de rétractation et d’excuses et nous avons fait l’offre suivante: l’exécutif du syndicat serait prêt à signer une déclaration conjointe où le Collège reconnaîtrait son impéritie dans sa gestion de la Politique institutionnelle d’évaluation des apprentissages et s’engagerait à plus de respect envers les enseignants qui s’opposent avec raison à la double sanction. Cette possibilité que le Collège admette humblement ses erreurs et s’en excuse fut reçue comme un crime de lèse-majesté et a été rejetée du revers de la main. Il n’était pas question que l’Autorité reconnaisse ses torts, cette autorité qui tente de s’imposer à coup de lettres d’avocat.
A partir de ce refus, il n’y avait pas d’entente possible et cela a été dit clairement au Directeur des études et à la Directrice des ressources humaines lors de la rencontre du 15 mars.
Comme il n’y a pas eu d’entente le 15 mars, pourquoi l’Exécutif du syndicat aurait-il été obligé d’avoir votre approbation pour écrire une deuxième lettre de rétractation et pourquoi fallait-il votre “permission” pour la distribuer à l’ensemble des enseignants? Le Syndicat n’a pas d’imprimatur à recevoir de la Directrice générale quand il écrit à ses membres.
Cette mise au point étant établie, nous tenons à vous dire qu’en prolongeant le litige au détriment des dossiers urgents que nous avons à régler, vous faites la preuve que vous n’avez pas le sens de l’intérêt général.
La plupart des enseignants pensent que vos menaces de poursuites judiciaires sont une tentative d’intimidation et de censure qui ne respecte pas les droits syndicaux et va à l’encontre de la liberté d’expression.
Jusqu’où irez-vous dans cette voie sans issue?

3 mai 2001: devant le refus des avocats de la Fédération des cégeps de s’engager dans la voie des poursuites, un avocat local dépose en Cour supérieure, au nom du Directeur des études et du Collège Germaine-Guèvremont, une requête en diffamation, atteinte à la réputation contre L’Ebéniste, le Politique, le Littéraire et l’Irlandais et leur réclame, personnellement, la somme de 80,000 $ en dommages et intérêts.

D O C U M E N T 17: poursuite de 80,000 $ contre les quatre membres de l’exécutif du syndicat
M. le Directeur des études et Cégep Germaine-Guèvremont, requérants envoient aux quatre membres de l’Exécutif et au Syndicat une “requête en diffamation, atteinte à la réputation et dommages, en Cour supérieure, chambre civile, pour “des propos diffamatoires et méprisants” tenus à l’endroit du requérant et parce que “non seulement les intimés ne se sont pas rétractés, mais ils ont réitéré leurs propos aux termes d’une seconde missive datée du 5 février 2001”. “Il est manifeste que les intimés voulaient s’en prendre malicieusement au requérant”(...) “pour ruiner ses chances d’être reconduit dans ses fonctions de directeur des études”. “Les propos diffamatoires ont eu pour but de nuire volontairement à la réputation, l’intégrité et à l’honneur du requérant et, par conséquent, de la co-requérante, le Cégep Germaine-Guèvremont. ” “Les intimés ont grandement porté atteinte à la crédibilité professionnelle du requérant, laquelle est essentielle à sa charge de directeur des études.” “Les propos diffamatoires constituent un exercice abusif de la liberté d’expression.”
“Le co-requérant est en droit de réclamer des intimés la somme de 45 000$ représentant les dommages qu’il a subis par la faute des intimés et dont le détail s’établit comme suit: a) atteinte à la réputation, préjudice moral et physique, stress et autres inconvénients: 35 000$ b) dommages exemplaires: 10 000 $
La co-requérante, Cégep Germaine-Guèvremont, réclame des intimés la somme de 25 000 $ pour atteinte à la réputation majorée de 10 000 $ pour dommages exemplaires et punitifs.

24 mai 2001: l’Assemblée syndicale donne à son exécutif la tâche d’évaluer le premier mandat de la Directrice générale de 1997 à 2002, qui doit prendre fin le 30 juin 2002. L’exécutif syndical engage une firme pour accomplir cette tâche de façon objective et sérieuse. Pendant la session d’automne 2001, à l’aide de trois longs questionnaires portant sur les nouvelles technologies, la promotion et l’image, les fonctions administratives et relationnelles, une centaine d’enseignants sont consultés et évaluent consciencieusement et librement la Directrice générale.

14 juin 2001: plainte du syndicat contre le Collège en vertu de l’article 15 du Code du travail qui accuse la Direction de se servir de la Cour supérieure à des fins anti-syndicales et en guise de représailles à cause de notre opposition à la façon de gérer de la Directrice générale. Mme Louise Verdone sera la Commissaire qui entendra notre cause.

D O C U M E N T 18 : En réplique à la poursuite du Directeur des études, chacun des quatre membres de l’Exécutif a porté plainte en vertu de l’article 15 du Code du travail, le 14 juin 2001.

J’ai été l’objet d’une poursuite non fondée suite à l’envoi d’une lettre concernant une décision d’ordre pédagogique prise par le directeur des études du cégep Germaine-Guèvremont, et ce dans l’exercice de mes fonctions syndicales (...).
Cette poursuite constitue une mesure de représailles de la part de l’Employeur eu égard à mon rôle d’officier syndical;
J’ai reçu ladite requête en diffamation, atteinte à la réputation et dommages datée du 3 mai 2001, le 15mai 2001;
Pour ces motifs, je demande:
Accueillir la présente plainte;
Condamner l’Employeur à me verser 5 000 $ pour atteinte à mes droits; (...)
Signé à L., ce 14 juin 2001

19 juin 2001: réunion du Conseil d’administration du collège. Un point est ajouté à l’ordre du jour, le soir même: implication des membes du C.A. dans le but de chasser le Littéraire du Conseil. Avant de se rendre à ce point à l’ordre du jour, lui et l’Ingénieur quittent la réunion qui est ajournée faute de quorum. Auparavant, à l’occasion de l’étude du budget, le Littéraire demande pourquoi la Directrice générale n’a pas tenu son engagement pris lors de l’accueil du personnel de l’automne 2000 devant trois enseignants, le verre de vin à la main, d’acquérir des ordinateurs pour faire du multimédia en Arts et Lettres. Il ajoute quelque chose qui souligne que l’engagement n’a pas été pris dans l’enthousiasme que peuvent créer un ou deux verres de bon vin et qu'il doit être respecté. La Directrice générale a mal interprété ces propos et a dit: “Je ne suis pas ici pour me faire insulter!” Il faut noter que sa volonté d’expulser l’enseignant du Conseil d’administration comme le prouve la modification de l’ordre du jour le soir même et l’accusation de ne pas respecter son engagement quant aux ordinateurs en Arts et Lettres ont provoqué chez elle une agressivité et un énervement qui l’a menée à mal interpréter ce qui a été dit. En tout cas, c’est une explication plausible et pas trop offensante. Etonné de la réaction que ses propos ont provoquée, l’enseignant les a retirés immédiatement. Mais sur les conseils de l'avocat local, ce retrait fut considéré comme frivole comme on dit dans un langage juridique qui n'a rien à voir avec la légèreté des moeurs.

27 juin 2001: huit jours plus tard, en pleines vacances, au nom de la Directrice générale, l’avocat local, par huissier à sept heures du matin, réclame une somme de 150,000 $ pour dommages et intérêts pour diffamation et atteinte à la réputation, à cause des propos tenus par le représentant des enseignants au Conseil d’administration du 19 juin. Cela a été fait froidement sans l’excuse de l’émotivité palpable le soir du 19 juin.

D O C U M E N T 19: mise en demeure de faire un chèque de 150,000 $ pour diffamation

A. M. Avocats
PAR HUISSIER
Mercredi, le 27 juin 2001
Monsieur le Littéraire
Objet: Directrice générale c. Vous-même
Monsieur,
Nous avons reçu instructions de notre cliente de vous transmettre la présente mise en demeure.
Le 19 juin 2001, alors que vous siégez à une assemblée ordinaire du conseil d’administration du Cégep Germaine-Guèvremont, vous avez, malicieusement et dans le but de nuire, tenu à son endroit des propos méprisants, mensongers et hautement diffamatoires, le tout dans les circonstances que vous connaissez.
Votre attitude a gravement porté atteinte à sa dignité et réputation, lui entraînant des dommages pour au moins 150 000 $, qu’elle vous réclame.
A défaut par vous de payer ledit montant par chèque (...) en fidéicommis, et ce, dans les dix (10) jours des présentes, les procédures judiciaires appropriées seront intentées contre vous, sans aucun autre avis ni délai.
Veuillez vous gouverner en conséquence.

27 juin 2001: le même jour, par courrier recommandé, lettre du président du C.A. qui regrette d’écrire au représentant des enseignants: à cause des propos tenus le 19 juin, “suite à une plainte portée en vertu du Code d’éthique, vous êtes provisoirement relevé de vos fonctions d’administrateur”. Le Littéraire ostracisé devra passer, pour la deuxième fois, devant le Conseil de discipline pour être condamné et rejeté. De plus, ce jugement du Conseil de discipline pourra être utilisé contre lui au procès en Cour supérieure.

D O C U M E N T 20: un administrateur est chassé du Conseil d’administration

Le 27 juin 2001
Courrier recommandé
Monsieur,
Conformément à l’article 9.4 du Code d’éthique et de déontologie des administrateurs (...), prenez avis, par la présente, que vous êtes provisoirement relevé de vos fonctions d’administrateur du Collège.
En effet, les propos que vous avez tenus envers notre directrice générale durant l’assemblée ordinaire du 19 juin dernier constituent un manquement grave qui porte atteinte à notre institution et à un de ses administrateurs et qui a entraîné le dépôt d’une plainte en vertu du code d’éthique précité.
Conséquemment, à titre du président du Conseil d’administration, je me dois de vous relever de vos fonctions, à compter de ce jour, et jusqu’à ce que le Conseil de discipline rende une décision dans cette affaire.
Sachez qu’à titre de président du Conseil d’administration, je déplore cette situation.

3 juillet 2001: lettre du représentant des enseignants envoyée aux 19 personnes présentes au Conseil d’administration du 19 juin où il décrit avec une précision de notaire les circonstances qui ont conduit à la question posée sur les ordinateurs pour Arts et Lettres et le mot à mot de la question posée qui était écrite sur une fiche lue pendant le C.A. Sauf sur le sujet de la mise en demeure reçue le 27 juin puisque toute précision aurait pu être utilisée contre lui à la fois par le Conseil de discipline et par la poursuite en Cour supérieure qui allait suivre inévitablement.

D O C U M E N T 21: mise au point sur ce qui s’est passé au C.A. du 19 juin 01

3 juillet 2001
Madame la Directrice générale (lettre du Littéraire remise personnellement à la secrétaire de la DéGé)
J’aimerais m’assurer que le contexte qui a conduit à la mise en demeure du 27 juin 2001 soit clairement établi. Quand votre avocat écrit: “le tout dans les circonstances que vous connaissez”, je ne suis pas sûr que ces “circonstances” sont connues de toutes les parties impliquées. Voici ces circonstances.
Au Conseil d’administration du 19 juin, j’ai demandé si, au point “appareillage et outillage” dans les prévisions budgétaires d’investissement de 74 000 $, il y avait une somme de 12 000 $ qui avait été prévue pour une station de production multimédia réclamée depuis trois (3) ans par le programme d’Arts et Lettres. Le Directeur des études a répondu: “Non, mais on essaie de trouver des ressources.” Cette réponse montre que la question était pertinente et que la demande du programme d’Arts et Lettres était légitime.
Or, cette réponse négative prouve que vous, la Directrice générale, n’avez pas tenu l’engagement que vous avez pris devant quatre de mes collègues à l’automne 2000, lors de l’accueil du personnel. Mes collégues vous ont expliqué que le collège avait besoin, de toute urgence, de deux (2) stations de production multimédia. Ils vous ont dit que cela existait dans tous les collèges du réseau. Ils ont affirmé que les élèves d’ici ont droit au même service que les autres.
Vous vous êtes montrée d’accord et comme directrice générale vous avez fait la promesse d’investir la somme nécessaire à l’acquisition d’au moins une station de production multimédia pour l’automne 2001 Or, la présentation des prévisions budgétaires pour 2001-2002 prouve que vous n’avez pas tenu votre engagement pris lors de l’accueil du personnel d’août 2000 devant trois (3) témoins responsables très engagés dans le développement du programme d’Arts et Lettres.
A la lumière des circonstances que je viens de décrire, j’affirme que mon seul souhait est que vous respectiez votre engagement et que vous investissiez 12 000 $ pour une station de production multimédia pour l’automne 2001. Ma seule préoccupation est l’intérêt des éléves.
c.c. Aux 19 personnes présentes au C.A. du 19 juin comme membres du C.A. ou comme observateurs; aux avocats; au Syndicat; programme d’Arts et Lettres.

8 août 2001: le huisser remet au Littéraire, à son domicile, pendant les vacances, une requête en diffamation datée du 6 août, pour atteinte à la réputation et dommages de $170,000. au nom de la Directrice générale et du Cégep Germaine-Guèvremont pour avoir tenu le 19 juin 2001 des propos méprisants, mensongers et hautement diffamatoires. La requête sera présentée devant un juge de la Cour supérieure le 21 août 2001 au Palais de justice. Notez bien que la Directrice générale avait entre les mains toutes les précisions du mot à mot de la question qui avait été posée et le contexte qui était l’accueil du personnel (avec vin) et non pas une réunion du département de français. La poursuite a donc été faite en toute connaissance de cause.

D O C U M E N T 22: requête en diffamation de 170,000 $ déposée en Cour supérieure

Cour Supérieure (Chambre civile)
Par huissier
le 6 août 2001
Directrice générale et Cégep, requérantes
c. le Littéraire , intimé
Requête en diffamation, atteinte à la réputation et dommages (art. 762 du C.p.c.)
Le 19 juin 2001, alors que la requérante et l’intimé siégaient à une assemblée régulière du Conseil d’administration du cégep Germaine-Guèvremont, ce dernier a tenu à l’endroit de la requérante, des propos méprisants, mensongers et hautement diffamatoires (...)
En effet, l’intimé s’est adressé à la directrice générale en utilisant des propos laissant clairement entendre que, de façon courante, elle travaillait en boisson.
La requérante est en droit de réclamer de l’intimé la somme de 100,000 $ représentant les dommages qu’elle a subis par la faute de l’intimé (...).
La co-requérante, le Cégep Germaine-Guèvremont, réclame de l’intimé la somme de 50 000$ pour atteinte à la réputation, majorée de 20 000 $ pour dommages exemplaires et punitifs.
(...) Le TOUT avec dépens. Procureurs des requérantes.

10 août 2001: lettre informant l’enseignant que le Conseil de discipline étudiera son cas. Il refusera de passer devant ce “tribunal” formé des “amis” de la Directrice générale. Il enverra plutôt sa lettre de démission “forcée”. L’ostracisme continue. C’est une victoire pour la Directrice générale qui n’aura plus à répondre à ses questions embêtantes et imprévisibles et à endurer ses ajouts à l’ordre du jour qui donnaient l’occasion aux membres externes du C.A. d’entendre un autre son de cloche et de prendre conscience des problèmes nombreux créés par les décisions prises par la directrice générale et par l’autoritarisme de son style de gestion.

D O C U M E N T 23: intervention des coordonnateurs de département contre les poursuites

Le 29 août 2001
Au président du Conseil d’administration et aux membres du CA
A la directrice générale; au directeur des études
Mesdames, messieurs,
Nous coordonnateurs et coordonnatrices de département, nous sommes réuni(e)s jeudi, le 23 août 2001, à 10h30 en la salle de conférence A-1207 du Collège. Nous avons adopté à l’unanimité la résolution suivante:
“L’assemblée des coordonnateurs et coordonnatrices de département dénonce le type de gestion par judiciarisation des relations de travail au Cégep. En conséquence, l’assemblée des coordonnateurs et coordonnatrices de département demande au Conseil d’administration de prendre les mesures nécessaires afin de mettre un terme à l’utilisation des moyens juridiques dans la gestion du Collège.”
Espérant que vous saurez prêter une oreille attentive à la présente demande, et cela dans le meilleur intérêt du Cégep, veuillez recevoir, mesdames, messieurs, l’expression de nos sentiments les plus respectueux.
Michel C., Français; Jean-Michel L., Informatique, Gaétan D., Sciences humaines; Daniel O., Electronique industrielle; Michel D., Génie mécanique; Martine P., Techniques de Bureautique; Robert G., Education physique; France P.-C., Soins infirmiers; Pierre G., Mathématiques; Pierre S., Philosophie; Pierre G., Langues modernes; Daniel T., Sciences de la nature

D O C U M E N T 24: lettre de démission du Littéraire comme membre du Conseil d'administration du collège

Le 10 octobre 2001
"J’aime qu’on s’exprime courageusement, que les mots aillent où va la pensée." Montaigne
Au président du Conseil d’administration.
Au Conseil d’administration du 19 juin 2001, j’ai appris le refus de l’administration de financer au coût de 20 000 $ deux ordinateurs pour faire du multimédia, indispensables pour les enseignants et les élèves d’Arts et Lettres. Cette décision est une erreur et a été prise même s’il y a plus de 400 000 $ dans la réserve accumulée du Collège. Ce service direct aux élèves, essentiel pour garder notre clientèle, n’est pas la priorité de cette administration qui sous-finance les programmes de Sciences humaines, de Sciences de la nature et d’Arts et Lettres, et qui, pourtant, ne se gêne pas pour dépenser des fonds publics de la façon que l’on sait en frais d’avocat.
Pour cette administration, la fin justifie les moyens comme on l’a vu dans la menace d’aller en appel d’offres dans le dossier de la cafétéria et comme on le voit dans la judiciarisation des relations de travail dénoncée à l’unanimité par les treize coordonnateurs de départements. Ce qui est grave, c’est qu’on n’a pas l’air de se rendre compte que ces méthodes d’intimidation pourrissent notre climat de travail. Que l’on ne vienne pas faire de diversion en disant que l’expression de cette opinion est un manque de respect.
Pendant quatre ans, en collaboration avec mon confrère l’Ingénieur, j’ai défendu des valeurs auxquelles je crois qui sont l’amélioration de la relation professeur-élève (ce qui suppose qu’on ne cherche pas constamment à diminuer les ressources à l’enseignement), le respect de tous les personnels, l’équité dans la répartition des ressources, la liberté d’expression, le droit à une iinformation complète sur les aspects financiers des décisions.
Malgré les beaux grands principes formulés dans le projet éducatif du Collège, j’aurais de nombreux exemples à vous donner qui montrent que ces valeurs sont encore un horizon lointain pour l’administration actuelle.
Je démissionne comme membre du Conseil d’administration que vous co-présidez avec la directrice générale (...). Le Littéraire, Ph.D.
c.c. membres du CA; tous les enseignants; exécutif du Syndicat; DRH

18 octobre 2001: le syndicat ayant demandé une médiation, rencontre à Québec du groupe des Quatre: l’Irlandais de l’exécutif, le président de la Fédération, la Directrice des ressources humaines et Gilles Pouliot, du Ministère de l’Education.

21 octobre 2001: contestation amendée déposée en Cour supérieure par l’enseignant poursuivi disant que la requérante a diffusé des propos que l’intimé n’avait pas tenus et que cette dernière est la seule responsable de la diffusion de propos erronés. Une question: comment fait-on pour retirer des propos qu’on n’a pas tenus? Si vous dites: “je n’ai pas dit cela” vous vous trouvez à diffuser ce que vous prétendez ne pas avoir dit et qui est jugé diffamatoire. C'est impossible de se défendre. Vous êtes donc coincé et la guerre des nerfs continue.

D O C U M E N T 25: contestation de l’enseignant déposée en Cour supérieure

Cour supérieure
Contestation de l’intimé
le 23 octobre 2001 (...)
12- Lors de la réunion du Conseil d’administration tenue le 19 juin 2001, l’intimé n’a fait que renouveler à la requérante, l’engagement qu’elle avait pris lors de l’accueil du personnel à l’automne 2000;
13- Durant la séance du Conseil d’administration, l’intimé n’a jamais traité la requérante, “d’alcoolique”; (...)
18. Lors de l’assemblée du Conseil d’administration du 19 juin 2001, environ trois (3) personnes autres que les membres du Conseil d’administration étaient présentes, soit des représentants du Syndicat des enseignants;
19. L’intimé n’a aucunement nui à la réputation, à l’intégrité et à l’honneur de la requérante;
20. Par la présente poursuite, la requérante a diffusé des propos que l’intimé n’avait pas tenus et cette dernière est la seule responsable de la diffusion de propos erronés;
21. La réclamation des requérantes est abusive et grossièrement exagérée;
22. Le Cégep Germaine-Guèvremont n’a droit à aucune somme pour atteinte à la réputation de l’un de ses cadres, ce dernier n’étant aucunement visé dans les propos contestés et qu’auraient tenus l’intimé;
23. En conséquence, la présente requête en diffamation est abusive et disproportionnée tant à l’égard du droit d’action que des montants réclamés, le tout considérant les circonstances de la présente affaire
24- La présente contestation est bien fondée en faits et en droit.
Par ces motifs, plaise à la cour:
Accueillir la présente contestation;
Rejeter la requête en diffamation des requérantes;
Le TOUT avec dépens.
L., le 23 octobre 2001
Procureurs de l’intimé

22 octobre 2001: grief plaidé devant l’arbitre Gilles Lavoie sur l’interception du courrier syndical du Complément de l’Info-CA par les quatre membres de la Régie avant que les destinataires ne l’aient reçu et le droit à l’usage des casiers des enseignants pour communiquer de l’information syndicale sans contrôle du contenu par l’administration. L’Ebéniste joue un rôle décisif en trouvant dans les dossiers syndicaux, avec l’aide de la responsable de la documentation, une entente qui avait été signée par les parties sur l’usage des casiers des enseignants par le syndicat.

29 octobre 2001: seconde rencontre du groupe des Quatre. La partie patronale accepte d’aller en médiation mais refuse la demande du Syndicat de déjudiciariser les relations de travail en retirant les poursuites. Un de nos espions agent-double nous apprend que la Directrice générale lui a dit: "Tant que Le Littéraire n’aura pas pris sa retraite, les poursuites ne seront pas retirées." Quelques enseignants ont ainsi joué un rôle ambigu mais utile. "En matière de guerres intestines, écrit Montaigne, votre valet peut être du parti que vous craignez.”

30 octobre 2001: l’assemblée générale des enseignants, à l’unanimité, dénonce le manque de crédibilité du processus d’évaluation de la Directrice générale. Le processus a été accéléré afin de court-circuiter notre démarche d’évaluation car nous n’aurons pas le temps de compiler et d’analyser les réponses des enseignants à trois longs questionnaires avant la décision de renouveler son mandat pour cinq ans.

31 octobre 2001: au Palais de justice, interrogatoires, par les avocats, de la DéGé et du Littéraire, vice-président du syndicat, précédant le procès, où chacun donne sa version des paroles prononcées au Conseil d’administration du 19 juin. Les deux versions sont différentes l’une de l’autre. La Directrice générale n’a pas tenu compte de la lettre du début de juillet 2001 qui donnait toutes les précisions. Une sténo prend tout en note et nous avons la retranscription mot à mot des témoignages. La requérante soutient que l’enseignant se référait à une réunion de département. Première erreur: il se référait à un accueil du personnel avec vin. Cinq témoins pourraient le dire qui étaient avertis de la question qui serait posée et qui étaient présents comme observateurs à la réunion du Conseil. De plus, le coordonnateur du programme d’Arts et Lettres et le coordonnateur du département de français, qui avaient décrit à leur collègue en détail la scène de la promesse faite d’acheter des ordinateurs lors de l’accueil du personnel de l’automne 2000 savaient que la question serait posée au Conseil d’administration du 19 juin. Un accueil du personnel et une réunion de département, ce n’est pas la même chose. On ne sert pas de boisson pendant les réunions de département . Il y a eu aussi une confusion entre réunion de programme et réunion de département. Les besoins en équipement du programme d’Arts et Lettres ne sont pas discutés en réunion de département mais en réunion de programme. C'est un détail qui touchera les émules d'Hercule Poirot.
Ensuite, il y a une deuxième erreur à propos de la boisson. La directrice a prétendu que l’enseignant avait dit: "Cette fois-là, vous étiez à jeun" ce qui a donné l’occasion à son avocat de prétendre que l’enseignant avait laissé entendre que sa cliente était habituellement “paquetée” dans l’exercice de ses fonctions. Or, l’enseignant n’a jamais dit cela et, en plus, ne l’a jamais pensé. Ainsi donc l’accusation de diffamation est basée, comme le dit notre contestation, "sur des propos que l’intimé n’avait pas tenus”. Il n’a pas dit: "Cette fois-là." L’accusation est donc sans fondement et l’enseignant peut dormir la conscience en paix. Est-ce que ses adversaires peuvent en faire autant?

6 novembre 2001: dans un aide-mémoire intitulé: pourquoi ça ne va pas bien au cégep, il est question du problème de la cafétéria que la Direction a voulu “privatiser” et des relations tendues avec les employés de soutien. Un bilan est fait des gestes hostiles de la Directrice générale contre chacun des quatre membres de l’exécutif du syndicat des enseignants depuis son arrivée au cégep en mai 1997. Ce texte-bilan restera confidentiel sauf pour quelques enseignants triés sur le volet. Le Littéraire ayant oublié une copie de ce document sur le photocopieur, une rumeur a couru que la Directrice l'avait obtenu et l'avait lu. Rencontrée par hasard dans un corridor, la Directrice a dit, furieuse, au Littéraire: "Vous voulez détruire le collège!"

8 novembre 2001: l’exécutif du syndicat informe les trois membres du Comité d’évaluation des mandats du C.A. que 70% des enseignants sont contre le renouvellement de mandat de la Directrice générale. A cause de l’ampleur de la consultation des enseignants, le rapport d’évaluation détaillé n’est pas prêt.

15 novembre 2001: sans attendre le dépôt du rapport d’évaluation des enseignants qui explique en détail les raisons justifiant le non-renouvellement de mandat de la Directrice générale, le Conseil d’administration procède au renouvellement de mandat de la Directrice générale pour cinq ans jusqu’en 2006. On est le 15 novembre (date mémorable) 2001 et son mandat se terminait le 30 juin 2002. Où était l’urgence? La Directrice générale triomphe. Toutefois, les administrateurs lui demandent “de porter une attention prioritaire à la qualité du climat de travail” qui est très mauvais à cause de la judiciarisation des relations de travail et du style autoritaire de gestion de la Dégère.

15 novembre 2001: l’arbitre Gilles Lavoie donne raison au syndicat. L’interception par le Collège du Complément à l’info-CA est illégale parce que contraire à notre convention collective. Gilles Lavoie juge que le Syndicat a le droit de faire distribuer tout document aux enseignants (...) dans les cases de ses membres (...) et ce, sans que l’employeur n’intervienne pour vérifier le contenu de telles communications ou s’arroge le droit de refuser telle distribution. C’est une victoire syndicale contre la volonté patronale de censure et de contrôle de l’information.

21 novembre 2001: au tribunal du Travail à Montréal, devant la commissaire Louise Verdone, la Directrice générale et la Directrice des ressources humaines répondent aux questions pointues de notre avocat et de l’avocat de la Fédération des cégeps sur les différentes versions de la politique institutionnelle d'évaluation des apprentissages En vertu du Code du Travail, le Collège est accusé par le Syndicat de représailles et d’anti-syndicalisme, entre autres à cause de la poursuite de $80,000. Chacun des quatre membres de l’exécutif réclame 5,000$ pour atteinte à ses droits pour un total de 20,000 $.

23 novembre 2001: lettre à tout le personnel où la Directrice générale se réjouit d’avoir obtenu un second mandat de 5 ans. Elle parle de bonne volonté, de bonne foi et de goût du bonheur. Tout en continuant à poursuivre en Cour supérieure quatre enseignants élus qui sont appuyés par des résolutions unanimes de l’Assemblée syndicale qui réclament le retrait des poursuites, triomphaliste et un peu sadique, elle nous demande d’avoir le goût de travailler ensemble au développement de notre Collège. A nos yeux, et aux yeux de la très grande majorité du personnel, ces belles paroles écrites avec honneur, dignité et vaillance n’ont aucune crédibilité.

D O C U M E N T 26: la directrice générale jubile et veut partager sa joie avec tout le personnel

Le 23 novembre 2001 (extraits)
A tout le personnel
Objet: Un second mandat de cinq ans à la direction du Collège
C’est avec beaucoup de gratitude que je viens vous remercier pour la confiance qui m’est témoignée par la décision unanime des membres du Conseil d’administration de me reconduire dans mes fonctions à la direction générale du Collège.
Le Conseil a salué le bilan très positif du précédent mandat.(...) Maintenant, nous allons devoir relever d’autres défis exigeants pour demeurer l’institution de grande qualité que nous sommes et continuer de bien servir notre population. Pour ce faire, les membres m’ont indiqué de travailler prioritairement à l’amélioration du climat de travail au Collège. (...) L’amélioration du climat ne pourra se réaliser sans la bonne volonté de tous d’avoir le goût du bonheur d’accomplir chaque jour la plus belle des missions qui soit, d’avoir le goût de travailler ensemble au développement de notre collège et d’avoir une attitude de bonne foi dans la recherche de solutions aux probèmes quotidiens que nous rencontrons. En même temps, je crois bon de nous rappeler le bon vieux dicton qui dit “quand on veut, on peut” et, je crois fermement que nous allons y arriver parce que nous partageons le même objectif: la meilleure formation et la réussite de nos jeunes.
(...) Avec dignité, honneur et vaillance!
Votre directrice générale

7 décembre 2001: vol.1, no.1; premier numéro du Huissier, bulletin d’information du Syndicat des enseignants. Information sur la victoire syndicale sur la liberté d’information et l’utilisation des casiers des enseignants; annonce du boycott du party de Noël; on souligne que l’administration a reconnu son erreur quant à la règle du 70-50% pour les examens de reprise; de plus, dès janvier 2002, le programme d’Arts et Lettres aura les ordinateurs dont il avait un urgent besoin. Le syndicat se dit heureux d’avoir contribué au développement du programme d’Arts et Lettres dont les leaders ont dû passer, bizarrement, devant le Conseil d’administration de la Fondation pour obtenir du financement. La Fondation finança la moitié des coûts. Devant la description du travail à la mitaine que devait faire le Grammairien en création-vidéo, un membre de la Fondation compara la situation à l’Armée canadienne et offrit de financer au complet l’achat des ordinateurs au grand déplaisir de la Directrice générale qui a mal paru, encore une fois, et qui en fit le reproche aux deux enseignants contraints de justifier devant la Fondation des demandes qui répondent à des besoins essentiels pour des ordinateurs dont les élèves de tous les autres collèges peuvent bénéficier. Cette dernière remarque du coordonnateur du progamme d’Arts et Lettres fit rougir de colère la directrice.

13 décembre 2001; au Palais de justice, deux requêtes en irrecevabilité sont présentées par notre avocat devant un juge de la Cour supérieure afin que les deux poursuites soient déclarées irrecevables parce qu’il y avait un autre recours approprié et/ou parce qu’elles sont frivoles et sans fondement.

14 janvier 2002: Dans le numéro 2 du bulletin d’information syndicale: Le Huissier: présentation en douze pages du rapport sur l’évaluation du premier mandat de la directrice générale envoyé à tous les enseignants. Le Conseil d’administration ayant décidé de maintenir la DéGère dans ses fonctions pour les cinq prochaines années, le rapport se situe dans une perspective d’évaluation formative et formule les points à améliorer. Il compile les réponses des enseignants aux trois questionnaires et leurs commentaires parfois cinglants qui expliquent pourquoi 70% des 55 répondants se sont prononcés contre le renouvellement de mandat pour cinq ans sans condition. Ce numéro provocateur du Huissier met la Directrice générale hors d’elle comme en témoigne le Communiqué de la Direction du 28 janvier 2002.

18 janvier 2002: Le Huissier, numéro 3. Version synthèse en trois pages du rapport d’évaluation envoyée à tout le personnel et aux membres du Conseil d’administration, conformément au mandat confié à l’exécutif du syndicat par les 50 membres présents à l’Assemblée générale du 24 mai 2001. A cette occasion, tous les membres de la communauté collégiale ont aussi reçu le numéro 1 du Huissier daté du 7 décembre 2001.
Les membres du Conseil d’administration ont donc pris connaissance d’une évaluation sérieuse de la Directrice générale APRES avoir renouvelé son mandat pour cinq ans suite à des manoeuvres de la même directrice pour accélérer le processus. Insultés par le mépris dont ils faisaient l’objet, les enseignants n’ont eu d’autre choix que de rendre publique leur évaluation qu’ils avaient faite avec beaucoup de conscience professionnelle puisque les structures normales étaient manipulées et contrôlées par la directrice générale.

D O C U M E N T 27: extraits du rapport d’évaluation de la directrice générale par les enseignants

Le Huissier, vol.1, no.3, 18 janvier 2002 (extraits)
Présentation du rapport sur l’évaluation du premier mandat de la directrice générale
A la lecture des résultats obtenus, on peut conclure que les enseignants, à 70%, sont manifestement insatisfaits de la prestation de la directrice générale.
(...) Questionnaire no 3: Fonctions administratives et relationnelles
Les réponses obtenues dans ce troisième questionnaire révèlent un malaise quant aux relations de travail entretenues par la directrice générale avec le corps professoral. Le style de gestion qu’elle préconise déplaît à la grande majorité des 53 répondants. Les réponses obtenues révèlent un style de gestion plus autocratique que démocratique, qu’il n’y a que peu de place pour les discussions ou les négociations, qu’elle est incapable de gérer les conflits. Une très forte majorité considère que les poursuites judiciaires sont inadmissibles. Son style de gestion ne correspond pas du tout à ce que les enseignantes et les enseignants attendent d’une directrice générale.
Points à améliorer:
* améliorer les relations de travail avec les professeurs ainsi que les autres personnels (respect, négociations, discussions, honnêteté, souplesse, etc.)
* promouvoir la transparence dans toutes les décisions et l’information diffusée;
* créer un climat d’appartenance (cela commence par l’amélioration des relations de travail)
* retrait immédiat des poursuites contre le Syndicat et contre le représentant des enseignants au Conseil d’administration du Collège.

28 janvier 2002: communiqué de La Direction à tous les membres du personnel enseignant faisant part du résultat des requêtes en irrecevabilité présentées par votre Syndicat à l’encontre de nos requêtes en diffamation.

D O C U M E N T 28: réaction de La Direction au Huissier du 14 janvier 2002

Communiqué A tous les membres du personnel enseignant
28 janvier 2002 (extraits)
Nous profitons de ce communiqué pour vous faire part que nous déplorons que votre exécutif syndical continue la publication d’écrits qui enfreignent, selon notre interprétation, les notions de confidentialité, de respect de renseignements personnels et qui sont mensongers à plusieurs égards.
En effet, selon l’éthique la plus minimale, l’évaluation d’une personne doit se discuter à l’intérieur d’un processus très confidentiel. Que diriez-vous si le Collège dévoilait les résultats de l’évaluation de l’enseignant à l’ensemble des étudiants, des enseignants et des membres du Conseil d’administration? (...)
Par ailleurs, si quelqu’un d’entre vous ressent le besoin d’avoir des informations supplémentaires ou des réponses à leur questionnement, nous vous rappelons que notre porte est grande ouverte pour vous recevoir individuellement ou collectivement.
La Direction

29 janvier 2002: Le Huissier, numéro 4. Nos membres sont informés que toute la communauté collégiale, y compris les membres du Conseil d’administration, ont reçu la version synthèse du rapport d’évaluation “expurgée” des commentaires parfois cinglants des enseignants ainsi que le numéro 1 du Huissier.

Ier février 2002: la médiateure rencontre les deux parties au cégep et explique le fonctionnement d’une médiation. Echéancier des autres rencontres. Cette médiation ne donnera rien. Ce fut une perte de temps et d'énergie.

7 février 2002: Le Huissier, numéro 6; Sondage-éclair. Consultation des membres du syndicat sur l’opportunité de prendre une action en justice suite au Communiqué de La Direction en date du 28 janvier 2002 où, après nous avoir traités de diffamateurs avant que la chose ne soit jugée, elle nous diffame en nous traitant de menteurs.

12 février 2002: publicité payée par le Collège en page 2 du journal local. Est publiée in extenso sur une colonne qui occupe le tiers d’une page la liste de tous les noms des enseignants et enseignantes du cégep avec, en grosses lettres: MERCI à nos enseignantes et à nos enseignants pour l’excellent travail réalisé à cause d’une augmentation du taux de réussite de 9.4% à l’automne 2001. C’est une tentative (ratée) d’influencer le vote des enseignants sur l’opportunité de prendre une action en justice contre La Direction.

27 février 2002: grief syndical réclamant du Collège la somme de $35,000. pour atteinte au droit fondamental de représentation du syndicat suite au Communiqué du 28 janvier où La Direction a un comportement abusif en niant à toutes fins pratiques la clause 2-2.07 reconnaissant expressément le syndicat comme représentant exclusif des enseignants. Ce 35,000 $ s’additionne aux 20,000 $ de la plainte au Tribunal du travail.

28 février 2002: selon les résultats de notre sondage-éclair, une majorité des membres qui se sont exprimés sont favorables à une réplique du Syndicat à la publication du Communiqué de La Direction du 28 janvier 2002. Le Syndicat fait parvenir le 28 février 2002, par huissier, aux cinq membres de la Direction, une mise en demeure de se rétracter des attaques contre l’exécutif du syndicat qui sont injustifiées, diffamatoires et inacceptables. La Direction est mise en demeure de présenter des excuses écrites, dans les dix jours, aux quatre membres de l’exécutif du syndicat des enseignants. A défaut de vous conformer à la présente dans les délais qui y sont mentionnés, nous avons mandat d’entreprendre contre vous tous les recours judiciaires nécessaires au respect des droits du Syndicat et des membres de son exécutif. Un huissier a remis cette mise en demeure au président du Conseil d’administration; à la directrice générale; au directeur des études, au directeur des ressources matérielles et à la directrice des ressources humaines. Le Huissier, numéro 9 du 1er mars, informe les membres du grief et des mises en demeure.
Le Syndicat a un an pour décider s’il poursuivra la Direction. Le rapport de forces s’améliore.

D O C U M E N T 29: Mise en demeure du syndicat, le 28 février 2002.

Par huissier
Destinataires : Président du CA et les quatre membres de La Direction: la Directrice générale; le Directeur des études; le Directeur des ressources matérielles; la Directrice des ressources humaines.
Objet: Syndicat des enseignants du cégep c. vous-même (...)
Dans le communiqué du 28 janvier 2002, vous alléguez que l’exécutif syndical “continue la publication d’écrits(...) qui sont mensongers”. De telles affirmations sont injustifiées, diffamatoires et inacceptables. Le Syndicat ne saurait tolérer d’attaque aussi indue à l’endroit de ses officiers syndicaux.(...)
Conséquemment, vous êtes mis en demeure de vous rétracter de ces “affirmations” par écrit auprès de l’ensemble des enseignants du Cégep, et ce, dans les dix (10) jours de la réception de la présente. De plus, vous êtes également mis en demeure de présenter, dans le même délai, vos excuses écrites à chacun des quatre membres de l’exécutif du syndicat, à l’effet que ces derniers auraient publié des écrits qui sont “mensongers”. A défaut de vous conformer à la présente dans les délais qui y sont mentionnés, nous avons mandat d’entreprendre contre vous tous les recours judiciaires nécessaires au respect des droits du Syndicat et des membres de son exécutif, et ce sans autre avis ni délai.
Veuillez donc agir en conséquence.
par l’avocat du syndicat
p.j.: Communiqué du 28 janvier 2002

D O C U M E N T 30: Grief du 27 février 2002 envoyé en arbitrage le 21 mars 2002

Exposé du grief:
Le Collège par son communiqué du 28 janvier 2002 porte atteinte directement et sciemment à l’exercice du droit de représentaion du Syndicat. Le contenu du communiqué brime l’exercice du droit d’association, droit protégé par la Charte canadienne des droits et libertés. Par ses écrits, le Collège s’ingère dans les affaires syndicales; ce comportement est abusif et discriminatoire. En agissant ainsi, le Collège manque à ses obligations légales et conventionnelles.
Correctif requis: Que le Collège cesse tout comportement abusif à l’égard de la représentation syndicale. Que le Collège s’engage à respecter la convention collective particulièrement la clause 2-2.07 reconnaissant expressément le syndicat comme représentant exclusif des enseignants. Que le Collège verse au Syndicat la somme de 25 000 $ à titre de dommages exemplaires pour atteinte à un droit fondamental et la somme de 10 000 $ à titre de dommage-intérêt pour le préjudice subi. Les sommes portent intérêt au taux légal. R.B., agent de grief

1er mars et 4 mars 2002: La médiateure, Mme Richard rencontre la partie syndicale puis la partie patronale.

7 mars 2002: Mme Richard rencontre les deux parties simultanément. A la demande de la partie patronale qui veut prouver que l’exécutif du syndicat est de mauvaise foi, la médiateure veut rencontrer 40 enseignants. La partie syndicale pose une condition: le retrait des deux poursuites de 80,000 $ et 170,000 $ et n’est pas d’accord avec l’idée que la médiateure contourne l’exécutif en rencontrant 40 enseignants. Suite au refus de La Direction de retirer les poursuites et au grave désaccord sur le processus de la médiation, Mme Richard se retirera du dossier. Le 11 mars, La Direction enverra à tout le monde un communiqué: la Médiation n'aura pas lieu.

18 mars 2002: "Pour un vrai pouvoir au féminin". Texte d’information s’adressant au grand public qui paie des impôts de la lutte à finir que la directrice générale livre au Syndicat des enseignants à même les fonds publics. Suite à un recours à la Commission d’accès à l’information, nous apprendrons plus tard que les factures envoyées par l’avocat local monteront à un total de $48,900.

D O C U M E N T 31: Pour un vrai pouvoir au féminin, article signé par l’Exécutif du syndicat des enseignants, envoyé au Devoir, à La Presse, au Soleil et au Journal de Montréal. Non publié à cause du refus de la Directrice générale de donner son point de vue et à cause des procès en diffamation. Toute l’affaire est sub judice. Les poursuites atteignent leur but: empêcher la liberté d’expression, un droit protégé par la Charte québécoise des droits de la personne. Jean-Robert Sansfaçon, du Devoir, dans une conversation téléphonique avec le Littéraire, refuse de publier le texte et en profite pour faire une attaque à fond de train contre les syndicats d'enseignants des cégeps et contre les enseignants eux-mêmes. Cet ancien professeur d'économie au collège de Saint-Jérôme parle comme un patron. Le Littéraire encaisse.

Lundi, le 18 mars 2002

P O U R U N V R A I P O U V O I R A U F É M I N I N
Un courant de la pensée féministe affirme que le pouvoir exercé par les femmes est consensuel, humain, empathique. Le pouvoir au féminin serait différent de celui des hommes qui auraient tendance à aimer les affrontements, les conflits et les rapports de force, en un mot, la guerre. Pour nous, un véritable pouvoir au féminin, c’est-à-dire consensuel, humain et empathique, devrait être le type de pouvoir exercé par tout être humain, homme aussi bien que femme, particulièrement dans le milieu de l’éducation.
Or, il existe présentement au Québec un collège public dont les enseignantes et les enseignants aimeraient bien voir la Directrice générale partager et appliquer cette théorie sur le pouvoir au féminin.
Nous croyons qu’il est dans l’intérêt général d’informer le milieu de l’éducation, et surtout le grand public qui paie des impôts, que cette Directrice générale est en train de livrer une lutte à finir contre le Syndicat des enseignantes et des enseignants de ce collège.
(...) (Suit une description des poursuites et de leurs motifs.)
Est-il légitime de dépenser des fonds publics en frais d’avocats (environ 50 000$) à des fins antisyndicales? La Direction devra apprendre à négocier avec un Syndicat vigilant, revendicateur, articulé et, somme toute, normal.
Les enseignantes et les enseignants de ce Collège veulent travailler en paix. Ils veulent que la Direction respecte l’Exécutif de leur Syndicat. Ils en appellent à l’opinion publique pour que cessent des conflits qui nuisent à la mission éducative de ce Collège. En somme, les enseignants de ce collège public réclament un pouvoir consensuel et empathique, un vrai pouvoir au féminin. -30-

19-20 mars 2002: suite des travaux devant la Commissaire du Tribunal du travail, madame Louise Verdone.

23 mai 2002: rencontre entre les quatre membres de la Direction et les quatre membres de l’exécutif du Syndicat. S'adressant à la Directrice, après avoir exprimé ses regrets devant les malentendus résultant des propos échangés au Conseil d’administration du 19 juin 2001 même si rien ne l’obligeait à le faire, ce qui équivaut pratiquement à des excuses, le vice-président du syndicat le Littéraire affirme sans détours que la version de la directrice du 31 octobre 2001 comporte deux erreurs graves (voir 31 octobre 2001); sa poursuite est donc sans fondement et elle devrait la retirer de toute urgence. Elle écoute en silence et on sent qu’elle est ébranlée. Le Littéraire en profite pour répéter que dans l’exercice de ses fonctions, la directrice a toujours été en pleine possession de ses moyens et qu’il n’a jamais pensé ni dit le contraire. Il lui demande de répandre dans toute la communauté collégiale et dans toute la région les propos qu’il vient de tenir devant sept témoins et non des moindres.

23 mai 2002: Projet de règlement du conflit adopté par l’Assemblée générale des enseignants.

28 mai 2002: le journal local annonce qu’il y aura une médiation intensive entre le Collège et le Syndicat où tout sera sur la table les 12-13 et 14 août.
25 juin 2002: à Montréal, rencontre de la médiateure avec chacune des parties.

27 juin 2002: lettre de la Médiateure refusant ses services de médiation intensive pour une rencontre devant se tenir dans un hôtel à Montréal les 12-13 et 14 août. Les positions entre les parties sont trop opposées.

15 août 2002: Le Huissier, vol. 2, numéro 1.
Le Collège a refusé de négocier avec le Syndicat sur la base du projet de règlement adopté par l’Assemblée générale; la réunion du 12 août n’a pas eu lieu. “En conséquence, si le Collège maintient son refus de négocier avec le Syndicat (...) et de rechercher activement un règlement à l’amiable; voici la chronologie juridique de l’automne 2002:
16-17-18-19 septembre: suite des auditions devant la commissaire du Travail, Louise Verdone.
4 novembre 2002: procès Directeur des études vs les quatre membres de l’exécutif et le Syndicat.
2 décembre 2002: procès Directrice générale et Cégep vs Le Littéraire
(28 janvier 2003: date limite pour le Syndicat pour déposer une requête en diffamation contre les quatre membres de la Direction et le Cégep.)"

4 septembre 2002: Le Huissier, vol. 2, numéro 2. Au début de la session d’automne, lettre ouverte à la directrice générale envoyée à nos membres, aux élèves, aux professionnels, au soutien, aux cadres et aux membres du Consei d’admistration. Nous informons la directrice générale qu’aucun plan stratégique ne pourra être appliqué tant qu’un règlement à l’amiable ne sera pas survenu impliquant le retrait sans condition des deux poursuites judiciaires pour éviter une lourde perte de temps, d’énergie et d’argent.

Le 4 septembre 2002, Le Littéraire reçoit une lettre du Directeur des études qui lui demande de respecter son plan de cours, de donner des cours magistraux et de ne pas attaquer l’administration en classe. Cette lettre n’a aucun statut: il ne s’agit pas d’une lettre de doléances au sens de la convention collective au chapitre des mesures disciplinaires. C’était un avertissement faisant partie d’une stratégie ou d’un complot comme on devait l’apprendre un mois plus tard.

9 octobre 2002: à 14h30, visite surprise de deux cadres féminines pendant une classe de français du vice-président du syndicat. Pendant que l’enseignant proteste dans le bureau du Directeur des études en présence de l’Ebéniste, les élèves remplissent un questionnaire qui pose, entre autres, les questions suivantes. Est-ce que votre professeur vous respecte comme étudiant ou étudiante? Est-ce qu’il suit son plan de cours? Est-ce qu’il attaque l’administration, qui attaque-t-il et que dit-il? Est-ce qu’il donne des cours magistraux? Ce questionnaire doit être passé à deux autres groupes d’élèves le lendemain matin à huit heures et neuf heures et cinquante. Les élèves protestent et certains tiennent des propos virulents contre les deux cadres qui obéissent aux ordres (une des deux cadres quittera ses fonctions et le collège l’année suivante...).

10 octobre 2002: Après une nuit agitée pratiquement sans sommeil, le lendemain matin à 7h45, l’enseignant attend la visite des deux cadres dans sa classe. Une des deux cadres l’informe que le Directeur des études veut lui parler et que l’opération est annulée. Dans son bureau, le Directeur dit à l’enseignant que les réponses des élèves au questionnaire lui ont permis de conclure que la plainte faite contre lui était sans fondement mais qu’il se devait de faire enquête pour en avoir le coeur net. Il s’excuse des inconvénients causés. Par la nature des questions, on voit ce que l’administration cherchait à savoir. Le prétexte à la plainte serait un incident survenu dans une classe la semaine d’avant. Comme l’enseignant commençait son cours un après-midi, des ouvriers faisaient un bruit infernal sur le toit du cégep: ils étaient en train d’installer un système de ventilation. Après les bruits provenant du sous-sol qui avaient perturbé sa classe la semaine précédente, cela dépassait les limites de l’acceptable. Il fit signer une pétition déclarant que des bruits l’empêchaient de donner un cours normal et, en regardant la feuille, il vit les noms de deux chanteuses connues, Alanis Morrissette et Shania Twain. Il interpela les deux petites comiques; il fit une colère en disant: "on vous demande un petit service et certaines cervelles d’oiseaux en profitent pour niaiser. Pas surprenant que Mario Dumont soit populaire." Ces élèves, déjà faibles, ont eu peur de couler, en ont parlé à leur mère qui a appelé l’administration qui en a profité, trois semaines avant le premier procès. La plainte, comme d’habitude, est restée anonyme. Ce prétexte a permis à l’administration d’aller à la pêche en faisant remplir aux élèves un questionnaire dans le but de trouver des choses à reprocher à l’enseignant. C’est la quatrième manifestation de harcèlement et la plus grave après, bien sür, les poursuites. Rappelons les trois autres: la convocation du président du syndicat en août 1997; la visite de l’Adjointe dans une classe de bureautique avec un questionnaire d’évaluation trois mois après la fin des cours dans cette classe; l’espionnage de la même Adjointe par rapport à la présence de l’enseignant en classe. Notons aussi la tentative ratée d’utilisation des secrétaires pour faire de la délation.

11 octobre 2002: à 16 heures, rencontre historique entre le Littéraire et le Directeur des études au Centre de V. Le Directeur des études, fort aimable, fait visiter les lieux qui sont neufs. L’enseignant lui demande une copie du questionnaire qui a été passé aux élèves. Le Directeur lui donne le questionnaire et lui dit: “Après avoir compilé les réponses, je peux dire que vos élèves trouvent que vous êtes un professeur compétent et dynamique; vos élèves vous aiment.” L’enseignant lui demande de mettre cela par écrit, ce que le directeur des études fera d’autant plus volontiers qu’il avait déjà entrepris, en secret, des démarches pour quitter ses fonctions. La directrice générale ne le savait pas, il ne le lui avait pas dit et cela est très instructif sur la nature de leur relation non amicale de dominante-dominé comme administrateurs. Il sera nommé Directeur des études dans un collège où il avait enseigné la philosophie pendant vingt ans. Notez bien que notre texte du 24 janvier 2001 était censé avoir détruit sa réputation... Devant la mauvaise humeur de l’enseignant, le hors-cadre tente de le calmer en lui disant “d’oublier l’incident “. L’enseignant en profite pour lui demander de retirer sa poursuite en lui disant que son témoignage devant la Commissaire Louise Verdone était vraiment exagéré surtout quand il a soutenu que la civilisation occidentale était menacée parce qu’on avait attaqué sa réputation. L’enseignant lui dit: “Vous avez commis une erreur avec la règle du 70-50% appliquée à l’examen de reprise et nous l’avons écrit. Nous n’avons jamais attaqué votre personne mais nous avons souligné une lacune dans l’exercice de votre fonction. D’ailleurs, vous avez corrigé l’erreur. Je reconnais que vous n’étiez pas obligé d’instaurer des examens de reprise avec des professeurs payés au taux horaire.” Après cette rencontre somme toute civilisée, Le Littéraire a cru qu’il serait possible que les poursuites soient retirées. Il avait raison.

30 O C T O B R E 2002: après discussions entre les avocats, la Direction, la Fédération et l’exécutif du syndicat, les parties signent enfin un RÈGLEMENT hors cour qui implique, d’une part, le retrait des poursuites du Directeur des études et de la Directrice générale et, d’autre part, le retrait des griefs, de la plainte au Tribunal du travail et de la menace de poursuites pour diffamation contre la Direction de la part des quatre membres de l’exécutif du syndicat. Les membres de la partie syndicale refusent de serrer la main de la directrice, de l’avocate de service et de l’avocat local. Le conflit n'est donc pas fini.

D O C U M E N T 32: lettre sur la visite de deux cadres dans une classe du Littéraire

Jeudi, le 7 novembre 2002
A la Directrice générale; au Directeur des études; à la Directrice des Ressources Humaines
Mercredi, le 9 octobre 2002, à 14h30, deux cadres ont interrompu mon cours de français (601-101, de 13h30 à 15h15) dans une classe de trente (30) élèves et m’ont invité à me rendre au bureau du Directeur des études. En présence de l’Ebéniste, le Directeur des études m’a dit que des commentaires lui avaient été faits sur mes cours qui étaient suffisamment graves pour justifier l’intervention dans mes classes cet après-midi aussi bien que le lendemain dans mes deux autres groupes de 601-101 que je devais rencontrer de 8h à 11h35. Il faut noter que je n’ai pas reçu d’avis préalable. Information prise, après une courte présentation justifiant leur démarche, les deux cadres féminines ont fait remplir un questionnaire à mes élèves pour une évaluation pouvant conduire à des mesures disciplinaires puisque, selon l’administration, la gravité de la plainte justifiait une intervention immédiate dans mes trois groupes. Avec l’aide de mes élèves, j’ai reconstitué assez vite le questionnaire; je sais donc de quoi il retourne. Cette histoire de plainte anonyme à propos d’une pétition que j’ai fait signer contre les bruits de construction qui ont nui à mon enseignement à plusieurs reprises cet automne a tout l’air d’un prétexte pour s’informer sur ma pédagogie ou sur mon attitude devant l’administration pour confirmer les allégations contenues dans votre lettre du 4 septembre 2002. De plus et surtout, le contexte des poursuites en Cour supérieure et de la plainte devant la Commissaire du Travail sème le doute quant aux buts réels poursuivis par la Direction.
Le droit de gérance existe mais est-ce qu’il justifiait une telle intervention? Je ne crois pas.
Le lendemain matin, jeudi, le 10 octobre, à 7h50, j’ai rencontré une de deux cadres pour lui demander à quelle heure elle passerait dans ma classe. Elle me dit que tout était annulé et qu’il fallait voir le Directeur des études qui me cherchait pour des explications. Dans son bureau, le Directeur m’a dit qu’il était arrivé à la conclusion que les accusations portées contre moi étaient sans fondement et qu’il regrettait de m’avoir dérangé et d’avoir dérangé mes élèves. Comme je voulais annuler la rencontre qui devait avoir lieu le vendredi à 16 heures à V., il insista pour me rencontrer quand même car nous avions à discuter de la demande syndicale que lui et la Directrice générale retirent leur poursuite en Cour supérieure.
Lors d’une rencontre au Centre de V., comme je demandais au Directeur une copie du questionnaire que mes élèves ont rempli, il m’a répondu que c’était dans l’intérêt de tout le monde d’oublier cet incident. Et il ajouta: “Vous êtes un professeur compétent et dynamique. Vos élèves vous aiment.” Ensuite, nous avons discuté pendant une heure du retrait de sa poursuite et de celle de la Directrice générale. Le Directeur des études envisageait de retirer sa poursuite, ce qui était une bonne nouvelle.
L’intervention de deux cadres dans ma classe n’est pas un fait anodin et est maintenant connue de tout le monde. C’est la première fois dans l’histoire du cégep fondé en 1968 qu’un tel événement se produit. Ma réputation a été ternie. Conséquemment, je demande au Collège de réparer le tort qui m’a été fait et de rendre public auprès de tous le jugement positif que le Directeur des études a posé sur mon enseignement lors de la rencontre du 11 octobre à V. Vous devez rendre public ce jugement favorable pour rétablir ma réputation comme enseignant et cela, le plus rapidement possible. Je crois que j’y ai droit. Il n’y a aucune raison pour que le dénouement de cette affaire reste confidentiel.
Je demande qu’une lettre signée par la Directrice générale qui est la principale responsable, par la Directrice des ressources humaines et le Directeur des études réaffirme que je suis un professeur compétent et dynamique qui jouit de l’estime de ses élèves; une lettre où vous reconnaissez que votre intervention a pu m’être préjudiciable. Je demande que cette lettre soit envoyée à tout le personnel et à tous mes élèves. Puisque vous êtes des spécialistes dans la protection de la réputation des personnes, je suis sûr que vous serez sensible à ma demande.
A cause du précédent que l’intervention du 9 octobre constitue, il n’est pas question “d’oublier cet incident”. Je vous prie d’agir avant le 15 novembre à défaut de quoi je verrai quelles seront les suites à donner. A cause du règlement hors-cour du 31 octobre et du protocole que nous venons de signer, je vous donne la chance d’agir avec équité à mon endroit. Je suis disponible pour une rencontre avec le Directeur des études pour en arriver à une lettre satisfaisante qui rétablira ma réputation.
Le Littéraire
témoin: l’Irlandais c.c. président du syndicat; coordonnateur de français

D O C U M E N T 33: lettre d'excuses du Directeur des études suite à la visite de deux cadres dans la classe du Littéraire dont il fait l'éloge

Le 13 décembre 2002
M. le Littéraire
Monsieur,
La présente fait suite à votre lettre du 7 novembre dernier et à notre entretien du 28 novembre, en rapport avec la visite d’un de vos groupes d’étudiants le 9 octobre 2002.
Comme je vous l’ai mentionné le 9 octobre, cette rencontre de vos étudiantes et de vos étudiants visait à valider des commentaires qui nous avaient été rapportés et dont la nature, s’ils étaient confirmés, pouvait éventuellement conduire à des mesures disciplinaires. Reconnaissant que cette action allait déranger le déroulement normal de vos activités d’enseignement, je vous en ai alors présenté mes excuses et demandé votre collaboration, compte tenu du fait que je n’avais d’autre moyen de m’assurer que vous puissiez recevoir un traitement juste et équitable en rapport avec ces commentaires.
Fort heureusement, la rencontre du premier groupe d'étudiants nous a permis, de façon suffisamment explicite, de conclure que les dits commentaires n’étaient pas fondés. Aussi nous sommes-nous empressés d’annuler les rencontres qui étaient prévues auprès des autres groupes et de vous en aviser. Cette rencontre nous a par ailleurs permis de constater que vous jouissez de l’estime de vos étudiantes et de vos étudiants, qui ont notamment affirmé que vous êtes un enseignant compétent et dynamique, qui sait rendre l’apprentissage de la littérature intéressant.
Je vous remercie de la collaboration que vous avez démontrée à cette occasion et vous réitère une fois de plus mes excuses pour avoir dû déranger le déroulement normal de vos activités d’enseignement et pour les inconvénients que cela a pu vous causer.
Recevez, Monsieur, l’expression de mes sentiments les plus distingués.
Le Directeur des études

décembre 2002: après avoir été vice-président à l’information, maintenant responsable de l’application de la convention collective et agent de griefs ( le Politique étant président du syndicat), après une lutte perdue pour qu’un jeune professeur de mico-édition et hypermédia ne soit pas congédié, le Littéraire s’oppose en vain aux refus de priorité envoyés à deux jeunes enseignantes, une en Soins infirmiers et l’autre en Chimie (sciences de la nature). Un refus de priorité est l’équivalent d’un congédiement. C’est l’administration qui prend la décision d’un refus de priorité, mais dans les trois cas précités, les enseignants des départements concernés, pour des raisons différentes, ont collaboré avec l’administration. L’exécutif du syndicat ayant défendu les jeunes enseignants (un homme et deux femmes) comme c’était son devoir de le faire, l'exécutif et le Littérairen en particulier, s’est rendu impopulaire auprès des membres des départements concernés et s’est même fait quelques ennemis. Poussé par ses amis de l’administration, Amable décida de former “une équipe” syndicale comme le lui a suggéré Grandpied dans leur rencontre hebdomadaire à l’Université (brasserie ainsi nommée parce que les “grands esprits” s’y réunissent). Il était assuré de l’appui des amis de la Directrice générale, profiteurs du double emploi qui ont refusé pendant trois ans de respecter les boycotts, des amateurs de refus de priorité et des partisans de la restructuration salariale. Ce serait suffisant pour assurer la victoire de cette “nouvelle” équipe syndicale comme prix de consolation pour la Directrice générale “forcée” de prendre sa retraite.

4 février 2003: dans le contexte de l’équité salariale et d’une restructuration salariale (l’échelle unique) qui donne des augmentations salariales aux moins scolarisées, le Ministère veut augmenter la charge de 173 heures par année soit cinq heures par semaine comme au primaire et au secondaire. L’Assemblée générale, en opposition aux 173 heures, vote à l’unanimité le boycott de toutes les activités qui ne sont pas obligatoires en vertu de la convention collective.

25 février 2003: “Le Huissier” vol.2, numéro 3. La vie syndicale après le retrait des poursuites en Cour supérieure.

Bulletin d’information envoyé à tous les membres de la communauté collégiale, à tous les syndicats de la Fédération , aux directeurs généraux et aux directeurs des études de tous les cégeps. Avant d’aller plus loin, il faut comprendre ce qui s’est réellement passé, de la mise en demeure du 31 janvier 2001 au règlement hors cour du 30 octobre 2002. Le Huissier du 25 février contenait la citation suivante des Essais, livre 3, chapitre VIII: "L’obstination et une façon de débattre têtue et impérieuse pleine d’opiniâtreté est la plus sûre preuve d’incivilité et d’inimitié. Si elle se rabaisse à la conférence commune et qu’on lui présente autre chose qu’approbation et révérence, elle vous assomme de son autorité." Ce sera encore une fois, en partie, la faute à Montaigne si la Directrice générale voudra de nouveau nous poursuivre en Cour supérieure pour, selon elle, ne pas avoir respecté l’entente hors cour en continuant de l’attaquer. Nous avons expliqué que, selon nous, c’est son évaluation négative par les enseignants qui a joué un rôle capital dans sa décision de se servir des Tribunaux. Cette explication qui était plutôt vraie fut jugée par elle inacceptable. Nos commentaires sur le roulement du personnel cadre étaient aussi difficiles à avaler. Quant à l’incivilité, quelle insulte pour cette spécialiste des bonnes manières et du décorum! Et ne parlons pas d’inimitié, puisque cela a commencé dès 1997 dans son attitude hostile devant le vice-président de la Fédération et devant le Littéraire, le futur vice-président du syndicat des enseignants.


D O C U M E N T 34: La vie syndicale après le retrait des poursuites
Syndicat des enseignantes et des enseignants du Cégep.

Le Huissier vol.2, no.3, 25 février 2003

"Ce n’est pas victoire, si elle ne met fin à la guerre." (Montaigne, 1, ch.47)

La vie syndicale après le retrait des poursuites en Cour supérieure: comment donner le ton à nos prochaines négociations avec le gouvernement

En signant un règlement hors cour le 30 octobre 2002 qui a conduit au retrait des poursuites de 80 000 $ et de 170 000 $ intentées par le Directeur des études et la Directrice générale contre les membres de l’Exécutif syndical, personnellement, pour diffamation et atteinte à la réputation, L’Exécutif du Syndicat a évité deux procès qui devaient débuter les deux semaines suivantes et qui, selon toute vraisemblance, se seraient éternisés durant de longs mois sinon quelques années. Mais avant d’aller plus loin, il faut comprendre ce qui s’est réellement passé.

Dire que tout aurait pu être réglé en 30 minutes...

Allons à l’essentiel. Le 31 janvier 2001, le Syndicat a reçu une mise en demeure de se rétracter et de s’excuser pour les propos utilisés pour dénoncer l’impéritie de la Direction des études dans la gestion d’un aspect du plan de réussite: l’examen de reprise et la double sanction. Or, on aurait pu régler cette question en trente minutes. Si le Directeur des études avait convoqué l’Exécutif pour se plaindre de nos propos tout en admettant qu’il avait fait une erreur (erreur qu’il a corrigée quelques mois plus tard) et nous avait proposé une déclaration conjointe dans ce sens, nous aurions accepté et le problème aurait été réglé. Cela aurait été la façon normale de procéder, c’est-à-dire la seule véritable façon de faire de vraies relations de travail où les torts ne sont pas toujours du côté syndical.

Pour éviter de faire face à la critique: les lettres d’avocats

Il faut alors se demander pourquoi la Direction a plutôt choisi de tenter de faire des relations de travail en nous envoyant une lettre d’avocat. La réponse est simple. Après avoir lu l’évaluation que l’Exécutif avait eu le mandat de faire du Directeur des études, évaluation où de nombreux reproches étaient imputés à la Directrice générale, cette dernière a voulu empêcher le Syndicat de l’évaluer librement. Habituée à s’autoévaluer favorablement, elle a vu là ce qu’elle a interprété comme un danger pour elle-même et pour son image. La liberté d’expression et la liberté d’opinion syndicales lui apparaissaient alors et comme toujours, menaçantes. Or, le moyen que la Directrice générale a trouvé pour empêcher le Syndicat de s’exprimer librement a été de tenter de lui faire peur et de l’intimider en le menaçant de poursuites en Cour supérieure. (...)

Une première dans le monde des cégeps: des officiers syndicaux poursuivis personnellement pour diffamation

C’est donc ce contexte de l’évaluation des hors-cadres (Directeur des études et Directrice générale) par les enseignants qui explique mais sans les justifier les poursuites en Cour supérieure. Le Conseil d’administration nous avait demandé notre avis à propos du renouvellement de mandat du Directeur des études et le la Directrice générale et ces hors-cadres n’ont pas accepté la liberté de jugement et d’opinion des enseignants qui, dans les deux cas, se sont prononcés négativement. Ces évaluations critiques, les membres de l’Exécutif du syndicat ont été obligés d’en payer le prix personnellement par des poursuites au Civil. De plus, ce sont tous les enseignants qui, solidaires de leur Exécutif, ont dû endurer un climat de travail malsain.

Le roulement du personnel-cadre: une saine philosophie de gestion?

Même après le retrait des poursuites, le climat de travail est resté à ce point malsain que des membres de la Direction se cherchent un emploi ailleurs et que le Directeur des études vient d’ en touver un dans un autre collège où il s’en va, comme il l’a écrit dans sa lettre d’adieu, “avec une grande joie”. Ne peut-on pas et ne doit-on pas se poser des questions sur le fonctionnement d’une directrice générale qui a perdu une directrice des ressources humaines , trois adjoints au directeur des études, un directeur des études et dont le directeur des ressources financières, de l’international et de la formation continue, lui aussi, s’interroge sur son avenir ici? Comment expliquer ce roulement de personnel-cadre? Est-ce normal! Ne serait-il pas permis de croire que ce n’est pas seulement le Syndicat qui a de la difficulté à travailler avec la directrice générale? En y réfléchissant bien, un commencement d’explication se trouve sans doute, encore une fois, dans la sagesse de Montaigne:
L’obstination et une façon de débattre têtue et impérieuse pleine d’opiniâtreté est la plus sûre preuve d’incivilité et d’inimitié. Si elle se rabaisse à la conférence commune et qu’on lui présente autre chose qu’approbation et révérence, elle vous assomme de son autorité.
(Les Essais, Livre 3, chapitre VIII)

La facture

C’est dans ce contexte que la Direction n’a pas hésité à utiliser des fonds publics. Selon notre estimation environ 50,000 $ auront été gaspillés en frais d’avocat. Nous avons le mandat de passer par la Commission d’accès à l’information pour le savoir et quand nous le saurons nous le ferons savoir à nos membres et au grand public qui paie des taxes.

Les leçons de cette saga judiciaire

Nous pensons que le Syndicat a le droit et le devoir de critiquer les décisions des administrateurs et d’exprimer ses positions et opinions et ce, tant auprès des membres que publiquement.
Que cela soit bien clair: nous ne croyons pas que les propos qui nous ont été reprochés étaient diffamatoires et portaient atteinte à la réputation des personnes qui ont intenté des poursuites en Cour supérieure.
Nous sommes au service des intérêts des élèves, des enseignants et du Collège et nos interventions ne visaient pas les personnes mais cherchaient la solution des problèmes, dans un cas, l’examen de reprise et la double sanction et dans l’autre, le sous-équipement en Arts et Lettres, problèmes que nous avons d’ailleurs contribué à régler à la satisfaction de tous. Dans tout ce conflit, les hors-cadres ont refusé de faire une distinction entre leur fonction et leur personne. Selon nous, c’est une erreur grave.
Nous pensons que le recours aux tribunaux a été un abus de pouvoir et que les sommes d’argent dépensées par le Collège dans le cadre de ces poursuites en Cour supérieure auraient pu servir à répondre à des besoins essentiels de l’enseignement.

A la défense de nos libertés fondamentales

Nous continuons de croire que les énergies et les sommes investies par le Syndicat pour se protéger des attaques patronales l’ont été à juste titre pour la défense de nos libertés syndicales fondamentales. Nous remercions les Syndicats de la Fédératiom, la comité de direction de la Fédération et ses services juridiques, les élus de la Fédération et tout son personnel, de leur appui indéfectible.
Nous sommes fiers d’avoir défendu la liberté syndicale. Tous ensemble, nous sortons de cette lutte encore plus forts que nous l’étions auparavant. Nous avons resserré nos liens avec notre base militante, ce qui est de bon augure avant les prochaines négociations où le pouvoir local tentera de nouveau de s’étendre. Nous avons démontré que le recours à la Cour supérieure ne relève pas d’une philosophie de gestion acceptable dans le milieu de l’éducation, pas plus que dans tout autre organisme public ou parapublic.

Nos boycotts: une stratégie peu coûteuse et extrêmement efficace et qui, surtout, fait très mal à la Direction générale

Nous sommes sûrs que c’est grâce à l’appui solide de nos membres si les poursuites ont été retirées. Nous vous remercions et nous vous félicitons de votre extraordinaire démonstration de solidarité, plus particulièrement dans le cadre des boycotts. Les boycotts se sont avérés une stratégie peu coûteuse mais très efficace. Ensemble, nous avons fait comprendre à nos administrateurs que sans l’implication et la participation bénévole des enseignants, un collège ne saurait être pleinement un Collège. Nous avons fait la preuve que la résistance pacifique est un moyen d’action syndicale efficace qui, à moyen et à long termes, nous permet de nous faire respecter. (...)
L’Exécutif du Syndicat
c.c. tous les membres du syndicat des enseignants; l’Association générale des étudiants; les syndicats des professionnels et des employés de soutien; les cadres; les membres de la Direction du Collège et du Conseil d’administration
la Fédération et les syndicats de la Fédération; les dg et les dé des collèges de la Fédération

Commentaires
1- Les frais d’avocats du Collège se sont élevés à 48,900 $. Nous l’avons su après le départ de la Directrice générale. Suite à une demande à la Commission d’accès à l’information, la nouvelle Direction a consenti à nous donner les chiffres officiels.
2- Nous savions, par nos contacts, que le Directeur des ressources matérielles faisait des démarches pour quitter le Collège mais nous ne savions pas exactement pourquoi. Cet administrateur a eu beaucoup de problèmes dans un poste de directeur général qu’il a occupé après nous avoir quittés. Après avoir obtenu un autre poste de Directeur des études, le “philosophe” a été nommé directeur général d’un autre collège. Plus tard, il a été obligé de donner sa démission.

27 MARS 2003: en réplique au Huissier du 25 février qui avait beaucoup déplu à la DéGère, lors d’une réunion du Conseil d’administration, la résolution suivante est adoptée.

“Le Conseil d’administration:
- réitère sa confiance envers la direction du Collège;
- blâme la conduite des membres de l’exécutif du syndicat des enseignants;
- exige que les membres de l’exécutif du syndicat des enseignants respectent leurs engagements et cessent tout harcèlement envers la direction du collège et ses administrateurs;
- prenne les mesures nécessaires, incluant au besoin de nouvelles procédures judiciaires. afin de donner les suites à la présente résolution;
- transmette cette résolution” à tous ceux qui ont reçu Le Huissier du 25 février 2003.

Comme nous en ont informés des membres du Conseil d’administration, la résolution originelle qui a été modifiée puis confisquée demandait que l’Exécutif du Collège prenne de nouvelles procédures judiciaires afin de donner suite à la présente résolution. Suite au Huissier du 25 février, la Directrice générale voulait donc nous poursuivre de nouveau. La preuve se trouve dans les considérants qui n’ont pas été modifiés tout le débat portant sur la décision de donner à l’Exécutif le mandat d’intenter immédiatement ou non de nouvelles poursuites judiciaires. La représentante du personnel de soutien, la Courageuse, s’est opposée fermement à la proposition d’intenter immédiatement des poursuites contre les auteurs du Huissier et contre l’idée même de nouvelles poursuites. Comme il fallait l’unanimité, le débat a eu lieu, long et pénible, des pressions indues étant faites sur la représentante du personnel de soutien qui, le soir même, était incapable d’en faire le récit suite au climat de terreur qu’elle venait de vivre. La Courageuse mérite son surnom, notre admiration et nos remerciements.

Voici les principaux considérants.

Considérant que l’exécutif du Syndicat des enseignants a diffusé le bulletin Le Huissier, daté du 25 février 2003, aux membres de la communauté collégiale ainsi qu’à tous les directeurs des études et directeurs généraux des collèges dont les syndicats sont affiliés à la Fédération;
Considérant que le contenu de ce bulletin est diffamatoire envers la direction du Collège et qu’il nuit considérablement au Collège et aux membres de son personnel; (...)
Considérant la mauvaise foi et l’intention manifeste des membres de l’exécutif du syndicat de ne pas respecter les engagements pris et diffusés publiquement dans le cadre du règlement hors cour déposé en Cour supérieure afin de réparer les torts causés aux membres de la direction du Collège;
Considérant le droit inaliénable de toute personne à sa dignité, à son honneur, à son intégrité et à sa réputation;
Considérant l’urgence d’agir afin que cesse cette conduite destructrice et inacceptable qui est hautement nuisible au Cégep ainsi qu’aux membres de son personnel.

En lisant ces considérants, on reconnaît l’expertise de l’avocate directrice des ressources humaines dans le choix des mots devant conduire logiquement à une autre poursuite immédiate contre les quatre membres de l’exécutif du Syndicat. Selon elle, le contenu de ce bulletin syndical est diffamatoire; cette conduite est destructrice et inacceptable et hautement nuisible. Ces considérants démontrent hors de tout doute l’intention ferme d’intenter immédiatement une poursuite pour diffamation “considérant l’urgence d’agir”. Mais le Conseil d’administration principalement grâce au courage de la représentante du personnel de soutien en a jugé autrement et a modifié la résolution. Pour intenter de nouvelles poursuites judiciaires, il faudrait de nouveau passer devant l’ensemble des 14 personnes du Conseil d’administration: l’Exécutif de cinq personnes contrôlé par la Directrice générale ne pourra donc pas décider seul d’intenter des poursuites contre le Syndicat comme c’était sa ferme intention.

Ce qui avait été voté voulait dire ceci: si les membres de l’exécutif du syndicat respectent leurs engagements et cessent tout harcèlement envers la direction du collège, il n’y aura nul besoin “de nouvelles procédures judiciaires”. Tel est le sens de la résolution comme nous l’a expliqué au téléphone un professeur de génie mécanique (Michel D.) et représentant des enseignants. N’ayant pas obtenu ce qu’elle voulait, la Directrice générale considéra que le Conseil l’avait désavoué. Voyant que les quatre membres de l'exécutif du syndicat s’en tiraient à si bon compte, elle commença à penser à la retraite et à sa prime de départ dans les six chiffres.

25 avril 2003: Le Huissier, vol.2, numéro 5: Le Syndicat informe ses membres qu’il n’est pas d’accord avec de nombreux éléments de la résolution votée par le C.A. mais qu’il n’exercera pas son droit de réplique quant aux considérants et à la résolution du 27 mars. Nous exprimons “notre volonté de contribuer à améliorer le climat de travail au nom de l’intérêt général , sans renoncer aux obligations, aux devoirs et aux droits que nous confèrent notre convention collective et notre solidarité avec les syndicats de la Fédération autonome du collégial”. Diplomatiquement, nous déclarons que, tout comme les membres du Conseil d’administration, nous souhaitons tourner la page.

D O C U M E N T 35 Hommage à la Courageuse (Lise L.) à l’occasion de sa retraite pour la remercier d'avoir empêché une troisième poursuite

Cet automne, un membre de l’exécutif du syndicat des enseignants le Littéraire a rendu visite à la Courageuse dans sa maison de la rue Pie IX. Elle l’a accueilli avec sa réserve chaleureuse habituelle. Taquine, elle l’a informé que le Collège avait convoqué une assemblée pour l’élection d’un représentant des parents au C.A. et qu’elle était éligible puisque son fils étudie au collège mais qu’elle laisserait “la chance” à quelqu’un d’autre. Le professeur de français n’a pas essayé de lui faire changer d’idée étant donné qu’il savait par expérience ce qu’il en coûte de ne pas être un administrateur estampille (rubber stamp).
Elle l’informa qu’elle avait participé à la rédaction d’une lettre de protestation envoyée par le syndicat du soutien à la directrice générale suite à la coupure de quatre postes du personnel de soutien au printemps 2003, réingénierie oblige, alors que, on le sait maintenant, le surplus atteint plus d’un million de dollars, ce surplus constitué en partie par une augmentation de la charge du soutien et des enseignants sans parler du demi-million de dollars dans les coffres de la Fondation.
Au nom de l’exécutif du syndicat et de tous les enseignants, un cadeau lui a été donné à l’occasion de sa retraite et une carte qui contenait un message lui a été remise. Sa longue collaboration avec les professeurs de biologie a été rappelée; on l’appelait professeur parce que quand l’Ebéniste-Herboriste avait un cas urgent à régler comme membre de l’exécutif du syndicat, Lise voyait à ce que le laboratoire de biologie continue à bien fonctionner.
Son action au Conseil d’administration fut ensuite évoquée. Elle a décrit, en détail, avec toutes les émotions vécues, de l’humiliation à la colère, le déroulement de la réunion du 27 mars 2003 où les membres du Conseil d’administration ont eu à se prononcer sur une proposition qui donnait à l’exécutif du collège (dont fait partie la directrice générale) le pouvoir de prendre de nouvelles poursuites judiciaires contre l’exécutif du syndicat des enseignants suite à la publication du Huissier du 25 février 2003 intitulé: “La vie syndicale après le retrait des poursuites en Cour supérieure”. En relisant les considérants, on conclut que cette proposition aurait pu avoir de graves conséquences pour les membres de l’exécutif syndical. Cela aurait pu aussi avoir des conséquences pour la directrice générale si celle-ci s’était sentie désavouée par une partie du Conseil. L’enjeu était donc considérable et peu de personnes en dehors du Conseil en ont pris conscience.
Après discussion dans un climat très tendu comme chaque fois qu’un ou plusieurs administrateurs ne sont pas d’accord avec la directrice générale, une simple majorité ayant été obtenue et non pas l’unanimité puisque plusieurs administrateurs refusèrent d’embarquer dans cette croisade contre “ces mécréants du syndicat”, après une confiscation brutale du document contenant la proposition et les notes personnelles de Lise, une deuxième proposition a été faite qui remettait à l’ensemble du conseil et non à l’exécutif seul la décision à prendre sur de nouvelles poursuites dans une autre réunion du C.A. et seulement si nécessaire.
Cette proposition a été votée à l’unanimité avec une abstention, celle de la Courageuse qui, en conscience, ne pouvait absolument pas voter pour une proposition qui ouvrait la porte à d’autres poursuites en Cour supérieure à même des fonds publics. Elle voulait voter contre mais les pressions furent si fortes et les arguments si insidieux qu’elle dut y renoncer à son corps défendant. Son abstention permettait de dire que la proposition avait été adoptée à l’unanimité selon la conception très particulière de la démocratie qui sévit à ce collège depuis mai 1997 soit depuis l’An I. Seule cette deuxième proposition est apparue au procès-verbal et non la première pourtant dûment présentée et votée, ce qui est une irrégularité, c’est le moins qu’on puisse dire.
Le message sur la carte accompagnant le cadeau se lisait comme suit:
“Chère Lise, grâce en bonne partie à tes interventions courageuses, les menaces de nouvelles poursuites judiciaires contre l’exécutif du syndicat des enseignants ont été rejetées par le Conseil d’administration du 27 mars 2003. Avec une conviction et un sens du bien commun remarquables, tu as lutté pour affirmer ta liberté de conscience et ta liberté d’expression et tu as contribué à faire échouer une troisième tentative d’utiliser les tribunaux à des fins anti-syndicales.
Le 27 mars, la modeste et digne employée a remporté la victoire contre “l’élite” locale. Pour ton engagement de presque trente ans, pour ton dévouement, ta droiture et ton intégrité, au nom de tous les enseignants, c’est avec une vive émotion que nous t’exprimons notre respect, notre admiration et notre reconnaissance.”
L’exécutif du syndicat des enseignants, avril 2003.

mai 2003: formée par Amable Beausapin, l’équipe que la Directrice appuyait est élue à l’exécutif du syndicat des enseignants. Le Syndicaliste est battu 43 à 37. Le taux de participation est de 80%. Amable est élu vice-président, responsable de l’application de la convention collective des enseignants lui qui connaît plutôt la convention collective du personnel de soutien. Mais quand on sait tout d’avance... Ces élections ont vu les habitués de l’Université (brasserie fréquentée chaque vendredi soir par les cerveaux de la région) prendre le pouvoir. C’est un prix de consolation qui arrive trop tard pour la Directrice générale dont le pouvoir a été mortellement affaibli par le refus du Conseil d’administration du 27 mars 2003 de poursuivre de nouveau pour la troisième fois l'exécutif du syndicat des enseignants. Cette nouvelle équipe sera là deux ans jusqu’à ce qu’Amable se retire après avoir été mis en disponibilité avec un salaire de 80% d’assuré. Comme quoi sa vocation syndicale n’était pas très profonde ni son programme de mobilisation des jeunes très sérieux. Il n’était pas question pour lui de faire du bénévolat. Toutefois, il aura réussi à se faire du capital politique auprès de ses amis libéraux. Après un congé sans solde à l'hiver 2008, Amable Beausapin prendra sa retraite.

mai 2003: départ pour la retraite de l’Avocate de service dite le Ton. La directrice des ressources humaines ne peut évidemment pas dire: mission accomplie. Rencontrée par hasard dans un restaurant non loin du collège, elle fit au Littéraire le coup du mauvais oeil ce qui le laissa imperturbable.


18 mai 2004: sélection d’une nouvelle directrice générale; malgré une situation financière déficitaire, elle réussira à équilibrer le budget et à rétablir le climat de travail. A cause de la baisse de clientèle, un climat de morosité s'installe.

juin 2004; après une année d’affrontements sur l'augmentation de la tâche des enseignants de 5 heures par semaine rattachées à la restructuration salariale (les 173 heures) et sur les 15 orientations de la Fédération des cégeps sur la réforme des collèges, la DéGère prend sa retraite et emporte avec elle sa prime (légale) de séparation (de 143,000$, dit-on) et son rêve de faire du collège Germaine-Guèvremont une institution post-secondaire autonome, une sorte de collège privé où on aurait pu remplacer un cours de formation générale obligatoire en français ou en philosophie par un cours en environnement obligatoire (pour rentabiliser un programme en manque d’élèves), où la convention collective aurait été négociée localement et où toutes les marges de manoeuvre imaginables auraient été données dans l’administration des budgets. Pendant cette dernière année, la grande majorité des enseignants ont continué les boycotts (les "byecotts" comme disait Amable) pour s’opposer à l’augmentation de la tâche de cinq heures par semaine ( les 173 heures) mais surtout pour s’opposer à la “réforme” des cégeps qui, entre autres, aurait élargi le concept de formation générale pour y inclure des cours de sciences humaines ou même d’environnement tout en faisant passer les cours obligatoires de philosophie de trois à deux et de français de quatre à trois.

15 juin 2005 : ayant été enseignant pendant 40 ans, de 1965 à 2005, dont 36 ans au cégep Germaine-Guèvremont, au moment qu’il a lui-même choisi, le Littéraire prend sa retraite. Il a été ému en entendant un choeur d’enfants chanter à la fin d’un épisode particulièrement touchant de Virginie de Fabienne Larouche au moment où Jici Lauzon s’en va, “Adieu monsieur le professeur; on ne vous oubliera jamais.”
Il espère avoir fait aimer la littérature et la langue française et donné le sens de l’humour, de l’engagement et de la liberté à quelques-uns des sept mille élèves que la Providence, le hasard ou la Fortune comme dirait Montaigne a placés sur sa route.

Vieux-Longueuil, quatre février 2008


Post-face

Le rôle principal dans cette histoire a été joué par la directrice générale d'un collège de région puisque c'est elle qui a décidé d'utiliser la Cour supérieure à des fins politiques et que ce sont ces poursuites accompagnées de nombreuses actions de harcèlement qui ont tout déclenché. Un observateur de tendance anti-syndicale (ça existe) a conclu de toutes les actions patronales que "c'était de bonne guerre" comme l'a dit plusieurs fois l'Ebéniste provoquant ainsi l'irritation de ses collègues de l'exécutif du syndicat. Avec l'aide de plusieurs cadres et avec le support moral non négligeable de certaines élites locales, elle a mené une lutte acharnée qui a duré plusieurs années contre un syndicat en attaquant ses leaders. En vain, car ceux-ci savaient se défendre et contre-attaquer.

Visé par ces actions hostiles, le Littéraire Voyageur a eu l'élégance de donner la parole à son adversaire qui a su habilement justifier tous ses agissements. C'est une Egérie qui a grandement inspiré l'auteur. Ne poussant tout de même pas la grandeur d'âme jusqu'à renoncer à son point de vue, il a qualifié ces interventions juridiques qui le visaient personnellement de poursuites stratégiques (SLAPP) et les diverses actions hostiles à son endroit de harcèlement (au sens de la loi), ce qui constitue un jugement de valeur qu'il a le droit de poser que cela plaise ou non et qu'il assume suite à une expérience stressante qu'il est vraiment le seul à avoir vécue et qu'il a tenu à partager.

A notre connaissance, aucun des acteurs et aucune des actrices de cette histoire n'a de remords ou ne regrette quoi que ce soit (sauf les mots inopportuns: "vous étiez à jeun"). Il est possible aujourd'hui que la poussière est retombée que les adversaires patronaux reconnaissent leurs torts et admettent que "Cette fois-là" n'a jamais été dit. A propos des gestes posés lors de ce conflit où aucune des parties n'a atteint tous les objectifs qu'elle s'était fixés, ce qui primait des deux côtés, c'était surtout l'efficacité stratégique des actions guerrières bien plus que leur conformité ou non à l'éthique. Par exemple, les hors-cadres ont eu raison de soutenir que leur évaluation devait rester confidentielle et le Littéraire a eu raison de se plaindre de harcèlement et de dénoncer une déformation grave de ses propos.

Dans ces circonstances où les torts sont partagés, où on peut dire que le résultat a été pratiquement un match nul, l'image ou la réputation des uns ou des autres qui se dégagent de ce témoignage honnête, véridique et ouvert dépendent des valeurs et de la perspicacité du lecteur qui est laissé libre de porter un jugement nuancé et de conclure à son gré... tout en ayant apprécié, espérons-le, ce voyage dans un petit collège de région du Québec.

Dans leur tentative de convaincre, les deux principaux protagonistes font penser au tableau d'Eugène Delacroix que le Littéraire assis sur une chaise en rotin, en entrant à droite, dans l'église St-Sulpice de Paris en 1965, a contemplé: "La lutte de Jacob avec l'Ange" tout en lisant Dimanche m'attend de Jacques Audiberti lors de son voyage de noces.

Vieux-Longueuil, écrit au lac Langis, près de St-Vianney, non loin de Matane, en juillet 2007


J’entends les cris de l’engoulevent, j’observe son vol dans le ciel d’un soir d’été, les lumières s’allument sur le parc Robin, il est temps de mettre fin aux jeux et de rentrer à la maison de mes grands-parents italiens, ma petite main droite dans la douce main gauche de ma mère.


copyright Robert Barberis


Biographie de Robert Barberis-Gervais

Né le 24 septembre 1938 à Montréal, l'auteur est marié à Marcelle Viger du Vieux-Longueuil et père de quatre enfants. Il a fait son cours classique avec latin mais sans grec en quatre ans et obtenu son Bac en 1960. Il a ensuite entrepris des études en théologie au Grand Séminaire de Montréal, a obtenu une Licence en théologie en 1964, puis une Maîtrise en lettres de l’Université de Montréal en 1972 et, enfin, en 1987, à l’Université Laval de Québec, un doctorat en lettres. Sa thèse portait sur l’espace autobiographique de la fiction.

D’origine italienne, il est devenu indépendantiste à la suite des cours d’histoire de Maurice Séguin, de la rencontre de Gaston Miron et de son exégète le plus compétent, Jacques Brault, de la lecture d’Option-Québec de René Lévesque, de son expérience comme professeur au Loyola Collège (devenu Concordia University) et de l’influence de l’engagement politique de Michel Viger qui fut président de la région Rive-Sud du Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN). Il a travaillé activement avec Pierre Marois à l’implantation du Mouvement Souveraineté-Association sur la Rive-Sud. Il a été secrétaire à la rédaction des Editions du Parti québécois qui ont publié, entre autres, l’autobiographie politique du Dr Camille Laurin, le père de la loi 101 et Comment se fera l'indépendance, série d'entretiens avec René Lévesque, Jacques Parizeau et Jacques-Yvan Morin publiés dans le Toronto Star par Robert McKenzie en 1971. Il a été membre du comité national du programme. Le Devoir et La Presse ont publié une trentaine de ses libres opinions. En 1978, avec Yves Miron, il a été membre du cabinet politique du ministre de l'Immigration Jacques Couture.

Collaborateur à diverses revues (Maintenant, l'Action nationale) et au journal Le Jour, il a publié cinq livres dont De la clique des Simard à Paul Desrochers...en passant par le joual (1973), Ils sont fous ces libéraux (1974), La fin du mépris (Ecrits politiques et littéraires) (1978); Les illusions du pouvoir, les erreurs stratégiques du gouvernement Lévesque (1981), en collaboration avec Pierre Drouilly, le spécialiste de la sociologie électorale québécoise et canadienne.

Après deux ans au Loyola College, il a enseigné la littérature française et québécoise pendant 36 ans au collège de Sorel-Tracy où il a été coordonnateur du département de français à plusieurs reprises et a été membre de l’exécutif du syndicat des enseignants pendant une douzaine d’années.

Une autocrate, des poursuites frivoles et Montaigne est un livre sur la démocratie et sur la liberté d'expression. Après une présentation de l’Editeur, les confidences d’une femme d'action raconte toute l’histoire du point de vue de la directrice qui est devenue un personnage de roman. Sa version est si plausible que le lecteur croira un court instant que la directrice a eu raison de poursuivre les membres de l'exécutif du syndicat. C’est la faute à Montaigne donne point de vue du syndicat. Ces récits sont suivis d’une conclusion qui explique l’échec d’une directrice qui ne voulait qu’une chose: la soumission du syndicat et qui ne l’obtint pas. Tous les noms propres ont été enlevés et le nom du collège est fictif. Cela a donné un docufiction d’un genre littéraire nouveau: le SLAPP fiction. Ce récit brave quelques interdits en combattant la bêtise et l’hypocrisie provinciales. Le ton de cet essai hybride s’inspire de Montaigne qui écrivait:" Je ne fais rien sans gaieté". Montaigne a été pour nous tous un maître de résilience.

R O B E R T B A R B E R I S - G E R V A I S