samedi 13 mars 2010

la gibelotte et autres essais (version finale)

                                                                
                                                  
                                                  Robert Barberis-Gervais
                                                      

                                                 
                                            
                                      la gibelotte et autres essais

                                   
                                   Montaigne
                                 
                                   au collège Germaine-Guèvremont                   

                                                                                    
                                                                


                                                 slapp fiction-essai hybride
                                                                                                                             
                                                       
                                                       
                                                     
                                                     


copyright: Robert Barberis       
nihil obstat d'outre-tombe: Mgr Jean-Charles Leclaire
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Robert Barberis, 190 rue St-Jacques, Longueuil, J4H 3B9       
barberis@videotron.ca


A la mémoire de Lise Latraverse et de Daniel Lussier       

avertissement

J'affirme que tous les faits rapportés dans ce livre, au meilleur de ma connaissance, sont exacts. Dans la plupart des cas, des documents peuvent être cités à l'appui.

 Par exemple, j'ai devant moi la transcription mot à mot des propos tenus lors de l'interrogatoire pré-procès du 31 octobre 2001. Lors de cet interrogatoire, il s'est passé quelque chose qui a considérablement aggravé le conflit. Déjà que le fait de nous poursuivre au civil pour 80,000$ et 170,000$ pour diffamation était inacceptable si, en plus, nos adversaires commençaient à inventer des propos qui n'avaient pas été dits, là ça dépassait les bornes.  Etant donné l'importance de  ce qui est écrit dans le chapitre Chronologie et documents à cette date, je le cite au début de cet essai.

31 octobre 2001: au Palais de justice, interrogatoires, par les avocats, de la Directrice Générale et du Littéraire, vice-président du syndicat, précédant le procès pour diffamation, où chacun donne sa version des paroles prononcées au Conseil d’administration du 19 juin 2001. Les deux versions sont différentes l’une de l’autre. Elles ne peuvent donc pas être vraies toutes les deux.  La Directrice générale n’a pas tenu compte de la lettre de l'enseignant  qui lui fut envoyée au début de juillet 2001 qui donnait toutes les précisions sur les circonstances. 

Une sténo prend tout en note et nous avons devant nous la retranscription mot à mot des deux témoignages qui discutent de la demande de l'enseignant pour savoir si un investissement de 25,000 $ promis par la Directrice est prévu dans le budget du collège pour l'achat d'ordinateurs pour le programme d'Arts et Lettres.

Première erreur, la directrice soutient que l’enseignant se référait à une réunion de département. Or, il se référait à un accueil du personnel avec bière et vin. Cinq témoins pourraient le dire qui étaient avertis de la question qui serait posée et qui étaient présents comme observateurs à la réunion du Conseil. De plus, le coordonnateur du programme d’Arts et Lettres et le coordonnateur du département de français, qui avaient décrit au Littéraire en détail la scène de la promesse faite par la Directrice d’acheter des ordinateurs lors de l’accueil du personnel de l’automne 2000 savaient que la question serait posée au Conseil d’administration du 19 juin. Un accueil du personnel et une réunion de département, ce n’est pas la même chose. On ne sert pas de boisson pendant les réunions de département.  


Deuxième erreur, il y a eu une confusion entre réunion de programme et réunion de département. Les besoins en équipement du programme d’Arts et Lettres ne sont pas discutés en réunion de département de français. Ils sont discutés en réunion de programme. C'est un détail qui touchera les émules de Colombo, d'Hercule Poirot et de Miss Marple. Le Littéraire ne participe pas aux réunions du comité de programme car les gourous du programme l'ont exclu (malgré sa compétence reconnue) des cours donnés dans le programme d'Arts et Lettres.

Troisième erreur à propos de la boisson. La directrice requérante a prétendu que l’enseignant avait dit: Cette fois-là, vous étiez à jeun, ce qui a donné l’occasion à son avocat de prétendre que l’enseignant avait laissé croire que sa cliente était habituellement paquetée dans l’exercice de ses fonctions, ce qui est complètement farfelu. L'enseignant n’a jamais dit cela et, en plus, ne l’a jamais pensé. Ainsi donc l’accusation de diffamation est basée, comme le dit notre contestation, sur des propos que l’intimé enseignant n’avait pas tenus. Il n’a pas dit: Cette fois-là. L’accusation est donc sans fondement. Le Littéraire n'a jamais traité la Directrice d'alcoolique et il ne l'a  jamais pensé.

Le 31 octobre 2001, le témoignage de la directrice était donc fabriqué. Fabriqué de manière à justifier une poursuite en diffamation. Fabriqué, mais mal fabriqué parce qu'incohérent. Une preuve de plus d'impéritie et de manque d'éthique, caractéristiques des libéraux.* Pour rejeter cette opinion, il va vous falloir vous draper de tous les oripeaux du jovialisme qui s'inspire des moeurs de l'autruche qui se met la tête dans le sable pour échapper au mal menaçant en faisant comme si son derrière n'était pas totalement vulnérable.

En cours de route, vous remarquerez tous les détours suivis et toutes les prudences avant d'en arriver à cette conclusion inéluctable.  Mais, au 26 avril 2010, aucune hésitation n'est possible: il faut regarder les faits en face et dire la vérité.


Robert Barberis-Gervais, Ph. D., Université Laval de Québec

*Le fair-play des libéraux, ça n'existe pas. Pensons aux 15 millions dépensés  par le NON au référendum de 1995 en infraction de la Loi québécoise sur la consultation populaire par Patrimoine Canada et Option Canada.
Voir Le référendum volé de Robin Philpot, Les Intouchables, 2005.





table  des  matières
premier cahier
notez bien / autoportrait / questionnaire Marcel Proust
des informations qui sont d'intérêt public / mise en route du moteur
message au lecteur, à la lectrice  (inspiré de Leonard Cohen)
deuxième cahier

Note de l’éditeur (fictif)    

troisième cahier

générique syndical; générique patronal / les acteurs et les actrices

mise au point / la minute de vérité ou mieux vaut tard que jamais

quatrième cahier

1- Gibelotte: remarques sur le vocabulaire, les personnages et les circonstances

cinquième cahier

2- Confidences d’une femme trahie

sixième cahier

la fin d'un règne / la vie à Ste-Anne-de-Sorel  de 1885 à 1967
le point de vue du littéraire: avant-propos / mise en contexte juridique: A Civil Action
entrée sous forme de libres-propos / introduction

septième cahier

3- C’est la faute à Montaigne (essai)

huitième cahier

conclusion: de l'insoumission ou de la liberté

neuvième cahier

4- Chronologie et documents  (1997-2009)

dixième cahier

la fin du règne de Françoise première / nouvelles récentes 2008-2009 et 2009-2010 / épilogue

post-face:  conversation imaginaire entre le Littéraire et l'Irlandais

onzième cahier

Appendice: réactions au livre et répliques du Littéraire  / critique dans le journal local

hors-texte: résumé long (on veut les faits dit l'avocat) / résumé court / l’auteur

hors d'oeuvre
                                            


premier cahier


Notez bien

La première version de cet essai a été publiée sur internet samedi le 2 février 2008 à l'adresse: cestlafautemontaigne.blogspot.com/ et  le 5 février 2008 à l'adresse: barberis-gervais.blogspot.com/ accessibles à tous, à cette époque et actuellement.  En mars 2010, soit plus de 24 mois plus tard, il y a prescription.

Deux articles publiés sur Vigile.net en Tribune libre ont attiré l'attention sur ces deux versions. 

Jean Charest , une odeur de fin de régime,  vendredi 4 décembre 2009;    

Pierre Foglia ne comprend rien à Hérouxville, dimanche 6 décembre 2009.

La version finale, toute en nuance qui s'intitule la gibelotte et autres essais (Montaigne au collège Germaine-Guèvremont) a été publiée sur le Net en mars 2010.   Pour y accéder, choisissez un moteur de recherche (Safari ou Firefox). Entrez google; entrez barberis-gervais.blogspot.com/ et vous obtiendrez plusieurs références; cliquez sur: une autocrate, des poursuites frivoles et Montaigne:février 2008 et ensuite cliquez sur: afficher les messages, vous arriverez à la gibelotte et autres essais publié en deux parties.  



autoportrait

je suis
italien d'origine et de coeur
français de langue maternelle et de culture incluant principalement la littérature française
grec de philosophie (Aristote)
sémite de théologie (la Bible, principalement le Nouveau Testament)
québécois de patrie et de culture incluant principalement la littérature québécoise
canadien par mon passeport, par la Conquête en 1760, par les institutions politiques  britanniques
catholique de religion
espagnol par les jésuites et les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola
anglais de langue seconde et de culture (Shakespeare)
américain par le baseball, le Watergate,  Jack Nicklaus  et Barak Obama

mes héros dans la vie réelle:  ma mère Claire, ma femme Marcelle, mon fils Philippe, Daniel Lussier, Louis Bazinet.

mes admirations:  Jésus, les rédacteurs du Nouveau Testament,  Jeanne d'Arc, Thomas Moore, François Villon, Molière, De Lorimier, René Lévesque, Jacques Parizeau, Gilles Vigneault,  Montaigne. Marguerite Yourcenar, Julien Gracq, Susan Boyle, Victor-Lévy Beaulieu, Gaston Miron, Germaine Guèvremont, Maurice Richard, Michael Bossy.


Questionnaire Marcel Proust

Votre qualité préférée: le courage

Votre vertu préférée chez un homme: la franchise

Chez une femme: l'intelligence, la sensualité, la féminité

Votre principal trait de caractère: la ténacité

Votre occupation favorite: écrire

Le défaut que vous détestez le plus: la servilité, l'hypocrisie

Votre conception du bonheur: combattre, être en santé

Votre conception du malheur: se soumettre, être malade

Vos devises: à chaque jour suffit sa peine; nous vivons dans un monde imparfait;

tous les humains sont de ma race (Gilles Vigneault).


A ne jamais oublier: un livre politique

Si je n'avais pas été indépendantiste depuis 1965 et si je n'avais pas écrit des livres et parlé contre le manque d'éthique des libéraux, le conflit que je vais décrire et qui se passe au niveau local n'aurait jamais eu lieu. A la suite de Roosevelt,  All politics si local aimait répéter Tip O'Neill, Speaker of the House . Quand vous êtes un indépendantiste et que vous exprimez vos convictions sur votre lieu de travail, vous vous heurtez inévitablement aux libéraux qui entreprendront contre vous une lutte ouverte ou sournoise. Croire que les luttes politiques n'ont lieu qu'au niveau national et ne se rendent pas au niveau local est une erreur. C'est une opinion contredite  par la guerre qui a sévi de 1997 à 2004 au collège Germaine-Guèvremont (nom fictif).

des informations qui sont d'intérêt public

La justice est un monde à part qui se protège avec le sub judice et la confidentialité. Mais elle ne réussit le plus souvent qu'à attiser la curiosité. Le temps qui passe nous débarrasse de ces contraintes qui poussent au silence. Sans doute à cause du sujet principal de ce livre qui parle de deux poursuites en diffamation de 80,000$ et 170,000 $ contre un syndicat et un enseignant, il faut se demander si ce qu'on écrit est d'intérêt public.

Puisque le monde merveilleux du droit m'y invite à travers un avocat que je connais depuis 30 ans que j'ai rencontré dans une réunion politique, allons-y. Procédons par l'absurde et posons une drôle de question: est-il d'intérêt public de cacher les deux poursuites-bâillons qui ont eu lieu en 2001 au collège Germaine-Guèvremont?  Puisque je prouverai hors de tout doute raisonnable  que les deux poursuites dont nous avons été l'objet étaient des poursuites-bâillons (des slapps), il n'est certainement pas d'intérêt public de se taire comme si elles n'avaient jamais eu lieu. Il me semble évident qu'il est d'intérêt public d'en parler.   

Un collège a été témoin (ce n'est donc pas de la fiction) de deux poursuites-bâillons, ce qu'on appelle en anglais des slapps (strategic lawsuits against popular participation: poursuites stratégiques contre la participation populaire). Une slapp ou une poursuite-bâillon est un détournement du système judiciaire par des acteurs économiques ou autres pour réduire au silence des opposants en les obligeant à de longues démarches juridiques et à des frais d'avocats exorbitants. C'est une forme d'intimidation. (L'Assemblée nationale du Québec a voté en juin 2009 une loi contre les  poursuites-bâillons.) 

La participation populaire que des libéraux ont essayé de contrarier ou carrément empêcher, c'est, ici, dans un petit  collège public du Québec, sur la Rive-Sud de Montréal, entre 1997 et 2005, l'action syndicale de défense des conditions de travail des enseignants mais aussi, la défense des intérêts d'autres travailleurs, par exemple, les sept employées de la cafétéria menacées de perdre leur emploi par un projet néo-libéral de privatisation. Ces actions syndicales étaient démocratiques et fondées sur des valeurs d'équité et de solidarité: il est bon de les faire connaître. A ces valeurs  s'est ajoutée, par la force des choses,  la défense de la liberté d'expression puisque la poursuite-bâillon a pour but précis de museler l'adversaire  et de restreindre le plus possible sa liberté de parole. Sans la liberté de parole, n'est-ce pas, il n'y a pas de démocratie possible. Si à chaque critique que vous faites, vous êtes menacé d'une poursuite pour diffamation et atteinte à la réputation, vous allez y penser deux fois avant de critiquer. Et éventuellement, vous cesserez de critiquer. Le pouvoir  sera sans contre-poids.  Vous cesserez de faire du syndicalisme. Vous deviendrez un syndicat de boutique. Et la poursuite-bâillon portera bien son nom: elle vous aura bâillonné. Et la directrice pourra faire ce que bon lui semble.

Notre action visait à faire respecter une convention collective qui avait été signée par les deux parties. C'était un contrat qui liait les deux parties. Quand la directrice générale qui venait d'arriver, avec l'accord inopportun de l'exécutif du syndicat avant que nous en fassions partie, décida  de soustraire plus de quatre enseignants aux  ressources réservées à l'enseignement pour financer, entre autres,  son Centre des technologies, elle faisait quelque chose d'illégal mais elle agissait comme si elle ne le savait pas car une autocrate ne s'embarrasse pas de règles qu'elle décide d'ignorer quand ces règles contrecarrent ses projets. Elle s'imaginait qu'elle pouvait faire n'importe quoi avec les ressources réservées à l'enseignement pourvu que l'exécutif du syndicat soit d'accord.  Ainsi 78 enseignants auraient eu l'obligation de faire la tâche prévue pour  82 enseignants. Cela vous paraîtra peut-être lilliputien ou insignifiant mais dans la vie réelle, ce ne l'est pas. Il faut savoir que les articles de la convention collective qui précisent comment se calcule l'allocation des ressources réservées à l'enseignement (l'enveloppe E)  pour chaque discipline dans un collège public sont ceux qui font  l'objet des négociations les plus serrées. On ne peut pas les contourner comme ça de façon désinvolte et arbitraire pendant un repas bien arrosé avec un exécutif de syndicat qui s'est laissé berner par une directrice toute en mode séduction… et qui paya l'addition.  Elle montrait un irrespect et un mépris des enseignants et de leur syndicat qu'il ne fallait absolument pas tolérer. Peu de temps après ce repas anti-syndical, au Comité des relations de travail, nous (le Littéraire et le Politique) fîmes renverser cette décision: la directrice avait oublié un détail: son détournement de ressources était illégal. Ce jour-là, elle commença à nous regarder de travers et même à nous détester.  C'était réciproque. Elle comprit alors pourquoi ses amis de la clique libérale disaient que nous étions dangereux.   

L'autocrate nous déclara la guerre. Elle  décida d'employer les grands moyens: deux poursuites-bâillons et de nombreux gestes de harcèlement que nous allons décrire et qui ont rendu difficile notre travail d'enseignant.  Ces grands moyens que nous n'avons pas inventés et qui ont donc une existence objective sont des abus de pouvoir et nous les décrivons comme tels, documents à l'appui.  Nous jugeons que cette information est d'intérêt public et d'intérêt tout court. S'opposer à la diffusion de cette information non seulement va contre la liberté d'expression mais aussi relève d'un conservatisme bête et  réactionnaire. Ce  serait une erreur stupide  ou une tentative de noyer le poisson que de dire qu'il s'agit de vengeance personnelle ou de conflits de personnalités. Les aspects personnels ou psychologiques du conflit que nous allons décrire ne doivent pas faire oublier son caractère politique. Ne jamais oublier que derrière les péripéties d'un conflit syndical, c'est la motivation politique qui explique tout. Vous aviez d'un côté des indépendantistes et de l'autre des libéraux.  Au niveau local, dans une région du Québec. 

Au fond, c'est assez simple: la directrice responsable des deux poursuites-bâillons a utilisé le droit au respect de la réputation individuelle pour justifier des abus de pouvoir et intimider ceux qui s'opposaient à ses projets et à son style autoritaire. Malicieusement,  elle a fait dévier le débat vers les notions de diffamation et d'atteinte à la réputation. La société dans laquelle nous vivons est démocratique si elle permet de se défendre contre de tels abus. Nous nous sommes si bien défendus que les poursuites ont été retirées lors d'un règlement hors-cour. Nous le disons d'entrée de jeu même si cette information enlève tout suspense. Le suspense  consiste à observer les péripéties du conflit et à voir comment le Littéraire (surnom de l'auteur) a su résister à plusieurs attaques. L'objectif violent de la directrice de se débarrasser de son adversaire ne fut pas atteint. Ce fut un échec lamentable dont nous allons décrire avec une certaine volupté les tenants et les aboutissants. A force de résilience et de perspicacité, avec l'aide du syndicat et de la solidarité des enseignants, nous avons résisté à une succession d'infamies et de combinaisons machiavéliques. Nous nous réjouissons d'avoir conjuré les haines et déjoué les complots. Cet essai n'est donc pas triste même si parfois nous pouvons paraître des victimes mais nous  étions  des victimes qui savaient se défendre. Comme l'écrit Montaigne: nous ne faisons rien sans gaieté.



La description des enjeux de cette lutte est d'intérêt public au moment où la droite remet en question l'existence même des syndicats, au moment où les entrepreneurs en construction, les bureaux d'ingénieurs et les compagnies financent illégalement (par prête-noms ou par enveloppes brunes) le parti libéral en échange de contrats lucratifs et multiplient les  poursuites-bâillons  contre ceux qui les contestent, au moment où Lucien Bouchard, après avoir obtenu des libéraux des contrats comme celui de négocier au nom de la Société des alcools à 1,200 $ de l'heure, par ses interventions, apporte un appui objectif à Jean Charest.  De même que Jean Rostand  disait que toute la biologie se trouve dans la grenouille ainsi peut-on dire en exagérant un peu mais si peu que toute la démocratie se trouve dans le conflit résolument local que nous  allons décrire.


Marcelle Viger, ma conjointe,  qui est évidemment au courant de tout puisqu'elle en a vécu au jour le jour les épisodes et les péripéties pendant sept ans me conseille d'ajouter ceci et je la cite. Elle dit:  


"L'intérêt de ce qui s'est passé à ton collège, c'est de contredire les féministes qui propagent le mythe selon lequel si c'est une femme qui administre, c'est  mieux.  Avec une femme qui dirige, c'est supposé être l'harmonie, l'écoute avec une espèce de générosité de l'âme qui crée les consensus alors qu'avec votre directrice, il fallait qu'elle laisse sa marque. Alors, elle dérangeait tout le monde, elle faisait ce qu'elle voulait avec le budget et le surplus accumulé de 2.4 $ millions. Elle se comportait d'une manière  pire qu'un homme qui exerce le pouvoir. Elle a laissé sa marque sur les murs, les meubles et a voulu confier la cafétéria à un traiteur uniquement pour des motifs financiers sans tenir compte de la qualité des aliments ou de la sécurité d'emploi des employées.  Elle a bousculé les gens et a augmenté la tâche du personnel y compris les cadres qui ont vécu sur les nerfs et ont fait des erreurs. Ce qui comptait surtout, c'était l'extérieur, l'image, la fondation, la collation des grades, les bals, les tournois de golf; ses préoccupations étaient extérieures à l'enseignement proprement dit. Résultat: personne ne voulait travailler avec elle et on l'a fui. Sept cadres ont démissionné.  Si c'est ça une femme de pouvoir, c'est pas beau. Elle voulait dominer et elle s'est sentie contestée. Il fallait toujours qu'on soit unanime au Conseil d'administration. Il fallait écraser l'opposition. C'était la pensée unique dont elle était la seule à détenir le secret. Elle avait son petit journal L'Info-CA pour contrôler l'information.  Elle a gaspillé 50,000 $ de fonds publics en frais d'avocat pour vous abattre. Elle a dégonflé le mythe de la femme qui gouverne différemment et mieux que l'homme. Tu as bien fait de lui tenir tête et de contrecarrer ses projets surtout celui de privatiser la cafétéria*. Les femmes qui te liront feraient une grave erreur en s'imaginant que tu es misogyne et anti féministe. Il est d'intérêt public de décrire les comportements de cette directrice générale libérale et de montrer comment des enseignants et leur  syndicat ont réussi à lui faire mordre la poussière. Je te comprends de vouloir en finir une fois pour toutes en disant le fond de ta pensée.    La version finale que tu publies aujourd'hui sur Internet, aucun éditeur ne l'a lue. J'ajoute, en terminant, que ces femmes sont des libérales et que vous êtes des indépendantistes. Elles n'ont pas oublié ton militantisme. C'était normal que vous vous affrontiez."

Quarante-cinq (45) ans de vie commune m'autorisent à dire que Marcelle V. a un excellent jugement.


* La question de la privatisation de la cafétéria touche particulièrement ma conjointe qui est diplômée en diététique.  


Vieux-Longueuil, vingt-six avril  deux mille dix 


P.S. J'aimerais qu'on puisse dire de moi ce qu'on a dit de la critique gastronomique

Françoise Kayler qui est morte lundi dernier dans son sommeil à l'âge de 80 ans.

Le chef Marcel Kretz a dit:  "Sa plus grande force était qu'elle était capable de dire la vérité sans blesser.»

Et le critique musical Claude Gingras:  «Elle était d'une rigueur absolue et d'une honnêteté exemplaire."


mise en route du moteur

Ceux que la fortune a fait passer la vie en quelque éminent degré, ils peuvent par leurs actions publiques témoigner quels ils sont. Mais ceux qu’elle n’a employés qu’en foule et de qui personne ne parlera, si eux-mêmes n’en parlent, ils sont excusables s’ils prennent la hardiesse de parler d’eux-mêmes. (...) Je ne veux pas qu’un homme se méconnaisse, ni qu’il pense être moins que ce qu’il est.  (Montaigne, Essais, II, 17, 1592)

Les faits parlaient d’eux-mêmes. Il réfléchissait aux égarements des personnes de distinction et des gens en vue qui sous leur apparence policée battaient en brèche la morale, les femmes surtout.  Et pour tirer parti de cette heure dorée, il se demandait s’il ne lui arriverait pas quelque chose qu’il pourrait mettre par écrit. Il fallait trouver quelque chose qui sorte des sentiers battus du genre Ce qui m’est arrivé ou ce qui s’est passé au collège Trinity.    
(James Joyce, Ulysse, 1914-1921)


message au lecteur,  à la lectrice   (inspiré de Leonard Cohen)

Lecteur, lectrice, merci d'être venu à ce livre et  de porter votre attention à ce curieux ouvrage. C'est un livre qui ne ressemble à aucun autre. J'espère que vous le trouverez original, utile et distrayant.  Il décrit les sept dernières années fort mouvementées de ma vie professionnelle d'enseignant  et de syndicaliste.  Je fais partie de ces hommes de qui personne ne parlera, si eux-mêmes n’en parlent. Montaigne a raison d'écrire:  Je ne veux pas  qu’un homme se méconnaisse, ni qu’il pense être moins que ce qu’il est.  De la même manière, Jacques Ferron regrettait que trop de ses contemporains  se sous-estiment,  gardent le silence par excès de modestie et nous privent de leur expérience.  J'ai donc la hardiesse de parler de moi. Avec l'espoir de ne pas trop vous bâdrer. (bâdrer: mot québécois utilisé par ma grand-mère Gervais et qui vient du mot anglais bother, embêter: don't bother me, viens pas m'achaler, m'embêter.)

Ce livre raconte ce qui m'est arrivé et ce qui s'est passé au collège Germaine-Guèvremont entre 1997 et 2005 là où il a fallu défendre la liberté d'expression et la liberté syndicale. Ce n'est pas tous les jours qu'un enseignant et son syndicat reçoivent la visite du huissier de bonne heure le matin, sont poursuivis pour atteinte à la réputation et diffamation et sont menacés de payer des amendes de 80,000 $ et de 170,000 $. C'était la première fois au Québec que la Direction d'un collège gaspillait 50,000 dollars de fonds publics en honoraires d'avocat pour éliminer un enseignant et faire taire un syndicat. Cela sort des sentiers battus. La responsable de ces poursuites-bâillons pourrait bien être cette femme  qui, malgré  son apparence policée,  battait en brèche la morale comme l'écrit James Joyce dans son roman Ulysse que Victor-Lévy Beaulieu m'a donné le goût de lire.

Au départ, convenons que sur chaque question litigieuse, il y a au moins deux points de vue. Par exemple, vous l'avez remarqué,  je viens de parler de poursuites-bâillons.  C'est un jugement de valeur sur la nature des poursuites que nous avons subies. Mais pour notre adversaire, ces poursuites n'étaient pas des poursuites-bâillons: elles étaient justifiées à cause de la virulence de l'action syndicale et aussi, pour des raisons politiques plus larges. C'est une matière qui porte à controverse.  Je le dis une fois pour toutes: quand je porte des jugements, c'est mon opinion et celle du syndicat dont j'ai été le principal porte-parole. J'ai quand même le droit à mon opinion. Mais je donne aussi droit de cité à une autre opinion. L'opinion contraire est longuement et clairement exprimée dans le chapitre intitulé les Confidences d'une femme trahie. J'ai été le plus honnête qu'il était possible de l'être dans les circonstances. Le lecteur n'est pas manipulé: il a tous les éléments pour juger par lui-même.  D'ailleurs, la Chronologie et les documents rapportent des faits objectifs.

Les faits parlent.  On ne peut douter des faits qui sont appuyés sur des documents irrécusables. C'est pour cela que mon livre n'est pas un libelle diffamatoire. Je ne suis pas emporté par une haine qui me pousserait à proférer des calomnies inspirées par des jugements téméraires. La réalité suffit. Pas besoin d'en remettre. Saviez-vous que dans un collège de la Rive-Sud de Montréal, en 2001, des enseignants ont été poursuivis pour diffamation par la directrice générale? Et bien, c'est un fait. C'est de notoriété publique que je me suis opposé, avec d'autres,  à ses initiatives. Cela lui a déplu. Quand on  veut diriger, on écarte les obstacles. Or, je ne dis pas cela pour me mettre en vedette, j'ai été le principal obstacle. Pour affirmer son autorité, il lui fallait donner un exemple.  Des disputes éclatèrent au grand jour. Il n'était pas question de me retirer, de prendre ma retraite, mes jours ne paraissant pas en sûreté parce qu'on voulait ma peau et qu'on ne regardait pas sur les moyens.  Je ne cédai pas. Je me fis un point d'honneur de faire face.  (J'ai pris ma retraite en juin 2005, un an après la retraite de la directrice. J'aurais pu prendre ma retraite sans perte actuarielle trois ans plus tôt car j'ai atteint le facteur 90 (âge (64) plus les années d'expérience (36) en 2002.) Avec l'appui des membres du syndicat, je lui ai tenu tête. Avec résilience. La solidarité a été presque sans faille ( une semblable solidarité devra exister pour que les Québécois se donnent un pays). Cette solidarité, nous avons travaillé fort pour l'obtenir car elle ne nous a pas été donnée gratuitement.  A cause de son entêtement, la directrice a été plusieurs fois humiliée. J'avais le don de frapper au bon endroit comme le disait un collègue du département de français que je fustigerai plus loin à cause de son hypocrisie.  En d'autres temps et si elle avait  été un homme, je  l'aurais convoquée en duel comme dans Alexandre Dumas. Je me serais comporté comme Aramis dont le nom rime avec le mien; je l'aurais transpercée avec mon épée, le sang aurait coulé et j'aurais réglé son cas une fois pour toutes. Des désirs homicides chez elle ont été transformés en poursuites et en harcèlement. Par les Confidences,  je lui ai donné la parole. Tout le monde comprendra que c'était  pour  pouvoir mieux la contester. C'est bien vrai ce que dit Michel Tremblay. Il affirme que l'écriture est une indignation, une contestation.  Ecrire, c'est  pointer du doigt vers ce qui ne va pas.  Un proverbe chinois ne dit-il pas: Quand le doigt montre la lune, l'imbécile regarde le doigt. Et un proverbe arabe: Dis la vérité et prends un cheval. Jacques Ferron dit aussi qu'écrire, c'est contester.

Quand j'étais jeune, j'ai regardé pendant plusieurs années avec plaisir à la télévision les épisodes hebdomadaires du téléroman Le Survenant. Montréalais, jamais je me serais imaginé enseigner dans la région du Chenal-du-moine à 75 km de chez moi dans le Vieux-Longueuil. Pendant trente-six ans, j'ai eu l'occasion de me promener en auto le long du Chenal entre deux cours à l'heure du dîner  surtout à l'automne et au printemps en m'imaginant des scènes du Survenant ou de Marie-Didace. C'est un paysage qui m'est devenu familier. C'est ma façon de voyager. De la même manière, je me suis retrouvé le long de la Loire, à St-Florent-le-Vieil, à l'hôtel de la Gabelle, à côté de la maison de Louis Poirier alias Julien Gracq.  Je me sens privilégié que le hasard m'ait conduit à respirer le même air que le père Didace Beauchemin (joué par Ovila Légaré). Je me souviens d'une excursion  dans les méandres du Chenal sur le bateau d'un collègue surnommé l'Ingénieur. L'air était frais, le moteur grondait et le bateau fendait les flots. Etaient présents les principaux acteurs de cette histoire. Sous les cris familiers des outardes en formation, nous avons abordé un quai qui nous a menés à un restaurant adjacent où, accompagné d'un vin blanc, après une bonne bière froide, nous avons mangé avec appétit le repas de l'amitié, de la gibelotte traditionnelle pleine de saveurs marines. Avec un gros oignon blanc coupé en tranches sur la table. Ce fut une randonnée, un repas mémorables et un grand moment d'amitié.

Il ne faut pas  prendre ce livre trop au sérieux. Puis-je me permettre, cher lecteur, chère lectrice, de te* suggérer de passer ce qui te déplaît. Picore de-ci, de-là. Peut-être y aura-t-il un passage ou une page qui fera vibrer ta curiosité ou aura quelque résonance avec ton expérience. Après un certain temps, si tu es désoeuvré, curieux ou en vacances,  tu voudras peut-être le lire d'un couvert à l'autre. Tu remarqueras quelques redites mais ça ne te dérangera pas, j'espère. Si tu le lis en plusieurs fois, disons en cinq ou six séances de lecture, ce que je te suggère fortement, cela ne paraîtra pas trop. Pour connaître les faits et avoir une vue d'ensemble du conflit en une séance de lecture, lis la Chronologie et les documents après avoir pris connaissance du générique des principaux acteurs.

Ma conjointe m'a répété vingt fois d'écrire un roman. C'est ce que j'ai fait en partie car les Confidences d'une femme trahie se lisent comme un roman. La directrice est devenue comme un personnage de roman.  Le genre littéraire de l'essai a aussi son intérêt. Mon essai fonctionne comme une auto hybride à double énergie, celle qui vient du documentaire et celle qui vient de la fiction.  Cela donne un essai hybride. Ou ce qu'on appelle un docufiction. Ce va et vient entre la non-fiction et la fiction a été le sujet de ma thèse de doctorat présentée à l'Université Laval de Québec en 1987 (à presque 50 ans) que j'ai réussie grâce aux conseils avisés et stimulants de Jean Marcel.
 
Lecteur, lectrice,  je te  remercie de l'intérêt que tu portes à cette mosaïque bricolée, à cette collection hétéroclite d'essais et de fictions, de récits, de lettres et de dialogues, de remarques didactiques, de propos autobiographiques,  de chroniques et de documents, de citations soigneusement choisies. Partout, tu rencontreras Montaigne. Ton intérêt  démontre, selon moi, une générosité téméraire bien que touchante de ta part. Et une forme d'idéalisme que je t'encourage à ne jamais perdre.

Ce livre a été écrit pendant plusieurs saisons de ce  climat tempéré dont jouit le Québec, pendant que la neige ou la pluie tombait,  ou sur une table à pique-nique ombragée par un érable, ou près   d'un lac tranquille ou pendant l'été des Indiens.  Il a été écrit pendant les chaleurs de l'été, en buvant un jus de pamplemousse rose glacé, dans l'atmosphère rafraîchie par de l'air climatisé dans un grenier d'une maison plus que centenaire du Vieux-Longueuil, entourée d'une cinquantaine de sortes de fleurs, d'où on peut voir au loin le pont Jacques-Cartier et, plus près, en plongée, des arbres et un jardin où poussent des tomates rouges et roses,  des haricots jaunes, des betteraves, des oignons blancs, des carottes, des concombres et du basilic, de la marjolaine, du romarin et du persil, tout ce qu'il faut pour faire une bonne gibelotte.  Comment ne pas croire en la vie et en la jardinière Marcelle, en voyant ces légumes qui poussent et qui repoussent d'année en année  et qui se retrouvent sur notre table pour notre plus grand plaisir. 

Ce que tu as entre les mains est une mosaïque où l'ordre des parties n'a pas d'importance. On peut regarder un tableau sous différents angles: ce qui compte, c'est la vue globale, la vue d'ensemble.   Lecteur, lectrice, j'espère que je ne t'aurai pas fait perdre ton temps.  Depuis le début de ma retraite comme enseignant en mai 2005, l'écriture de ce livre est une entreprise plutôt ludique qui m'a occupé, m'a tenu en éveil et m'a stimulé entre deux articles envoyés à Bernard Frappier, webmestre de Vigile.net. 

A la fin du processus, je dis mission accomplie. J'avais quelque chose à dire et je l'ai dit. Je me sens libre comme Andy Dufresne  (Tim Robbins), évadé de prison, à la fin du film The Shawshank Redemption. Je me suis désinstitutionnalisé.  Sur le bord de la mer, Andy Dufresne passe du papier sablé sur  son bateau et voit au loin  son ami Red (Morgan Freeman) qui a enfin obtenu sa libération et à qui il a donné rendez-vous. Puis, ils se donnent l'accolade. C'est la dernière scène de ce film admirable. Leur sourire est inoubliable. La mer, les vacances, la liberté conquise, l'amitié, qu'est-ce qu'on peut demander de plus! 

*Le tu français correspond au you familier de Leonard Cohen

(Ce message  s'inspire  librement de la préface écrite par Leonard Cohen à l'édition chinoise du livre Beautiful losers, Perdants magnifiques, 1966. Cohen a lu cette préface dans un film qui trace son portrait.)  



Robert Barberis-Gervais, Ph.D.

Vieux-Longueuil,  vendredi,  vingt-neuf janvier deux mille dix (par -15 degrés celsius, -30 avec le facteur éolien)


deuxième cahier

aire de repos

Ceux que la fortune a fait passer la vie en quelque éminent degré, ils peuvent par leurs actions publiques témoigner quels ils sont. Mais ceux qu’elle n’a employés qu’en foule et de qui personne ne parlera, si eux-mêmes n’en parlent, ils sont excusables s’ils prennent la hardiesse de parler d’eux-mêmes. (...) Je ne veux pas qu’un homme se méconnaisse, ni qu’il pense être moins que ce qu’il est.  (Montaigne, Essais, II, 17)


Note de l’Editeur *  

* L’Editeur (fictif) est le double de l’auteur. Il s'agit d'un artifice littéraire qui m’a été inspiré par Adolphe, le roman de Benjamin Constant. C’est l’Editeur qui dit  je. 

Je parcourais la région de Charlevoix.  Je me suis arrêté au gîte La Nichouette dans le village des Eboulements. Le lendemain, le cocorico d'un vrai coq se fit entendre plusieurs fois. La trompette du matin me réveilla. Je m’éveillai avec gratitude, heureux d’être au monde.  L'eau du robinet, pure et fraîche, venait des montagnes, elle était froide, l'air était frais et tonifiant, la vue en plongée sur le fleuve Saint-Laurent qui scintillait au loin était belle, des vaches paisibles  broutaient l'herbe dans la rosée, le soleil embellissait les fleurs, en particulier des pivoines d'un rouge éclatant comme celles qui s’épanouissent dans l'entrée de la maison de Victor-Lévy Beaulieu, à Trois-Pistoles, le long de la route 132. Entre deux coups de gueule et deux publications, VLB  cultive des fleurs, élève des animaux et habite une maison qui a fait l'objet d'une émission de Passion maisons. Une odeur de bacon et de café envahit la cuisine en bois peint en blanc et vert pomme. Comme l'écrit VLB dans les Grands-pères, cela était rassurant, ces choses quotidiennes, il y avait de la paix en elles, et de la bonté aussi. Je me suis dit qu'il y a des moments dans la vie où le bonheur est palpable. Dans le village des Eboulements, ce matin-là de la fin d'août de l’année 2006, dans la cuisine de ce Gîte du passant, nous l'avons touché parce qu'il faisait beau, qu'un coq m'a réveillé qui a rappelé les Evangiles et Hamlet, qu'il y avait du soleil partout, que l'herbe sentait bon, que nous avions une vue panoramique sur le fleuve, que tout le monde était de bonne humeur et en santé et parlait français. C'était les vacances et nous étions chez nous en territoire familier,  en bonne compagnie chez Gilberte Tremblay et son fils Félix, non loin du Vieux-Québec  et de l'île d'Orléans de Félix Leclerc, dans notre pays natal.

Réveillé par l'air froid, après m’être rasé, j’ai imbibé mon visage d’eau glacée et j’ai bu deux verres de cette eau froide excellente en pensant à L'homme qui plantait des arbres de Jean Giono-Philippe Noiret-Frédéric Back et en relisant des passages soulignés du treizième chapitre du livre trois des Essais de Montaigne.

Nous sommes de grands fols. Il a passé sa vie en oisiveté, disons-nous: je n'ai rien fait aujourd'hui.- Quoi, avez-vous pas vécu? C'est non seulement la plus fondamentale mais la plus illustre de vos occupations.

Notre grand et glorieux chef-d'oeuvre, c'est vivre à propos. Toutes autres choses, régner, thésauriser, bâtir, n'en sont qu'appendicules et adminicules pour le plus. Pour moi, donc, j'aime la vie. On fait tort à ce grand et tout-puissant donneur de refuser son don.

Chaque soir avant de s'endormir, Montaigne récitait le Notre Père en latin. Je me demande d'où vient cette idée fausse qu'il n'était pas croyant mais qu'il faisait semblant de l'être à cause des pressions sociales. Le vent avait dû changer de bord, ça sentait maintenant le fumier et quoi de plus apaisant que la senteur du fumier de vache. Attentif aux bruits et aux odeurs de la campagne et aussi aux quelques autos qui passaient bruyamment sur la rue principale, des éclats de voix et des rires m'invitèrent à quitter ma chambre aux rideaux verts et aux petites mouettes blanches suspendues.  Assis à table, accompagné de son épouse Marcelle avec laquelle il avait des rapports évidents de complicité, Robert, un Voyageur dans la soixantaine avait une belle façon, mais  paraissait soucieux malgré le matin lumineux et sa retraite prise en juin 2005 qui aurait pourtant dû le libérer de bien des tracas. Le Voyageur, qui était en train d’écrire un livre, son sixième, avait choisi  la profession d'enseignant de collège qui lui laissait pratiquement cinq mois de loisir et de liberté pour lire, écrire et surtout, pour avoir trois mois de vacances pour faire du camping avec sa famille et le plus de temps possible pour jouer au golf, son sport préféré dans lequel il excellait. 

Aujourd'hui, au gîte La Nichouette,  en ce beau matin de la fin de l'été  nous avons discuté de politique.  En présence de son fils Félix,  la veuve Gilberte Tremblay, notre aimable hôtesse septuagénaire s’était assise sur sa chaise berçante car le professeur n’en était pas à sa première visite et elle savait qu’un coup parti, il était difficile à arrêter surtout quand il parlait de politique. Après nous avoir servi un jus d’orange frais, du pain de blé entier rôti, deux oeufs au miroir et du bacon, elle en oublia d'insister pour que nous goûtions à ses produits authentiques du terroir, cretons, confitures maison, fromage Le Migneron et sirop d’érable pur offerts avec abondance sur la table de la cuisine d’une maison en bois où dominent le blanc et le vert pomme qui lui rappelait la grande cuisine aux cinq fenêtres de son enfance au deuxième étage du 4365  de la rue Brébeuf à Montréal, tout près de la rue Marie-Anne, dans le Plateau Mont-Royal, non loin du parc Lafontaine où il a passé son enfance et sa jeunesse. Cette cuisine de son enfance retrouvée et la chaleur et la générosité de l'accueil expliquaient sans doute qu'il en était à sa septième visite chez Gilberte qui lui rappelait sa grand-mère Gervais qui l'avait pris chez elle de quatre à huit ans avec son jeune frère parce que sa mère travaillait.

Le Voyageur rappela qu'après les élections du  29 avril 1970, qui avaient donné 24% du vote au Parti québécois et sept députés, il avait fait l'éloge du style  de René Lévesque dans un article publié dans Le Devoir  en janvier 1971. Dès 1967 se développa une relation amicale avec l'homme politique, auteur d'Option Québec et fondateur du Mouvement Souveraineté-Association.  Par la suite, malheureusement, cela  se détériora. A la période des questions de l'Assemblée nationale, dit-il, il m'a traité de gérant d'estrade. Son attaché de presse Robert Mackay n'est plus là pour en témoigner, mais René Lévesque m'aimait bien. J'incarnais, à ses yeux, le nouveau militant, ni libéral, ni riniste, qui faisait la force du Parti québécois.  Moi, j'avais pour lui un tel respect qu'une fois, sur la rue Christophe-Colomb, il vint me saluer alors que je travaillais dans un petit bureau à préparer une édition du programme officiel du Parti québécois: j'étais très concentré sur le travail de précision que je faisais mais il est arrivé à l’improviste et quand je l'ai vu, je me suis levé d'un bond, spontanément. Ce sont des détails qui ne mentent pas. Si je l'avais voulu,  j'aurais pu travailler au bureau du premier ministre avec Yves Miron mais j'ai considéré que si je perdais ma liberté, je ne serais plus d'aucune utilité. Est-ce que Jacques Parizeau a tenu compte des conseils de Jean-François Lisée quand il a fait son discours sur l'argent et des votes ethniques le soir du référendum volé de 1995? Non. Alors! Parizeau a bien fait car  le projet de discours du soir du référendum écrit par Lisée était mièvre et sonnait faux. Tout de suite après le love in, Claude Dubois aurait dû remplir le stade olympique comme il en avait le projet. Quant à Parizeau, le soir du 30 octobre 1995,  il aurait dû dire: Les fédéralistes n'ont pas respecté la loi québécoise en dépensant deux fois plus que permis (love in et Option Canada): je conteste les résultats: je ne les accepte pas et nous allons refaire un  autre référendum où, cette fois-ci, les tenants du NON vont respecter les lois québécoises. 

A l’époque,  le Voyageur jugeait qu’un article publié dans Le Devoir était plus efficace pour exercer une certaine influence. Mais même là, dit-il,  personne n’a pu empêcher Claude Morin d’imposer son étapisme néfaste parce que Lévesque était d'accord. Deux semaines avant les élections de 1973, une annonce dans les journaux disait: d’abord un bon gouvernement par une élection; la souveraineté, plus tard, en 1975,  par un référendum. Tous les problèmes des indépendantistes partent de là. En 1976, on a eu le bon gouvernement. En 2006, 30 ans plus tard, l’indépendance est encore à venir. La promesse du référendum en 1973 et 1976 avait pour but de prendre le pouvoir non de réaliser l’indépendance. René Lévesque était tellement obsédé par le référendum qu'il est tombé dans le piège que lui tendait Trudeau après la nuit des longs couteaux. Merci beaucoup Claude Morin: faites votre rapport à la GRC: mission accomplie.

En mangeant du fromage Migneron et en buvant son deuxième café, comme personne n’était pressé et que 80% des hommes de plus de soixante-ans avaient un jour ou l’autre des problèmes de prostate, à l’invitation de sa femme qui cherchait à changer de sujet car elle en avait soupé d'entendre parler de Claude Morin et de l'étapisme et qui lui tendit la perche, le Voyageur ne se fit pas prier pour raconter avec force détails ses problèmes de santé, lui qui n’avait jamais été malade, problèmes dont il prit conscience quand, en urinant, il entendit le toc toc toc de trois petites pierres rondes et beiges tombant sans douleur dans les toilettes, le 16 mars 2005 vers neuf heures du soir, ce qui le mena, sur les conseils d’une infirmière d’Info-Santé rejointe par téléphone, à l’urgence de l’hôpital Pierre-Boucher de Longueuil jusqu’à deux heures du matin. Il raconta que le médecin de l’urgence, un petit vietnamien, après avoir tâté sa prostate dans la nuit, refusa de lui donner plus d’information prétextant que son doigt n’était pas assez long et que, de toutes façons, il lui fixerait un rendez-vous avec un urologue puisqu’ici, dit-il, on travaille en équipe. Il trouva une pharmacie ouverte à deux heures du matin boulevard Taschereau et il prit des antibiotiques pour se débarrasser d’une infection urinaire. Il en était là parce qu’il n’avait pas tenu compte de l’alerte (comme disait son ami Luc Charbonneau) du 13 juillet 2004 quand, en fin d’après-midi, après avoir réussi le seul trou d’un coup de sa longue carrière de golfeur, au quatrième trou de 156 verges du parcours Madeleine, avec un fer six Titleist DTR et une balle Top-Flite 1Hot XL qu’il conserve précieusement comme un trophée, en urinant dans la haie de cèdre à côté du vert du sixième trou du club de golf de Verchères, il vit du sang dans son urine causé sans doute par les pierres qui avaient accroché une veinule, ce qui l’inquiéta beaucoup car, à ce moment-là, il ignorait la cause de ce qui s’appelle savamment une hématurie macroscopique. Il était comme la plupart des hommes qui négligent de se faire examiner par un médecin à moins d’y être forcé par un malaise persistant ou une douleur inquiétante. Plus tard,  un scan  devait lui apprendre qu’une quinzaine de pierres de forme ronde et lisse dont trois de 1.2 cm de diamètre (ce qui est plus gros qu'un noyau de cerise de France) s’étaient formées dans sa vessie à cause d’une hypertrophie béniqne de la prostate (HBP) et d’une alimentation trop riche en calcium provenant de fromages divers et des deux verres de lait qu’il prenait assez souvent avec un morceau de gâteau de la pâtisserie Rolland en regardant  une émission de discussion sportive. Une quinzaine de calculs dans la vessie, c’était une véritable carrière devait dire plus tard une infirmière taquine.

Après un effort physique pour descendre un matelas du grenier, un matin ensoleillé très chaud de l’été 2005, comme c'est arrivé plusieurs fois à Michel de Montaigne, une de ces pierres se coinça dans l’urètre, l’empêcha d’uriner et nécessita une autre visite à l’urgence de l’hôpital Pierre-Boucher. Il fallut une intervention du Dr Jean-Louis Bourque qu’il avait rejoint par miracle le matin par téléphone à l’hôpital de Lasalle: celui-ci apprenant qu'une pierre était coincée dans l'urètre eut spontanément la réaction suivante: Soda! dit avec empathie le très laconique docteur. Au début de l’après-midi, après avoir attendu quatre-vingt dix minutes (c’est long) en robe d’hôpital verte pâle ouverte par en arrière, dans un cubicule, assis sur un tabouret pendant l’heure du dîner, devant l’incapacité du médecin de garde qui zigonnait sans succès avec je ne sais quel instrument, l’urologue costumé quitta le bloc opératoire et descendit à l’urgence, ce qui est quand même inusité, accompagné d’une infirmière expérimentée et très jolie qui avait beaucoup d'aplomb, fit une piqure au glorieux organe, sortit le bistouri pour évacuer une pierre ronde de 1 cm. de diamètre coincée dans l'urètre qu’il déposa dans la main du patient à sa demande et utilisa une aiguille pour coudre des points de suture. Quand le patient se releva soulagé et content, il n’avait presque pas souffert mais, à sa grande surprise, il baignait dans son sang comme à la boucherie et il fallut plusieurs minutes à deux infirmières fraternelles pour le laver. Comme il venait de remercier le Dr Bourque pour son sens du timing et sa dextérité, la jolie infirmière lui dit: Vous êtes un homme solide, ce qui lui fit grand plaisir puisque c’est ce qu’il avait démontré au fond par son comportement assez cool dans les circonstances, mais avait-il le choix, lui que les Sulpiciens du Grand Séminaire de Montréal avaient déclaré douillet (pauvres Sulpiciens!) parce qu’après quarante minutes de sport (balle au mur, ballon balai ou balle molle selon la saison), il mettait une veste de laine pour écouter les élucubrations du Supérieur François Paradis pendant sa conférence spirituelle de début de soirée. Il faisait confiance aux soins de santé québécois et les services qu’il venait de recevoir le confortaient dans cette attitude, lui qui n’était pas allé à l’hôpital depuis l’accident subi dans les années quatre-vingt pendant une partie de balle molle au camping municipal de La Tuque où il avait fallu lui faire douze points de suture au-dessus de l’oeil droit suite au geste violent et imbécile de l’arrêt-court qui lui avait accroché les lunettes en le retirant au deuxième but parce qu’il se croyait en train de jouer le septième match de la série mondiale.  Le lendemain, il était sur le terrain de balle mais sans ses lunettes. Pas mal pour un douillet.

La présence de ces calculs dans la vessie exigea l’intervention du même chirurgien compétent mais peu loquace, qui enleva habilement les quinze pierres par les voies naturelles lors d’une opération qui eut lieu à l’hôpital de Lachine, à 9 heures du matin, le 8 septembre 2005: il conserve précieusement ces calculs qu’il est allé chercher au laboratoire de l’hôpital et qui font partie de son dossier qui contient des photocopies de presque tous les examens qu’il a subis. Avant cette opération réussie, à cause d’un taux de PSA (antigène spécifique de la prostate) relativement élevé, le médecin avait prescrit prudemment des examens de médecine nucléaire et un scan de l’abdomen, ce qui laissa croire au patient qu’il pouvait avoir un cancer de la prostate, ce qui lui coupa littéralement l’appétit. Il fallut attendre les résultats d’une biopsie, trois mois plus tard et trente livres en moins, pour entendre le spécialiste un peu étonné quand même et ravi,  lui dire dans un bureau de l’hôpital Pierre-Boucher cette courte et magnifique phrase: Vous n’avez rien, en lui donnant amicalement une photocopie du rapport de biopsie qui disait, après une analyse de dix prélèvements de sa prostate: absence de néoplasie. Ce diagnostic fut confirmé par une analyse des fragments de prostate qu’il avait fallu couper pour permettre à trois grosses pierres de passer lors de l’intervention chirurgicale que l’homme de l’art avait qualifiée en disant: Cela a été dur car enlever des pierres de la vessie, ce n’est pas comme prendre des raisins dans un panier: certaines sont incrustées dans les parois. Après l’opération, un malencontreux caillot, noir et long comme un verre de terre, bloqua la sortie de la vessie, caillot que la coordonnatrice appelée de toute urgence siphonna au milieu de cris de douleur pendant qu’il serrait fortement la main de sa femme. Il a fallu passer la nuit à l’hôpital pour nettoyer la vessie ensanglantée, à l’aide d’une sonde à triple voie et de quarante-deux sacs d’eau saline qu’il avait eu le loisir de compter pendant sa nuit sans sommeil agrémentée du bruit constant du liquide rougeâtre qui tombait dans une chaudière à côté de son lit. Vers midi, après avoir bu un grand verre d’eau, l’action pourtant si simple d’uriner lui procura une joie divine pendant que sa femme était en route vers l’hôpital de Lachine pour venir le chercher. Il savait déjà, avant les révélations de l’ex-président de Radio-Canada Guy Fournier à une radio communautaire relayées par l'émission télévisée Tout le monde en parle, que tout exercice d’une fonction naturelle s’accompagne d’un plaisir. Nature a maternellement observé cela, écrit Montaigne, que les actions qu'elle nous a enjointes pour notre besoin nous fussent aussi voluptueuses, et nous y convie non seulement par la raison, mais aussi par l'appétit." (III,13) Si ce bavard vaniteux de Guy Fournier avait utilisé ce langage philosophique au lieu de tomber dans la scatologie, il serait resté président de Radio-Canada mais tant pis pour lui.

Ses recherches sur l’internet, ses lectures sur le sujet et son expérience propre lui apprirent que le taux de PSA n’était pas facile à interpréter. Un taux plus élevé que la normale ne veut pas dire nécessairement un cancer; cela peut être causé par un adénome, ce qui est bénin. Il a appris récemment qu’une prostate pesant 100 grammes pouvait s’accompagner d’un taux de PSA de 15 nanogrammes; avec une prostate pesant 128 grammes, il n’y avait donc pas lieu de s’inquiéter de son taux de PSA, se disait-il sans être absolument certain de sa conclusion. Les conseils et le support moral d’un professionnel de son collège, Pierre Nadeau (le président de la coopérative qui administrait la cafétéria), furent extrêmement utiles car ce confrère dans la cinquantaine affecté d’un cancer de la prostate peu développé (même avec un taux bas de PSA) qui fut traité avec succès par radiothérapie à l’hôpital Notre-Dame de Montréal, ayant passé à travers toutes les étapes, avait une formule réconfortante qu’il était pratique de se répéter dans l’attente plus ou moins longue des divers examens, cystoscopie, médecine nucléaire, scan de l’abdomen, biopsie, prises de sang: C’est une affaire de rien!, ce qui, par autosuggestion, permettait de diminuer et même de dissiper les inévitables inquiétudes et même, les angoisses devant le sentiment cuisant de notre finitude comme dirait le philosophe et la confirmation que nous vivons dans un monde imparfait et que nous sommes loin de tout contrôler.

Deux médicaments complémentaires sans trop d’effets secondaires, le Xatral et l'Avodart, suffisent actuellement à rendre acceptables les effets de l’hypertrophie bénigne de la prostate sur les organes urinaires. Il n'y a pas trop de gêne comme disent les livres sur la prostate. Selon sa pharmacienne férue de l’énergétique chinoise, les pierres dans la vessie sont la cristallisation d’émotions négatives, de l’insécurité, de la peur et une grosse prostate est la projection dans un organe masculin de ses difficultés à assumer son rôle d’homme devant la Directrice et peut-être même devant sa femme. Nous avons bien ri de cette théorie chinoise mais pas lui qui regardait par la fenêtre d’un air songeur car cette idée que ce qui se passe dans l’âme pouvait avoir des répercussions sur le corps lui paraissait juste. Après tout, influencé par Aristote et saint Thomas d'Aquin, il croyait qu'il y avait une union substantielle entre l'âme et le corps. Il y aurait eu somatisation du stress causé par les poursuites intentées  par la directrice générale.  De quoi alimenter sa colère et la justifier.  Danièle, la pharmacienne, avait aussi ajouté: ce sont des conséquences de la relation de l'enfant avec sa mère. Ce qu'elle avait accompagné de confidences sur sa relation traumatisante avec sa mère qui serait la cause d'un cancer de l'utérus qu'elle a soigné et guéri. On a conclu que comme tout le monde a eu une mère et un père imparfaits, tout le monde est plus ou moins malade avec beaucoup de complexes d'Oedipe et de complexes d'Electre non résolus. Cette conclusion nous rendit fort mélancoliques malgré l'atmosphère chaleureuse du déjeuner de Gilberte. Pour faire diversion, le Voyageur amena de l'eau à notre moulin en disant que sa femme (qui souriait) était une Germaine Faucon, elle gère, elle mène et il faut qu'on l'écoute. Il ajouta en prenant un air dépité de comédie que depuis plus de quarante ans, il était en perte d'autonomie. Tout le monde éclata de rire.

Dans un premier temps, de mars à novembre 2005, pendant neuf mois, ces problèmes de santé totalement imprévus l’avaient beaucoup contrarié et avaient mobilisé son attention au début de sa retraite prise en juin 2005 mais ne l’avaient pas empêché d’écrire. Au contraire, la fréquentation de l’urgence de l’hôpital Pierre-Boucher et de différents services, prises de sang, médecine nucléaire, scan de l’abdomen, de la clinique des urologues du boulevard Taschereau, à Longueuil, de la salle d’opération de l’hôpital de Lachine et de ses services annexes, du CLSC de Longueuil-Ouest et du laboratoire de pathologie de l’hôpital Charles-Lemoyne lui fit bénéficier de la bienveillance et des services complémentaires de personnes dévouées, médecins, secrétaires, infirmières et techniciens, techniciennes, consciencieuses et compétentes. ll faisait remarquer que les moments d’attente avant les différents examens ou rencontres avec le médecin étaient fort propices au travail sur soi et à la réflexion sur l’humanité souffrante "gementes et flentes in hac lacrimarum valle" gémissant et pleurant dans cette vallée de larmes. Pauvre humanité! disait Le Survenant. Incidemment, nous dit-il, il est quand même extraordinaire que Michel de Montaigne, mon écrivain préféré, ait souffert de colique néphrétique: à au moins cinq reprises, une pierre provenant des reins se coinça dans son uretère (à ne pas confondre avec l’urètre), ce qui est plus douloureux et plus grave. Montaigne écrit:
Qui sait si Dieu voudra qu'il en advienne comme des corps qui se purgent et remettent en meilleur état par longues et grièves maladies, lesquelles leur rendent leur santé plus entière et plus nette que celle qu'elles leur avaient ôtée? (Essais, III, 9)

Après avoir appris qu’il n’avait rien, il a vite retrouvé l’appétit et a repris, hélas!, une bonne partie des quinze kilos perdus. Cette expérience de la maladie et des services de santé québécois fut somme toute extrêmement positive et le stimula car elle exigea de lui un certain courage. Par sa précision dans la description du traitement de sa maladie, il tenait à faire l’éloge des soins de santé au Québec. Je crois qu’il voulait aussi suggérer qu’il serait aussi précis dans la description du conflit qui avait occupé les sept dernières années de sa carrière d'enseignant. 

Vers la fin du copieux petit déjeuner, j’ai appris la raison de son air préoccupé. Obligé d'être militant syndical pour se défendre, il était en train d’écrire sur le conflit du syndicat des enseignants avec la Direction de son collège. Il ne voulait pas en parler pour ne pas gâcher son séjour et le nôtre dans la région des beaux paysages de Baie St-Paul et de l'île aux Coudres et des peintres René Richard, Clarence Gagnon, Claude LeSauteur, Marc DeBlois et de sa femme Joan (poterie) car c’était un sujet très prosaïque qui le rendait agressif: les mots lilliputien et ubuesque furent grommelés. En effet, il pensait à Jonathan Swift qu’il avait étudié au séminaire Marie-Médiatrice dans un cours de littérature anglaise avec M. St-Germain et à Alfred Jarry dont il avait vu la pièce Ubu roi montée de façon magistrale par un collègue (le Grammairien) et il trouvait ses ennemies petites et grotesques. Ce qui l’enrageait, c’était le temps gaspillé à se défendre contre les attaques sournoises de ces harceleuses qui n’admettront jamais qu’elles étaient motivées politiquement mais qui l’étaient. Ne voulant absolument pas oublier ce passé récent, il tenait à partager l’expérience qu’il avait vécue et qui était inachevée. Apporter son témoignage était, pour lui, une nécessité pour en arriver à se désinstitutionnaliser comme les prisonniers dans le film The Shawshank Redemption après trente-six années passées au même collège. Pour piquer notre curiosité, quand même, il nous demanda si nous savions ce qu’était une SLAPP, une poursuite-bâillon,  tactique juridique utilisée par des compagnies pour intimider, réduire au silence et acculer à la faillite des contestataires la plupart du temps écologistes, militant pour la protection de l’environnement et la défense de leur qualité de vie. Coïncidence, dit-il, la Directrice qui a intenté deux poursuites de 80,000 $ et de 170,000 $ pour atteinte à la réputation et diffamation contre le syndicat et contre moi justifiait toutes ses décisions en disant qu’elle faisait du développement et ne tolérait pas qu’on s’y oppose.

Dans la cuisine du Gîte du passant de Gilberte Tremblay, sur la rue Principale du village des Eboulements, en ce beau matin de la fin de l’été, le soleil entrait par la fenêtre et faisait une colonne de lumière où grouillaient des poussières dorées. Des odeurs de résine d'épinette s'infiltraient dans la maison. Pour alléger la conversation, Félix, le fils facétieux de Gilberte, demanda candidement, juste pour rire: Est-ce qu'il y a du sexe dans ton livre? Le Voyageur répondit: S'il y en a, c'est subliminal. La scène la plus érotique est au début: je rencontre la directrice qui est une bourgeoise, une femme mûre séduisante (pour certains), bien habillée, maquillée, pomponnée et parfumée et, sans avertissement, je lui dis qu'elle a de belles jambes. L'attirance de la femme de pouvoir pour le  directeur des ressources matérielles ou pour le président de la Fédération à la carrure d'athlète avec qui elle a flirté aurait inspiré un romancier.  Mais je ne suis pas romancier. J’écris des essais. Ma mère disait: Ça fait longtemps que tu t’essaies. Il est aussi question des charmes de la directrice auxquels un enseignant disciple d'Urantia aurait été sensible mais ça ne va pas plus loin. Je n'étais quand même pas pour en faire une Mae West, une femme fatale, fatale pour tous sauf pour les valeureux et incorruptibles militants syndicaux.  Je vais envoyer mon manuscrit aux Editions Trois-Pistoles et on verra bien. Ça me donnera l'occasion d'entrer en contact avec Victor-Lévy Beaulieu qui est un écrivain que je n'ai pas tellement lu pendant mes études de Lettres. Ça ne m’intéressait pas. Mais je me reprends. Je me suis amusé récemment à observer la technique de ses dialogues dans ses séries télévisées qui passent en reprise. Un personnage demande à savoir quelque chose. l'autre personnage dit: Non je ne te le dirai pas. Et ainsi de suite: Ça crée une tension dramatique. J'ai lu son livre sur Jacques Ferron: je vous le recommande.  

Les habitants de Trois-Pistoles ne se reconnaissent pas dans ses téléromans. “On n’est pas comme ça, disent-ils. On passe pas notre temps à nous chicaner et à éprouver de la haine. Il nous fait honte.” C’est l’opinion du  jardinier qui s’occupe du cimetière de St-Jean-de-Dieu. Raymonde, du Gîte du Presbytère de St-Eloi, a joué au bowling avec lui. Il pue m’a-t-elle dit. Quand il est venu  manger  ici, il a fumé sa pipe même si c’était défendu de fumer. Il ne respecte rien.  Je suis allé voir ses pièces de théâtre à Trois-Pistoles. C’était trop sérieux. C’était lourd comme ses téléromans. Moi, j’ai suivi des cours de Bible avec Mario Dumont. C’est un gars très intelligent et très propre de sa personne. Si Victor-Lévy Beaulieu se lance en politique contre Mario Dumont dans le comté de Rivière-du-loup, il va en manger une maudite. Mais il s’en fout. Tout ce qu’il veut, c'est de la publicité, c’est qu’on parle de lui; il a peur qu’on l’oublie. Il est très fort en marketing.  Sa menace de brûler son gros livre sur Papineau m’a bien fait rire. J’ai failli lui envoyer gratis une corde de bois. C’est quand même particulier un gars qui se réédite lui-même. Il ne veut surtout pas qu’on oublie son oeuvre.  Trudeau a fait beaucoup pour le français au Canada.

A la suite de cette dernière remarque plutôt inattendue qui avait pour but de le provoquer car elle savait qu’il était indépendantiste, le Voyageur lui a répondu: Pour une femme qui a un mari cultivateur et qui a un voisin qui répand du fumier, vous avez le nez pas mal fin. Vous ne voudriez quand même pas que Beaulieu se mette de l’eau de toilette Armani ou Givenchy: vous diriez qu’il sent la guidoune. VLB est une sorte d’habitant: il a des animaux dans sa cuisine alors il sent le cultivateur. A part de ça, le tabac de sa pipe sent bon et c’est un non-fumeur qui vous le dit. Vous avez le droit d’aimer Mario Dumont.  Mais c’est pas nécessaire de dénigrer ceux qui n’ont pas vos idées politiques. A propos du français au Canada et du rôle de Trudeau, l’historien  Michel Brunet  disait  que les Canadiens-français hors Québec sont dans un processus accéléré d’assimilation. Les chiffres lui donnent malheureusement raison.  En 2006, même après la loi 101, à l’ouest de la rue St-Laurent à Montréal, le français est menacé alors imaginez au Manitoba. Les gens du Bas-St-Laurent comme vous ne comprennent pas ça.  Les gens de la ville de Québec non plus ne comprennent pas qu’on doit se battre à Montréal pour défendre le français.  VLB est un écrivain, ce n’est pas un sociologue.  Même si vous êtes une hôtesse remarquable, je n’aime pas votre façon de bavasser contre lui. Vous avez un véritable écrivain qui demeure à quinze kilomètres de chez vous et vous n’êtes pas assez fine pour l’apprécier parce qu’il n’a pas les mêmes idées politiques que vous. VLB est conscient  de la valeur de son oeuvre alors il se réédite lui-même. J’ai lu Les Grands-pères et Blanche forcée republiés aux Editions Trois-Pistoles, tome 8 et tome 12 des Oeuvres complètes imprimés sur Papier Rolland Tint: ce sont des livres très beaux. Si vous les lisiez, vous verriez VLB autrement.  Ce sont les électeurs qui décident. Beaulieu est un p’tit gars de Trois-Pistoles, n’est-ce pas. Alors... Elle me jeta  ce regard de mépris que lancent parfois les gens de la campagne aux gens de la ville quand ils parlent de sujets qu’ils ne connaissent pas. Son mari Yvon Pettigrew, cultivateur prospère qui a vendu sa ferme à ses deux fils, me voyant contrarié, essaya d'atténuer les propos dénigreurs de sa femme mais dit quand même:" J'ai joué au bowling avec lui; j'ai essayé de lui parler simplement  mais ça n'a pas été possible. Un homme comme lui, instruit, écrivain et éditeur, devrait être plus propre de sa personne et surtout plus avenant, moins sauvage."

C'est à ce moment précis que j’ai dit au Voyageur que j'étais éditeur. 

VLB est un ratoureux, dit-il. Je soupçonne que sa famille, ses frères, ses soeurs, sa mère, son père et son autobiographie en général sont des points de départ dont il fait ce qu'il veut selon les besoins d'une dramatisation exigée par le texte qu'il qualifie de roman. Il invente à partir de souvenirs. Ses romans, ce sont des mémoires.  De toutes façons,  j'ai l'intention de faire le tour de la  Gaspésie et en passant, j'irai porter moi-même mon manuscrit aux Editions Trois-Pistoles, au 31 Route Nationale Est dans la paroisse Notre-Dame-Des-Neiges sur la route 132. J'en profiterai pour bavarder quelques instants avec le barbu  redoutable au mouton noir  et aux chiens aux noms pittoresques de Saint-Lucie, Numéro Deux, Micropuce, Bonhomme, Snoopy, Tifille et Bidou-Laloge. J'espère que, entre deux jappements de ses chiens, je pourrai placer un mot. Je ne prendrai pas de rendez-vous, je ne ferai que passer car il m’intimide un peu. Je ne crois pas que les luttes syndicales l'intéressent. Il n'a jamais rien vécu de tel étant ce que j'appellerais un travailleur autonome depuis toujours et c'est ce qui fait sa force.  Il n'a jamais eu à convaincre un éditeur: il se publie et se republie lui-même. A ce point de vue, je l'envie. C'est un cas unique. Il a conscience d'avoir fait une oeuvre. Je lis Les grands-pères dans  la réédition de Trois-Pistoles: c'est un livre remarquable. A l'époque, je n'ai pas lu ses romans parce que la calligraphie Morial-Mort faisait misérabiliste et que le jouage de foufounes dans les ruelles et les scènes de sexe garrochées de Race de monde et les jeux de mots débiles m'avaient rebuté. Maudite race de monde est une expression employée par Didace Beauchemin dans Le Survenant quand il est en colère. Une lecture en diagonale m'avait induit à penser que la  queue et le minou  répétés vingt fois étaient là pour choquer les petit-bourgeois et les intellectuels d'Outremont de même que l’utilisation d’un langage parlé déformant.  Je n’avais pas tort. Ce qu’il appelle lui-même de l’obscénité provocatrice, ça devient vite prévisible et fatigant.  J'ai passé mon enfance et mon adolescence sur la rue Montcalm,  autour du Parc Lafontaine et du marché St-Jacques au coin d'Amherst et Ontario, je ne suis certainement pas prude et rien ne me choquait vraiment dans la prose de Beaulieu.  Certains de mes amis d'enfance ont fait de la prison en particulier un certain Dubuc qu'on appelait le blond sale (aucun lien avec Alain Dubuc, l’obsédé de la richesse) et qui m'avait donné des poux en se tiraillant avec moi. Parlant de poux et de misérabilisme, avec Une saison dans la vie d'Emmanuel de Marie-Claire Blais, j'en avais eu pour mon argent. J'ai quand même aimé Le Cassé de Jacques Renaud qui avait l'avantage d'être un livre court où j'ai retrouvé la langue de mon quartier du bas de la ville de Montréal. Après la lecture et l’étude des grands auteurs français au collège comme Claudel et Bernanos, ce fut un choc. J'ai lu récemment plusieurs des livres de VLB dont Race de monde avec grand plaisir même si ses calembours et contrepèteries  sont du sous-Ducharme qui ont pour fonction de jeter sur la pauvreté et la misère un écran de fumée de dérision. J’ai fait ma thèse de maîtrise sur la structure de l’Avalée des avalés de Réjean Ducharme où il y a une description magnifique d’une cueillette de cerises qui m’a rappelée mon enfance où on allait à Ville St-Michel qui était encore de la campagne en 1948 et, où, plus tard, en 1956, j’allais jouer au golf.  Ça m'a tout l'air que  l’oeuvre de VLB est une gigantesque psychanalyse sans fin remplie de cauchemars.  C’est du délire, ce n’est pas moi qui le dit c’est Beaulieu lui-même. Au lieu de faire des free games, la machine à boules de chez Kent marque souvent TILT parce qu’elle a été trop bousculée. Il a ses tics de langage; par-devers lui, au mitan de, mon fond de penouil, vert-pituite, là-dessus, apaisant, blanc-mange, de trop et pour rien qu’il emprunte à Sartre, ameuter le récit, tusuite, avalé qu’il emprunte à Ducharme.   Je le répète, je suis en train de lire Les grands-pères. Jacques Ferron a  raison de faire l'éloge de ce roman qui est d'un réalisme puissant. En le lisant, on touche la mort du doigt. C’est dur. Il m'est venu récemment une idée farfelue. VLB aimerait décrire des personnages placés dans des situations limites où ils perdent le contrôle parce que lui-même. il aime contrôler. Il serait un Germain Faucon. Je le lis tardivement pour le plaisir et c'est un avantage comme quand j'ai découvert Montaigne à 40 ans, en lisant le chapitre De l'institution des enfants; je me suis rendu compte que, sans le savoir, dans mon enseignement, j'appliquais les principes pédagogiques de l'auteur des Essais que je lis et relis sans me lasser. Dans Les grands-pères, un passage m'a rappelé la forge tout près de chez ma grand-mère Gervais  et les voitures du guenilloux, du laitier, du boulanger ou du vendeur de glace tirées par un cheval costaud et nonchalant à Montréal, sur la rue Brébeuf en plein Plateau Mont-Royal dans les années quarante. (Je suis né en septembre 38, sur la rue Sherbrooke, au coin d'Amherst) Voici le passage: Les enfants monteraient derrière lui, se cacheraient sous les peaux tandis que l'étalon, les pattes écartées, chierait patiemment, emplissant les yeux de Millien d'une beauté qui était la beauté des grosses crottes brunes faisant un tas fumant dans la neige. Toute mon enfance surgit dans cette odeur de crottin de cheval accompagnée pour moi de l'image des moineaux qui picorent. Je me demandais ce qui pouvait bien intéresser les moineaux dans ces grosses boules brunes qui, une fois gelées, nous servaient de balle pour jouer au hockey dans la rue entre les énormes bancs de neige de huit à dix pieds de haut qui nous servaient aussi d’igloos.  VLB  me stimule par la liberté totale qu'il a par rapport à l'écriture.  Je commence à bien le connaître et c’est un enrichissement. J'ai pensé à lui à St-Pascal de Kamouraska quand un colosse percheron fit ses besoins devant tout le monde sous une pluie battante juste avant d'aller tirer des blocs en ciment pendant un concours de tire de chevaux à l'exposition agricole du comté de Kamouraska.

Je lui dis: Envoie-moi ton manuscrit quand tu auras fini,  je pourrais être intéressé. Plusieurs mois après cette rencontre, j’ai reçu un manuscrit  provenant du Voyageur de Charlevoix.

Les gens qui figurent dans  cette histoire admettront qu’elle n’est que trop vraie. Elle réveillera des souvenirs que le temps avait commencé à effacer. Celui qui en est un des acteurs importants en même temps que d’être l’auteur de toutes les parties de cet ouvrage, souhaite qu’elle ne blesse personne et croit qu’elle n’est pas sans utilité. Je ne pense pas comme lui sur l’utilité que ce livre peut avoir; chacun ne s’instruit qu’à ses dépens dans ce monde où certains ne vous croient pas si vous leur dites que le poêle est brûlant à moins de s’être brûlés eux-mêmes en y mettant la main comme c’est arrivé à ma fille de sept ans. Ce manuscrit raconte une histoire où s’expriment de façon véridique des passions humaines. L’ex-directrice a été punie de son caractère par son caractère même et par cette faiblesse qui s’en prend toujours aux autres de sa propre impuissance et qui ne voit pas que le mal n’est pas dans les alentours mais qu’il est en elle. (Adolphe, Benjamin Constant) Le mal était dans une volonté de domination ne pouvant se satisfaire que de la soumission des autres. D’où la conclusion: De l’insoumission ou de la liberté.

Malheureusement pour elle, les quatre membres de l’exécutif du syndicat et leurs principaux alliés mettaient beaucoup de fierté dans une insoumission et une résilience inspirées par le plus grand écrivain français du seizième siècle, Michel de Montaigne, auteur des Essais publiés en 1592, qui est souvent cité avec bonheur dans cet ouvrage tellement qu’on a le goût d’aller aux sources et de le lire. Lors de la première rencontre du Littéraire avec la directrice qui était un mélange des personnages de Molière, Philaminte, des Femmes savantes et Célimène, du Misanthrope,  en août 1997, le glamour qui se montrait dans sa coiffure, ses vêtements, ses attitudes était à sa personne l’équivalent du décorum dans la vie sociale. Elle n'avait pas sa pareille pour aller chercher des dons pour la Fondation de son collège ou pour obtenir des investissements pour le Fier (Fonds d'investissement régional) de sa région. Ses confidences permettent de mieux comprendre les motivations de cette adversaire pugnace décrite par l’auteur à qui la lecture du Père Goriot et des Illusions perdues de Balzac ainsi que des livres de Victor-Lévy Beaulieu comme Je m'ennuie de Michèle Véroly ou La jument de la nuit a réveillé la veine fictive. Il s’est mis à sa place  pour imaginer toute l’histoire à travers ses yeux.  D'une certaine façon,  il s'est fait son avocat. Ces pages sont écrites comme si la personne qui dit je était un personnage de roman. Il faut savoir que dans la vraie vie, elle n’était pas tellement romanesque, pas pour ses adversaires en tout cas, mais, à distance, elle l'est devenue. Les Confidences d'une femme trahie font un portrait de l’adversaire jusqu’à la rendre sympathique. 

A la fin du parcours, celui que la directrice a voulu faire passer pour le Grand Diffamateur et qui a pris sa retraite après quarante ans dans l’enseignement post-secondaire, propose à son ennemie non pas une réconciliation jugée impossible mais un cessez-le-feu et la fin des hostilités comme deux combattants s’accorderaient l’immunité sur le champ de bataille. Cette adversaire qui a essayé de rester au pouvoir alors que ses cinq acolytes sont partis un par un ne pourra se libérer de sa paranoïa tyrannique qu’après avoir accordé la liberté de parole qu’elle a jusqu’ici refusée à son opposant; pour ce faire, elle résistera à la tentation judiciaire à laquelle elle a déjà succombé trois fois; elle cessera d’être une quérulente, c’est-à-dire quelqu’un qui abuse des Tribunaux, et elle reconnaîtra que l’analyse syndicale est cohérente et légitime même si elle la croit incomplète, biaisée et même injuste ce qui est, de son point de vue, sans doute vrai car l’occasion ne nous sera pas donnée de lire ses Rapports annuels (cela aurait été fastidieux) qui décrivaient ses sept ans de réalisations qui étaient réelles.  En publiant ce livre, un interdit est défié. Sa Majesté ayant eu l’occasion d’exprimer son point de vue dans ses Confidences puis d’encaisser une mercuriale dans les Remarques et dans le chapitre C'est la faute à Montaigne à l'occasion de la description de ce que Montaigne aurait appelé une guerre intestine, les deux protagonistes auront été libérés par la parole.

Tout idéaliste qu’il soit, c’est le souhait que j’exprime avant de laisser le dernier mot au lecteur, à la lectrice.   

L’Editeur (fictif),
treize octobre 2007 - vingt-huit décembre 2008 - dix-sept août 2009 - 8 septembre 2009  - quinze octobre 2009- 2 mars 2010.


troisième cahier

Générique syndical

L’exécutif du syndicat des enseignants:
Le président (Daniel T.): dit l’Ebéniste, l'Herboriste;  le vice-président (Gilles C.): dit le Politique, le vice-président:(Robert Barberis) dit le Littéraire (le Voyageur); Boutefeu; le secrétaire-trésorier (Pierre G.): dit l’Irlandais.
L’avocat du syndicat: (Me Jacques Lamoureux):
Membre du Comité des relations du travail (France P.-C.): dite l’Infirmière
Le vice-président de la Fédération autonome du collégial (Daniel Lussier): dit le Syndicaliste
Le représentant des enseignants au CA du collège (Paul M.):  dit  l’Ingénieur
La représentante du personnel de soutien (Lise Latraverse): dite la Courageuse
L'étudiante membre de l’Exécutif du C.A. (Lorraine B.): dite l’Etudiante
Le président du Café-du-Bourg et professionnel (Pierre N.)
Le coordonnateur du département de français (Michel C.): dit le Grammairien, dit le Courtisan
La rédactrice en chef du journal local: Louise G.-R.
Membres de l’exécutif du syndicat en 2003-2004: président: le Politique: Gilles C.; vice-président aux griefs: Robert B. dit Le Littéraire; Jocelyn B. (v.p. à l’information), Louis-Philippe P. (sec-trés.)

Générique patronal

La Directrice générale:  la Reine, Sa Majesté Françoise première, dite la Reine du décorum 
Le Directeur des études (Christian M.): dit Le Soumis puis l'ex-Soumis
Le Directeur des ressources matérielles, de la formation continue et de l’International; dit le Séduisant  (Jean B.)
La 2è Directrice des ressources humaines:  dite l’Avocate de service (Michèle G.); dite Béèmdoublevé
L’adjointe aux programmes: l’Adjointe (Louise K.)   
L’adjoint à l’organisation scolaire:  dit Grandpied  (Claude C.)
L’avocat de la région engagé par le Collège: l’avocat local,  dit l’Orateur,  dit Injures et vomissements
Le technicien-enseignant en électrotechnique : Amable Beausapin, (Gilles B.) dit le technicien
Le président du Conseil d’administration: Michel P.:  dit le Chasseur


La Direction ou la Régie est formée de la Directrice générale, du Directeur des études, du Directeur des ressources matérielles et de la Directrice des ressources humaines. Ces quatre directeurs forment la Régie. La Directrice générale et le Directeur des études sont des hors-cadres et font partie automatiquement du Conseil d'administration du collège formé  de 19 membres qui sont les suivants: la Directrice générale et le Directeur des Etudes; quatre représentants des milieux socio-économiques; deux représentants des entreprises; deux titulaires de diplômes, un des techniques et un autre du pré-universitaire; deux parents; deux représentants des professeurs; un personnel de soutien; un personnel professionnel; deux représentants des étudiants; la secrétaire-générale (sans droit de vote). Le Littéraire et l'Ingénieur ont été pendant un certain temps les représentants des professeurs au Conseil d'administration du collège Germaine-Guèvremont (nom fictif).

Les acteurs et les actrices

A. L’exécutif du syndicat des enseignants était formé d’un prof. de biologie Daniel T. dit l’Ebéniste, président, d’un prof. de sciences politiques, Gilles C. dit le Politique, vice-président aux griefs, d’un prof. de français et de littérature, Robert B. dit Le Littéraire, vice-président à l’information, membre du Conseil d’administration comme représentant des enseignants et d’un prof. d’anglais Pierre G. dit l’Irlandais, secrétaire-trésorier. Puis, le vice-président aux griefs est devenu président, le prof. de français, v.-p. aux griefs, le prof. d’anglais, v.-p. à l’information et le prof. de biologie, secrétaire-trésorier. Un prof. de sociologie, ex-président de notre syndicat pendant plusieurs années, vice-président de la Fédération autonome du collégial, Daniel Lussier dit le Syndicaliste était responsable des services juridiques et des finances: c’est la Fédération qui a payé notre avocat, Maître Jacques L. dont les frais  ont été la moitié de ceux déboursés à l’avocat local qui a coûté au collège la rondelette somme de 48,900 $. Il a fallu recourir à la Commission d’accès à l’information pour obtenir ce renseignement qui nous a été donné par l'administration après le départ à la retraite de la Reine.
La technicienne en biologie Lise Latraverse dite la Courageuse était membre du Conseil d’administration comme représentante du personnel de soutien: son courage et son intégrité furent remarquables. Un prof. de génie électrique Paul M. dit l’Ingénieur, un homme de principe, compétent et impliqué était l’autre représentant des enseignants au Conseil d’administration. La Fédération regroupait une quinzaine de syndicats d’enseignants de niveau collégial. Le CRT est le Comité des relations du travail formé de trois administrateurs et de sept enseignants, les quatre membres de l’exécutif du syndicat et trois élus par l’Assemblée générale, en particulier, la coordonnatrice du département de Soins Infirmiers, France P-C dite l'Infirmière, présente au Conseil d’administration du 19 juin 2001. Elle a fait des mises au point fort utiles en particulier auprès de ses nombreuses collègues en Soins infirmiers, comme témoin crédible de ce qui s’était dit le soir du 19 juin 2001. Le coordonnateur du département de français, prof. de cinéma, Michel C. dit le Grammairien (il a publié une grammaire) dit le Courtisan, a pris sa retraite en juin 2006.

B. Elle a été professeur de chimie pendant onze ans, conseillère pédagogique et adjointe au Directeur des Etudes puis Directrice des études dans un collège de la Montérégie avant d’être nommée, selon son plan de carrière, Directrice générale, en 1997: appelons-la  la Reine ou Sa Majesté.  Après avoir choisi une cadre de Thetford Mines, elle a engagé une avocate de la région dite l’Avocate de service dite Béèmdoublevé (BMW), comme directrice des ressources humaines en prévision de la judiciarisation des relations de travail. BMW a pris sa retraite en 2004. Les autres acteurs sont mentionnés à mesure: le directeur des études, dit le Soumis; l’adjointe aux programmes dite l’Adjointe et l’adjoint à l’organisation scolaire dit Grandpied; l’avocat local; Amable Beausapin, technicien en électrotechnique qui a obtenu de façon controversée le statut d'enseignant, dont la ressemblance avec le personnage antipathique du même nom du roman Le Survenant est frappante.

Le Directeur des ressources matérielles, de la formation continue et de l’International dit le Séduisant a créé une Corporation qui a donné lieu à beaucoup de comptabilité créative et qui a fait un déficit de 135,000 $ avant d’être dissoute. Si on regardait de plus près les états financiers et les frais de représentation des voyages (logement, transport, repas, frais divers) des administrateurs de ce qu’on appelle les corporations apparentées  de certains cégeps, ces faux bénévoles, on verrait tous les avantages qu’ils retirent de ces organismes sans but lucratif, les OSBL.  Ce directeur (Jean B.)  ayant quitté notre collège a été nommé directeur général d’un autre collège. A l’hiver 2007, il a été obligé de remettre sa démission après une série de péripéties qui sont racontées dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe accessible sur Internet dans les Archives du journal. Les journalistes du Courrier ont monté un dossier accablant qui a obligé le grand maître de l’International à démissionner. Selon le proverbe, l’arbre tombe toujours du côté où il penche. Son aventure mascoutaine a enlevé aux sceptiques de notre collège leur dernier argument.  


mise au point

sagesse

Vous pouvez savoir ce que craint le plus votre ennemi en observant les moyens qu'il utilise pour vous faire peur. Vous pouvez juger un homme par le genre d'ennemis qu'il se fait autant que par ses amis.

Le conflit dont parle ce livre a donné lieu à une solidarité dont je fus le principal bénéficiaire puisque j'étais le principal ennemi. De cette solidarité et des dévouements qu'elle a inspirés, je suis  reconnaissant. Mais le livre que vous lisez, sous forme électronique, est le produit d'une initiative personnelle dont je suis le seul responsable et qui n'a reçu l'approbation de personne. Au contraire, elle a créé des inquiétudes chez les anciens acteurs du conflit qui me sont toujours favorables et qui me souhaitent une retraite paisible qui pourrait  être compromise par cet essai.  Il m'a semblé qu'ils ne seraient pas prêts à entreprendre une autre bataille si elle s'avérait nécessaire. Je les comprends: la lutte que nous avons menée les a suffisamment mis à l'épreuve. Et ils apprécient la relative quiétude qui a suivi mon départ du collège en juin 2005. Mon intervention en novembre 2009 à propos de la présence de La Presse à la bibliothèque du collège et de l'absence du Devoir  a rappelé que le bibliothécaire a des idées politiques et que je ne suis pas le seul à être influencé par mon option politique dans l'exercice de mes fonctions. Mais moi, je n'ai jamais fait pas semblant d'être neutre contrairement à certains fédéralistes. A cause d'une analyse que j'ai envoyée à une vingtaine de  membres du personnel, on peut maintenant lire Le Devoir dans sa version papier à la bibliothèque et le gouvernement du Québec a été ajouté parmi les principaux moteurs de recherche à côté du gouvernement du Canada sur le site de la bibliothèque du collège. La directrice générale est intervenue pour que le bibliothécaire soit  intègre dans l'exercice de sa fonction. On connaît tous les graves problèmes d'intégrité des fédéralistes du référendum volé, du scandale des commandites et des manipulations de l'information comme celles que fait régulièrement André Pratte à La Presse avec ses sondages trafiqués et ses character assassinations des leaders indépendantistes.

Les différents acteurs ont servi de point de départ à une démarche d'écriture qui relève autant de la fiction que du documentaire. Ce qui compte, c'est  la vision globale que ce livre a pour mission de projeter sur l'écran mental du lecteur. Je suis le seul auteur du tableau et je l'assume. Je ne m'attends donc pas à recevoir l'appui de quiconque et même, je ne le sollicite pas. Sept ans après la saga judiciaire, tout le monde est ailleurs.  Il y a prescription et les acteurs ont bien d'autres chats à fouetter. Comme dirait mon professeur André Brochu, critique littéraire et écrivain,  je ne suis soumis qu'aux exigences intrinsèques de l'oeuvre (disait-il avec beaucoup de sérieux) qui cherche sa cohérence interne.  Je n'ai de comptes à rendre à personne. Je me suis débarrassé une fois pour toutes des pesanteurs  institutionnelles et régionales qui provoquent peurs, inhibitions, méfiances et hypocrisies accompagnées souvent de  jalousie et d'envie.  Je peux donner des exemples et mettre des noms (je le fais dans le livre) pour justifier cette énumération: peur, inhibition, méfiance, hypocrisie, jalousie et envie.  L'impulsion littéraire et la liberté d'écrire pulvérisent la lourdeur ambiante répandue par les éteignoirs dans une région qui a la réputation d'en abriter plus qu'ailleurs.  Je ne sais pas si cette réputation est vraiment méritée car il faudrait comparer. Mais je pose des questions et s'il y a quelqu'un à qui le chapeau fait, qu'il le mette. Voici ces questions. Pourquoi le talent indispose-t-il?  Pourquoi est-on incapable d'admirer ce qui mérite de l'être? Pourquoi certains notables sont-ils systématiquement hostiles au changement? Pourquoi les personnalités fortes gênent-elles et pourquoi faut-il absolument les rabaisser? Pourquoi quelqu'un qui raconte une prouesse provoque-t-il souvent le commentaire suivant: il vente! Pourquoi donner tant de valeur à l'argent?

Ce ne sont peut-être que des préjugés. Est-ce que la bourgeoisie n'est pas la même partout, dans toutes les régions du Québec? Probablement, il faudrait voir.

De toutes façons, en lisant ce livre,  profitez de l'occasion pour cesser d'être dans le drabe, le médiocre, le mesquin, le renfermé, l'esprit de clocher et l'esprit de bottine, le méfiant, le mondain, le convenu et le mercantile. Profitez-en pour éliminer tout ce qui empêche les forces créatrices, les élans de liberté et de générosité, le goût de parler vrai qui sommeillent en vous de s'épanouir. Faisons mentir Nietzsche qui écrivait: Tout ce qui est profond avance masqué. Je n'avance pas masqué ou si peu (poursuites obligent) et je crois être profond.

                                           
la minute de vérité 

J'ai devant moi un tableau de Jean-Paul Riopelle, peint à la spatule, riche en couleurs vives rouges, bleus, verts, noirs, blancs, jaunes de la période des grandes mosaïques de 1950. Une mosaïque est  un assemblage de petites pièces retenues par un ciment et dont la combinaison figure un dessin.  Ce livre s'inspire de cette technique de la mosaïque. J'ai peint un tableau  où, par petites touches, sont décrits des personnes et des événements réels. Ce côté documentaire a exigé de  la précision, de la nuance, de la modération et de la pertinence. Vous me verrez rarement poser le grand geste libérateur du peintre américain Jackson Pollock. Ce n'est pas mon style. Lors d'une entrevue pour le Quartier latin, journal étudiant de l'Université de Montréal dont le tirage à l'époque était de 10,000 exemplaires, à l'occasion de sa conférence remarquable intitulée Menaud ou l'impossible fête, alors que je l'interrogeais sur sa démarche, le critique André Brochu m'a dit: Vous n'avez pas de patience pour les textes longs et les travaux de longue haleine. Mais vous excellez dans les textes courts.  Le professeur et écrivain André Brochu a sans doute raison d'autant plus qu'il a ajouté que comme polémiste, je ne renonçais jamais aux règles de la politesse sauf deux fois quand j'ai traité Jean-Ethier-Blais et Jean Basile de fédérastes puis quand j'ai vertement critiqué la position très réservée de Georges-André Vachon (un de mes meilleurs professeurs avec Louis Bazinet) sur la littérature québécoise. Je m'en excuse  auprès de  ces écrivains estimables et leur demande de m'accorder un pardon posthume.
Il est nécessaire que je vous raconte un événement important pour moi. Rencontrée pour la première fois autour d'une table à un brunch du Bloc québécois à Boucherville un dimanche matin de septembre 2009, Lucille a posé une couleur rouge flamboyante sur le tableau. Intriguée et d'une curiosité de bon aloi, elle m'a demandé pourquoi j'avais été poursuivi pour diffamation. J'ai fait le récit de la réunion du Conseil d'administration du  19 juin 2001 qui m'a valu une poursuite de 170,000$. J'ai été accusé d'avoir  traité la directrice d'alcoolique parce que j'ai dit  l'équivalent de ceci en me référant à une promesse faite par la directrice lors de l'accueil du personnel de la rentrée d'automne 2000. J'ai dit:  Vous n'avez pas tenu votre promesse d'acheter des  ordinateurs pour le programme d'Arts et Lettres. Quand vous avez fait cette promesse, vous étiez à jeun point d'exclamation.  Lucille a dit spontanément : Une promesse d'ivrogne, quoi! C'était si simple: il fallait y penser. Grâce à Lucille, le tableau est maintenant complété. Une promesse d'ivrogne. Il a fallu attendre au dimanche 27 septembre 2009 pour comprendre ce qui était involontairement impliqué dans l'expression à jeun malencontreusement prononcée le 19 juin 2001.  J'ai été malhabile et  je n'avais aucunement l'intention d'insulter. Mais une chose est maintenant certaine: je ne peux pas blâmer la directrice qui a extrapolé promesse à jeun par promesse d'ivrogne. Je lui présente mes excuses. Et ce sont des excuses sincères. Sur ce point précis et seulement sur ce point, j'applique les trois A qui ont été conseillés à Tiger Woods pris en flagrant délit d'inconduite: Admit, Apologize, Advance. Admets ton erreur, excuse-toi et passe à autre chose. C'est ce que je viens de faire. Mais avant de passer à autre chose, j'ai écrit un livre. 
Dans la vraie vie, la Directrice n'a pas écrit de Confidences;  ce chapitre capital pour comprendre sa psychologie et son point de vue est de la fiction.  De même, la note de l'éditeur, les lettres de commentaires des adversaires à la lecture du livre, le dialogue entre l'Irlandais et le Littéraire et la critique du livre parue dans le journal local sont inventés.  Comme dans un roman, les  personnages ont un nom fictif. Ainsi, l'auteur a un surnom, le Littéraire; le professeur d'anglais se nomme l'Irlandais et la Directrice a un surnom approprié: la Reine. Il y a peu de noms propres dans cet essai.  Dans plusieurs films, le cinéaste indique que les personnages et les événements racontés sont fictifs et que toute ressemblance avec des personnes réelles ou des événements réels est fortuite et le fruit du hasard. A propos de Réjeanne Padovani, Denys Arcand expliquait à René Homier-Roy que comme il était impossible de filmer directement dans un documentaire les bouncers de Padovani, constructeur d'autoroutes en ciment et en asphalte ou les policiers  de la Police provinciale gardes du corps du ministre, il fallut se lancer dans une fiction mais une fiction qui rendrait compte de la réalité encore plus qu'un documentaire.  Alors la remarque sur la ressemblance fortuite avec des personnes réelles n'est là que pour protéger le cinéaste et son producteur de poursuites par exemple, du maire  de la plus grande ville du Québec amateur d'opéra  et de fellations quoique sur ce dernier point qui illustre les services sexuels offerts par le grand bâtisseur... d'autoroutes,  on puisse avoir des doutes surtout si on a gardé une partie de la naïveté de son enfance ce qui est mon cas vous l'aurez deviné.
Autre remarque. Ce qui se rapporte à des poursuites ou à des procès inquiète et fait peur. J'en ai fait l'expérience avec quelques éditeurs.  On pense qu'il y a des informations qui ne peuvent pas être rendues publiques et qui doivent rester confidentielles entre avocats. Si vous brisez la confidentialité, gare à vous. Il faut sortir de ce climat de terreur qui mène à une discrétion excessive ou, carrément,  à de la censure et, conséquemment, au silence qui est une forme de complicité. Ce n'est pas parce qu'il y a eu une entente hors cour entre les belligérants qu'on est obligé de tout oublier et de se taire.  Nous n'avons pas signé d'entente de confidentialité. Alors, j'ai le droit de publier toutes les lettres qui m'ont été personnellement adressées: mises en demeure, poursuites, lettres de réprimande à mon dossier, convocations devant le comité de discipline du Conseil d'administration, injonctions sur mon enseignement. J'ai le droit de publier ce qui a été envoyé par l'administration aux enseignants et que j'ai reçu comme tout le monde. Ce sont des documents publics. J'ai évidemment le droit de publier les textes produits par le syndicat puisque j'en suis le co-auteur avec l'Irlandais. Les documents ne sont donc  pas confidentiels. La plupart du temps, ils ont été cités dans L'Huissier, bulletin d'information syndicale et lus par des centaines de personnes; les informations qu'ils contiennent ont parfois paru dans le journal local tiré à plus de 25,000 exemplaires distribués gratuitement dans chacun des foyers de la région sauf à partir du moment où il y a eu des poursuites où tout devenait sub judice. (C'était le but de l'opération poursuites: imposer le silence au journal local qui fonctionnait comme un journal indépendant.) De nombreux faits sont connus, certains sont inédits, mais la synthèse est nouvelle et sans aucune doute instructive. Comme le dit Pascal (pas mon fils mais Blaise), j'ai mieux placé la balle dans la partie de balle au mur. J'affirme que le tableau est un original. Et il faut le regarder avec du recul pour le voir dans son ensemble et  en apprécier  chacune de ses parties. Chaque phrase doit  être comprise dans sa relation à un ensemble et ne peut pas et ne doit pas être interprétée hors contexte. Ce serait malhonnête de sortir une phrase de son contexte. C'est l'ensemble qui est signifiant.
J'ai abordé le conflit  comme un journaliste qui fait un reportage et non pas comme une partie au litige puisque, plus de sept ans après l'entente hors cour signée le 30 octobre 2002, il y a prescription. Il n'y a plus de litige judiciaire et les principales vedettes de la saga judiciaire ont pris leur retraite ou ont changé de collège. La quérulence, c'est-à-dire l'idée de faire d'autres poursuites, est donc ridicule, hors de propos, preposterous comme on dit en anglais c'est-à-dire irrationnelle, absurde, déraisonnable. Puisqu'il y a documentaire et fiction, effet de réel et  effet de fiction  pourraient tenir le lecteur sur le qui-vive. J'ai écrit les Confidences d'une femme trahie comme un romancier qui invente un personnage. Il en est ainsi de la Note de l'éditeur ou des divers recours à la fiction.
Les citations sont  importantes surtout celles de Montaigne: il ne faut pas les prendre à la légère. En tout cas, nos ennemies les ont prises au sérieux, un peu trop même.  On peut dire que le personnage principal qui est partout dans ce livre,  c'est Montaigne, grand écrivain français, fondateur du genre littéraire de l'essai, inspirateur, stimulateur et maître de résilience dont les réflexions s'adaptaient admirablement bien aux situations que nous vivions. J'ai eu la hardiesse de parler de moi comme m'y invite Montaigne et je me suis senti libéré par la parole. J'ai eu  aussi l'audace ou la présomption de croire la chose possible pour l'ex-directrice (et ses acolytes) qui joue dans le récit de cette saga judiciaire un rôle aussi grand que dans la réalité rendue ici de nouveau vivante.
A ceux qui n'aiment pas la polémique, la controverse ou les conflits, on doit rappeler qu'il est impossible de raconter une guerre  qui a duré sept ans de façon flegmatique: à force de décrire des agissements malveillants, on devient virulent. On ne peut pas raconter des complots conçus par des hors-cadres et appliqués par des cadres (féminines) ou des coups bas sournois faits par des collègues envieux en gardant une sérénité qui s'inspirerait de Sénèque qui a écrit un livre dont le titre dit tout: De la tranquillité de l'âme. Je crois qu'on doit être implacable avec la canaille hypocrite. Je dois à la vérité de dire que la rancune contre ces médiocres remonte lentement, très lentement, inexorable. On ne peut pas se laisser insulter par une administrateure en se faisant traiter deux fois de diffamateur sans se défendre et contre-attaquer. Comme personne n'avait fait  voeu d'obéissance à celles que Gaston Miron appelle  dans son poème Compagnon des Amériques, les insectes des belles manières, l'affrontement était inévitable.  Il eut lieu.  Les deux poursuites en diffamation que nous avons subies étaient, en fait,  des poursuites-bâillons, des slapps, des strategic lawsuits, des poursuites stratégiques. Ces slapps nous ont poussé vers la fiction et c'est tant mieux. D'où le genre littéraire nouveau intitulé slapp fiction. C'était des abus de pouvoir motivés par la volonté de domination et de  censure d'une libérale contre un indépendantiste (qui a publié des livres* qui malmènent les libéraux, cela il faut le savoir) parce que la libérale voulait l'humiliation et la soumission de l'indépendantiste et ne l'obtint pas. Au contraire. Elle réussit plutôt à nous motiver. Nos adversaires diront avec ironie que mon insistance sur l'aspect politique est une preuve qu'on est dans la fiction. Peut-être. Mais ne jouons pas sur les mots.  Selon nous,  les péripéties de ce long conflit ont, en elles-mêmes, de l'intérêt mais encore plus comme illustration d'une lutte politique. C'était un affrontement local essentiellement politique avec comme fond de scène, évidemment, la situation politique du Québec. N'est-ce pas Roosevelt qui a dit que les vraies luttes politiques se situent au niveau local. Nos adversaires ont perdu même si elles prétendent avoir gagné. Voici le récit de cet affrontement où j'ai essayé de réduire au minimum ce que Malraux appelle la part de comédie. Jusqu'à donner la parole à l'autre qui a raconté toute l'histoire de son point de vue,  comme elle l'a vécue... vraisemblablement, puisque c'est de la fiction.
En relisant récemment le mode de vie écrit par le conseiller André Drouin (que nous avons rencontré chez lui, ma femme et moi, en juillet 2009) publié dans  l'excellent livre de Bernard Thompson, Le syndrome Hérouxville ou les accommodements raisonnables, j'ai remarqué la grande importance qui est donnée à l'égalité entre les hommes et les femmes. Nous considérons que les hommes et les femmes ont la même valeur, peut-on lire dans le mode de vie de la municipalité d'Hérouxville. Or, cela m'a frappé comme une évidence, la directrice du collège qui fréquentait les quelques millionnaires de la région était une bourgeoise qui avait la grosse tête et qui se comportait comme si elle nous était supérieure. Elle s'était mise sur un piédestal  ou bien marchait sur des échasses nous regardant de haut en bas négligeant ainsi le principe de l'égalité homme-femme. En y pensant, à distance, je crois qu'on peut dire qu'elle était inconsciemment sexiste. On ne pouvait pas accepter ça, c'est évident. Son comportement dénotait un complexe (absurde) de supériorité.  C'est ce que Shakespeare appelle dans le célèbre  monologue d'Hamlet, To be or not to be,  the insolence of office, l'insolence de la fonction  ou, si vous aimez mieux, l'arrogance du pouvoir ou la prétention et la suffisance de la bourgeoise qui défend l'ordre établi et le statu quo qui sont garants de ses privilèges.  Dans ces circonstances, la collision était inévitable et souhaitable. Les libéraux se croient sortis de la cuisse de Jupiter. Comme Jupiter, ils font descendre la foudre sur ceux qui contestent leur suprématie. Nous nous sommes grayés* d'un paratonnerre: la solidarité syndicale et la résilience inspirée du plus grand écrivain qui fut oncques, Michel de  Montaigne. Son complexe de supériorité était absurde car il était évident que nous lui étions intellectuellement, moralement et politiquement supérieur. A moins que vous placiez l'argent et les mondanités au-dessus de tout. Je ne vous le conseille pas.
J'ai eu l'impression de faire du bricolage en montant ce livre. J'ai revécu les plaisirs éprouvés pendant le cours de travaux manuels au primaire alors qu'on nous a fait construire une cabane à oiseaux. Sentez-vous la bonne odeur du bois! Entendez-vous le bruit de la scie manuelle qui coupe le bois! Je suis un bricoleur. Il me fait plaisir de partager quelques bonheurs d'écriture et quelques citations magistrales de Montaigne. Il faut être humble et modeste pour écrire à côté de l'auteur des Essais.
(se grayer de: comme disait mémère Gervais: se munir de)
(Vieux-Longueuil, jeudi, 3 décembre  2009)
* De la clique des Simard à Paul Desrochers, Editions québécoises, Montréal, 1973
   Ils sont fous ces libéraux, Editions Robert Antoine, Longueuil, 1974
   La fin du mépris (écrits politiques et littéraires), Editions Parti pris. Montréal, 1978
   Les illusions du pouvoir, co-auteur Pierre Drouilly, Editions Presses Sélect, Montréal, 1981

quatrième cahier

1- Gibelotte: remarques sur le vocabulaire, les personnages et les circonstances
     (où s'exprime un autre point de vue que celui de la directrice)


bourgeoise

Qui ne doute de rien. Qui n'a que des certitudes.  (Valérie Lemercier)  Le bourgeois dépend tout entier de l'ordre établi... qu'il aime comme lui-même. (Bernanos) Cette bourgeoise est satisfaite de l'ordre établi dont elle profite à plein. Elle fait partie de la classe dirigeante locale, de l'élite financière locale qu'elle fréquente. C'est une notable, une personne à laquelle sa situation sociale  confère une certaine autorité dans les affaires publiques de sa région. C'est une personne d'importance qu'on envie, pesante comme on dit dans Le Temps d'une paix. Pour elle, le décorum, l'étiquette, les bonnes manières sont d'une grande importance. Il y a des choses qui se disent et qui se font et il y a des choses qui ne se disent pas et ne se font pas. Celui qui ne se conforme pas ne fait pas partie du club et est menacé de se faire ostraciser. L'idée de contester une notable est scandaleuse pour la bourgeoise épanouie qui ne doute de rien et qui n'a que des certitudes. Il était donc prévisible et j'allais dire normal que cette notable qui se percevait comme notable prenne les grands moyens c'est-à-dire le recours aux Tribunaux pour faire comprendre à ses opposants qu'en critiquant ses décisions, en défiant son pouvoir, ils auraient un lourd prix à payer. La Cour supérieure  et les juges (souvent nommés par patronage politique) ne sont-ils pas garants de l'ordre établi!  Le droit à la bonne réputation pour une notable ne fait-il pas partie de l'ordre établi! La diffamation ou l'atteinte à la réputation d'une notable qui incarne l'ordre établi n'est-elle pas la suprême insulte et la suprême attaque contre l'ordre établi! Les deux poursuites que nous avons subies nous ont fait comprendre ce qu'est une bourgeoise, une satisfaite qui ne voulait pas être dérangée et être contrariée dans la jouissance de ses privilèges et la possession de sa pensée unique.  

aire de repos

Dans des conditions routières idéales, le comportement de la nouvelle Honda Accord 2008 porte difficilement flanc à la critique à la condition de ne pas se méprendre sur sa nature plus bourgeoise que sportive.  (Eric Lefrançois)



SLAPP fiction

Comme ce livre raconte une histoire véridique, pourquoi ne pas avoir utilisé tous les noms propres?  Les poursuites  sont la réponse à cette question d'où le genre littéraire: SLAPP fiction.  L'idée de la fiction est d'abord venue du contexte judiciaire mais, par la suite, l’auteur a  vu toutes les possibilités qui s’ouvraient à lui quand il se dégageait du documentaire. En lisant les Confidences, vous  entrez dans le monde d’une femme qui croit avoir toujours raison. Lui donner la parole en se mettant à sa place, c'était une fameuse de bonne idée.  En dehors d'un contexte de fiction, les Confidences d'une femme trahie  n'auraient pas pu être écrites. Il me semble qu'on aurait perdu quelque chose. Devant Sa Majesté qui voulait un pouvoir absolu, la résistance s’organisa  et de même s’organisa aussi la royale répression. S’installa un climat où toute  critique  était  à toute fin pratique interdite puisqu’il suffisait de contester un peu pour qu'on vous accuse d'irrespect et pour qu’on dépose des lettres de réprimande à votre dossier, qu’on vous suspende  du Conseil d’administration, qu’on vous fasse passer devant le comité de discipline du Conseil d’administration, qu’on vous traîne devant les tribunaux pour crime de lèse-majesté ou qu’on envoie des  cadres (féminines) dans vos classes avec des questionnaires passés à vos élèves pour vous intimider ou vous incriminer.

écrire, parler, penser avec indépendance

En Autriche et en Prusse, le joug militaire pèse sur vos idées, comme le ciel sans lumière sur votre tête; je ne sais quoi vous avertit que vous ne pouvez ni écrire, ni parler, ni penser avec indépendance. 
(Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, 19 mai 1833,  La Pochothèque, p.1528)


une SLAPP, ça peut coûter cher

Yves Boisvert, chroniqueur  à La Presse, a déjà subi une poursuite-bâillon (Slapp). Il en parle le 11 octobre 2006. Son exemple est instructif.

Il y a dix ans, écrit Yves Boisvert,  j’ai écrit une chronique pour dénoncer les SLAPP. J’y relatais le cas de trois promoteurs qui avaient poursuivi des citoyens... et j’ai été poursuivi par l’un d’eux! Dans mon cas, ce n’était qu’un embêtement, puisque notre journal est assuré. La Presse a les moyens ( et la volonté) d’embaucher les meilleurs avocats et de faire face à une poursuite. Nous avons d’ailleurs gagné le procès. Mais pour un citoyen non assuré, c’est-à-dire pour à peu près tout le monde, c’est une punition financière considérable. On est bien obligé de se défendre, même si la poursuite n’a aucun fondement. Et au bout du compte, même en cas de victoire, les frais d’avocats ne seront pas remboursés. (…) Celui qui est poursuivi sans juste cause sera traîné pendant des mois et des années d’interrogatoires.  

Dans notre cas, c’est le collège qui a payé tous les frais d’avocat du directeur des études et de la directrice générale. 48,900 $ de  fonds publics ont été utilisés et gaspillés. De notre côté, le syndicat a payé les frais d’avocat pour la poursuite du Directeur des études contre les quatre membres de l’exécutif du syndicat, ce qui est normal. Mais pour ce qui est du Littéraire, l’enseignant membre du conseil d’administration, c’est une autre histoire. Il aurait pu se retrouver seul devant la poursuite et avoir à payer de sa poche tous les frais d’avocat pour sa défense. C’est d’ailleurs ce que souhaitait  la prétendue diffamée. La décision de la Fédération des syndicats de payer les frais d’avocat a été beaucoup plus politique que juridique. Nous avons eu l’écho de discussions au comité de direction de la Fédération: il a fallu que le Syndicaliste mette tout son poids politique de vice-président de la Fédération pour faire pencher la balance en notre faveur car certain fonctionnaire syndical, à courte vue, réduisait les poursuites à un conflit de personnalités.  Si la Fédération avait refusé de payer les frais d'avocat pour sa défense à propos d'événements survenus au Conseil d'administration, le Littéraire aurait exigé que le collège paie ses frais d'avocat puisque, en tant que membre du Conseil d'administration, il avait les mêmes droits que la Directrice. A la réflexion, l'avocat syndical aurait dû envoyer une facture de 15,000 $ au Collège. Malheureusement, dans l'entente hors cour, il fut convenu que chaque partie paierait ses frais d’avocat. En tout, il en a coûté  environ 25,000 $ au syndicat pour les frais d'avocat.


frivole

Aucun rapport avec la légèreté des moeurs.  Dans le monde juridique, une poursuite est rejetée si elle est déclarée frivole c'est-à-dire sans fondement. La directrice, sur les conseils de son avocat, a décidé d’une façon purement arbitraire que les excuses du Littéraire pendant la réunion du Conseil d'administration du 19 juin étaient frivoles. 

jugement

Faculté de l’esprit permettant de bien juger de choses qui ne font pas l’objet d’une connaissance immédiate certaine, ni d’une démonstration rigoureuse. Avoir du jugement. Manquer de jugement. Erreur de jugement.  

crédibilité

Ce qui fait qu’une chose mérite d’être crue. Influence dont jouit une personne auprès de quelqu’un par la confiance qu’elle inspire. La crédibilité d’un administrateur ou d’un enseignant est une chose fragile. Nous savions que nos actions syndicales et nos écrits remettaient en cause la crédibilité de la Direction de notre collège. 

avoir à s'excuser

L’exécutif d’un syndicat écrit que, sur un dossier précis, un Directeur des études a manqué de jugement et s’est montré incompétent.  Ce directeur lui envoie une mise en demeure de retirer ses propos et de s’excuser. Si l’exécutif, par écrit, retire ses propos et s’excuse, il admet avoir mal agi. Il montre du regret d’avoir offensé le directeur qui demande réparation de l’offense dont il a été victime. D'une certaine façon, en s'excusant, le syndicat se reconnaît coupable. La question qui se pose n’est plus: est-ce que c’est vrai que, par exemple, sur les règles d’admission à l’examen de reprise, ce qui est un dossier mineur, la Direction s’est montrée incompétente et a manqué de jugement?  La question est devenue: était-ce bien de l’écrire puisque cela a fait de la peine à la Direction?  Ce n’est pas à la Direction de s’excuser de son erreur; c’est le syndicat qui doit s’excuser d’avoir dit que c’était une erreur. Si nous avions écrit que la Direction avait fait preuve d’impéritie (ce qui est synonyme d’incompétence), comme personne n’aurait compris, le Collège n’aurait pas pu nous menacer de poursuites pour diffamation et le Directeur des études n’aurait pas pu nous poursuivre pour diffamation. Le mot incompétence, trop brutal et trop clair, nous a causé bien des ennuis; le mot impéritie, qui veut dire la même chose serait passé inaperçu.  Nous avons fait un rude apprentissage des conséquences de l'emploi de tel ou tel mot. Les mots ont de l'importance pendant une guerre où la partie patronale cherche à trouver matière à poursuite pour diffamation et atteinte à la réputation.  

un procès au civil

Faire un procès au civil. Attaquer, poursuivre. Intenter un procès à quelqu’un. Le procès déplace le conflit; il le transporte sur un autre terrain, celui de la Cour supérieure qui fonctionne selon ses règles propres avec ses lois, ses énervantes lenteurs, ses coûts. Vous êtes dans un collège où les relations de travail sont régies par une convention collective signée par les deux parties. Surgit un désaccord. L’exécutif du syndicat s’exprime franchement et revendique. Le désaccord pourrait se régler à l’interne selon des mécanismes prévus à la convention collective; il suffirait que la direction admette son erreur. Or, voilà que la Direction attaque l’exécutif du syndicat en Cour supérieure pour diffamation avec l’argent de nos taxes.  C'est une façon de ne pas respecter les règles du jeu.

les excuses sincères

Est sincère celui qui est disposé à reconnaître la vérité en toute bonne foi et à faire connaître ce qu’il pense et sent réellement sans consentir à se tromper soi-même ni à tromper les autres. Synonymes: authentique, vrai, non truqué. Antonymes: hypocrite, menteur, affecté, feint. Comment fait-on pour déterminer la sincérité de quoi que ce soit. Comment reconnaît-on que sdes excuses sont sincères? La Directrice exigeait du Syndicat qu’il présente des excuses et des  excuses sincères. Pour que nos excuses soient reconnues comme sincères, des conditions exorbitantes étaient imposées. Il fallait admettre que nos propos étaient diffamatoires. Il fallait admettre que nous avions mal agi. Il fallait se reconnaître coupable.   Il fallait s’engager à cesser d’exercer notre jugement critique, élément essentiel de la fonction syndicale. En pratique, l’exigence de sincérité équivalait à obliger qu'on se transforme en syndicat de boutique et à cesser de traiter d’égal à égal. Si nous demandions que l'erreur de l'administration soit corrigée, nous faisions la preuve que nos excuses n'étaient pas sincères. Si nous disions que nous allions évaluer la directrice générale, nous montrions un esprit rebelle.  C'est un classique de demander des excuses quand on juge qu'il y a eu offense. On a demandé à Jacques Parizeau de faire des excuses après sa déclaration sur l'argent et des votes ethniques le soir du référendum de 1995.  Il ne s'est pas excusé. Il n'avait pas à s'excuser d'avoir dit la vérité. Les organisateurs du love in et les dirigeants d'Option Canada, ne se sont pas excusés de n'avoir pas respecté la loi québécoise sur les dépenses permises par le camp du NON.

le respect

Selon Le petit Robert, le respect est un sentiment qui porte à accorder à une personne une considération admirative, en raison de la valeur qu’on lui reconnaît, et à se conduire envers elle avec réserve et retenue. Est respectueux celui qui éprouve ou témoigne du respect, de la déférence. On peut inspirer le respect; on doit mériter le respect. Le respect, ça ne s’impose pas: ça se mérite.

Elle s’imaginait que le seul fait d’être directrice devait lui assurer automatiquement le respect. C’était une grave erreur. Une personne en autorité qui est attaquée peut accuser l’opposant de lui manquer de respect, ce qui fait diversion par rapport à l’objet de la critique. L’accent est alors déplacé vers la forme au détriment du fond. C’est l’objectif visé. Par ailleurs, la conduite d’une personne en autorité qui veut être respectée doit être irréprochable. Si elle commet des abus de pouvoir ou manque d’éthique dans le choix des moyens pour attaquer ses opposants, il est normal qu’on se défende et alors, qu’elle ne vienne pas se plaindre qu’on lui manque de respect et qu’elle ne vienne pas nous accuser d’être irrespectueux ou insolent. Le fait d’occuper une fonction n’entraîne pas automatiquement le respect. C’est la personne qui occupe la fonction qui doit mériter le respect par sa compétence, son honnêteté, son jugement et son sens de la démocratie. L'époque du respect  en vertu de la seule fonction et envers l'autorité est bien révolue.

la fonction et la personne

La directrice générale prétendait avoir de la classe et faire partie de l’élite mais elle était plutôt forte sur le cosmétique, l'étiquette, l’apparence et le décorum. Contrairement à Montaigne qui a occupé la fonction de maire de Bordeaux pendant quatre ans et qui disait avec son bon jugement habituel, le maire et moi sommes deux, il y avait, a-t-elle voulu nous faire croire, comme une union substantielle entre le Collège et sa directrice générale.  Montaigne insiste sur la distinction qu’il faut faire entre la fonction et la personne. Ce n’est pas honnête de prétendre que tout désaccord sur l’exercice de la fonction est une attaque contre la personne ou une attaque contre l’institution. Au Conseil d’administration, c’était l’unanimité ou le drame car quiconque n’était pas d’accord avec elle mettait nécessairement le collège en péril. Nous devions nous opposer à tant d’extravagance. Ces attitudes de prima donna méritaient une remontrance rédigée avec fermeté car quand nous écrivons ce que nous pensons notre âme marche d’une grande allégresse. ( Essais, I, 40).

intimider et déstabiliser

Le recours aux poursuites en diffamation est le plus souvent anti-démocratique. C’est se servir des Tribunaux à des fins politiques, pour intimider et déstabiliser l’adversaire et pour l’affaiblir financièrement en le menaçant d’amendes exorbitantes et en l’obligeant à de coûteuses dépenses en honoraires d’avocats avec la menace d’avoir à payer les frais d’avocat de la partie adverse. (C’est ce que veut dire l’expression avec dépens.) Les attaques devant les Tribunaux dont nous avons été l’objet, bien que fort stimulantes car nous aimons la bataille (comme disait Pierre Bourgault), n’en étaient pas moins énergivores. En plus, nous étions privés de vacances sereines car les mises en demeure nous tombaient dessus entre les sessions ou avant les vacances d’été. C’était la façon de la directrice de se venger et de nous faire regretter nos prises de position et notre engagement. Son message était clair: Si vous vous opposez à moi, vous allez en payer le prix.

le pouvoir au féminin

A propos du pouvoir au féminin, un mot pour dire une évidence, à savoir que chaque homme et chaque femme est un être humain. La catégorie de l’humain inclut le féminin et le masculin. Si on parle de valeurs féminines ou de valeurs masculines, parlons aussi de valeurs humaines. D’ailleurs, c’est quoi exactement une qualité féminine ou une qualité masculine? Il y a des femmes qui traversent le lac St-Jean à la nage. Si un homme au pouvoir recherche le consensus ou manifeste de l’empathie dans une situation difficile, il n’est pas féminin, il n'est pas féminisé, il est humain tout simplement.  Les femmes, à ce que nous sachions, n’ont pas le monopole de l’humain. De toutes façons, comme l’écrit  Montaigne, dans le célèbre chapitre cinq du livre trois des Essais: Je dis que les mâles et femelles sont jetés en même moule; sauf l’institution et l’usage, la différence n’y est pas grande.


sa Majesté n'est pas à plaindre

Le passage de la directrice générale à notre collège a été rentable financièrement pour elle: très bon salaire de plus de 85,000 $; primes de rendement de 6% chaque année (même en situation budgétaire difficile, comme les dirigeants de grosses compagnies privées, les hors-cadres ne s’oublient pas: en 2005, dans le réseau collégial, 1.4 millions de dollars ont été payés en primes à des hors-cadres c’est-à-dire directeur général et directeur des études); voyages en Afrique et au Mexique; compte de dépenses; prime (légale, hélas!) de séparation dans les six chiffres   (143,000 $, dit-on); excellente pension. Elle n’est pas trop à plaindre financièrement.

Elle se caractérisait ni par la rigueur intellectuelle ni par la rigueur budgétaire. Elle n’a pas hésité à imposer au Collège une dépense de 50,000 $ en frais d’avocat sans compter le temps et l’énergie gaspillés par les administrateures qui auraient eu mieux à faire que de témoigner devant l’arbitre des griefs, la Commissaire du travail ou le juge de la Cour supérieure sans oublier le grand nombre d’heures gaspillées en préparation. Nous avons vu trop souvent la BMW de l'avocate directrice des ressources humaines, stationnée devant les bureaux de l’avocat local à côté du Carré Royal. Il eût été préférable qu'elle prenne de son précieux temps pour suivre des cours sur notre convention collective et des leçons sur la rédaction des procès-verbaux du Comité des relations du travail (CRT).

La directrice générale contrôlait tout. Elle a beaucoup dépensé pour les rénovations. Pendant des mois, le collège a été un vaste chantier de construction au grand plaisir des entrepreneurs. Une première directrice des ressources humaines, de Thetford Mines, a été épuisée par sa triple fonction de responsable des ressources humaines, de responsable des communications et de  secrétaire générale et par l’exigence pressante de la mise sur pied d’une Fondation du collège et la multiplication des activités sociales annuelles: bal masqué, fête de Noël, cabane à sucre, tournoi de golf, cérémonie de remise des diplômes, remise de bourses, reconnaissance des années de service, réunions soulignant les départs (nombreux) des cadres ou les prises de retraite, reconnaissance de l’excellence scolaire. Toutes ces activités sociales objets des boycotts avaient une grande importance pour la directrice qui aimait les mondanités. A cause des poursuites contre l’exécutif du syndicat, 95% des enseignants ont boycotté ces activités sociales pendant trois ans. Ces boycotts étaient très frustrants pour elle. Selon nous, on ne peut pas aller faire des mamours à une administration hostile qui nous poursuit devant les Tribunaux. Un hebdomadaire local tiré à 25,000 exemplaires et distribué gratuitement à chaque foyer, informait la population des poursuites et des boycotts des enseignants et la rédactrice en chef, dans des articles substantiels, avec professionnalisme, expliquait le point de vue de chacune des parties, ce qui ne manquait pas d’irriter la directrice générale qui s’en est plaint plusieurs fois avec véhémence puisqu’il apparaissait que cela allait mal au collège et qu’elle en était responsable, ce qui n’était pas bon pour son image de marque et pourrait nuire à sa future carrière. On commençait à comprendre dans la région que son gigantesque ego et son autoritarisme mal avisé créaient un gros malaise. Devant ses récriminations parce que, selon elle, l’article du journal local informant la population de la poursuite de 80,000$ ne méritait pas la première page, le directeur du journal, qui était un extrême modéré, lui a pourtant répliqué: Je ne vous dis pas comment diriger votre collège; laissez-moi diriger mon journal comme je l’entends. A partir du moment où il y a eu des poursuites, le journal local ne parla plus du conflit.  C’était le but recherché. Tout devint sub judice. Les poursuites ont été un moyen efficace (et inacceptable) de censure.

aire de repos: la colère dans la vie de Jésus de Nazareth

Jésus a donné ses lettres de noblesse à la colère et à l'indignation. Cet homme fondamentalement bon et doux a refusé qu'on lapide la femme adultère en disant: Que celui qui est sans péché lui lance la première pierre. J'ai pensé à cette scène des Evangiles en lisant le mode de vie d'Hérouxville écrit par l'ingénieur André Drouin dont la première version notait avec un humour voltairien: A Hérouxville, on ne lapide pas les femmes.

Puis, entré dans le Temple, il se mit à chasser les vendeurs. (...) Il enseignait journellement dans le Temple.  Les grands prêtres et les scribes cherchaient à le faire périr. Les notables du peuple aussi. Mais ils ne savaient comment s'y prendre, car le peuple entier l'écoutait, suspendu à ses lèvres.  (Evangile selon saint Luc)

Malheur à vous pharisiens hypocrites qui ressemblez à des sépulcres blanchis: au dehors ils ont une belle apparence, mais au dedans ils sont pleins d'ossements de morts et de pourriture.
(Evangile selon saint Mathieu)

Vous les pharisiens, vous purifiez l’extérieur de la coupe et du plat, mais à l’intérieur vous êtes remplis de cupidité et de méchanceté.  (saint Luc)

un péché capital

Quand Montaigne parle des vices des rois, il faut mettre cela en rapport avec les sept péchés capitaux du petit catéchisme que nous avons appris par coeur à l’école primaire. Dans le petit catéchisme de la province de Québec, on peut lire: 58. - Quelles sont les principales sources du péché? -Les sept principales sources du péché sont l’orgueil, l’avarice, l’impureté, l’envie, la gourmandise, la colère et la paresse. On les appelle communément péchés capitaux. 63.- Qu’est-ce que la gourmandise? -La gourmandise est un amour déréglé du boire et du manger. 64.- Quelle est la gourmandise la plus dangereuse? La gourmandise la plus dangereuse est l’ivrognerie, qui fait perdre la raison et rend l’homme semblable à la bête.” Et rend l’homme semblable à la bête, ce langage avait bien impressionné nos très jeunes années. Il boit dit Phonsine à Angélina à propos du Survenant, ce qui le condamnait à ses yeux. Accuser le Littéraire d’avoir traité une gestionnaire d’alcoolique même s'il avait retiré ses propos, c’était particulièrement malveillant et malicieux. C’était le diffamer. C'était vouloir lui nuire. C'était nuire à sa réputation

à jeun!  (on an empty stomach)

Le petit Robert dit: à jeun, sans avoir rien mangé, l’estomac vide. En anglais: on an empty stomach, être à jeun. Remède qu’il faut prendre à jeun. Pour cette analyse de sang, il faut être à jeun. Dans le Robert, dictionnaire historique de la langue française, on lit: l’expression à jeun est employée familièrement en parlant d’une personne (1846), et spécialement d’un alcoolique, qui n’a encore rien bu. Ce qui donne à la réaction de la directrice générale un début de justification. C’est une preuve d’honnêteté intellectuelle et de probité de notre part que de rappeler cette remarque du grand Robert  dont nous avons pris connaissance bien après les événements.  C’était évidemment une erreur et une maladresse  d’employer cette expression à jeun dans une réunion où la tension était à couper au couteau. De bonne foi, nous avons exprimé nos regrets et nos excuses oralement et par écrit.  Nous n’étions pas obligé de le faire. Mais la directrice, elle, n’a jamais admis devant nous qu’elle avait charrié, qu’elle s’était trompée, que son témoignage du 31 octobre 2001 ne tenait pas debout et elle n’a jamais présenté d’excuses au principal intéressé et au syndicat des enseignants. Elle n'a jamais admis que le Littéraire n'a jamais dit: Cette fois-là, vous étiez à jeun. Ce qui confirme que, pour cette Administration,  les excuses devaient être à sens unique. L'exigence de civilité était donc un prétexte à censure. En sept ans, malgré ses nombreuses erreurs, cette administration n’a jamais reconnu ses torts. Quand on est imbu de soi-même et de son importance, quand on a un complexe de supériorité qui pousse à la condescendance et même au mépris, on ne se rabaisse pas à s’excuser. Mais on se croit autorisé à demander des excuses aux autres. Dans  cette affaire, où était la bonne foi?

Quand j'étais enfant, pour aller communier à la messe, il fallait être à jeun. Et ma mère ou ma grand-mère n’avaient pas besoin de me le rappeler; je le savais et j'allais communier sans avoir rien bu ni mangé depuis minuit: j'étais à jeun. J'étais obéissant et pieux. Il n’était évidemment pas question d’alcool pour un petit garçon de six à dix ans. On peut donc employer l’expression être à jeun sans se référer à une boisson alcoolique.

Signalons en dernier lieu une curiosité. Dans le premier chapitre d’un roman de Jacques Ferron, Le Ciel de Québec publié en 1969, les soeurs du Précieux-Sang envoient chaque matin une voiture tirée par un cheval à Mgr Camille, au Séminaire, afin qu’il vienne dire la messe dans la basse-ville de Québec. Un matin, Mgr Camille ne trouve pas de voiture devant sa porte. L’étalon n’était plus dans l’écurie du couvent; il était aller courir les juments. Les Soeurs, écrit le docteur Ferron, se préparaient à descendre à la chapelle. Après la messe, elle iraient déjeuner. Comme de bonnes catholiques, afin de pouvoir aller communier, elles étaient à jeun. Ferron s’amuse en notant que le cheval hennissait trop pour un cheval de communauté. Cet étalon est jeune, fougueux, impatient. C’était sans doute un cheval très intelligent. De plus, ne mangeant qu’après la sainte messe tel qu’il est prescrit dans la règle du couvent au chapitre des dépendances logeant les personnages non consacrés, il se trouvait à jeun. A jeun, cela voulait dire que le cheval n’avait pas mangé ni bu; cela ne voulait certainement pas dire que le cheval était un alcoolique. Si j'avais dit au docteur Ferron en le rencontrant devant la Banque de Montréal sur la rue St-Charles à Longueuil avec sa Renault 16 que quand il fait remarquer que le cheval était à jeun cela voulait dire que le cheval était un ivrogne, il aurait éclaté de rire et  m' aurait trouvé plus farfelu que lui, grand facétieux et fondateur du Parti Rhinocéros.

la gibelotte des îles de Sorel

Prenez la route 132 qui longe le fleuve Saint-Laurent et dirigez-vous vers Ste-Anne-de-Sorel.  Vous y découvrirez un chapelet d’îles connues pour leur charme très particulier et leur richesse ornithologique. Ici, le décor a peu changé. Les arbres se reflètent toujours nonchalants sur l'eau qui ne connaît point de rides. Au restaurant  chez Marc Beauchemin,  au 124, île d'Embarras, la nappe est toujours mise, en ciré à rayures rouges et blanches et les oignons espagnols marinent toujours dans le vinaigre doux. C'est ici qu'on sert la fameuse gibelotte. Mais d'où vient -elle? De la région de Sorel, évidemment. Il faut remonter en 1926. Une dénommée Berthe Beauchemin, femme des Îles, personnage aussi légendaire que le Survenant,  présente aux côtés de son père et de sa soeur Rébecca sa toute première recette de gibelotte: ce qui, au départ, n'était qu'un plat partagé avec quelques privilégiés, devint "le" mets régional de Sorel. Depuis ce temps, chaque été, en juillet, le festival de la gibelotte accueille des milliers d'estivants.

La gibelotte est  une sorte de soupe aux légumes: un mélange de pommes de terre, de maïs, de tomates, de carottes, d'oignons, etc. Puis, selon la tradition des Beauchemin, après avoir fait bouillir la barbotte dans l'eau salée, on y verse la gibelotte dessus, le tout dans une grande assiette creuse. Pour agrémenter le mets, on peut servir des filets de perchaude rôtis, à part, dans une assiette. Il existe des nuances dans la préparation de la gibelotte. Mais, malgré ces subtiles nuances, ce plat continue de faire le délice des connaisseurs et de susciter la curiosité des étrangers.

Ne résistez pas à la tentation de découvrir un des beaux endroits du Québec. Faites-en votre destination pour une prochaine balade. Prolongez le plaisir par une mini-croisière dans les îles.

source: saveurs du monde.net

Lors du Moulin à paroles à Québec, à l'été 2009, on a lu des recettes. Je m'en inspire.

Recette de la gibelotte des îles de Sorel

Ingrédients pour 10-12 personnes

- 450 g de lard salé, tranché
- 4 oignons espagnols, hachés
- 1,5 litre de bouillon de poulet
- 1,5 litre de bouillon de boeuf
- 2 kg de pommes de terre, coupées en dés
- 125 ml de pâte de tomates
- 125 ml de soupe de tomates concentrée
- 125 ml de tomates rondes, épluchées
- 500 ml de maïs en grain
- 250 ml de pois verts
- 750 ml de carottes coupées en dés
- 1,5 kg de filets de perchaude ou de barbotte
- sel et poivre
- laurier, persil, thym, basilic

Progression

   1. Rincer le lard salé à l'eau froide et le faire dorer dans une marmite de 10 litres.
   2. Ajouter les oignons et laisser cuire jusqu'à ce qu'ils soient transparents. Ajouter les pommes de terre et les carottes, les bouillons et les épices, et laisser cuire de 10 à 12 minutes.
   3. Ajouter la pâte de tomates, la soupe de tomates, les tomates, le maïs et les pois. Faire mijoter 2 heures et ajouter les filets de poisson. Cuire 15 minutes.
   4. Servir avec des filets de perchaude frits, des oignons espagnols tranchés, du pain croûté et du bon vin blanc froid.


Commentaire d'un Sorelois

Cette recette n'est pas la vraie officielle. Seule ma famille et un restaurant de Ste-Anne-de-Sorel ont la vraie recette. Il n'y a pas de bouillon de boeuf et de poulet. Dans le temps, le thym était rare et dispendieux et le basilic aussi. Il y avait juste un marché à Sorel. Dans la vraie recette, il y a des grillades de lard salé, de la perchaude et/ou de la barbotte et comme épices, du laurier et du persil.

Voici  la recette d'une grand-tante à ma mère, elle est secrète (que ma mère a dit), donc elle est dans ma tête (pas écrite). Un seul resto a la vraie recette à Ste-Anne-de-Sorel.

Moi, je fais un petit chaudron de 10 pintes et le goût est comme au resto.

Aux oignons, ajouter un peu de sucre, quelques gouttes de citron; laissez tremper quatre heures.

Faire cette recette sans thym et sans basilic.
  
Prendre le blé d'Inde en grains, les grosses tomates Aylmers, de la crème de tomates, moins de patates.

Les filets de perchaude,  5 minutes avant de servir; barbotte dix minutes et petits pois juste avant le poisson.

Servir avec filets rôtis de perchaude, pain crouté et oignons dans le vinaigre

p.s. la perchaude est chère, donc optez pour de la sole ou de la morue: la sole est proche du goût de la perchaude.

Avec un bon vin blanc très frais, si vous voulez, mais ce n'est pas dans la vieille tradition soreloise;

précédé d'une ou deux bières au choix, je n'ai pas besoin de vous dire que ça c'est dans la tradition soreloise. Ce n'est pas pour rien qu'on nous appelle des tire-bouchons.


Faux témoignage ne diras

Du petit catéchisme de la province de Québec, citons, pour mémoire, au cas où cela pourrait nous servir, le huitième commandement de Dieu: Faux témoignage ne diras, ni mentiras aucunement  qui nous ordonne de dire toujours la vérité, et de respecter l’honneur et la réputation du prochain. Et que défend le huitième commandement? Le huitième commandement défend le faux témoignage, la médisance, la calomnie et le mensonge. Qu’est-ce qu’un faux témoignage? Un faux témoignage est une déposition contraire à la vérité, faite devant les tribunaux. Un témoin peut ne pas dire la vérité par manque de mémoire ou déformer involontairement les paroles ou les faits. Un témoin peut se tromper de bonne foi. Un témoin peut aussi volontairement déformer des paroles pour incriminer quelqu’un. Il peut être de mauvaise foi. Il peut carrément recourir au mensonge et à la tromperie. Mentir, c’est dire autre chose que ce que l’on sait être vrai. Cela est possible. Cela existe. Cela s’est déjà vu. Et cela peut être grave et conduire à des erreurs judiciaires. La falsification et la conscience de la falsification, c’est-à-dire le mensonge, cela existe. Si quelqu’un a besoin de recourir à une fabrication ou s’il y a des erreurs dans sa version de ce qui s’est dit, n’est-ce pas un signe que sa cause n’est pas fondée? Faux témoignage ne diras, ni mentiras aucunement est un commandement qui ordonne de dire toujours la vérité.   

pour dédramatiser

Voici ce que Montaigne raconte.

Le monde n’est que variété et dissemblance. Les vices sont tous pareils en ce qu’ils sont tous vices (...). Mais ils ne sont pas égaux. (...) L’ivrognerie me semble un vice grossier et brutal. (...) Je n’eusse pas cru d’ivresse si profonde, étouffée et ensevelie, si je n’eusse (su) ce que m’apprit une dame que j’honore et prise singulièrement, que près de Bordeaux, vers Castres où est sa maison, une femme de village, veuve, de chaste réputation, sentant les premiers ombrages de grossesse, disait à ses voisines qu’elle penserait être enceinte si elle avait un mari. Mais, du jour à la journée croissant l’occasion de ce soupçon et enfin jusques à l’évidence, elle en vint là de faire déclarer au prône de son église que, qui serait content de ce fait, en l’avouant, elle promettait de lui pardonner, et, s’il le trouvait bon, de l’épouser. Un sien jeune valet de labourage, enhardi de cette proclamation, déclara l’avoir trouvée, un jour de fête, ayant bien largement pris son vin, si profondément endormie près de son foyer, et si indécemment, qu’il s’en était pu servir sans l’éveiller. Ils vivent encore mariés ensemble.  
(Montaigne, Essais, II, 2, De l’ivrognerie)
(Prière de ne pas y voir un désir inconscient: un peu de sérieux, s'il vous plaît!)

L'avocate de service et le ton béèmdoublevé (BMW)

Le ton, c’était la spécialité de l’Avocate de service qui fut sélectionnée comme directrice des ressources humaines après l’épuisement de celle qui fut engagée avant elle et qui quitta à cause d’une fatigue excessive, résultat de sa triple fonction. La directrice générale a mis son départ sur le dos du syndicat car les réunions du Comité des relations de travail (CRT)  étaient fort tendues. Nouvelle venue au niveau collégial, l’Avocate de service ne connaissait rien à notre convention collective qui est fort compliquée mais elle était avocate et ses connaissances juridiques seraient utiles en cas de recours judiciaires (qui étaient prévus...) contre le syndicat des enseignants. Elle a d’ailleurs été engagée pour ça. Elle passait beaucoup de temps au téléphone à consulter le contentieux de la Fédération des collèges.

En analyse littéraire, la tonalité est la coloration affective qui se dégage d’un texte. Le ton est une manière de s’exprimer dans un écrit ou oralement. Cette directrice des ressources humaines, porte-parole de la directrice générale, n’aimait pas le ton de nos écrits et le ton de nos interventions en CRT. Nous non plus, d’ailleurs, nous n’aimions pas son ton pète-sec, ce que nous appelions le ton BMW, le ton  béèmdoublevé.  Au Comité des relations du travail (CRT), nous lui avons fait passer quelques mauvais quarts d’heure. Dans nos repas de travail,  quand nous voulions rire, nous repassions nos exploits. Comme nous maîtrisions mieux qu’elle la convention collective (ce n’était pas difficile), elle nous reprochait constamment notre ton, un ton qui, selon elle, était  insolent même quand les mises en demeure essayaient de nous forcer à présenter des excuses sincères. Ces excuses ne pouvaient pas être sincères puisqu’elles étaient accompagnées de demandes que la Direction corrige ses erreurs. Nous étions si peu intimidés par leurs sparages politico-juridiques que nous poussions l’effronterie jusqu’à enrichir nos propos de réflexions puisées dans les Essais de Montaigne, ce qui était le comble de l’arrogance et de la provocation. 

Le directeur des études a commis une erreur; nous avons pris la peine de l’avertir poliment  en privé mais il n’en a pas tenu compte. Il était bien difficile ensuite en le dénonçant par écrit, de garder un ton aimable et courtois. On se disait qu’il fallait le brasser un peu pour qu’il comprenne. Obéissant à la directrice générale à laquelle il était soumis hiérarchiquement, d'où son surnom Le Soumis,  le directeur des études nous a poursuivis pour diffamation et atteinte à la réputation. Six mois plus tard, il a corrigé son erreur à propos des conditions d'accessibilité aux examens de reprise. Puis, il a retiré sa poursuite de 80,000 $ avant de quitter notre collège avec joie, comme il l’a écrit lui-même dans sa lettre d’adieu, pour retourner comme Directeur des études là où il avait enseigné la philosophie pendant vingt ans. Et il a ensuite été nommé directeur général d’un autre collège. Nos attaques  diffamatoires qui avaient supposément  ruiné sa réputation ne l’ont pas empêché d’obtenir ces promotions. De toutes façons, dans les milieux patronaux, quiconque tient tête à un syndicat coriace mérite une promotion.

aire de repos

Lu dans La Grande Tribu, C'est la faute à Papineau, Grotesquerie de Victor-Lévy Beaulieu, Editions Trois-Pistoles, 2008, Paroisse Notre-Dame-des-Neiges. On est dans les années 1820.

Daniel O'Connell organise de vastes meetings auxquels participent jusqu'à cent mille citoyens et les meilleurs orateurs de l'Irlande. Ce grand mouvement de résistance active énerve la Grande-Bretagne: elle interdit les meetings, arrête plusieurs chefs et leur intente des poursuites. C'est l'avocat O'Connell qui les défend, il gagne tous les procès. (…) Battue sur le plan légal, la Grande-Bretagne fait comme elle a toujours fait dans ses colonies: elle envoie ses soldats en Irlande et les autorise à de sauvages répressions. O'Connell, du haut d'un husting, répond ainsi au plan d'intimidation de la Grande-Bretagne:

La Grande-Bretagne prétend qu'elle n'aime pas le ton de nos discours. Il est étrange qu'on n'aime pas le ton employé par des hommes réclamant à grands cris le bien de leur pays. Le ton que nous prenons est le ton qui doit faire reculer l'envahisseur, le ton d'hommes qui savent ce que vaut la liberté civile (…). p.343


gérer des subventions et développer des projets

Les OSBL, les organismes sans but lucratif, dont certains sont associés à des collèges gèrent des subventions et développement des projets.  Nous avons déjà parlé de comptabilité créative à propos de l'International à notre collège,  ce qui est un euphémisme obligé puisque c’est difficile d’avoir accès aux factures. A ce propos, les grands médias d’information sont abonnés à la Commission d’accès à l’information pour avoir des renseignements sur les dépenses des administrateurs des Sociétés d’Etat. D’accord pour les stages des étudiants hors Québec mais quand un tel organisme (OSBL) fait concurrence à SNC-Lavalin pour des projets de développement, on est devant un détournement de mission. Les collèges n’ont pas à faire concurrence à des firmes d’ingénieurs. Ce qui nous frappe, ce sont les avantages de toutes sortes rattachés aux fonctions d’administrateurs bénévoles de ces organismes. Frais de représentation, logement, repas, transport, frais divers de toutes sortes, compensations symboliques, estime sociale, prestige de voyages en Afrique, en Amérique du Sud, au Mexique, en Asie et même en Europe. La carte de crédit est très utilisée. Est-ce normal qu’une corporation qui s’occupe de l’International et qui est apparentée à un collège fasse un déficit de 135,000$ en trois ans? Ce fut notre cas. Nous aurions aimé voir les factures qui ont justifié ce déficit quand même considérable. Est-ce que c’est ça qu’on appelle faire du développement? Ce développement n’était-il pas censé rapporter des revenus au collège! Rappelons que le Directeur général du collège de St-Hyacinthe  (ex-Directeur des ressources matérielles de notre collège dit Le Séduisant) a dû démissionner de ses fonctions.

complot 

Un complot est un projet concerté secrètement pour nuire à quelqu’un; c’est une intrigue menée, une ruse contre quelqu’un. Le complot implique plusieurs actions coordonnées par plusieurs personnes dans un but précis. Par exemple, le directeur des études envoie au Littéraire une lettre en apparence anodine exigeant qu’il respecte son plan d’études, qu’il donne des cours magistraux et qu’il n’attaque pas l’administration pendant ses cours. Auparavant, l’adjoint à l’organisation scolaire, contrairement à une pratique établie d’attribuer des locaux au deuxième étage pour les cours de français, choisit pour cet enseignant des locaux au premier étage, au-dessus de travaux très bruyants d’aménagement du sous-sol exécutés pendant ses cours (comme par hasard)  pour le programme en environnement-santé et sécurité: l’enseignant pourra difficilement enseigner, s’impatientera, se choquera et il accusera la Direction d’incompétence, de manque de planification des travaux et de manque de respect à l’égard du travail des enseignants. Puis, sans avertissement, au milieu de l’après-midi, deux cadres (féminines) feront irruption dans une de ses classes avec un questionnaire qui donne l’occasion aux élèves de confirmer les insinuations contenues dans la lettre du Directeur des études.

Vous avez là tous les éléments d’un complot . Comme on l’a vu, ce complot contre le Littéraire qui est une action de harcèlement, a lamentablement échoué à cause de la perspicacité des élèves et leur esprit de solidarité. De plus, ce complot a donné l’occasion au Directeur des études de montrer qu’il avait un certain sens de l’éthique puisqu’il n’est pas allé au bout de la démarche qui consistait à passer un questionnaire d'évaluation dans les trois classes du Littéraire. Devant l'évaluation très positive des élèves de la première classe, il a sagement mis fin à l'opération. Ce qui fut perçu, par  la Directrice, comme une trahison. Celle qui avait conçu le complot s'est sentie trahie. Et, en plus, le Directeur des études a envoyé une lettre d’excuses au Littéraire: dans cette lettre, il fait  l’éloge du professeur de littérature en se basant sur l’évaluation des étudiants. Ce qui fit la preuve qu’il était un honnête homme et qu’il était tanné de poser des gestes de harcèlement contre un enseignant qui ne le méritait vraiment pas. Il s’était tanné d’être l’instrument de la vengeance d’une directrice qui avait fortement tendance à abuser de son pouvoir. Pour des raisons politiques, elle se croyait tout permis contre le Littéraire pour pouvoir s'en vanter devant ses amis libéraux.

harcèlement

Selon l’article 81.18 de la Loi sur les normes du travail, le harcèlement psychologique est défini comme une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste. Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié. Le harcèlement peut provenir d’un supérieur (supérieur selon la hiérarchie dans l’organigramme d’un collège). Remarquez que dans la définition juridique du harcèlement, le caractère répétitif n’est pas essentiel; une seule conduite grave peut constituer du harcèlement psychologique. L’intervention de la directrice auprès du président du syndicat, à l’automne 1997, à la fin du mois d’août, à propos d’une plainte contre le Littéraire  vieille de trois mois, c’est du harcèlement psychologique. Si vous êtes professeur dans un collège depuis 1969 et que la nouvelle directrice générale qui vient d’entrer en fonction en 1997 convoque le président du syndicat et attaque votre personnalité et votre enseignement, vous avez subi de la part de la nouvelle directrice générale une conduite vexatoire qui s’est manifestée par un comportement hostile et non désiré qui a entraîné un milieu de travail néfaste. Il s’agit d’une seule conduite grave qui a produit un effet nocif continu pour le salarié. La loi sur le harcèlement psychologique a été adoptée le 19 décembre 2002; depuis le premier juin 2004, arbitres et tribunaux ont à déterminer le bien-fondé des plaintes de harcèlement psychologique en milieu de travail. Si la loi avait été en application à l’automne 1997, Le Littéraire aurait mis de côté son orgueil de mâle qui fait semblant de n’être pas affecté et il aurait porté plainte. Ayant reçu sa leçon, la directrice générale se serait calmée et toute la suite des choses aurait été différente. L’intervention de l’Adjointe dans la classe de bureautique, trois mois après la fin des cours, c’est du harcèlement. L’intervention des deux cadres dans une de ses classes de français précédée d’une lettre du directeur des études, cet ensemble qualifié de complot, c’est du harcèlement. L’espionnage systématique, c’est du harcèlement. Mais la loi contre le harcèlement psychologique n’a été en application qu’à partir du premier juin 2004 et elle n’est malheureusement pas rétroactive. Voyez comment une loi peut améliorer la vie concrète des salariés.

voyage dans le monde de Lilliput et de Grandpied dans les plats

Il y a des attitudes mesquines et petites (mean) qui affectent nos conditions de travail. Les enseignants travaillent à la maison: préparation de cours; correction de travaux, préparation et correction d’examens, lectures, perfectionnement. Au collège, la plupart des enseignants ont leurs bureaux dans de grandes salles où il y a beaucoup de circulation d’élèves ou d’enseignants. Il y est difficile de se concentrer quand on entend des conversations téléphoniques et qu'il y a un va et vient constant. C’est un fait, les enseignants travaillent beaucoup à la maison. L’adjoint à l’organisation scolaire Grandpied décidait des horaires des professeurs: c’était le principal fondement de son petit pouvoir. La règle qui devait s’appliquer, c’est des horaires sur quatre jours. Le Littéraire reçut son horaire: il était volontairement sur cinq jours, en voici la preuve. Il colligea les horaires de ses collègues. Nathalie P., mère de trois jeunes enfants, avait aussi un horaire sur cinq jours. Il suffisait qu’elle échange avec Le Littéraire un de ses groupes du même numéro de cours (Fr.101, analyse littéraire) et le tour était joué: les deux enseignants auraient eu un horaire sur quatre jours. L’adjoint à l’organisation scolaire refusa. (Il est aujourd’hui Directeur des ressources humaines dans un gros collège de Montréal. grand bien lui fasse.) Le Directeur des études refusa le changement d’horaire de gré à gré. Nathalie alla voir le Directeur des études, lui parla de la conciliation travail-famille qui est inscrite dans notre Convention collective: aucun argument n’ébranla le directeur qui lui dit: La prochaine fois que tu auras un problème, viens me voir au lieu d’aller voir le Littéraire. Celui-ci, au lieu de voyager cinq jours aller-retour (140 Km) dut payer les frais d’un motel pendant toute la session (15 semaines) pour éviter la fatigue. Et Nathalie, mère de trois enfants en bas âge, voyagea cinq jours aller-retour, de son domicile à Longueuil au lieu de travail (140 km) pendant quinze semaines.

Tout de suite après avoir essuyé un refus à sa demande de changement d’horaire, le Littéraire vit le Directeur des études, le sourire mauvais, se diriger vers le bureau de la Directrice générale par un escalier spécial pour aller lui raconter son mauvais coup. On lui souhaite bonne chance dans l’exercice de ses nouvelles fonctions de Directeur général d’un collège. Nous sommes ravis de ne pas avoir ruiné sa carrière par nos graves diffamations. Si c’était à refaire, Nathalie et moi, nous aurions changé d’horaire sans leur accord: on les aurait mis devant le fait accompli car ce qu’ils ont fait était contraire à la Convention collective par rapport à la mère de famille qui subissait injustement les conséquences de leur mesquinerie. L’exemple des horaires manipulés montre le niveau auquel se situaient ces esprits ubuesques et  lilliputiens.  Le subtil Grandpied, en privé, ajouta avec sa hauteur de vues habituelle: S’ils ne sont pas contents de leurs horaires, qu’ils déménagent dans la région! Ces petitesses étaient suscitées par la Directrice. Grandpied dans les plats obéissait aux ordres même si son àplatventrisme ne lui avait pas procuré le poste de Directeur des études qu'il convoitait. On ne sait jamais, satisfaire les désirs d'une directrice, ça peut toujours rapporter des dividendes.

contexte juridique: le devoir de loyauté. Code civil du Québec: article 2088

Dans le magazine Jobboom de septembre 2006, Pierre Frisko écrit: Comme ce fut le cas à la SAQ, (Pierre Roy fut suspendu par Sylvain Toutant pour avoir envoyé une lettre au Devoir) il arrive que les employeurs invoquent le devoir de loyauté pour empêcher leurs employés de les critiquer sur la place publique. Les tribunaux ont tendance à sanctionner les actes d’atteinte à la réputation de l’employeur. Mais attention! Une critique des décisions et des actions d’un employeur n’est pas nécessairement une atteinte à sa réputation. Mais selon la jurisprudence, il faut que l’employé ait d’abord épuisé les canaux internes de l’institution ou de l’entreprise pour régler le problème. La dénonciation publique ne devrait être utilisée qu’en dernier recours. Remarquez que c’est ce que nous avons fait. Nous sommes restés à l’interne, dans le collège, parmi les enseignants puis dans l’ensemble du personnel, mais comme ça ne marchait pas, nous avons envisagé une dénonciation publique dans le journal local. C’est pour empêcher qu'elle soit publiée que nous avons été poursuivis.

la dignité du salarié. Code civil du Québec: article 2087

L’employeur, outre qu’il est tenu de permettre l’exécution de la prestation de travail convenue et de payer la rémunération fixée, doit prendre les mesures appropriées à la nature du travail, en vue de protéger la santé, la sécurité et la dignité du salarié.

Interrogé par Pierre Frisko, Me Fernand Morin dit: Pour moi, assurer la dignité du salarié est le pendant de la loyauté à l’égard de l’employeur. C’est quand même une obligation sur laquelle on passe vite. Et nous ajoutons: le harcèlement d’un employeur contre un employé va contre la dignité de l’employé. Cet employé a le droit de se défendre.

pourquoi les poursuites? Recours à la fiction.

Au Conseil d’administration du 19 juin 2001, le Littéraire, vice-président du syndicat et représentant des enseignants, a dit que la promesse d’acheter des ordinateurs pour les élèves du programme d’Arts et Lettres, faite par la directrice générale à trois de ses collègues lors de l’accueil du personnel à l’automne 2000, n’a pas été faite dans l’euphorie que peut provoquer quelques verres de bon vin. Donc, la directrice devait respecter la parole donnée. Il n’y avait pas, objectivement, matière à faire un drame. La poursuite en diffamation accusait le Littéraire de nuire à la réputation d’une personne, ce qui, officiellement, est devenu l’enjeu de ce mauvais psychodrame. Ce qui avait le double avantage de faire diversion en détournant l’attention de la promesse non tenue et de mettre dans l’embarras un adversaire politique et un syndicat.

Une question: pourquoi la directrice a-t-elle mal interprété les propos de l'enseignant et pourquoi a-t-elle intenté une poursuite de 170,000$? Quand on veut se débarrasser de quelqu’un, on cherche à le prendre en défaut. Pour vraiment répondre à cette question, il faut changer de genre littéraire et décrire des personnages fictifs. Lançons-nous donc dans la fiction. Par exemple, un personnage de roman dirait ce que nous avons entendu de multiples fois venant de différentes personnes: Fais attention, elle n’est pas contrôlable! D’une opinion contraire, un autre personnage fictif qui a été traîné deux fois devant les Tribunaux et ressemble comme deux gouttes d'eau au Littéraire répondrait:

Vous vous trompez complètement. Elle sait très bien ce qu’elle fait. Tout est calculé. Elle est lucide. et je dirais même machiavélique. Devant ses collaborateurs de la Régie ou du Conseil exécutif , quand elle est particulièrement contrariée, elle paraît bouleversée et sur le point de remettre sa démission; elle semble s’effondrer sous le poids de la détresse. C’est du grand théâtre. C’est de la tragédie. C’est Phèdre! C’est lady Macbeth. C’est lady Catherine de Bourgh (personnage d'Orgueil et préjugés de Jane Austen) courroucée contre Lizzy qui pourrait marier Darcy. Mais au fond, c'est de la comédie: c'est Philaminte. À ce moment-là, elle est la plus redoutable car tout le monde la plaint et veut l’appuyer contre ces mécréants du syndicat qui ne respectent rien en disant: Y a des limites! C’est épouvantable! Ça n’a pas de bon sens qu’une personne dévouée comme vous qui travaille quinze heures par jour subisse des attaques aussi injustes et aussi basses. C’est comme ça qu’elle a fait approuver les mises en demeure et les poursuites. Il ne faut jamais la sous-estimer surtout quand elle semble la plus émotive. C’est une femme qui essaie de séduire et qui aime faire du charme avec les hommes jeunes comme on l’a vue avec le président de la Fédération dans la trentaine, un golfeur professionnel à la carrure d’athlète à la Jean Béliveau, quand elle lui a dit, avec une légèreté et une coquetterie dignes de Célimène (personnage du Misanthrope), le faisant rougir, qu’elle le trouvait beau... au cours d’une réunion patronale-syndicale de médiation qui était supposée être sérieuse. C’était étonnant de voir une femme plus que mûre, une quinquagénaire, jouer à la femme fatale et à la croqueuse d’hommes en se donnant des airs de Mae West! C’est à partir de ce moment-là que, contrairement à l'opinion ferme du Syndicaliste, vice-président de la Fédération, nous avons cru que la directrice n’irait pas jusqu’au bout de sa démarche et que son but, au fond, c’était de nous occuper, de nous intimider, de nous neutraliser et de nous écoeurer. Sa désinvolture avait un sens.

Un autre personnage fictif, par exemple, l’épouse très bien informée du Littéraire accusé de nuire à la réputation des hors-cadres ajouterait: Si c’est vrai, dit l’être cher, qu’ils voulaient se débarrasser de toi; si c’est vrai qu’elle voulait t’éliminer, elle cherchait l’occasion et tu la lui as donnée. Au Conseil d’administration du 19 juin 2001, quand tu l’as attaquée en disant qu’elle n’avait pas tenu sa promesse, elle en a profité. De toutes façons, tes ennemis avaient décidé de te chasser du C.A. sous prétexte que tu étais poursuivi par le Directeur des études comme membre de l’exécutif du syndicat. Le soir même, ils ont ajouté un point à l’ordre du jour intitulé Implication des membres du C.A. qu’on a refusé de préciser et qui visait à t’exclure des réunions du C.A. Soupçonneux, tu as demandé de quoi il s’agissait; un membre du Comité exécutif t’a répondu sèchement que tu le saurais quand on serait rendu là dans l’ordre du jour. Déjà, on t’avait exclu et tu ne méritais pas qu’on te traite comme un vrai administrateur en ne répondant pas à tes questions légitimes sur l’ordre du jour modifié le soir-même. La moutarde commençait à te monter au nez. La directrice du Centre de technologies qui se prenait pour une autre est arrivée comme d’habitude une demi-heure en retard et il y avait des problèmes de quorum. En attendant qu’elle arrive, le Directeur des ressources matérielles assis à côté de toi autour de la table alors qu’il n’avait pas d’affaire là n’étant pas membre du C.A., te narguait en refusant de répondre à tes questions sur le dossier de la cafétéria et des services alimentaires. En attendant que la réunion commence, il roulait des épaules et préférait se vanter de ses exploits au club de golf Fairmont-le Manoir Richelieu de Pointe-au-pic dans la région de Charlevoix où il avait joué, disait-il, 82 en laissant sous-entendre que tu ne serais pas capable d’en faire autant. Ils t’ont eu avec ce climat hostile et ce mépris. Tu as commis une erreur. Tu as dit quelque chose que tu n’aurais pas dû dire puisque ça pouvait être déformé. Tu n’aurais pas dû employer l’expression à jeun. Alors, elle ne t’a pas manqué. Poursuite de 170,000 $. Son but était clair: t’éliminer en te forçant à prendre ta retraite pour sortir le syndicat du pétrin où tu l’avais mis. Elle aurait alors été portée en triomphe par la clique libérale qui aurait sablé le champagne. Mais, en bout de ligne, c’est toi qui as gagné parce qu’elle a été obligée de retirer ses poursuites, elle n’a pas été capable de vous faire taire, elle a démissionné deux ans avant la fin de son mandat et tu lui as gâché son règne alors que toi, après son départ, tu as continué à enseigner en paix pendant une autre année avant de prendre ta retraite, au moment où tu l’avais décidé. Et l’élection d’un nouvel exécutif syndical avec Amable comme vice-président n’a pas beaucoup de signification puisqu’ils sont impuissants devant la baisse de clientèle; ils sont là pour sauver les meubles dans certains programmes techniques au détriment de la formation générale et des sciences humaines dont ils ne se soucient pas. Dans un contexte de décroissance, un syndicat ne peut pas faire grand chose.
(Fin de la fiction)
Après avoir entendu cette analyse, l’enseignant  s’exclama:  Tu es très perspicace! en se félicitant d’avoir une conjointe aussi avisée. Quand on l’expulsa du Conseil d’administration, il se référa à l’antiquité grecque. (voir document 5) Il répliqua en rappelant le cas d’Alcibiade qui fut chassé d’Athènes. Quand l’opposition d’un citoyen ne pouvait plus être tolérée par le pouvoir, les Athéniens votaient l’ostracisme. On avait prononcé l’ostracisme contre lui.

ostracisme et exclusion

De ostrakon, coquille: les sentences étaient notées sur un morceau de poterie appelé ostrakon. L'ostracisme est un bannissement de dix ans prononcé à la suite d’un jugement du peuple, à Athènes et dans d’autres cités grecques de l’antiquité. Décision d’exclure ou d’écarter du pouvoir une personne. Par extension: hostilité d’une collectivité (un conseil d’administration, par exemple) qui rejette un de ses membres. L’ostracisme n’a pas sa place dans un fonctionnement démocratique au XXIè siècle. (voir document 5) De toute évidence, la directrice générale rêvait de voir l’adversaire qui lui tenait tête passer devant un tribunal (Cour supérieure ou comité de déontologie du C.A.) pour qu’il soit jugé et humilié. Humilier l’autre, soumettre l’autre, tel est le but que poursuit une dominatrice malveillante. Pour éviter le comité de déontologie, le Littéraire dut choisir l’exil c’est-à-dire la démission. Pour éviter la Cour supérieure, elle souhaitait qu’il choisisse aussi l’exil c’est-à-dire la retraite. Il préféra se battre et la victoire fut le résultat de ses efforts et des appuis de ses amis du syndicat et de la Fédération: ce fut la directrice et ses acolytes qui sont partis avant lui.

(suite de la fiction)

L’adversaire de la directrice était coupable et il fallait le condamner car il ne cachait pas le dédain que lui inspirait le régime de flatterie et d’incompétence qu’elle avait instauré. A cause de ses critiques de la Direction, il fut convoqué devant le comité du Conseil d’administration chargé d’appliquer le code de déontologie des administrateurs. Comme il était condamné d’avance, il refusa de se présenter.  Le sort en était jeté: l’ostracisme avait été prononcé contre lui. Il remit sa démission forcée comme représentant des enseignants au Conseil d’administration du collège. C’était la première étape et elle réussit. L’autre étape, la décisive, consistait à l’obliger à prendre sa retraite, forme radicale d’ostracisme, pour éviter deux lourds procès en Cour supérieure et des frais d’avocat assumés par le syndicat. L’étape décisive échoua, le Ciel en soit loué. Dans son inconscient, elle souhaitait sa mort, forme encore plus radicale d’ostracisme.

un peu d’humour

La Commissaire du Tribunal du travail Louise Verdone qui a entendu notre plainte pour représailles à cause de la poursuite de 80,000$ du Directeur des études contre les quatre membres de l'exécutif du syndicat des enseignants avait le sens de l’humour. C’était une femme toute menue qui parlait peu et se contentait d’écouter très attentivement en prenant des notes. Obligé de venir témoigner devant le Tribunal du travail, rue Port-Royal, à Montréal, suite à notre plainte, le président du Conseil d’administration du collège dit le Chasseur dut quitter la forêt de la région de Lanaudière où il était à la chasse. Il n’avait toutefois pas apporté son fusil rue Port-Royal. Comme on peut le deviner, il était de fort mauvaise humeur d’être obligé d’interrompre ses vacances pour ce qu'il appelait des niaiseries.  Au téléjournal de la veille, on avait montré un chevreuil égaré dans les rues de Lasalle, tout près de Montréal où était situé le Tribunal. Alors la commissaire Verdone dit au témoin qu’il n’était pas nécessaire d’aller à la chasse aussi loin que la forêt de Lanaudière: il n’avait qu’à aller chasser le chevreuil qui se promenait dans les rues de Lasalle. Comme il était dans le bois la veille, il n’avait pas vu les nouvelles ce qui rendit la scène encore plus drôle. Dans l’entente hors cour, nous avons retiré notre plainte au Tribunal du Travail. Nous aurions bien aimé connaître le jugement de la Commissaire: est-ce que la poursuite du Directeur des études et du Collège, donc de la Directrice générale, était une mesure de représailles contre chacun des quatre membres de l’exécutif du syndicat qui ont exprimé une critique légitime sur un dossier pédagogique et est-ce que le Collège aurait dû payer une somme de 5,000 $ à chacun des quatre membres de l’exécutif en dommages? On ne saura jamais hélas! ce qu’aurait décidé la commissaire Louise Verdone. Nous pensons qu’elle nous aurait donné raison: d’habitude, les gens qui ont le sens de l’humour ont un excellent jugement. 5,000 $, ça se prend bien. Chacun des quatre membres de l’exécutif du syndicat aurait reçu 5,000 $ pour compenser pour les tracas et le stress subis. On aurait offert à tous les enseignants un repas  digne du festin de Babette pour célébrer cette victoire et le Littéraire, le Politique, l’Ebéniste et l’Irlandais en auraient défrayé les coûts à même le 20,000 $ obtenu. C’est parce que le Littéraire était personnellement poursuivi qu’il a fallu renoncer et retirer la plainte qui aurait été jugée par Louise Verdone. Vous comprenez ainsi la raison de la poursuite contre le Littéraire.

de la politesse. Il n'y a pas d'imposture à être poli. (Jacques Ferron)

Un excellent golfeur québécois, Marc Girouard, affirme dans une entrevue publiée dans le Journal de Montréal, que sa qualité préférée est la politesse. La politesse est un signe de respect et de considération. L’impolitesse indique un manque de respect. Malheureusement, plus la critique est percutante et pertinente, moins la personne visée vous trouvera poli. Rappelons-nous ce qu’une amie de la mère de Lizzy, dans la série télévisée Orgueil et préjugés, basée sur le roman de Jane Austen, dit de Wickham: C’était un homme beaucoup trop poli pour être honnête. Montaigne dit que ses essais donnent la mesure de sa vue et pas nécessairement la mesure de la réalité. Modestie louable. Sans doute, mais les faits que nous rapportons sont exacts. Nous avons subi une forme de violence qui, comme dirait Montaigne, est un vrai témoignage de l’humaine imbécillité (III, 13). Ecoutons le Dr Ferron: Je dis le mieux que je peux ce que je pense et là, parfois, cela peut sembler impoli. A ce moment-là, ça peut blesser. Souvent, la politesse consiste à ne rien dire. Aimant les paradoxes,  Marc Girouard dit que ses deux qualités préférées étaient la politesse et la franchise comme si ne pas être franc était une forme d’impolitesse. Je souscris volontiers à ce brillant raisonnement. Si vous expliquez pourquoi vous n'êtes pas d’accord avec la direction sans employer de mots injurieux, que vient faire la politesse là-dedans! A moins qu’il ne soit interdit d’être en désaccord.

de la liberté d’enseigner

Malgré l’espionnage des cadres (six employées du secrétariat pédagogique, c’est tout en leur honneur, ont refusé de surveiller les enseignants: voir document 7 ), la délation et les plaintes encouragées et même suscitées, nous avons défendu notre liberté d’enseigner en nous appuyant sur l’article 2-3 de la convention collective qui stipule: Ni le Collège, ni le Syndicat n’exercent ni directement, ni indirectement de contraintes, de menaces, discrimination ou distinctions injustes contre un enseignant à cause de son âge, de ses opinions, de ses actions politiques, de l’exercice de ses libertés d’enseignement. Si cet article de la convention collective existe, c’est pour empêcher qu’une Direction exerce des contraintes, des menaces et des pressions injustes sur un enseignant à cause de son engagement politique et syndical. Comme enseignant ayant des opinions politiques différentes de ceretaines des élites locales, nous avons vécu, comme l'écrit Gaston Miron, parmi les rocs occultes et parmi l’hostilité.

les cours magistraux

Montaigne critique les cours magistraux. Il écrit:  On ne cesse de criailler à nos oreilles, comme qui verserait dans un entonnoir, et notre charge ce n’est que redire ce qu’on nous a dit. Peu importe la discipline ou la matière, l’élève ne devrait pas être considéré comme une cruche qu’on remplit. En littérature, c’est le texte qui prime et non le commentaire; il faut lire et relire les textes et les faire comprendre et apprécier. Le directeur des études a écrit une lettre au Littéraire pour exiger des cours magistraux. On peut douter de l'efficacité de la pédagogie qui consiste à donner beaucoup de cours magistraux comme un certain prof  infatué de lui-même semblait le croire. Ce n’était certes pas à une ancienne professeure de chimie qui a quitté l’enseignement pour devenir Directrice générale à lui montrer comment enseigner la littérature. Par un mimétisme simpliste, comme il disait qu’elle était une mauvaise administrateure, il était prévisible qu’elle dirait qu’il était un mauvais professeur jusqu’à ce que, de guerre lasse (c’est le cas de le dire), elle envoie une responsable de la Fondation, ex-membre du C.A., lui dire que sa fille avait bien aimé ses cours et qu’elle avait gardé un excellent souvenir de son professeur de français. C’était réciproque. Il s’est rappelé avoir distribué à ses 120 élèves un excellent travail de la jeune fille, une analyse littéraire d’un extrait des Lettrines de Julien Gracq où un des plus grands écrivains français trace le portrait de son père. Rappelons que le directeur des études a été obligé de reconnaître officiellement et par écrit, sur la foi des réponses des élèves à un questionnaire dont le but était de le couler, certaines qualités indéniables de ce professeur. Il ne tient pas à se vanter mais il a été tellement attaqué qu’il ne se fatigue pas de rappeler cette lettre élogieuse. 

malveillance

Tendance à blâmer autrui et à lui vouloir du mal. Agressivité, animosité, désobligeance, hostilité, intention de nuire à quelqu’un. La malveillance et le dénigrement sont les deux caractères de l’esprit français écrit Chateaubriand. La personne malveillante est agressive, aigrie, méchante. Cela indique une disposition à vouloir du mal à quelqu’un par haine, envie, jalousie ou pour toute autre raison, politique par exemple.  L'action malveillante crée un malaise c'est-à-dire un état plus ou moins pénible supposant une certaine souffrance physique ou morale qui empêche de se sentir bien ou heureux. Ce malaise est une inquiétude, une angoisse, une tristesse. C'est une sensation pénible et irraisonnée dont on ne peut se défendre parce qu’on ne peut agir sur la cause ou bien parce qu’on ne la connaît pas ou bien parce qu’on ne la contrôle pas et surtout parce qu’on a peur des conséquences, procès, pertes d’argent, pertes d'énergie, suspension, mauvais climat de travail, hostilité ambiante sourde et néfaste. L'hypocrisie est une conséquence de la malveillance.

antipathie

1- Dans les années soixante-dix, le Littéraire prit sur le pouce une étudiante, il se présenta et elle dit: C’est vous qui coulez les élèves qui n’ont pas vos idées politiques? D’où venait ce genre de préjugés? Peut-être du président des jeunes libéraux de l’époque aujourd'hui millionnaire. Sa note avait baissé; alors, il accusa son professeur de lui avoir mis 70% au lieu de 80% à cause, selon lui, qu’il était président des  jeunes libéraux.

2- Plus récemment, une de ses élèves faisait la baboune. Il se dit que cette belle fille de dix-sept ans avait une peine d’amour ou bien ne l’aimait pas tout simplement, ce sont des choses qui arrivent. Après un mois, comme il commençait à mieux la connaître et à l’estimer, ce dont elle était consciente, il se risqua à lui dire discrètement: Maintenant que tu as pu te faire une opinion par toi-même, tu sembles de meilleure humeur et plus détendue pendant mes cours. Dans ton entourage, on t’avait parlé contre moi, n’est-ce pas! Elle lui répondit: Comment ça se fait que vous le savez! Qui vous l’a dit? 

réputation 1

Avoir une bonne réputation est le fait d’être honorablement connu du point de vue moral. Le fait d’être avantageusement connu pour sa valeur, sa compétence, son engagement, ses talents, son humour, sa culture, sa générosité. Nuire à la réputation de quelqu’un: le déshonorer, le diffamer, le rabaisser, semer le doute sur sa compétence. Un critique littéraire qui n’aime pas un livre nuit à la réputation de l’écrivain, ce qui n’empêche pas le droit à la critique. La réputation est une chose fragile qui peut être atteinte facilement surtout dans un milieu social restreint comme une petite ville ou un petit collège. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer (ni surestimer) le bon sens des gens et leur capacité à prendre certains dénigrements avec un grain de sel en les mettant à juste titre sur le compte de la jalousie, de l’envie ou de la médiocrité. Les attaques directes sont plus rares qu’on ne le pense car elles sont risquées et exigent du courage. L’hypocrisie, c’est plus efficace et moins dangereux.  La mentalité villageoise est friande de potins, de cancans, de rumeurs, de ragots, de racontars, de mémérages qui sont faciles et peuvent nuire à la réputation d’un enseignant surtout s’il n’habite pas la région où il enseigne et surtout s’il a des adversaires politiques ou des confrères jaloux et envieux qui se vengent de lui en le dénigrant par en arrière de façon hypocrite et sournoise.

Le moyen préféré des envieux est la rumeur, le ragot et non l’attaque frontale. C’est ainsi qu’ils se rendent intéressants ou bien essaient d’augmenter leur influence en rabaissant l’autre. A ces gens-là ainsi qu’à ces personnes dont je vais parler s’applique ce qu’écrit Jean-Marie-Gustave Le Clézio dans Ritournelle de la faim: Elle n’arrivait pas à imaginer qu’elle pût la jalouser, être de ces personnes qui n’acceptent pas le bonheur des autres.


aire de repos

Je me sens peser aux écoutants. Quant à cette nouvelle vertu de feintise et de dissimulation qui est à cette heure si fort en crédit je la hais capitalement; et, de tous les vices, je n’en trouve aucun qui témoigne tant de lâcheté et bassesse de coeur. C’est une humeur couarde et servile de s’aller déguiser et cacher sous un masque, et de n’oser se faire voir tel qu’on est. Un coeur généreux ne doit point démentir ses pensées; il se veut faire voir jusqu’au dedans. Ou tout y est bon, ou au moins tout y est humain.  (Essais, II, 17)

réputation 2

Parlant de feintise et de dissimulation, j'ai dû en subir au moins trois exemplaires masculins et deux féminins dans mon département de français. Fontaine je ne boirai pas de ton eau qui est allé déblatérer contre moi dans le département de soins infirmiers et qui a essayé (en vain) de modifier ma tâche. Deux irréguliers envahisseurs, le premier, avec des tendances fascistes et une compétence minimum en littérature ayant émigré du département de philosophie et le second, le Théâtral, ayant profité d'une négligence du coordonnateur pour quitter le niveau secondaire où il aurait dû rester pour enlever sa priorité à une autre enseignante en la bumpant (la chasser du collège en lui faisant perdre son emploi) sans qu'on puisse la défendre car le Directeur des études de l'époque manqua de courage.

Pendant l’heure du dîner, devant deux témoins fiables (la mère et la fille, étudiantes en bureautique), dans une classe, un envahisseur efface, avec un sourire mauvais, le tableau bien rempli sur lequel est écrit le plan d’un cours que le Littéraire se prépare à donner en bureautique. En entrant dans la classe, le Littéraire constate avec déplaisir que le tableau a été effacé.  Plus tard, quand le Littéraire affronte le provocateur dans le corridor devant le Grammairien (pouvant servir de témoin éventuellement...) celui-ci se rapproche menaçant à un nez de distance pour être repoussé mais le Littéraire se retient mais le traite tout de même de fasciste.  De source absolument fiable, Le Littéraire a appris que l’agresseur est allé  se plaindre à la Directrice des ressources humaines d’avoir été agressé. Celle-ci l’a calmé en lui disant: Tu connais le Littéraire. Il a mauvais caractère. Il prendra bientôt sa retraite alors laissons tomber.  La classe  en question était utilisée pour des rencontres de poésie (!) avec des élèves le midi à toutes les deux semaines. Quand le Littéraire remplit le tableau, la classe, évidemment,  n’était pas utilisée.  Où était le problème? Aspirant à devenir le mâle dominant, il cherchait à déstabiliser son aîné. Comme chez les lions qui pissent sur les arbres et les buissons pour marquer leur territoire, il n’avait pourtant pas pris possession des lieux en laissant son odeur sur les murs de la classe. Cette petite provocation insignifiante à l'image de son auteur sera suivie d'autres tentatives hypocrites par personnes interposées.

Ce qui est plus sérieux, le même enseignant encouragea des élèves à signer une pétition contre le Littéraire afin qu’il ne donne pas un cours dans le programme d'Arts et Lettres. Le Littéraire  n’était pas digne de faire partie de la secte: en plus, il était incontrôlable  Altruiste (!), Saint-Félix-de-Valois téléphona au Littéraire pour l’informer de l’existence de cette pétition afin qu’il renonce à donner le cours. Le Littéraire résista à la tentative d’intimidation. Dans une réunion du département, il choisit le cours du  programme qu’il voulait donner et SFV n’osa pas remettre en question la compétence du Littéraire, docteur en lettres, alors que lui,  ancien professeur de philosophie, n’avait fait qu’une seule  année en Lettres.  Un collègue dit le Paysagiste avait averti le Littéraire et l'avait informé qu'il avait dit à SFV: Si tu t’attaques à lui ne le manque pas car lui ne te manquera pas. SFV eut peur de l'affrontement (il préférait attaquer par en arrière) et n'osa pas faire d'objection pendant la réunion de département où il y eut distribution des cours.  Les élèves du programme d'Arts et Lettres refusèrent de signer la pétition mais dès son premier cours, le Littéraire sentit l’hostilité de quelques élèves du programme d'Arts et Lettres et il eut une grosse côte à remonter dont il connaissait la cause. En montrant un film  sur l'Odyssée avec un appareil très spécialisé contrôlé par le Grammairien, l'image déclenchait un retour en arrière aux endroits où il y avait eu de la publicité coupée lors de l'enregistrement du film à la maison. Ce qui compliqua singulièrement la séance de vidéo qui en plus était surveillé  par un élève membre de la secte qui devait bloquer les retours en arrière: comme il devait tout de même sauver les apparences, cela ne se passa pas trop mal. Mais c'est le genre de situation stressante où un enseignant a l'impression de vivre dans un milieu hostile, ce qui est fatigant à la longue. Quand j'y pense, j'enrage. Le Littéraire étudia le genre épique dans l’Odyssée d’Homère et Menaud maître draveur et le tragique dans Oedipe roi de Sophocle, les Ecrits de prison de Chevalier De Lorimier et l'Oeuvre au noir de Marguerite Yourcenar tout en observant les attitudes négatives des quelques membres du fan club des deux gourous de la secte. A la fin du cours, après l’examen final, les deux plus brillantes élèves de la classe ont tenu à faire un détour pour venir dire au Littéraire: Monsieur, nous vous remercions du cours magnifique  que vous nous avez donné. Elles portaient un jugement très sévère sur les  deux dénigreurs (qui étaient les gourous de la secte) qui les avaient induites en erreur en semant le doute sur la compétence de leur professeur.  Encore une fois, il y a une justice immanente. De son côté, le théâtral, le gourou en chef, a pris sa retraite. Il vit heureux dans le Village et est  toujours aussi exalté. Ce compliment des deux plus brillantes élèves fait de façon désintéressée était la récompense du Littéraire.  Les préjugés que l'on avait pris soin de faire naître contre lui dans leur esprit, avant qu'il leur enseigne, s'étaient dissipés et elles lui ont fait le plaisir de témoigner hautement et publiquement, en toute occasion, de l'estime qu'elles lui portaient. Plus tard, dans un autre cours sur la dissertation littéraire, lors d'un contrôle de lecture du Rivage des Syrtes de Julien Gracq, quatre brillantes étudiantes de Lettres ont révélé au Littéraire que le Théâtral a fait irruption derrière le décor au moment où elles se déshabillaient pour revêtir leur costume, ce qui les mit à la gêne. En appréciant la confidence, le Littéraire leur dit: Vous étiez entre femmes quoi! On peut s'attendre à tout de quelqu'un dont l'identité sexuelle est confuse.

Aujourd’hui, SFV  a réalisé son rêve: il est le mâle dominant et contrôle tout.  Il se promène crinière au vent. Il y a des femmes qui aiment se faire dominer... après quarante ans de féminisme. Il règne sur un département flottant où il n’y a plus d’anciens, où une enseignante est souvent en congé de maladie et où d’autres femmes multiplient les congés de maternité ou les congés de perfectionnement. Avec ses trois préparations de cours qui augmentent  sa Charge individuelle (CI)  (deux des cours qu’il donne sont pratiquement identiques même s’ils ont deux numéros différents), c’est la situation idéale pour lui à l’année longue. Continuant son action malveillante, il a essayé en vain de faire sortir notre syndicat de la Fédération autonome du collégial. Puis, après la dissolution de la FAC, ils ont voulu réintégrer la FNEQ (CSN) mais par un vote de 50 à 20, les enseignants ont choisi la CSQ.  Son ami, qui enseigne le Livre d’Urantia, (cinquième révélation de la vérité pour le progrès spirituel de l’humanité) dans un cours de philosophie (trouvez l’erreur) a la paix depuis que son ennemi  Réal D. a pris sa retraite.   
Pour les deux lascars, Urantia et St-Félix-de-Valois, ni hypocrisie, ni stratégie ne sont plus  nécessaires: ils doivent bien  s’ennuyer.  
A propos du livre d’Urantia, qui est une religion sans règles sur le mariage, le Stratégique écrit sur Internet:
Les chrétiens ont imaginé des ordres monastiques avec une panoplie quasi infinie de règles dont la plus désolante fut l'imposition de l'abstinence sexuelle comme étalon d'une supposée sainteté.  Nous, qui sommes à l'aube de la plénitude des temps, saurons-nous éviter l'écueil des règles abusives, la mesquinerie des procès? Saurons-nous vraiment donner généreusement après avoir bénéficié de la magnificence des Cieux?
Le Livre d'Urantia est la manifestation coordonnatrice du Consolateur annoncé. La Bonté émane de ce livre, puisse-t-elle nous régénérer réellement.

Voilà ce qui est enseigné dans un cours dit de philosophie. Remarquons la référence prophétique à la mesquinerie des procès mais surtout l’humour inconscient dans la formule de l’imposition de l’abstinence sexuelle comme étalon de la sainteté. Nous entendons le cheval à jeun du Dr Ferron,  l’étalon du Don Quichotte de la démanche de VLB hennir de jouissance dans le libre exercice de sa fonction de reproduction  après avoir bénéficié de la magnificence des Cieux.  Quant à SFV,  un proverbe arabe décrit bien notre relation: Si tu fais le mouton, il fera le lion; si tu fais le lion, il deviendra mouton. En fait, c'est un carcajou, l'animal  détesté par Félix Leclerc.

intègre

D’une probité absolue. D’une honnêteté à toute épreuve. Incorruptible. Dans une entrevue, Roy Dupuis qui a incarné sur l’écran Maurice Rocket Richard a dit: Ce qui me touche chez Maurice Richard, c’est son intégrité. C’était un homme simple, qui ne trichait pas.  Maurice Richard est un homme aussi admirable que De Lorimier. Ces deux Québécois, ces héros de notre histoire se sont opposés aux Anglais, ce qui énerve l’éditorialiste de La Presse André Pratte qui a fait, à leur propos, un jeu de mots stupide, méprisant et impardonnable en les appelant le pendu et le suspendu. Ce jeu de mots prouve sans l’ombre d’un doute qu’André Pratte est un esprit médiocre et sans envergure. On s’ennuie des journalistes dignes et articulés comme Claude Ryan.  La volonté de ce fédéraliste de rabaisser ce qui fait l’objet de l’admiration de ses adversaires témoigne d’un manque de noblesse flagrant. Ce sont des propos volontairement et sciemment offensants. Pour André Pratte, les Anglais sont plus importants que le Chevalier De Lorimier et que Maurice Richard.  Mais selon Pierre Foglia,  expert en authenticité,  André Pratte est un modèle d’intégrité et d’honnêteté intellectuelle. Telle est l’idéologie de Power corporation,  propriétaire du journal de la rue St-Jacques et des nombreux membres de la famille de Paul Desmarais et des conseils d'administration, qui financent le Parti libéral à coups de 3,000 $ par année. En quelques années, cela fait 200,000 $. C'est une façon de contourner l'esprit de la loi de René Lévesque sur le financement des partis politiques. Paul Desmarais a apporté son support moral à Nicolas Sarkozy en le recevant pendant dix jours à son domaine Sagard de Charlevoix; il appuie aussi de la même façon moralement et financièrement Jean Charest.  Ces dons de la famille Desmarais servent à financer le salaire de 75,000 $ par année depuis 1998 que le Parti libéral du Québec paie à son chef Jean Charest qui n’a pas assez du salaire de premier ministre (182,000 $ par année) pour soutenir son train de vie: grosse maison à Westmount; maison à North Hatley sans oublier “le pont d’or” ou plutôt d’argent placé en fiducie (cela est secret, caché et restera secret, caché) qui aurait aidé le chef du parti conservateur à quitter Ottawa et à renoncer à son rêve de devenir premier ministre du Canada. C’est grâce au journal Le Québécois de Patrick Bourgeois et à son enquête sur le train de vie de Jean Charest que celui-ci a été obligé de révéler que le Parti libéral du Québec lui donne 75,000 $ par année depuis 1998 en plus de son salaire de premier ministre. Pendant dix ans, ce salaire a été caché pour  travail au noir.  Et on n'a aucune preuve que ce salaire n'est pas plus élevé. Quel est le travail au noir effectué par Jean Charest?  Patrick Bourgeois vient de publier un livre intitulé: La nébuleuse. C’est un livre à lire ainsi que le livre de Robin Philpot sur Paul Desmarais et Power corporation.

politique et atteintes à la réputation

Au début du film Les Ordres, Jean Lapointe, Hélène Loiselle, Guy Provost, Claude Gauthier et Louise Forestier, se présentent par leur vrai nom puis ajoutent: Dans le film, je joue le rôle d'un tel ou d'une telle. Cette démarche crée un climat d'authenticité. Ce film montre que l'engagement de Trudeau en faveur des droits de la personne était de la frime puisqu'il s'appliquait à tout le monde sauf aux indépendantistes. Si le fils de Pierre Elliott-Trudeau poursuivait Michel Brault pour diffamation, cette poursuite serait absurde car ce film a des fondements historiques inattaquables. Il aurait été préférable de ne pas arrêter 450 personnes dont la dangereuse Pauline Julien, les poètes subversifs Gaston Miron et Gérald Godin, sans qu'aucune accusation ne soit portée contre elles. Maintenant, il est trop tard. Trudeau, ce grand démocrate, Just watch me, a montré son vrai visage. C'est en temps de crise que l'on peut voir la vraie personnalité d'un homme politique. Et c'est bien dommage pour sa réputation. Le cinéaste Michel Brault n'est pas un diffamateur: c'est un historien. Grâce à son film, on se souviendra du rôle du sinistre trio Drapeau-Bourassa-Trudeau qui s'est servi de la crise d'octobre 1970 pour nuire à la gauche et au mouvement indépendantiste. Mais le fils de PET peut se consoler: pour André Pratte, ce Hummer idéologique, éditorialiste au service de Power Corporation,  Trudeau est un grand démocrate et Jean Chrétien qui accumule les doctorats honorifiques a bien fait de donner le nom de Trudeau à l’aéroport de Montréal. Paul Desmarais,  avec ses  milliards, peut se payer un instrument de propagande fédéraliste comme La Presse qui est tout de même un journal qui contient beaucoup d'information et qu'on peut lire avec profit en prenant avec un grain de sel le contenu éditorial et la section Forum qui est manipulée, en se méfiant de Denis Lessard, des gros titres, des sondages CROP-La Presse et des coups montés comme celui contre le candidat du Parti québécois dans St-Henri aux élections du 26 mars 2007, Robin Philpot, à propos du Rwanda. Ou, en novembre 2008,  les articles du journaliste-militant Denis Lessard sur le snobisme de Pauline Marois ou sa fatigue. Philpot nous apprend que Paul Desmarais  n’a pas investi au Québec le 1.2 milliard obtenu lors de la vente de la Consolidated Bathurst.

Il n’y a pas à se surprendre qu’avec ses opinions politiques, le Littéraire se soit fait quelques ennemis dans la région où il a enseigné pendant trente-six ans. Il y a un arrière-fond politique à nos luttes syndicales. Les acteurs d’un conflit en apparence local sont à rattacher aux forces politiques en opposition au Québec et au Canada ce qui augmente l’aigreur des acteurs les uns envers les autres. Par exemple, Rue Guèvremont, à Sorel, Chez Jean-Guy Poirier Sport spécialiste en golf, devant les employés qui apprécient le spectacle parce qu’ils vous connaissent, si vous insistez sur le manque d’éthique des forces fédéralistes, le patron. l’homme à la Jaguar, vous lancera le FLQ (Front de libération du Québec) dans la face comme André Pratte a diffamé les concepteurs du Moulin à Paroles en titrant sur cyberpresse: Célébrer le FLQ.


vulgarité libérale: la soue de France Boucher

Si la conversation avec la Directrice avait eu lieu en 2008, comme exemple de vulgarité, Le Littéraire aurait cité les mots de France Boucher,  présidente de l’Office québécois de la langue française, tenus devant une commission parlementaire.   Les journaux ont titré:  France Boucher refuse de porter un jugement sur la situation de la langue française à Montréal. Or, c’était un devoir rattaché à sa haute fonction de se prononcer. Cet Office, haut lieu d’ingérence politique, de camouflage et d’incompétence, a caché sous la jupe de la ministre Christine St-Pierre des études qui sonnaient l’alarme sur la situation du français à Montréal au moment où il fallait décider s’il était opportun d’augmenter le nombre annuel d’immigrants de 40,000 à 55,000.  Charles Castonguay, Marc Termotte, Gérald Larose ont dénoncé France Boucher. Pauline Marois a demandé sa démission. Les chercheurs qui avaient réalisé ces études ont protesté et ont fait la vie dure à la présidente qui a été nommée par Jean Charest en juin 2005. Elle a dit en commission parlementaire, en parlant de ces chercheurs: le temps est venu de nettoyer la soue. Je n’ai jamais rien entendu de plus vulgaire. C’est ce que j’appelle la vulgarité libérale.  On y voit le mépris de la fille de la défunte mairesse de Québec  qui est une parvenue qui provient de la soue libérale.  Depuis 2003, Jean Charest en a fait à la tonne des nominations comme ça. 

malfaisant

Qui fait ou cherche à faire du mal à autrui.; dont les effets sont néfastes.

Malheur à vous,  êtres malfaisants dont les actions nuisibles sont décrites dans ce livre.






en lisant en écrivant

Ce livre a été écrit en même temps que je lisais Je m’ennuie de Michèle Véroly, Race de monde,  Les grands-pères, Blanche forcée et  James Joyce, l’Irlande, le Québec, les mots (essai hilare) de Victor-Lévy Beaulieu, Ulysse de James Joyce,  Un vrai roman, mémoires de Philippe Sollers, Bourgault de Jean-François Nadeau, Nous de Jean-François Lisée, La dénationalisation tranquille de Mathieu Bock-Côté, Nom de code: Ma Chouette sur le scandale des commandites de Daniel Leblanc,  Option Canada et Le Référendum volé de Robin Philpot,  Le moine et le philosophe, dialogues entre l’agnostique Jean-François Revel et son fils boudhiste, disciple du Dalaï Lama, Mathieu Ricard, Autour de Dédé Fortin de Jean Barbe et Trois chevaux d’Erri De Luca, Pour l’argent et la gloire de Claude Jasmin et aussi son journal, celui avec une aquarelle naïve sur la page  couverture. Derrière l’Etat Desmarais: POWER de Robin Philpot.  La Nébuleuse de Patrick Bourgeois; Avantage à l’anglais de Charles Castonguay. Qu’ai-je donc fait? de Jean d’Ormesson, Ritounelle de la faim de Jean-Marie-Gustave Le Clézio. La Correspondance de Jacques Ferron avec André Major et Victor-Lévy Beaulieu.  L’Histoire économique de la région de Sorel-Tracy, ouvrage remarquable édité par PageCournoyer publications qui a le seul défaut de ne pas citer mon premier livre. L’autre histoire de l’indépendance de Pierre Dubuc. Une traversée du Québec de Camille Laurin, préface de Jacques Parizeau. La Lancée (1911-1936), autobiographie de  Pierre Dansereau. Le syndrome Hérouxville ou les accommodements raisonnables de Bernard Thompson

souvenirs

C’est curieux ce qui remonte à la surface après trente-six ans d’enseignement au même collège. Ce jeune élève lors d’un contrôle oral de lecture de l’Oeuvre au noir de Marguerite Yourcenar. J’avais passé à mes élèves des notes sur le vocabulaire, sur les personnages, sur le contexte historique et un résumé de l’action chapitre par chapitre pour rendre accessible une oeuvre difficile qui se passe au XVIè siècle.  Je demande à cet élève ses impressions personnelles de lecture. Il était encore sous le choc. C’était la première fois de sa vie qu’il lisait un chef-d’oeuvre de la littérature universelle et il en était reconnaissant.
Dans un restaurant de Sorel, me salue un de mes anciens étudiants, un certain Champagne, qui chante accompagné de sa guitare et qui était de retour d’un voyage en France. Des Français rencontrés n’en revenaient pas que ce jeune Québécois ait lu le Rivage des Syrtes de Julien Gracq.

Comme au début de chaque session, je demande aux élèves d’écrire un texte autobiographique. Essayant de se souvenir, un élève en électrotechnique se rappelle la madeleine de Proust qui montre qu’une sensation peut faire remonter à l’enfance. Expérimentant quelque chose de semblable, l’étudiant dit: C’est comme le mille feuilles de Proust.

Un élève écrit en commentaire à propos de la tentative de censure du Cassé du curé de la plus grosse paroisse de Sorel: On se serait cru  à l’époque des croisières.

Une autre élève écrit: après avoir escaladé la montagne, ils la gravirent. Ce sont des perles.

(Vieux-Longueuil, 18 octobre 2007- 31 décembre 2008- 31 juillet 2009- 24 janvier 2010)

(23 août 2007, après un voyage de trois semaines en Gaspésie et dans le Bas-du-fleuve à St-Vianney, dans le chalet de Marie Emond situé au bord du lac Langis, à 30 km de Matane, en passant par la maison de Victor-Lévy Beaulieu, à Trois-Pistoles; 2 septembre, après un voyage de cinq jours aux Eboulements dans la région de Charlevoix; 10 octobre, après une visite à deux vignobles situés non loin de Napierville: le vignoble Morou et le vignoble Le Royer-St-Pierre dont le vin blanc La Parcelle du temps est une merveille.)


revu à Longueuil, lundi, le 12 octobre 2009, dimanche, le 24 janvier 2010 et jeudi, le 4 mars 2010.


cinquième cahier

2- Confidences d’une femme trahie

aire de repos

La directrice ressemble à un personnage des Femmes savantes de Molière, Philaminte, femme de Chrysale,  mère d'Armande et d'Henriette qui est une despote dont l'autoritarisme fait tout plier à ses volontés. Comme le disait Henriette à propos de sa mère Philaminte:

C'est elle qui gouverne, et d'un ton absolu
Elle dicte pour loi ce qu'elle a résolu.

Chrysale, le mari, à propos de sa femme Philaminte, disait:

Pour peu que l'on s'oppose à ce que veut sa tête,
On en a pour huit jours d'effroyable tempête.
Elle me fait trembler dès qu'elle prend son ton;
Je ne sais où me mettre, et c'est un vrai dragon.

Extrait de la préface de Le coup de grâce (1939), roman de Marguerite Yourcenar.

Ces confidences s’inspirent d’une occurrence authentique. Le récit est écrit à la première personne, et mis dans la bouche du personnage principal, procédé auquel j’ai recours parce qu’il élimine du livre le point de vue de l’auteur, ou du moins ses commentaires, et parce qu’il permet de montrer un être humain faisant face à sa vie, et s’efforçant plus ou moins honnêtement de l’expliquer, et d’abord de s’en souvenir. Rappelons pourtant qu’un tel récit fait par un personnage est quoi qu’on fasse une convention littéraire. Une fois admise, néanmoins, cette convention initiale, il dépend de l’auteur d’un récit de ce genre d’y mettre tout un être avec ses qualités et ses défauts exprimés par ses propres tics de langage, ses jugements justes ou faux, et les préjugés qu’il ne sait pas qu’il a, ses mensonges qui avouent ou ses aveux qui sont des mensonges, ses réticences, et même ses oublis. Mais une telle forme littéraire a le défaut de demander plus que tout autre la collaboration du lecteur; elle oblige à redresser les événements et les êtres vus à travers le personnage qui dit je comme des objets vus à travers l’eau. Ce biais favorise l’individu qui est ainsi censé s’exprimer. C’est, comme on le pense bien, dans les rapports compliqués interpersonnels que se marque le plus cet écart entre l’image que le narrateur trace de soi-même et ce qu’il est, ou ce qu’il a été. C’est pour sa valeur de document humain (s’il en a) et non politique, que ce court roman a été écrit et c’est de cette façon qu'il doit être jugé.  (Marguerite Yourcenar)

Il est bien vrai que ce biais favorise l’individu qui s’exprime.

aire de repos

La confession généreuse et libre énerve le reproche et désarme l'injure. (Essais, III, 9)

De toutes les rêveries du monde, la plus reçue et plus universelle est le soin de la réputation et de la gloire, que nous épousons jusques à quitter les richesses, le repos, la vie et la santé qui sont biens effectuels et substantiels, pour suivre cette vaine image et cette simple voix qui n’a ni corps ni prise.   (Essais, I, 41)


Document:   Mot de la directrice générale

Le 10 novembre 2003

Monsieur le Président,

Le rapport annuel d'activité 2002-2003 exprime d'emblée l'engagement généreux et professionnel de toute l'équipe des quelque deux cents personnes à l'emploi du collège.

Tous et toutes méritent d'être remerciés très vivement de faire de notre Collège un collège humain, soucieux de la réussite de ses étudiants, de ses étudiantes et un partenaire actif dans le développement de la région.

La nouvelle planification stratégique a rallié l'adhésion de tous et de toutes à poursuivre notre engagement dans l'accomplissement de la mission qui nous rassemble, la formation au niveau collégial de citoyens vertueux, responsables et compétents. Ces travaux auront aussi permis la consolidation de notre projet éducatif qu'on a senti bien vivant dans les préoccupations de nos gens. Le comité d'évaluation de la Commission d’Evaluation de l’Enseignement Collégial (CEEC) a clairement, lors de sa visite chez nous en novembre dernier pour l'audit, témoigné de la vigueur de notre projet éducatif et de l'engagement et la passion de nos gens dans sa réalisation.

Je remercie très sincèrement les membres du conseil d'administration de leur confiance et de leur dévouement à l'endroit du Collège.

Françoise R.
(signature d'une écriture élégante)

2- Confidences d'une femme trahie

note liminaire

C'est la directrice qui s'exprime: le je, c'est elle.

Boutefeu dit le Littéraire

Bouter le feu, mettre le feu. Le mot boutefeu désigne un bâton garni à son extrémité d’une mèche pour mettre le feu à une pièce d’artillerie. Par un développement métonymique, on est passé à la personne qui met le feu et, par extension, à incendiaire. De nos jours, le mot ne s’emploie qu’avec son sens figuré de personne suscitant des querelles, des conflits, des guerres. On s'en souvient, Lucien Bouchard a appelé Stéphane Dion un boutefeu. A mon tour, Boutefeu est le nom fictif que je donne au Littéraire. Il lui convient bien car il était, en effet, une personne suscitant des querelles et des conflits. Il n’était heureux que dans la chicane. Par son intransigeance, son complexe de supériorité, son agressivité. son approche belliqueuse, son utilisation de mots blessants, sa volonté de nous faire perdre toute crédibilité, ses gamineries et ses sarcasmes, sa désinvolture arrogante, sa manie de tout politiser,  il a été le principal responsable de la guerre de sept ans que j'ai dû subir. Pour lui, j’étais la fédéraliste libérale qui, avec la clique, complotait contre lui et voulait l’abattre. (Ce n’était pas faux, avouons-le)  C’est un rebelle et un provocateur depuis longtemps. Il déteste les libéraux à s'en rendre malade. Il a détesté d'une façon grandiose Robert Bourassa et Pierre Elliott Trudeau. C'est un rancunier: une offense qui lui a été faite ne sera jamais oubliée.  J’admets qu’il n’a pas été le seul de son camp et du nôtre à aimer la confrontation. Mais je l’ai dès le début considéré comme la bougie d’allumage des affrontements, celui qui met le feu aux poudres, parce que le syndicat se servait beaucoup d’écrits et qu’on reconnaissait  partout son style satirique amplifié par l’Irlandais qui est aussi écrivain, avec, en prime, des citations de Montaigne qui étaient souvent insultantes pour moi.  Il est vrai que j'ai pris les devants, j’ai essayé de l’intimider, de le déstabiliser, je l’ai considéré comme le leader à abattre et je l’ai traité comme tel sans lui donner de répit.  J'ai d'abord attaqué le Syndicaliste, son ami.  Je l'ai ensuite attaqué directement très tôt à partir d'une plainte. Toutefois, à chacun des coups que je lui donnais, il y a eu une réplique de sa part qui, la plupart du temps, a fait mal car il savait où viser. Mes attaques et ce qu’il appelait mes mesquineries contribuaient encore plus à le motiver plutôt qu’à le décourager. Il disait que chacune de mes actions contre lui était du harcèlement. Ces coups lui servaient à démontrer ma malveillance et à justifier sa bataille contre moi auprès de ses confrères qui continuaient à l’appuyer puisqu’il était l’objet d’attaques répétées de la Direction. Ses collègues ne pouvaient le laisser seul contre celle qui le harcelait en se servant de tous les moyens à sa disposition ayant sous ses ordres des cadres serviles et des espions obséquieux. Certains de ces êtres troubles, soit dit en passant, étaient sensibles à mes charmes et je le savais: une femme sent ces choses-là. Certains enseignants jouaient double jeu: ils me flattaient pour obtenir des avantages mais, en même temps, ils donnaient de l’information à mon ennemi. Parfois, je me suis servie d’eux pour passer des messages.

Les mauvaises langues reprochent au Littéraire au moins dix-huit choses:

1- politiser ses cours,
2- laisser passer tout le monde pour être populaire,
3- donner de meilleures notes à ceux qui ont ses idées politiques,
4- ne pas donner de cours magistraux,
5- s'imaginer que sa vie personnelle peut intéresser ses élèves,
6- utiliser ses propres écrits et même les vendre,
7- être sarcastique avec ceux qui ne comprennent pas ses mots d'esprit,
8- critiquer l'administration,
9- attaquer en classe certains de ses collègues, surtout ceux qui donnent des cours magistraux, 
10- être vulgaire,
11- aller prendre un café à la cafétéria au lieu d'aider ses élèves,
12- négliger les élèves faibles et ne s'intéresser qu'aux plus forts, donc être élitiste,
13- accorder peu d'importance au français écrit, (Il a conseillé à un étudiant en techniques administratives très faible en français écrit: quand tu auras réussi en affaires, engage une bonne secrétaire qui connaît son français.)
14- faire corriger les travaux par d'autres et les payer pour le faire,
15- être misogyne,
16- s'habiller de façon délabrée,
17- ouvrir des parenthèses qui n'ont aucun rapport avec la matière,
18- quand un train siffle, aller vers la fenêtre et se mettre à réciter par coeur, devant ses élèves abasourdis,  Le voyage de Baudelaire en laissant clairement entendre qu'il aimerait mieux être ailleurs et loin.

Laissons-nous bercer par les alexandrins de Baudelaire  

Le Voyage

Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah! que le monde est grand à la clarté des lampes!
Aux yeux du souvenir que le monde est petit!

Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers:

Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.

Ah partir pour partir!

Quand, à l'automne, la noirceur tombait, après avoir dit assez prosaïquement comme dans les aéroports: Votre attention s'il vous plaît. Your attention please,   il récitait d'une voix de confessionnal le poème Recueillement de Charles Baudelaire,  j'aurais aimé être là.

Recueillement

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir; il descend; le voici:
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma Douleur, donne-moi la main; viens par ici,

Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant;

Après avoir ainsi impressionné ses élèves, il ajoutait: Si je faisais de la prison, j'en profiterais pour puiser dans les trésors de ma mémoire. Je ne m'ennuierais pas une seconde. D'ailleurs, suite à la manifestation de la St-Jean du 24 juin 1968 que la police s'entêtait à qualifier d'émeute, j'ai passé vingt-quatre heures en prison, au quartier général de la police dans le Vieux-Montréal, dans la même cellule que Pierre Bourgault. J'ai payé une amende de cinquante dollars pour avoir troublé la paix en face de la bibliothèque de Montréal au parc Lafontaine là où a eu lieu l'émeute, au moment même de  l'émeute et je n'ai pas participé à l'émeute. Expliquez-moi ça. C'est un de ces miracles du droit.

Ses adversaires, en parlant dans son dos, ont créé un climat hostile qu'il a enduré avec résilience ou contourné avec désinvolture en s'appuyant sur ceux qui l'estimaient pour sa culture et son engagement politique indéfectible.  Et en retournant chez lui à Longueuil, chaque soir, il évitait de voir les retombées de ses audaces pédagogiques ou verbales. Il échappait ainsi, selon lui, à un milieu fermé et lourd  où régnait le dénigrement.  Son inconscience l'a parfois sauvé et ses amis aussi.  Un petit bum du bas de la ville de Montréal qui nous nargue en citant Montaigne,  muni d'une maîtrise en théologie de l'Université de Montréal et d'un doctorat en lettres de l'Université Laval avec des  talents d'écrivain polémiste et un goût marqué pour la chicane et les affrontements, Boutefeu a  eu, dans ses belles années, un handicap de  six au golf, une moyenne de 400 au baseball et de 600 à la balle donnée. Alors, il était capable d'en prendre mais surtout d'en donner. Il prétendait que la Canada Cup était la meilleure balle pour le golf d'automne. Il disait:  Frapper sur le Canada, quelle jouissance! Il aurait sans doute aimé avoir une balle à mon nom.  Dans ses diatribes politiques, il commençait en citant Réjean Ducharme (thèse de maîtrise en lettres sur l'Avalée des avalés, roman publié chez Gallimard): Parlons du Canada. Déployons de mornes efforts.

Décorum

Le décorum est l’ensemble des règles qu’il faut observer pour tenir son rang dans la bonne société. C’est ce qui relève des convenances, de la bienséance, du cérémonial, du protocole, de l’étiquette, du savoir-vivre, de l’apparat officiel, des bonnes manières, de la civilité. On m’a beaucoup reproché de tenir au décorum en tout temps.  Par exemple, dans une assemblée municipale, à la période des questions, on voit souvent des citoyens s’énerver et s’emporter verbalement contre le maire et ses conseillers à cause d’une augmentation de taxes ou un projet qui implique des dépenses. Ils peuvent aller jusqu’à l’injure. C’est un manque de décorum. Le maire de S., en sait quelque chose. Il faut être capable d’exprimer un désaccord sans manquer de respect pour les autorités. C’est une question de savoir-vivre et de politesse.

Pendant les réunions du Conseil d’administration, nous avons toujours exigé le respect du décorum. Cela a frustré le syndicat des enseignants qui nous a appelée la reine du décorum pour laisser entendre que, pour nous, l’apparence avait plus d’importance que la substance et que nous voulions la soumission comme une reine au pouvoir absolu.  Si à cause de mon autorité, de ma prestance et de mon attitude majestueuse, mes adversaires m’ont qualifiée de reine, pourquoi n’en serais-je pas flattée malgré l’intention satirique évidente et la suggestion que j’étais une dominatrice.  Mes espions m’ont dit que mon antagoniste m’appelait une Louis XIV en jupon. Il avait du goût pour l’hyperbole. Il appelait mon bureau: la Place royale qui est le nom d’un parc de S. On m’excusera de ne pas trouver ça drôle.  Bien sûr, une directrice générale a un certain pouvoir. Il m'appelait d’un nom d’oiseau, le tyran tri tri et Philaminte, le personnage despotique des Femmes savantes de Molière. Il me comparaît aussi à Célimène, du Misanthrope,  la séductrice qui laisse croire à quatre hommes en même temps qu’elle pourrait  être intéressée par leurs avances. A bien y penser, par sa franchise brutale et incivile et son intransigeance, il avait un côté misanthrope et misogyne. C'était me direz-vous, un affronteur. Je le crois. Ça tombe bien, je suis, moi aussi, une affronteuse.  Spécialiste de Montaigne, il aimait agrémenter les textes syndicaux de citations qui projetaient dans l’universel des situations locales que certains bons  ententistes tentaient de minimiser. La culture, ça ne donne pas le droit d'insulter les gens en les affublant de noms comme Germaine Faucon (elle gère, elle mène, faut qu'on l'écoute) ou Tyran tri tri et ça ne donne pas d'immunité.

aire de  repos

Enivrez-vous. Il est l’heure de s’enivrer. Enivrez-vous sans cesse! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. ( Baudelaire, cité dans une lettre que j'ai envoyée à tout le personnel)

Comme en matière de bienfaits, de même en matière de méfaits, c’est parfois satisfaction que la seule confession. Est-il quelque laideur au faillir, qui nous dispense de nous en confesser?  (Essais, III)


Confidences d'une femme trahie

C’est devant le majestueux fleuve Saint-Laurent que j’entreprends la rédaction de ces confidences avec l’intention d’être la plus honnête possible sans dramatiser mais sans minimiser le long conflit qui m'a opposée au syndicat des enseignants et qui m’a rendu la vie misérable. Pour moi toutefois, le bilan des sept années que j’ai passées à la direction du collège de ma région est positif. Personne ne niera que j’ai laissé ce collège dans un meilleur état que je ne l’avais trouvé.  Je mets quiconque au défi de prouver le contraire. Le leader négatif qui m’a mis les bâtons dans les roues pendant sept ans aura-t-il la lucidité et l’honnêteté de l’admettre! Non, bien sûr, il en est incapable. Bien que je ne me fasse aucune illusion sur sa capacité d’être objectif qui lui ferait reconnaître mes réalisations faites dans un contexte rendu difficile par l’opposition des syndicats du collège, en particulier le syndicat des enseignants, j’ai atteint une certaine sérénité qui ne m’empêchera pas toutefois d’exprimer mon mécontentement  dans le récit que je ferai des événements. Je ne jouerai pas à l'impassible et je n’ai pas l’intention de cacher mes sentiments. J’ai écrit des rapports annuels qui décrivaient mes réalisations. Même si, dans ces rapports,  je ne parlais pas des situations tendues provoquées par mes décisions et par mon style volontariste, ces rapports annuels étaient sans doute incomplets mais ils étaient exacts et véridiques. Je suis fière de mes réalisations.

Malgré des colères et des frustrations normales, je n’éprouve aucune haine envers Boutefeu et les autres membres de l’exécutif syndical et je ne ressens pas le désir de me venger de quelque manière que ce soit. J’éprouve même pour Le Littéraire une certaine admiration pour sa  culture, pour sa pugnacité, son esprit rusé et même pour son côté rebelle qui me rappelle les belles années de mon adolescence. Est-ce que j'insinue qu'il manquait de maturité? Oui, j'ai l'audace de le penser.  Sans l'ombre d'un doute, c'est un fanatique qui politise tout, en tout temps. Mais, il n’a pas à s’inquiéter, s’il écrit sur le sujet des poursuites, je ne le poursuivrai pas. Je ne lui ferai pas ce plaisir qui contribuerait à en faire un martyr, à le mettre en vedette encore une fois, à lui faire de la publicité gratuite et à lui donner l’occasion de pavoiser:  Vous voyez, je vous l’avais bien dit, c’est une quérulente. Elle est tout à fait incapable de s'insérer dans la vie sociale sans passer par la menace des Tribunaux.

Je ne suis pas une quérulente. Je suis une femme heureuse, épanouie à tous les points de vue, bien dans ma peau et sans complexe. A cause de leur style et de leur ton insupportable,  j’admets que je voulais les écraser et que j’ai échoué. Il y a eu des coups bas de part et d’autre, mais  j’estime que, tout compte fait, ce fut un combat loyal qui a causé des blessures mais n’a pas vraiment fait de vainqueur ni de victime et n’a pas causé de drame. Des deux côtés, les moyens juridiques ont été utilisés jusqu’à se neutraliser les uns les autres: c’est pour cela qu’il y a eu une entente hors cour. C’est mon opinion et j’y ai droit car ils n’ont pas le monopole, à ce que je sache, de l’intégrité et du dévouement malgré le dialogue de sourds qui a prévalu pendant toutes ces années où j’étais personnellement au faîte de ma maturité et en pleine possession de mes moyens. Je le dis sans flagornerie car il fallait une bonne dose de confiance en soi pour accepter le poste de directrice générale de ce collège après avoir été pendant plus de vingt ans, dans d’autres collèges, enseignante, conseillère pédagogique, adjointe puis directrice des études. Heureusement que mes amis m'ont appuyée, ceux que Boutefeu appelle avec mépris, la clique.

Je n’entretiens pas d’animosité personnelle contre mes opposants surtout pas envers mon principal adversaire dont j’avais fait, paraît-il, une obsession. Il est vrai que je le voyais dans ma soupe. Il avait le don de m’indisposer et je crois qu'il le faisait exprès. Un peu délinquant, il avait de la difficulté à respecter l'autorité. Il avait l'art de la provocation. Toute intervention de la Direction pour neutraliser ses attaques était considérée comme un abus de pouvoir. Ce qui me dérangeait le plus, à part les calomnies et les insultes, c’était que la méfiance et l’hostilité de mes adversaires créaient un si mauvais climat que ma capacité d'initiative et mon esprit d’innovation en étaient inhibés. Peu importe ce que je voulais faire, c’était toujours mal reçu et mal perçu. C'était particulièrement frappant avant les conseils d'administration où il ajoutait des points à l'ordre du jour juste pour m'embêter. Il avait l'attitude de l'opposition à l'Assemblée nationale ce qui n'est pas compatible avec le rôle d'un administrateur dans un collège public.  Il devrait être interdit à un vice-président du syndicat des enseignants de siéger au conseil d'administration d'un collège. Il était en conflit d'intérêt et je crois qu'il le savait et s'en servait pour essayer de me compliquer la vie. Les règles du jeu étaient mauvaises et il en a abusé. Moi aussi, dans ces circonstances anormales, j’ai tordu les règles du jeu en ma faveur surtout pour obtenir, après cinq ans, un renouvellement de mandat pour cinq autres années. Mais je n'avais pas le choix.

Les poursuites judiciaires, c’est derrière moi, c’est bien fini. J’ai eu ma leçon. Je n’ai plus le gros orteil aussi sensible. Quérulente je fus, quérulente je ne suis plus.  A force de recevoir des coups, on devient carapacée. Etre affectée par des attaques, c’est accorder trop d’importance à ceux qui les font. Ayant pris ma retraite et ayant terminé l’écriture de ces confidences,  je pars en voyage pour Vienne et Dubrovnik, à mes frais bien sûr, mais je n’ai pas emporté dans mes bagages le poids de ces affrontements qui ont miné mes énergies. Je suis une femme d’action dynamique et ambitieuse qui retombe toujours sur ses pieds après une épreuve. Parce que je suis dévouée et que j'ai des objectifs précis.  Comme vous le voyez, je ne fais pas preuve de fausse modestie. Je suis consciente de ma valeur ( ce qui gêne plusieurs personnes des deux sexes de la région) et je l’ai démontré en tenant tête à ces effrontés que je préfère toutefois aux nombreux lèche-culs qui m’ont beaucoup plus nui qu’autre chose. Si vous voulez m’insulter, dites que je suis une frustrée. On m’a rapporté que mes adversaires disaient de moi que je n’étais pas contrôlable. Il s'en est fallu de peu qu'ils me traitent d'hystérique. Vous voyez qu’ils ne reculaient devant rien pour me rabaisser. Mais ils n’ont pas réussi à m'intimider.

J’ai occupé de 1997 à 2004, la fonction de directrice générale du collège de ma région. Auparavant, j’ai été présente dans le réseau collégial pendant 20 ans; j’ai enseigné la chimie pendant onze ans au collège Edouard-Montpetit pour ensuite occuper des fonctions de conseillère pédagogique en recherche et développement, d’adjointe à la direction des études et de directrice des études. Avant tout pédagogue, je suis chimiste de formation et j’ai une maîtrise en mesure et évaluation avec, pour centre d’intérêt, le savoir et son évolution. Membre de plusieurs conseils d’administration, je me suis engagée en priorité là où ma passion pouvait trouver un exutoire, notamment pendant quatre années comme présidente du concours provincial scientifique et technique Science, on tourne, parrainé par la Fédération des collèges. J’ai toujours eu un goût pour les nouvelles technologies. A titre de présidente du Centre local de développement (CLD), j'ai été partie prenante de toutes les initiatives qui contribuent au développement économique de ma région même si mon style de bourgeoise fait beaucoup d’envieux et surtout d’envieuses. En 2005, la Fondation du collège que j’ai mis sur pied décernait pour la première fois une bourse de 1,000 $ qui porte mon nom attribuée à une étudiante ayant obtenu une moyenne générale égale ou supérieure à 90% pour l’ensemble de son dossier scolaire et qui a démontré par la réalisation de projets ou sa participation à des activités diverses, son implication dans son programme d’études et son engagement envers le collège. J’ai été l’hôtesse (flamboyante) du Gala du mérite économique en avril 2004, une soirée où se sont côtoyées les forces vives du milieu des affaires au sein duquel je jouis d’une réputation enviable. Au milieu des gens d’affaires et des gens d’entreprises, je me sens comme un poisson dans l’eau. J’ai utilisé la tribune prestigieuse de cette soirée pour inciter les gens à s’approprier leur collège, à en faire un objet de fierté et un lieu d’appartenance, d’autant qu’ils ont toutes les raisons de se réjouir des succès académiques qu’il permet à ses étudiants et de l’évaluation élogieuse reçue de la part du Comité d’évaluation du ministère. Ce sont des résultats qui ne sont pas assez connus de la population et je le déplore. Dans mon discours, j’ai dit à cet auditoire de choix: Je rêve que tous les parents choisissent d’envoyer leurs enfants à notre collège. Et voeu ultime avant de quitter la direction générale pour prendre ma retraite après sept ans de dévouement, j’ai demandé, vu l’urgence de la relance, de travailler à nous choisir, d’encourager les efforts locaux de développement et de contribuer à les faire grandir, de continuer à demeurer dans notre région. Et ce, pas dans un esprit de clocher et de compétition mais dans un esprit de clan et de famille, pour alimenter la vigueur de la vie économique et sociale de notre milieu. On m’a beaucoup applaudi ce qui m’a réchauffé le coeur après les années frustrantes que je viens de vivre où on ne m’a pas apprécié à ma juste valeur et dont je vais parler en toute simplicité et en toute honnêteté.

Je viens de créer un FIER administré par le CLD, un fonds d’intervention économique régional pour favoriser la création ou le maintien d’emplois. Le gouvernement Charest a promis d’investir 400 millions dans les projets FIER. Autant en profiter: si la région met un dollar, le gouvernement en met deux. J’ai sollicité des hommes d’affaires pour constituer un fonds d’environ 1.7 million complété par les 3,4 millions du gouvernement, ce qui donnera 5.1 millions. J’ai mis moi-même 50,000.$ en capital de risque pour dix ans et j’espère un rendement de 10% par année; je l'ai dit candidement au journal local qui a publié ma déclaration. Comme vous voyez, je ne m’oublie pas et c'est normal. Ce que disait Liza Frulla de la politique s'applique aussi à la vie économique: nous ne sommes pas en pastorale. Le plus important homme d’affaires de la région et un de mes amis a fait l’éloge de mon dynamisme et sa déclaration a paru dans le journal local. Ça m’a fait grand plaisir qu’on reconnaisse publiquement ma valeur.

Si j’insiste sur l’honnêteté, c’est parce qu’à plusieurs reprises mes adversaires m’ont accusée de duperie, de malhonnêteté intellectuelle, de machiavélisme ou de faire des entourloupettes. Ils transformaient des divergences d’opinion ou de stratégie en jugements éthiques, ce qui justifiait, selon eux, leur intransigeance. Ils croyaient avoir le droit d’employer des mots blessants parce que, selon eux, l’autre ne méritait pas leur respect puisqu’elle était malhonnête ou incompétente. Ce sont des mots à ne pas employer à la légère.  La pugnacité syndicale légitime ne justifie pas tout. Il y a des limites à ne pas dépasser sinon il faut s’attendre à des représailles.  A leur décharge, je dois admettre que lors des réunions du Comité des relations du travail, appelé familièrement le CRT, l’adjoint à l’organisation scolaire qu’ils appelaient Grandpied (ce qui est  drôle), mon porte-parole, était particulièrement maladroit. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il manquait de finesse. Il se comportait comme un rustre qui se croyait mandaté pour faire des jobs de bras. Comme il avait l’ambition de devenir Directeur des études, il faisait tout pour me plaire. Alors, il en faisait trop et, en bout de ligne, me nuisait. Certain d'avoir mon appui, il disait n’importe quoi pour défendre nos positions et les vis-à-vis syndicaux, qui en avaient vu d’autres, le trouvaient de mauvaise foi. C’était difficile de tripoter les chiffres ou d’inventer de nouvelles directives (non-écrites) du Ministère pour justifier une diminution des ressources à l’enseignement en s’imaginant que cela passerait comme une lettre à la poste. De là est venu son surnom de Grandpied auquel régulièrement le syndicat ajoutait dans les plats. Difficile de ne pas rire devant ce surnom qui lui allait si bien. Cet adjoint qui mesurait 6’4” m’obéissait aveuglément. Ses ambitions, hélas!, dépassaient ses talents. Il y avait quelques personnes dans son genre qui en faisaient trop dans l’espoir d’obtenir une promotion comme, par exemple, le représentant des professionnels au Conseil d’administration qui a traité la représentante des étudiants de traître en plein journal local. Ces zélotes m’ont beaucoup plus nui qu’aidé. Peu à peu, la confiance déjà fragile s’est effritée et laissa place à son contraire, la méfiance, une méfiance qui transformait chaque réunion du CRT en marathon et en bataille rangée avec de longs caucus syndicaux pendant lesquels les quatre membres de l’exécutif du syndicat allaient vérifier les dires de la partie patronale. A leur retour, ça bardait. De mon bureau, j’entendais des éclats de voix car les sept représentants syndicaux discutaient ferme entre eux et s’engueulaient fréquemment avec les trois représentants du Collège. Ils insistaient pour en écrire le plus possible dans les procès-verbaux allant même jusqu’à formuler à notre place la position patronale pour pouvoir avoir des preuves écrites de ce qu’ils appelaient nos manigances et nos détournements de ressources au grand désespoir de l’avocate directrice des ressources humaines qui refusait de mettre le mot détournement (que sa formation d’avocate la portait à juger diffamatoire) dans le procès-verbal même si c’était dicté par la partie syndicale. Ils ont donné beaucoup de fil à retordre aux deux directrices des ressources humaines qui se sont succédé. Ils sont responsables de la démission de celle (Louise B.) qui venait de Thetford Mines et qui a été la première engagée à ce poste stratégique. Peu combative et plutôt affable, (elle avait le style de la ministre libérale Monique Gagnon-Tremblay) elle n’en pouvait plus de se faire agresser par la partie syndicale. Quant à l’avocate que j’ai engagée en prévision des poursuites, elle avait beaucoup de difficulté à leur tenir tête et sortait épuisée et enragée de ces réunions. Les affrontements étaient monnaie courante. Il n’y a pas de doute, ils étaient coriaces et manquaient souvent de décorum et de respect envers la partie patronale. Ça frôlait l'impolitesse. Ce n’était pas des gentilshommes. C’est pour cela que je prévoyais avoir à employer des moyens extraordinaires pour les neutraliser et forcer leur principal leader à démissionner. Ça paraissait que ce pittbull venait du bas de la ville de Montréal. La BMW de la directrice des ressources humaines ne l’impressionnait pas ni ma Chrysler Sebring. Il est lui-même très à l’aise financièrement car il a fait un mariage avantageux et en plus, il est radin comme George dans Seinfeld. C’est ce qu’on dit pour le rabaisser et par jalousie, bien sûr. Dans notre région, l'argent ne laisse personne indifférent, inspire toujours le respect... et l'envie, j'en sais quelque chose. Chateaubriand écrivait: La malveillance et le dénigrement sont les deux caractères de l'esprit français. Je me demande parfois si ce propos ne s'applique pas aux gens de ma région comme le laisse entendre Boutefeu.  Il est aussi indépendant d’esprit que de fortune. On m’a dit qu’il a déjà utilisé ses propres livres dans ses cours... Mais c’était il y a longtemps car depuis la réforme, il enseigne François Villon, Montaigne, Madame de La Fayette et Molière. En un mot, si je me rabaissais à son niveau et si j’utilisais son langage, je dirais que c’est un  baveux. L’Irlandais aussi ne donnait pas sa place mais il savait un peu plus y mettre les formes. Quant au Politique, il était fatigant avec ses régulières mises au point solennelles qui mettaient tout le monde mal à l’aise.

Sauf la lutte collective menée en 1979 pour l’obtention d’un collège neuf qui fut couronnée de succès et à laquelle participèrent le Littéraire, le Politique et l’Irlandais, ce qui caractérisa l’administration précédente, ce fut la prudence. Après presque trente ans de ce régime marqué par l’immobilisme, il était temps de brasser la cage. Quelle aubaine pour une nouvelle administration que ce bas de laine de 2.4 $ millions ramassés pendant vingt-huit ans à coup de restrictions dans les dépenses! Ce fameux 2.4 $ millions de surplus accumulés allait faire couler beaucoup d’encre et servait à justifier toutes les demandes de tous les syndicats du collège en particulier celles, exagérées, du syndicat des enseignants. Mais c’était mon devoir de dire non et de résister à leur rapacité. J’avais l’impression que le syndicat des enseignants n’avait pas de limites: ils n’arrêtaient pas de dire que les enseignants croulaient sous le fardeau d’une tâche de plus en plus accablante sans réussir à me convaincre ce qui les mécontentait au plus haut point car ils savaient que je travaillais au moins douze heures par jour, cinq jours par semaine. Ils m’ont donné plus d’une fois l’impression d’être des enragés incapables de faire le moindre compromis. Je leur ai tenu tête et j’en ai payé le prix, un prix élevé car ce sont des batailleurs très articulés aux multiples talents dont celui d’être habiles à manier la langue française puisque deux des quatre membres de l’exécutif du syndicat des enseignants sont des écrivains qui ont publié de nombreux articles de journaux et des livres. Ils étaient cultivés et les citations de Montaigne qui me contrariaient tant ne provenaient pas d’un dictionnaire des citations mais dénotaient une connaissance approfondie du grand écrivain français. Ce qu'on cherche d'abord dans ce qu'on lit, c'est ce qui nous confirme dans ce que nous sommes, ce sont les parallèles qu'on est en mesure d'établir entre sa propre vie et celle de quelqu'un d'autre, écrit Victor-Lévy Beaulieu dans Un loup nommé Yves Thériault. L'à propos des citations de Montaigne greffées à notre conflit était remarquable et a provoqué chez moi à plusieurs reprises une admiration que je devais garder secrète, évidemment. Le même VLB a aussi écrit et j'allais l'observer chez mes adversaires: Celui qui maîtrise les mots oblige la peur à s'escamoter, force la terreur à décamper, car le Minotaure ne vous domine que si le langage vous fait défaut. C'est un fait que j'ai essayé de les intimider et j'ai sans doute réussi à les rendre moins arrogants, plus prudents et moins effrontés mais pas moins combatifs. Paradoxalement, je les ai obligés à contrôler leurs excès de langage et leur virulence et cette modération a renforcé leur position aux yeux des enseignants modérés. Je les ai forcés à exprimer leur pensée sans utiliser de mots blessants. Pour ainsi dire, je les ai éduqués. Ils apprenaient vite.

Avec l’appui de mes contacts dans les milieux influents de la région, j’ambitionnais depuis longtemps d’obtenir le poste de directrice générale. Je franchis les étapes normales de mon ascension sociale en commençant comme simple professeur de chimie dans un collège. J’ai offert mes services ici au collège pour enseigner la chimie mais je me suis heurté à l’hostilité du mâle dominant du département de chimie, un grossier personnage qui sentait la marijuana et qui refusa agressivement de m’engager de peur de perdre son petit pouvoir devant une personnalité forte et flamboyante. Je ne dis pas cela par féminisme: c’est la pure vérité. Ce n’est d’ailleurs pas le seul département où sévit un enseignant qui joue au mâle dominant. J’ai aimé enseigner la chimie. Je fus ensuite conseillère pédagogique, adjointe au directeur des études et directrice des études dans différents collèges avant d’être choisie comme directrice générale, avec enthousiasme et à l’unanimité, bien sûr, par un comité de sélection qui réclamait un nouveau style de gestion et me demandait de brasser la cage. C’est ce que j’ai fait à mes risques et périls; je suis une femme d’action: je n’ai  pas peur des affrontements et je ne crains pas de déplaire. Ça en prend beaucoup pour m’intimider. Ma fréquentation des hommes d’affaires (mon mari est vice-président d’une multinationale qui, malheureusement, a dû fermer une usine dans la région) me permet de jauger à leur juste valeur ces enseignants qui ont une sécurité d’emploi mur à mur, qui ne sont pas toujours conscients des contraintes budgétaires d’un collège ou de l'importance de l'aspect économique dans le fonctionnement d'une société et qui partagent une volonté de changement politique dont ils mesurent mal les conséquences.

Le journal local, ce printemps 1997, a publié un article sur moi signé par la rédactrice en chef. Je ne résiste pas au plaisir de citer ce beau portrait.

L'arrivée de Mme Françoise R. suscite beaucoup d'enthousiasme.On voit en elle une gestionnaire aguerrie dotée d'une vision moderne de la gestion - où les personnes prennent le pas sur les dossiers (quand même gérés par priorités) - et qui n'hésite pas à définir ses objectifs de carrière avec le vocabulaire des leaders dits efficaces: être visionnaire, agir en éclaireur, adopter une attitude propice à la résolution de problèmes, apprendre encore et toujours.

Détentrice d'un bacc. en chimie et d'une maîtrise en sciences de l'éducation, section mesure et évaluation, Mme R. a toujours oeuvré dans l'éducation au niveau collégial. Elle a d'abord enseigné pendant 8 ans la chimie au collège Edouard-Montpetit où elle est devenue conseillère en mesure et évaluation. puis, pendant trois ans, elle a occupé le poste de Directrice adjointe aux services pédagogiques du collège de Drummondville avant de devenir, en 1993, Directrice des études au collège de Saiint-Hyacinthe.

Dans sa présentation au comité de sélection, Mme R. précise:

Tout au long de ce cheminement professionnel, l'objectif qui m'a toujours animée a été de faire grandir l'organisation à laquelle j'appartiens. Voir haut et loin  et favoriser l'évolution sont pour moi des actions de qui  veut contribuer à faire en sorte que les choses arrivent. C'est là, à mon sens, le rôle premier des gestionnaires de nos maisons d'enseignement. Des établissements dont la mission d'éducation est au coeur de l'évolution de la société et de la condition humaine.

Mme R. aura à composer avec une équipe passablement renouvelée puisqu'en plus d'avoir à recruter un nouveau directeur des études en place de M. Jacques H., le collège devra également nommer un nouveau secrétaire général puisque le titulaire actuel du poste M. Fernand K. prend sa retraite.

Louise G.-R.


Pour diriger, il fallait d’abord m’entourer de collaborateurs qui ne me porteraient pas ombrage et qui seraient prêts à m’appuyer inconditionnellement dans les moments difficiles que je ne manquerais pas de traverser.  La première occasion qui se présenta fut la sélection du Directeur des ressources humaines. Le titulaire de ce poste pendant de nombreuses années venait de prendre sa retraite. Il souhaitait être remplacé par le Syndicaliste, l’ex-président du syndicat des enseignants avec lequel il avait entretenu d’excellentes relations. Cette situation était délicate. Sans me faire d’illusion, pour bien paraître aux yeux de celui qui venait de prendre sa retraite, je laissai la chance au coureur après l’avoir invité ouvertement à poser sa candidature en lui donnant l’accolade en face d’un restaurant, en présence de certains membres du comité des relations du travail (CRT) et de l’exécutif du syndicat des enseignants. J’ai un peu joué la comédie. Il le fallait à cause de  Fernand K., l’ex-Directeur des ressources humaines. Cette mise en scène m’a été reprochée: je l’admets, elle était trompeuse. J’étais coincée. En effet, il était peu probable que je choisisse cet ancien président de syndicat comme directeur des ressources humaines. Nous n’avions pas les mêmes idées; il était certain qu’il ne partageait pas ce que mes adversaires appellent mon idéologie de droite. Et ils ajoutent pour me piquer et pour suggérer que je suis une dominatrice, qu’il n’avait pas la docilité requise. Ce faisant, ils montrent leur mauvaise foi.

Pendant le processus de sélection, le Syndicaliste se montra très indépendant d’esprit mais surtout arrogant et inutilement agressif à mon endroit. Par exemple, interrogé sur la manière dont il exercerait sa fonction tripartite de responsable des communications en plus de secrétaire général et de directeur des ressources humaines, il me répondit sèchement: C’est vous qui avez créé ce poste tripartite, c’est à vous de définir vos exigences, pas à moi. Ce n'est pas ici un jeu de devinettes. Questionné sur son curriculum vitae et les différentes étapes de sa carrière comme enseignant en sociologie, puis comme syndicaliste et pourquoi il aspirait au poste de directeur des ressources humaines, il répondit qu’il se croyait tout simplement compétent pour occuper le poste et, dans une attaque personnelle totalement inappropriée, il déclara: Moi, je n’ai jamais eu de plan de carrière. Il m’accusait donc d’être une carriériste. Je me demande s’il voulait vraiment le poste. Ce n’était pas l’homme qu’il me fallait. Je ne l’ai pas trouvé très aimable. Quand je lui ai demandé si son passé de syndicaliste ne le mettait pas mal à l’aise pour devenir la partie patronale, il me répondit: Au contraire, le fait de connaître très bien la convention collective me permettra de l’appliquer avec équité. Je lui répliquai que sa réponse avait toutes les apparences d’un sophisme. Il me toisa très inamicalement en disant: Sophisme? je ne crois pas que vous ayez compris ce que j’ai voulu dire. La convention collective a été signée par les deux parties et peut être appliquée avec équité sans agressivité contre le syndicat.
Je dus me montrer habile pour neutraliser l’ex-directeur des ressources humaines en lui demandant de quitter le comité de sélection puisqu’il n’était pas neutre. On m’accusa ensuite de machiavélisme mais n’avais-je pas le droit de choisir la personne qui occuperait un poste aussi stratégique! Le lendemain, quand j’eus la délicatesse d’annoncer par téléphone au Syndicaliste que sa candidature n’avait pas été retenue, je ne pus m’empêcher de lui rendre la monnaie de sa pièce en lui disant : Je vous ai traîné pendant tout le processus, ce qui laissait clairement entendre que je ne le trouvais pas compétent pour occuper le poste. Pour lui et ses amis, c’était une insulte, une grave insulte. Je l'ai faite pour leur montrer que je n'avais pas peur d'eux et que ce serait moi qui mènerait le collège, pas eux.  D’autant plus qu’une autre candidature de Thetford Mines était meilleure. On m’a accusé d’avoir créé ce poste tripartite sur mesure pour elle sans tenir compte de mon objectif qui était de maximiser les ressources, objectif que j’allais appliquer par la suite à tous les cadres en leur confiant plusieurs responsabilités qui leur permettraient d’utiliser leur plein potentiel tout en sauvant des sous. Dans un petit collège qui doit se battre pour garder sa clientèle, tout le monde doit mettre la main à la pâte et, à mon exemple, prendre les bouchées doubles.

Je vous ai traîné pendant tout le processus est apparu comme l’insulte gratuite d'une anti-syndicaliste qui veut écraser l’autre et l’humilier; cela provoqua une colère noire chez les amis du vice-président de la Fédération des syndicats. Ce rejet de la candidature du Syndicaliste et surtout ma petite vacherie téléphonique me valut l’hostilité des amis de longue date du candidat malheureux en particulier deux membres du comité des relations du travail, le Politique et le Littéraire, qui allaient plus tard m’attaquer dans un bilan négatif de l’An 1. Ils prétendirent que la candidate de Thetford Mines était déjà choisie d’avance puisque, selon eux, le poste tripartite était taillé sur mesure pour elle; on me reprocha aussi ce qu’on qualifia de manigances pour exclure l’ex-directeur des ressources humaines du comité de sélection qu’on appela, par dérision, un comité de sélection flottant ou pire, un comité de sélection bidon. On parla même, selon mes espions, d’une façon sexiste, de machiavélisme en jupon. Toutes les consultations que je ferai plus tard seront qualifiées de bidon, à priori, puisqu’une despote (c’est ainsi qu’ils me voyaient) fait semblant de consulter car elle a tout décidé d’avance: elle n’a donc pas besoin de consulter. A ce moment-là, les consultations n’ont pour but que de préparer les gens à accepter la décision. J’aurais mauvaise grâce de contester cette analyse car elle est vraie. J’ai le malheur de savoir ce que je veux; c’est ça pour moi avoir du leadership. Si j’étais un homme ça passerait mieux; comme chantait Dalida à qui je ressemble un peu physiquement: mais moi, je ne suis qu’une femme. Dans une entrevue à la revue Actualité, Pierre Péladeau a dit que les femmes utilisaient leurs charmes en affaires ce qui énerva les féministes de l’Université de Montréal et Lysiane Gagnon qui s’opposèrent à ce que l’homme d’affaires reçoive un doctorat honorifique surtout, dirent-elles, au lendemain du drame de Polytechnique. Cette référence à Polytechnique enragea le Littéraire. Dans une lettre au Devoir, il défendit Pierre Péladeau et dénonça ce qu’il appelait le terrorisme rose. Je l’admets, il m’arrive d’essayer de séduire pour arriver à mes fins mais toujours d'une façon platonique malgré ce que disent certaines langues sales  qui ont plus d’imagination que de raison. Il est vrai qu’on ne prête qu’aux riches. Quand on a des atouts dans son jeu, pourquoi ne pas s’en servir!

Après ce premier grave (pour eux) accrochage à l’occasion de la sélection de la Directrice des ressources humaines, une étudiante adulte encouragée dans sa démarche par son enseignante devenue professionnelle  porta  plainte verbalement  contre le Littéraire, l’enseignant qui répandait ces calomnies sur mon soi-disant despotisme, un professeur de français membre du comité des relations du travail (CRT) dont il sera beaucoup question dans les lignes qui vont suivre car il savait comment s’y prendre pour contrecarrer mes projets et pour me contrarier. Le surnom de Boutefeu lui va comme un gant. L’Adjointe au directeur des études Louise K. m’avait souvent parlé de cet enseignant controversé, auteur de livres et d’articles contre les libéraux, une sorte de Don Quichotte chevauchant la rossinante de la morale politique pour attaquer les moulins à vent de la corruption des adversaires de l’indépendance du Québec. Pendant la Commission Gomery, il a dû avoir bien des jouissances comme quand il a lu les deux livres de Jean-François Lisée sur Robert Bourassa. Selon l’Adjointe et d’autres sources libérales, il utilisait ses cours, quand il daignait en donner car il déteste les cours magistraux, à des fins politiques par le choix des oeuvres ou par des commentaires souvent virulents contre les fédéralistes au pouvoir à Québec comme à Ottawa. Il est même passé à la télévision à l'émission Femmes d’aujourd’hui. Interrogé par Jeanne Sauvé qui allait devenir Gouverneure générale du Canada et qui essayait de lui faire dire qu’il utilisait le Cassé de Jacques Renaud à des fins politiques, il répondit qu’il conduisait ses élèves au seuil de la politique et que ce n’était pas de sa faute si le problème de la langue au Québec était un problème politique. C’est un petit malin. Quand je pense que le curé de la plus grosse paroisse de la région l’a attaqué dans son sermon du dimanche, je me dis qu’il a le don de réveiller les passions, de susciter la controverse et de semer la zizanie. Il déteste les libéraux qu’il appelle des parvenus. Donc il me déteste et il n’aime pas même s'il le respecte, le plus gros agent d’assurances de la région qui a été son élève.

Il lui arrivait même d’attaquer, dans son propre camp, les tenants de la stratégie étapiste dont évidemment  Claude Morin. Il n'était pas référendiste. Il prétendait que l’on devait réaliser l’indépendance après une élection comme l’ont dit René Lévesque et Jacques Parizeau dans une série d’entretiens au Toronto Star en novembre 1971 qu’il avait traduits de l’anglais et publiés dans une brochure des Editions du Parti québécois intitulée: Comment se fera l’indépendance dont il avait fait approuver le titre par René Lévesque lui-même. Il utilisait parfois ses propres textes en classe comme son analyse de Menaud maître draveur publiée dans son troisième livre et ne donnait pas vraiment de cours car il prétendait que les cours magistraux étaient bons pour l’ego du professeur mais pas nécessairement formateurs pour les élèves. La division des cours de français en deux heures de travaux pratiques et deux heures d’enseignement par semaine semblait lui donner raison.  Lui, il appliquait plutôt la division trois-un. Auteur d’une thèse de doctorat sur l'espace autobiographique de la fiction défendue avec succès à l’Université Laval en 1987, il racontait en classe avec humour des histoires puisées dans sa vie privée où les élèves ne savaient plus si sa femme, par exemple, était une personne réelle ou un personnage fictif. D’ailleurs, après avoir raconté une anecdote illustrant ses rapports (non intimes) avec sa femme, il demandait à ses élèves quelles paroles rapportées étaient réelles et quelles paroles étaient inventées tout en faisant remarquer que la partie inventée était plus vraie que la partie dite réelle. Il parlait de l’actualité sportive ou politique et critiquait mon administration puis, sans transition, il faisait un portrait de Célimène ( à qui il lui arrivait de me comparer, ce qui est flatteur pour moi), personnage du Misanthrope, en posant la question: "Célimène est-elle hypocrite ou stratégique?" en faisant réfléchir sur la situation de la femme au 17è siècle. Il raconta la visite de la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial où il s’était montré tellement désagréable avec, comme d’habitude, un manque total de décorum, que la Commissaire principale, Louise C., après la réunion, dans mon bureau, me demanda; Qui est ce grossier personnage? Il nous a fait honte et il l’a fait exprès.  Il reprocha à un collègue professeur de philosophie son obséquiosité devant l'imposante (physiquement) commissaire, ancienne directrice des études du collège de Ste-Foy.  Amicalement, car il savait que son confrère pensait comme lui sur la Commission, il lui dit: Tu es un bel hypocrite! et celui-ci lui répondit: Hypocrite, non. Stratégique, oui. Il utilisait cette anecdote pour expliquer qu’il faut faire attention avant d’accuser la coquette et séduisante Célimène d’hypocrisie, elle qui avait quatre amants (sans relations sexuelles...) qu’elle encourageait en même temps. Il est un peu obsédé par l’hypocrisie car il prétend qu’il y en a beaucoup dans notre collège jusque dans son département. Selon des témoignages nombreux et convergents, il se donnait parfois des allures d’humoriste à la Yvon Deschamps ou à la Woody Allen qu’il admirait pour mieux faire passer ses idées au fond ce qu’il y a de plus sérieux. Aux yeux de nombreux élèves superficiels, il passait  pour un comique et même, disaient certains élèves, cet âge est sans pitié, pour un bouffon ou un clown. Il marchait souvent sur un fil comme un funambule. Il mettait de la bonne humeur et de la détente dans son enseignement et montrait du plaisir à expliquer avec aisance et décontraction des oeuvres littéraires complexes. Il se vantait de faire comprendre et même aimer le roman difficile de Madame De Lafayette, La princesse de Clèves à l'aide de quinze questions précises sur chacun des quatre chapitres du roman.  On m’a raconté qu’au début d’une session, un matin de bonne heure alors que ses élèves étaient à moitié endormis, il essaya de les réveiller en faisant de l’humour et comme ça ne marchait pas, il leur dit après s’être plaint qu’il les trouvait difficiles et qu’il n’était pas facile de les faire rire: Excusez-moi, je fais de l’esprit de bottine. Un de ses élèves répliqua: Continuez, monsieur, c’est très délassant ; il lui donna la main en lui demandant son nom.

Comme vous voyez, je m'intéresse beaucoup à lui. J’essaie de savoir ce qu’il dit en classe car il m’attaque souvent. Je reçois des téléphones de parents qui se plaignent que le professeur de français de leur fille ou de leur fils est un agitateur qui ne cesse de critiquer et prend un malin plaisir à déstabiliser ses élèves qui sont là pour étudier et non pour se faire manipuler par un enseignant qui abuse de la tribune que lui procure sa fonction et dont le totem est le renard. Son plus grand plaisir, dit-il en anglais dans un cours de français, c'est to outfox la Direction, ce qu’il est impossible de traduire comme le mot timing. Etre plus renard que la renarde, serait ma traduction.  Et il parlait des trois renards qu'il avait vus au club de golf de Rosemère ou du renard aperçu au club de golf de Blainville qui courait le long du bois poursuivi par des corbeaux qui croassaient. Cet enseignant est un personnage au moins aussi dangereux que le Syndicaliste, le candidat au poste de directeur des ressources humaines que j'ai eu raison de rejeter et qu’il faudra absolument neutraliser. Lors de la première rencontre que j’ai eue avec lui pour discuter de la plainte de l’élève-adulte, je me sentais comme le directeur de la prison d’Alcatraz devant le dossier de Clint Eastwood: QI au-dessus de la moyenne: à mater. Tâche qui devait s'avérer impossible.

Pour savoir à qui j’aurais éventuellement affaire et pour établir un rapport de forces, j’ai attaqué la première car je savais que mon rejet du Syndicaliste l'avait grandement contrarié et allait avoir des conséquences. J’ai d’abord demandé à rencontrer le président du syndicat dit l’Ebéniste et professeur de biologie depuis vingt ans. Le prétexte: la plainte contre le Littéraire d'une étudiante adulte encouragée par une enseignante qu'il avait remplacée pendant trois semaines à propos de cours donnés trois mois plus tôt avant les vacances.  J’attaquai directement l’enseignant visé à partir du contenu de la plainte et des critiques que j’avais entendues contre lui à travers les ans. J’allais à la pêche (jeu dangereux)  pour voir quelle serait la réaction du président du syndicat. Or, l'Ebéniste se montra totalement solidaire de son collègue ajoutant même qu’il avait de l’admiration pour lui et qu’il aurait souhaité que ses trois enfants (soit dit en passant, inscrits dans un autre collège) aient un tel professeur de français cultivé qui donne le goût de lire et fait aimer la littérature. En un mot, c’était des amis depuis des années. J’ai peut-être fait une erreur en le convoquant; il aurait été plus correct d’en parler directement à l’intéressé. Question d’éthique professionnelle. Devant la tournure des événements, j’essayai de faire croire que cette conversation à bâtons rompus avec le président du syndicat n’avait pas plus d’importance que cela et ne devait pas avoir de suites. Je voulais donc en rester là, quand je reçus un téléphone du Littéraire qui exigeait une rencontre pour discuter de cette plainte dont il connaissait l’origine même si je lui ai dit que ce n’était pas nécessaire puisque la discussion avec le président du syndicat m’avait rassurée. Il insista.  Lui, il n’était pas du tout rassuré. Il tenait à donner son point de vue contre les attaques dont il avait été l’objet et il souhaitait me donner des renseignements qui pourraient corriger l’opinion que je semblais me faire de lui pour que nos relations partent sur un meilleur pied. Il était de très mauvaise humeur et, selon un de mes espions, il aurait dit que je ne ferais pas avec lui ce que j’avais fait avec son ami le Syndicaliste rejeté et bafoué. Je l’ai mis sur la défensive et je suis sûre qu’il se prépare à contre-attaquer. J’aurais dû me souvenir du proverbe haïtien: Avant de traverser la rivière, il ne faut pas insulter le caïman. Mais en prenant l’initiative,  je voulais, au fond, un affrontement où j’aurais le dessus. Comme vous savez, une plainte contre un enseignant, ça déstabilise l’enseignant et ça place l’administrateur dans une position de force. 

Cette rencontre a eu lieu, je l’ai eu l’affrontement que j'anticipais et je ne crois pas avoir eu le dessus. Ce fut une heure mouvementée pleine d’escarmouches. Par l’indépendance et le caractère, Le Littéraire ressemble au Syndicaliste. C’est facile de comprendre pourquoi ils sont des amis. C’est évident que ces gens-là me prennent pour une arriviste et n’ont malheureusement pas beaucoup de respect et d’estime pour moi. Pourtant, ils ne me connaissent pas. Le Littéraire a déjà travaillé avec des hommes d’envergure comme René Lévesque, Jacques Parizeau et Camille Laurin  alors qui suis-je, moi, pour venir lui faire la leçon? Je ne l’impressionne pas. Il tenait à ce que je le sache. C’est un homme fier. Et en plus, je viens d’arriver au collège en 1997 tandis que lui, il est là depuis 1969. Il tenait à ce que je comprenne, et vite à part ça, que je ne viendrais pas faire la loi ici à son détriment.  Quand je lui ai dit qu’il se servait de ses livres dans ses cours, il m’a plantée car cette critique était une vieille histoire et ne pouvait venir de la plainte de l’étudiante adulte puisqu’il avait étudié Les Femmes savantes de Molière pendant trois semaines au printemps 1997 en remplacement d’une enseignante en congé de maladie qui m’a décrit son comportement désinvolte et irrespectueux. Le Littéraire aurait pris la feuille décrivant les quarante critères de correction de l’analyse littéraire utilisés par l’enseignante et, théâtralement, l’aurait jetée dans la poubelle en disant: Je ne suis pas un ordinateur! C’était un manque de respect pour sa collègue qui était une de ses anciennes élèves. Certaines élèves ont été choquées dont l’adulte grassouillette dans la quarantaine qui a porté plainte.  De plus, me dit-il, avec la réforme de l’enseignement du français, depuis cinq ans, j’étudie surtout des auteurs français, François Villon, Montaigne, Mme de La Fayette, Molière et je me sers de textes québécois comme un extrait de Marie-Didace, la dernière confession du Père Didace de Germaine Guèvremont ou le Testament de De Lorimier publié dans les Ecrits de prison qui est un chef-d’oeuvre de la littérature universelle, pour donner des exemples d’analyse littéraire. Je n’étudie plus Menaud, maître-draveur, ce monument d’impuissance. Il n’eut pas beaucoup de peine à prouver que mon opinion sur lui provenait de ce qu’il a appelé, avec un violent mépris, les mémérages de la clique libérale qui parlent dans mon dos depuis plus de vingt-cinq ans et qui se vengent des livres que j’ai écrits contre eux en essayant de nuire à ma réputation comme enseignant. Alors là, ce fut l’affrontement en bonne et due forme qui atteint un sommet quand je lui ai rapporté, par provocation, pour lui passer un message et le déstabiliser, que l’étudiante adulte qui avait porté plainte contre lui l’avait trouvé vulgaire parce que, entre autres, il avait sacré en classe en disant: Réveille, ciboire! à un élève qui s’était endormi sur son bureau au lieu d’écouter un enregistrement des Femmes savantes.

Comme j’avais répété cette accusation devant le président du syndicat, sa réponse était préparée et elle fut spectaculaire. Il voulut savoir quelle était ma conception de la vulgarité. Il me cita une phrase  de Montaigne en me demandant si le mot cul était vulgaire: Plus le singe monte haut dans l’arbre, plus il montre son cul. “Non, lui répondis-je, ce n’est pas vulgaire.” Il me dit: Est-ce que c’est parce que c’est Montaigne qui utilise le mot “cul”? Vous voilà prise en flagrant délit de snobisme !” Et il ajouta: Soit dit en passant, directrice générale, ce n’est pas très haut dans l’arbre! On m’avait bien averti que son arrogance n'avait pas de limites et on avait raison. Je l’ai vue en direct.  Quant à y être, pour rester dans cette région du corps qui semble l’intéresser, il aurait pu me citer la fin des Essais où Montaigne écrit: Au plus haut trône du monde, on est toujours assis que sur son cul. Et il aurait pu ajouter: “Directrice générale, ce n’est pas un très haut trône.” C’est certain que ce fin lettré me servira cette citation un jour ou l’autre puisqu'il m'appelle la Reine.

J’encaissai l’insolence comme si de rien n’était en prenant une grande respiration et en me croisant la jambe et il en profita pour me dire que j’avais de belles jambes tout en atténuant cette remarque inattendue et totalement inappropriée en me demandant, pour faire diversion, s’il y avait un micro sous la table, réflexe normal du spécialiste de l’affaire du Watergate qu’il se disait être. J’ai entendu dire que dans le récit de cette rencontre, au moment du commentaire admiratif et justifié sur mes belles jambes, ses amis n’en croyaient pas leurs oreilles et lui dirent, mi-sérieux, mi-taquins, que j’aurais pu l’accuser de harcèlement sexuel. Voyons donc! Ces misogynes s’imaginent que je ne sais pas faire la différence entre une innocente gaminerie et du harcèlement. Au contraire, j’avouerai qu’au milieu de cet affrontement, ce cri d’admiration involontaire et viril qui exprimait sans doute un désir inconscient, toucha la femme consciente de ses charmes que je suis et que je serai toujours.  Ce n'est pas la seule fois que son inconscient a échappé à son contrôle comme nous le verrons plus tard. Pour le troubler encore plus et le faire rêver, je lui ai dit que j’étais une amoureuse. La conversation prenait cette tournure ambiguë qui fait tout l’intérêt des relations homme-femme. Comme il soulignait mon côté glamour, il fit un jeu de mots en me disant que j’étais une glamoureuse. Je savourai l’instant créateur. Mon interlocuteur  émoustillé s’enflammait. Je ne savais pas comment il retomberait sur ses pieds. Ma froideur y contribua. Excusez l’anti-climax, je dois dire qu'il n’est pas du tout mon genre. Il a beau avoir lu les Essais de Montaigne, je préfère le charme viril et la classe du séduisant directeur des ressources matérielles aux cheveux noirs pommadés qui est un bel étalon et un administrateur de haut niveau qui ira loin.

Cet enseignant qui allait devenir mon plus implacable ennemi était habitué à la polysémie du langage et pouvait jouer sur plusieurs niveaux de sens, ce qui faisait que dans ses cours, on ne s’ennuyait pas. Je lui renvoyai hypocritement le compliment sur mes belles jambes en disant qu’il était un homme brillant et généreux, ce qui ne sembla pas le toucher puisqu’il me mit en garde d’une manière cinglante: Faites attention, me dit-il, j’ai l’air de rien comme ça avec mes petites insolences calculées et mes citations de Montaigne, mais je suis un tueur! Il a bien dit: Je suis un tueur. Je n’en croyais pas mes oreilles: des menaces! On était loin de mes belles jambes et de mon parfum délicat.  D’origine italienne, sa grand-mère est sicilienne et son grand-père piémontais; a-t-il du sang de la mafia dans les veines? S’il pense m’intimider, il est mieux de se lever de bonne heure. Comme me l’a raconté l’Adjointe, à moins qu’il ne sorte de nouveau son petit canif suisse (symbole phallique dérisoire) comme il l’avait fait devant la responsable anglophone de la condition féminine de la Fédération, (qui se porta à la défense des employées unilingues de Eaton qualifiées grossièrement par un ministre libéral de grosses maudites anglaises et qui avait le physique de l’emploi), cette anglophone, dis-je,  qui tomba dans son piège et se ridiculisa en l’accusant de l’avoir menacée au couteau comme si on était dans le Bronx. Le plus drôle, c’est que les chefs mâles de la Fédération ont cru la féministe ou ont agi comme s’ils la croyaient. Ils ont écrit une lettre de réprimandes au syndicat local et, lors d’une rencontre à l’Aquarelle, un des meilleurs restaurants de la région, le Politique a dit à un leader national: Votre lettre, vous pouvez vous la mettre là où je pense! Tanné d'entendre les jérémiades féministes peu justifiées en contexte collégial, le Littéraire avait apostrophé la féministe en chef de la Fédération en lui présentant par le bout de la lame un petit canif ouvert et en lui disant: Si tu te sens attaquée, défends-toi. Devant la peur d'être ridiculisée, la féministe avait essayé de transformer cette pantomime de théâtre de boulevard à la Labiche en attaque au couteau shakespearienne comme dans les rues de New York. Et s'était rendue encore plus ridicule, ce qui était le but du Littéraire qui a quand même été obligé d’aller s’expliquer devant l’exécutif du collège anglophone de Montréal (Dawson, pour le nommer) situé sur la rue Sherbrooke non loin du Forum où les Canadiens de Montréal ont gagné plus de vingt coupes Stanley.  On ne verra jamais Boutefeu faire des crises de nerfs et de tremblements en disant My nerves  comme la mère de Lizzy dans Pride and Prejudice de Jane Austen.

Redevenant pratique, il me réclama 288 $, un compte de dépenses que l’ex-directeur des études, (celui qui avait été vu chez Rona le jour où il s'était déclaré malade pour éviter d'avoir à prendre la parole lors d'une journée pédagogique de début de session), avait refusé de lui payer puisqu’il avait délégué, en guise de représailles, un autre professeur de français que lui, qui était  le coordonnateur du département, à une réunion de coordination provinciale. La semaine suivante, je lui donnais moi-même le chèque qu’il avait réclamé. Je lui ai fait remarquer que je savais qu’il avait été maltraité par ce hors-cadre vaniteux qui avait été forcé de quitter ses fonctions, ce qui le surprit et le toucha. Ah! Vous êtes au courant dit-il. Lors de cette deuxième rencontre, il était un peu moins sur un pied de guerre. Comme j’avais déjà enseigné la chimie au niveau collégial, il me considéra comme une collègue et sans autre forme de cérémonie, il se mit à me tutoyer et j’en fis autant. Il me dit:  Y a des rumeurs qui disent que tu te présenteras comme candidate libérale aux prochaines élections provinciales. Un de mes confrères a eu un contrat comme paysagiste d’un organisateur libéral qui souhaiterait t’avoir comme candidate. Je ne m’habitue pas à son style direct. C’est un fait qu’on me courtise; je dis non, pour le moment. Sans aucun doute, je ferais une bonne députée, et même, pourquoi pas, une excellente ministre. J’aurais l’appui des hommes d’affaires en particulier du plus brillant d’entre eux qui est multimillionnaire, qui a réussi dans le domaine des assurances. qui est très influent dans la région et que j’ai la chance de compter parmi mes amis proches. C’est un ancien élève du Littéraire avec qui il est entré en conflit alors qu’il était à la fois président des jeunes libéraux du comté et président du syndicat des élèves du collège. C’était dans les années 70. Le Littéraire en parle dans son premier livre.

Cette partie de ping-pong d’une heure est de mauvais augure. Blessé dans sa fierté, cet enseignant sera sans doute un de mes critiques les plus sévères.  Après cet affrontement et après le rejet de la candidature de son ami, je suis certaine que je ne pourrai pas canaliser leurs énergies dans le bon sens; je ne pourrai pas compter sur l’appui de ces syndicalistes dans la réalisation de mes projets qui demandent des efforts de tous.  Au fond, je peux bien l’admettre: j’ai été maladroite. Ce sont des contestataires-nés qui me mettront des bâtons dans les roues. De toutes façons, je le savais puisque depuis plusieurs années, je m’intéresse au collège; je sais qui sont les leaders. Sauf que là, je ne suis plus dans mon salon sur le bord du fleuve avec mes amis libéraux, un bon verre de vin à la main. Je suis directrice générale du collège. Je suis dans l'action et, eux, ils sont dans l'opposition. La partie sera rude. C’est difficile de bien administrer une institution et de réaliser des projets quand les leaders d’opinion te sont hostiles. Je suis une passionnée mais, en revanche, je crois que ne suis pas une grande stratège. Je suis peut-être un peu trop émotive bien que je me serve parfois de mon apparente émotivité à des fins stratégiques. Il m’arrive de jouer les femmes troublées et faibles pour réveiller le mâle chevalier qui sommeille chez tous les cadres masculins et les membres du Conseil d’administration qui m’entourent et qu’il n’est pas bien difficile de réveiller. Ça prend à tout coup. Pauvres hommes! J'ai voulu dominer deux leaders syndicaux dès mon arrivée au collège: j'allais en payer le prix.

Dès mon arrivée au pouvoir, il a fallu s’attaquer à l’organigramme en rationalisant les ressources humaines: il y a trop de membres du personnel de soutien qui ne donnent pas leur plein rendement. C’est difficile et le syndicat m’accuse déjà de traiter les employés comme des pions que je déplace selon mes caprices ou pour montrer qui est le boss. Rien de plus faux. J’ai fait le ménage avec l’appui de certains membres du personnel de soutien qui eux, comme le dit le responsable de l’imprimerie,  travaillent au lieu de se pogner le cul une grande partie de la journée. Je m’excuse de reproduire ce langage vulgaire, mais si je le fais, c’est parce qu’il est tellement criant de vérité. Lors de l’accueil du personnel, le président du syndicat du soutien a lu devant tout le monde une lettre de protestation qui a gâché la rentrée de l’automne de ma deuxième année.

La Sentinelle, bulletin d’information syndicale des enseignants, essaie de faire de la satire sur mon dos. Ils nous reprochent de faire de la comptabilité créative avec l’International et de préférer les rénovations dans les bureaux de l’administration au bien-être du personnel. Lors de l’accueil du personnel, nous avons passé un message: c’est le gouvernement Bouchard qui m’oblige à administrer serré; je travaille soixante heures par semaine, alors arrêtez de vous plaindre que votre tâche est trop lourde. Le Syndicat des enseignants est en colère. Selon eux, le gouvernement sait que nous avons 2.4 $ millions de surplus. Selon eux, je fais de la petite politique et je suis démagogue. Sans demander l’avis de personne, j’ai mis la hache dans le système audiovisuel en démantelant un appareillage permettant de projeter des films dans chaque classe à partir d’une centrale qui était peu utilisée par les enseignants; j’ai voulu envoyer le container en Afrique mais une guerre civile en Côte d’Ivoire m’en a empêché. C’est très difficile de rentabiliser l’International mais au moins, cela nous aura donné l’occasion de faire de beaux voyages toutes dépenses payées. Je suis allée en Afrique du Nord par affaires et j'en ai profité pour prendre des vacances en France. N’est-il pas normal que la haute fonction que j’occupe soit accompagnée de certains avantages comme les ministres qui ont leur chauffeur, leur limousine et leur compte de dépenses.

J’ai eu la bonne idée d’inviter l’exécutif du syndicat des enseignants (dont ne font pas partie en ce moment le Politique et le Littéraire) au restaurant pour discuter de mon projet de développement des programmes en assurances, en électrotechnique et en réseautique et mon projet de financement du Centre de transfert des technologies qui n’est pas encore reconnu officiellement et pas encore financé par le Ministère. Les quatre membres de l’exécutif se sont montrés très réceptifs et m’ont accordé 4.2 ETC (équivalent temps complet) comme contribution à la réalisation de ces projets. C’est 5% des ressources consacrées à l’enseignement. C’est énorme. Enfin, des gens qui me comprennent et qui acceptent de faire leur part dans le développement du collège. Je me félicite d’avoir réussi à les convaincre. Le vice-président est un grand ami de l’Adjointe au directeur des études; c’est le premier qui a prédit que je serais nommée directrice générale. Il ne se présentera pas aux prochaines élections à l’exécutif du syndicat: c’est dommage. Je me suis montrée très persuasive et j’ai payé l’addition.

J’ai invité deux haut fonctionnaires de Québec comme conférenciers pour sensibiliser tout le personnel aux contraintes budgétaires auxquelles nous devons faire face. Peine perdue, les contestataires reviennent sur le surplus de 2,4 $ millions.  Ils nous ont obligés à déménager à l’auditorium pour une réunion du Conseil d’administration  et ont montré leur force en contestant ouvertement notre projet de leur faire financer en partie les nouvelles voies de sortie. Ils ont convoqué une assemblée syndicale en même temps que la réunion du Conseil d'administration et ont envahi la salle de réunion ce qui nous a obligés à déménager à l’auditorium. Ils me donnent beaucoup de fil à retordre. Je ne suis pas au bout de mes peines. Ces enseignants nous accusent de vouloir diminuer les ressources allouées à l’enseignement et donc de vouloir augmenter leur tâche et cela au profit de projets qu’ils qualifient péjorativement de périphériques comme le Centre de transfert des technologies qui n’est pas encore subventionné par le Ministère ou comme l’International. En particulier, l’International est l’objet privilégié de leurs attaques sous l'impulsion du coordonnateur du département d'Informatique qui est très coriace et qui augmente substantiellement ses revenus en s'occupant des stages d'été en informatique. S’il continue à m’enquiquiner, je vais charger le Directeur des ressources matérielles d’une mission: lui couper ses stages d’été. Ils craignent un déficit dans le domaine de l'International et nous envient de faire des voyages avec des comptes de dépenses selon eux illimités; ils les qualifient avec mépris de voyages de prestige, sous-entendu, coûteux et inutiles. Ils sont vraiment nés pour un petit pain.

Je n’ai pas réussi à imposer mon choix au poste de Directrice des études. Je voulais nommer Louise K. à l'interne car je la juge compétente, sans passer par un comité de sélection mais l'opposition de mes adversaires, le Syndicaliste en tête, réussit à créer un tel malaise que j'ai été obligée de reculer. Elle a cru être brûlée et ne s'est malheureusement pas présentée au comité de sélection qui a choisi un professeur de philosophie d'un autre collège comme directeur des études. Je me suis arrangée pour que son mandat finisse avant le mien... pour pouvoir mieux le contrôler. Louise avait toutes les qualités pour être une excellente directrice des études. Elle aurait dû présenter sa candidature. Les gestes d'hostilité qu'elle avait posés contre le Littéraire en l’espionnant l'ont portée à penser que la campagne contre sa nomination sans passer par un comité de sélection était dirigée contre sa propre personne. Comme me l’ont rapporté mes espions, Justice immanente a dit triomphalement le Littéraire.

Ayant reçu le mandat du Conseil d’administration de revoir tous les contrats signés par le collège pour obtenir des services (entretien, conciergerie, cafétéria), j’ai entrepris des négociations avec l’aide du Directeur des ressources matérielles. Je me devais d’augmenter les revenus provenant de la cafétéria. Il s’en est suivi une lutte épique. Nous nous sommes emparés des revenus provenant des machines à boisson. Puis, nous avons augmenté le loyer en menaçant de confier la cafétéria à l’entreprise privée. Ce n’était pas qu’une menace: je voulais vraiment confier la cafétéria à une entreprise privée. Comme moyen de pression, le Café du Bourg cessa d’offrir les services du Café-In qui est très apprécié par tout le personnel. Le conflit culmina dans un faux débat devant tout le personnel précédé de la publication d’une analyse du syndicat des enseignants qui tentait de ridiculiser le fonctionnement du Conseil d’administration sous ma direction. Le Comité de direction intercepta ce Complément à l’Info-CA ce qui nous valut un grief que nous allions perdre sur l’utilisation des casiers des enseignants pour transmettre de l’information syndicale. Comme pour les frais de stationnement et les frais d’utilisation des ordinateurs, le dossier de la cafétéria donna l’occasion de se faire valoir aux mêmes opposants systématiques à toutes mes propositions pour assainir les finances du Collège. Cela en devient exaspérant. Le Conseil d’administration a beau m’appuyer, les attitudes négatives à mon endroit, au jour le jour, minent mes énergies. Mes adversaires sont habiles, tenaces et savent utiliser les médias, ce qu’ils ont appris à faire comme chroniqueurs dans des journaux ou comme militants politiques responsables de l’information. Mais ils ne m’auront pas. Leur mauvaise foi dépasse parfois les bornes comme quand on m’a accusée de mépriser les sept employées de la cafétéria quand je les ai appelées affectueusement les petites madames.  On m’accuse de menacer leurs emplois en voulant privatiser la cafétéria. Par ailleurs, la porte-parole de l’association étudiante qui est aussi membre de l’exécutif du Collège m’a déçue. Elle m’attaque dans le journal local sur la question des frais d’utilisation des ordinateurs par les élèves et, en général, sur mon peu de sens démocratique. Je serais une grande manipulatrice. C’est ainsi qu’on mine mon leadership. Le représentant des professionnels au Conseil d’administration l’a qualifiée de traître dans le journal local tiré à plus de 25,000 exemplaires et lu par toute la région. Ce journal ne manque pas une occasion de donner la parole à mes adversaires comme s’ils étaient aussi importants que moi qui joue un rôle majeur dans la région comme présidente du Centre local de développement (CLD) et comme Directrice générale du collège. J’en ai fait le reproche personnellement à la rédactrice en chef qui m’a répondu que son journal essayait de faire du bon journalisme honnête et consciencieux. Elle semblait se réjouir de ma colère et oubliait que le Collège paie des pleines pages de publicité dans son journal. J’irai me plaindre au directeur du journal.

Le Littéraire et le Politique, membres du Comité des relations du travail (CRT) qui ne font pas actuellement partie de l’exécutif du syndicat ont saboté les résultats de ma rencontre avec l’exécutif du syndicat des enseignants en soutenant que les concessions obtenues étaient illégales, contraires à la convention collective et constituaient un détournement de ressources. On suggère que j’ai acheté l’exécutif en payant l’addition de ce repas bien arrosé et que j’ai tenté de les corrompre. Ce qui implique un jugement de valeur contre l’exécutif du syndicat qui aurait montré sa faiblesse en acceptant de céder 4.2 ETC (Equivalent temps complet) pour des projets périphériques. Je serais une séductrice. Pire. Paraît-il que je leur rappelle un roman de Guy des Cars intitulé la corruptrice. Ils charrient. Je ne sais trop quoi faire pour arrêter ces injures qui se répandent dans le collège. Pendant les réunions du Comité des relations du travail, la Directrice des ressources humaines est incapable de leur tenir tête: ils sont trop revendicateurs et connaissent trop bien la convention collective ayant déjà gagné des griefs ce qui les a rendus arrogants. Une arrogance teintée de mépris, c’est bien ce qui les caractérise.

Tout le monde collabore à la relance du collège, mais pas eux. J’ai multiplié les activités sociales pour créer un climat favorable et mis sur pied une Fondation  qui ramasse des fonds à un bon rythme. Mon objectif est d’atteindre le demi-million de dollars pour pouvoir financer certains projets et surtout pour donner des bourses aux élèves pour les attirer vers le collège et les encourager dans leurs études. Mais le Littéraire et le Politique, eux,  sont petits et pensent petit : ils n’ont pas de vision de l’avenir du collège. Ils ne semblent pas conscients que des familles à l’aise financièrement se demandent s’ils ne feraient pas mieux d’envoyer leurs enfants étudier dans un autre collège que le nôtre. Le fait qu’ils n’habitent pas dans la région explique bien des choses. Ils ne sont pas intégrés à la vie sociale de la région et ça paraît. Il y a une sensibilité qui leur manque; ils n’ont pas l’air de comprendre l’importance des activités sociales que j’organise. La preuve qu’ils ne comprennent rien:   dans mon dos, ils me traitent de grande mondaine arriviste. Nous ne sommes définitivement pas sur la même longueur d’ondes.

Ces considérations s’appliquent particulièrement à l’un d’entre eux et je n’ai pas besoin de le nommer. Comme représentant des enseignants au Conseil d’administration, le Littéraire est sur le Comité d’évaluation du Directeur des études et de la Directrice générale. Mais il n’est pas question qu’il m’évalue. J’en fais une maladie. Je n’accepterai jamais d’être évaluée par lui. Il me déteste. A ses yeux, je ne fais jamais rien de bon. L’occasion m’a été fournie de le chasser du comité d’évaluation quand, avec un collègue du CRT, le Politique, il a envoyé au président du Conseil d’administration un bilan très négatif de l’An 1 où il me menace en prévoyant que l’An 2 se déroulera sous les auspices du dieu de la guerre Mars et non de la déesse de l’amour Vénus et où il attaque le représentant des professionnels qu’il accuse d’obséquiosité, de complaisance et même de soumission servile. Il est vrai que ce professionnel a des ambitions. Un millionnaire que je me vante d’avoir pour ami, le plus important agent d’assurances de la région qui pourrait être député libéral s’il le voulait et même ministre car il en a l’envergure, m’a fait plaisir en déchirant ce torchon de bilan ostensiblement en plein Conseil d’administration en l'absence des auteurs de la lettre. En réplique à cette lettre qui m’accuse d’avoir fait une entourloupette et d’exiger de mes subalternes la servilité, j’ai contre-attaqué par une mesure disciplinaire: il y aura une lettre de doléances versée au dossier pour chacun des deux enseignants et une suspension de six mois du Conseil d’administration pour le professeur de français. Je ne laisse plus rien passer après la publication d’un organe syndical, la Sentinelle, qui a tenté de me ridiculiser. Je vais apprendre à ces employés qu’ils ont une obligation de loyauté envers leur employeur. Avec ma directrice des ressources humaines, j'ai commencé à étudier à fond le chapitre sur les mesures disciplinaires dans la convention collective des enseignants. Nous avons un dossier secret sur le Littéraire: il aime jouer à la victime de harcèlement mais, à travers les années, l'administration a fait preuve à son endroit d'une faiblesse que je juge blâmable. Je ne veux pas  être injuste à son endroit mais, en 30 ans, à travers les grèves, les coupures de salaires et la conjoncture politique, le moins qu'on puisse dire c'est que, comme enseignant, s'il a eu des hauts, il a eu aussi des bas. Sa disponibilité a souvent laissé à désirer. 

Le Littéraire a compris l’enjeu derrière les mesures disciplinaires et pour que la lettre de doléances soit retirée de son dossier, en échange, il a démissionné du comité d’évaluation de la Directrice générale et a signé une intention de bonne conduite et de respect à propos de laquelle je ne me fais aucune illusion. Ce contestataire invétéré ne m’aime pas et ne m’aimera jamais. C’est un délinquant sans manières et je le traiterai en délinquant.    Je l’ai à l’oeil et il est mieux de cesser ses attaques contre moi devant ses élèves et devant les autres professeurs comme on me l’a rapporté à plusieurs reprises. Mais au moins, il ne viendra pas verser son venin dans un comité d’évaluation qui aura assez d’objectivité pour reconnaître mes réalisations. On m’a informée qu’il se préparait à demander à voir les factures des dépenses d’un voyage en Afrique du nord, les miennes et celles du Directeur des ressources matérielles. C’est insupportable.  Une employée du département des ressources matérielles qui est de leurs amis a commencé à fouiner en ouvrant une enveloppe où se trouvaient des reçus de nos dépenses. Elle a eu une lettre à son dossier, ça lui apprendra. Je sais ce qu’elle cherchait.

Je tiens à un renouvellement de mandat pour cinq autres années et je prendrai les moyens pour l’obtenir. Boutefeu m’a ridiculisée devant tous les membres du Conseil d’administration en montrant que la résolution du Conseil exécutif qui le blâmait de sa lettre-bilan de l’an 1 était illégale parce qu’adoptée par deux membres sur cinq donc sans quorum. La page du procès-verbal qui contenait cette résolution a donc été retirée et a été considérée comme n’ayant jamais existé. J’ai perdu la face et, évidemment, tous les membres du personnel en ont été informés. J’entends des rires dans les corridors et dans mes cauchemars. J’ai quand même atteint mon but: il ne fait plus partie du comité d’évaluation de la Directrice générale. Malheureusement, il a été remplacé par l’Ingénieur, un professeur de génie électrique qui est plus fatigant que lui surtout quand il pose des questions sur le budget. J’ai dû trouver une autre astuce pour m’en débarrasser. Etant donné que ce comité donne des avis sur le bonus de 6% que peuvent recevoir les deux hors-cadres, aucun employé ne peut siéger sur ce comité. Exit l’Ingénieur. On est en guerre: je suis certaine qu’ils ne veulent pas que mon mandat soit renouvelé.

Revenant à Vénus, déesse de l’amour, on me reproche d’essayer de séduire en prêtant des ordinateurs aux enseignants. J’ai eu le malheur d’écrire que, après un an, le coup de foudre est maintenant terminé. J’entretiendrais des rapports passionnels avec le personnel et avec le Collège. Paraît-il que je suis partisane de la pensée unique et que je ne peux supporter l’opposition. Il est vrai que je suis assez lucide pour ne pas perdre mon temps à essayer de convaincre des gens qui ne penseront jamais comme moi, des gens qui manquent d’envergure et qui me détestent. J’exerce du leadership et je n’accepte pas qu’on s’oppose à moi. On m’accuse aussi de ne pas respecter la démocratie. Toutes ces critiques proviennent de gens qui n’ont jamais rien administré.

En juin 1998, j'ai donné une longue entrevue à la rédactrice en chef du journal local pour faire le bilan de ma première année et répliquer aux attaques dont je suis l'objet. J'ai montré que ce fut une année de grandes réalisations. La journaliste a noté que je déplore visiblement que des incidents aient perturbé la vie du collège, notamment la dissidence des étudiants et des professeurs envers certaines propositions. Le titre de l'article accompagné de ma photo: Pour se développer, le collège devra éliminer louvoiement et campagnes de dénigrement. A propos des quatre nouvelles voies de sortie dont nous sommes fiers, le collège s'est montré généreux en les finançant au complet au coût de 160,000 $ pigé dans le bas de laine de 2.4 $ millions. La journaliste a fait un travail honnête en montrant mon dynamisme et mon engagement. Elle a rapporté fidèlement mes propos dans la conclusion de son article. Je me cite. Je suis consciente que tous ces chantiers, la révision des tâches et l'apport de nouveaux outils a demandé beaucoup aux gens. Et ils ont collaboré pour qu'on y arrive. On va maintenant se donner du temps pour tout intégrer. Le rythme devrait changer un peu. L'équipe a toujours fait le travail qu'on lui demandait. La population a vu le changement qui s'opère parce qu'on a a coeur la réussite de nos étudiants, ce qui est d'ailleurs au centre de notre projet éducatif. Et je voudrais que tout continue sans louvoiement, sans campagne de dénigrement.

Un de mes agents doubles m'a rapporté que Boutefeu a fait une analyse percutante de mes propos. Il m'accuse de volontairement confondre opposition et critique légitimes avec le dénigrement qui suppose de la mauvaise foi. Quant à l'idée de louvoiement qui décrirait leur attitude de base, il la trouve complètement ridicule et sans fondement et une forme de dénigrement gratuite de leur action.

Ils se sont opposés clairement à la privatisation de la cafétéria, à la diminution de quatre enseignants comme ressources qui seraient détournées pour financer le Centre de technologies, au financement par les enseignants de quatre nouvelles voies de sorties. Alors où est le louvoiement? Ils considèrent que mes propos sont provocateurs, calomniateurs et malhonnêtes intellectuellement. Selon eux, ce que je dis, c'est n'importe quoi. La cafétéria ne sera pas privatisée, j'ai financé complètement les quatre nouvelles voies de sortie et j'ai cédé sur les quatre enseignants: ils ont gagné sur toute la ligne alors qu'ont-ils à chialer. Pour quelqu'un à qui on essaie de faire une réputation de pensée unique, je me suis montrée pas mal souple. Je suis très contente de cet article du journal local. J'y projette l'image d'une femme dynamique, articulée et raisonnable, ce que je suis d'ailleurs. Pas surprenant que mes opposants (systématiques) soient de mauvaise humeur. C'est un signe que c'était un excellent article. Ils se rendent compte que je suis capable de me défendre. Ils vont finir par me respecter: ils n'auront pas le choix. Mes réalisations auront le dernier mot devant ces dénigreurs professionnels pour des raisons politiques qui remontent à loin.

Je suis une bâtisseuse. J’adore les rénovations et le collège en avait bien besoin. Transformation de locaux, changements de meubles, peinture harmonisée, quel plaisir de faire du collège un grand chantier de construction et de rénover avec goût pour que les lieux de travail soient à la fois fonctionnels et agréables! J’aime travailler entourée de beauté. Une belle grande table en chêne pour les réunions du CA et du CRT, ça sent bon et ça réjouit l’oeil. Je me suis lancé aussi dans un vaste programme d’achat d’ordinateurs pour les élèves qui nous place à la fine pointe de la technologie. Je veux implanter un nouveau programme en environnement et l’Ebéniste, un professeur de biologie  (actuellement président du syndicat) qui comprend les intérêts du collège, a fait un travail colossal: avec compétence, il a conçu tout un programme et rédigé les plans d’études d’une quinzaine de cours que nous avons présentés au Ministère. Après de nombreuses démarches où le Directeur des études ne m’a guère impressionnée, les fonctionnaires ont autorisé un programme en environnement-santé et sécurité qui se donne déjà dans d’autres collèges. Je voulais un vrai programme en environnement basé sur les sciences de la nature et qui serait unique pour attirer de la clientèle de l’extérieur de la région. Les fonctionnaires bornés n’ont rien voulu savoir. Ces fonctionnaires sont des gens qui voient petit. Ils ne croient pas qu’on peut attirer à notre collège des élèves d’autres régions. Nous avons dû nous contenter d’un programme de santé et sécurité qui se sert du mot environnement pour attirer des élèves. Le Ministre de l’Education du gouvernement du Parti québécois, suite à mes pressions, a autorisé un investissement de plus d’un million de dollars pour rénover le sous-sol et nous équiper.

Pour faire de mon collège un lieu d’excellence et de réussite,  nous avons conçu et rédigé un projet éducatif fondé sur des valeurs universelles. Il faut des enseignants compétents, dévoués et disponibles qui ne passent pas leur temps à m’attaquer pendant leurs cours et qui respectent leur plan de cours. Dans des visites surprises dans les locaux de professeurs, je me suis aperçue du peu de disponibilité de certains enseignants. Ce n’est pas la majorité mais ils nuisent à la réputation du collège. J’ai alors donné l’ordre à l’adjoint à l’organisation scolaire, qui fabrique les horaires, de distribuer les cours sur un minimum de quatre jours et même cinq jours pour assurer la présence des enseignants au collège. Le Littéraire, à ma demande, aura un horaire sur cinq jours même si cela a pour conséquence de donner un horaire sur cinq jours à une jeune mère de famille qui a trois enfants en bas âge qui demeure à Longueuil, ce qui va contre la conciliation travail-famille qui est inscrite dans la convention collective. D’autre part,  montrant un peu trop de zèle, avec sa maladresse habituelle, Grandpied demanda aux secrétaires de vérifier si les enseignants donnaient leurs cours de la première minute à la dernière minute de leur horaire et dans le local prédéterminé. Les six secrétaires visées ont refusé cette tâche non prévue à la convention collective du personnel de soutien et je les comprends. Elles n’ont aucun intérêt à provoquer des situations de conflit avec les enseignants. Espérons quand même que cette initiative prise en septembre 1999 par l’adjoint à l’organisation scolaire enverra un message clair aux personnes concernées. En avril 1999, j’avais demandé à l’Adjointe aux programmes de vérifier la présence en classe du Littéraire pour lui rappeler ses devoirs d’enseignant lui qui se donne le droit de juger négativement toutes mes initiatives. Malheureusement, il se méfiait et avait toutes les réponses aux questions sur ses déplacements de locaux. Il se servira sans doute de cette vérification pour  m’accuser de harcèlement. Mais nous ne faisons que notre devoir. Il y a toutes sortes de rumeurs qui circulent à son sujet. En tant qu'ancien, il en prend pas mal large. Quelques mois plut tôt, j’ai demandé à l’Adjointe d’aller faire remplir un questionnaire par les élèves de bureautique pour évaluer son enseignement. Comme les cours avaient eu lieu trois mois auparavant, les enseignantes de bureautique d'habitude plus dociles, refusèrent. J’essayais d’avoir des armes contre lui suite à un malentendu à propos du moment où devait cesser la coupure des salaires de 2.5% du gouvernement Bouchard.  Les sept membres du CRT ont écrit une lettre aux membres du Conseil d’administration pour dénoncer le fait que nous voulions faire cesser la coupure en avril, au moment de la signature de la nouvelle convention, au lieu d’en janvier comme cela avait été convenu, paraît-il, au niveau national. Nous avons immédiatement corrigé l’erreur faite de bonne foi mais il en ont profité pour en faire une grosse histoire, comme d’habitude. Pour eux, c'est une preuve de plus de notre incompétence. Nous n’avons pas le droit à l’erreur. A chaque occasion qui se présente, ils en profitent pour souligner ce qu'ils appellent sans ménagement notre incompétence ou notre manque de jugement. Et, de vive voix, ils disent à tout le monde: Regardez comme ces femmes savantes sont ridicules. Elles pensent que n'importe qui peut s'improviser administrateur. Toujours des mots blessants. Je crois qu’ils sont misogynes. Avec  des citations de  Montaigne, Mme de Lafayette ou Molière qui mettent du piquant et du brio à leurs critiques incessantes.

Assez, c’est assez. Pour remplacer mon choix de juin 1997, je n’aurai pas engagé une directrice des ressources humaines avocate pour rien. Comme membre du comité d'évaluation du directeur des études que mes adversaires nomment Le Soumis, j’ai lu l’évaluation du directeur des études écrite par l’exécutif du syndicat des enseignants formé de l’Ebéniste (président), du Politique (vice-président), du Littéraire (v.p.) et de l’Irlandais (sec.-trés.) C’est inacceptable. On m’attaque directement en me blâmant sur la base de nombreux comportements du directeur des études. On lui reproche de faire la belle devant sa souveraine.  On se prépare à m’évaluer de la même façon. L’objectif est le même: ne pas renouveler le mandat des hors-cadres. Mes ennemis prendront tous les moyens pour atteindre cet objectif politique. Ce sont des conspirateurs mais je ne les laisserai pas faire. Un de mes espions enseignant qui est vulnérable à cause de conflits dans son département de philosophie et qui me trouve à son goût vient de m’apprendre que ce rapport confidentiel d’évaluation du directeur des études a été lu à haute voix en assemblée syndicale devant une trentaine d'enseignants par l’Irlandais, un professeur d’anglais qui est membre de l’exécutif du syndicat, avec tous les talents oratoires qu’on lui connaît, à la demande expresse d’un membre du syndicat. Paraît-il qu’on pouvait entendre une mouche voler dans la classe où avait lieu l’assemblée syndicale et que ça fessait. C’est un texte virulent extrêmement convaincant m’a-t-on dit. Il a été écrit comme un pamphlet par le Littéraire et l'Irlandais. Ces gens-là savent écrire.  Donc, on m’attaque ouvertement et on se prépare à m’évaluer négativement. Je me sens menacée. Une campagne de salissage est en cours. Cela ne se passera pas comme ça. Ces individus vont voir de quel bois je me chauffe. C’est la guerre.

L’occasion de frapper fort m’a été fournie le 24 janvier 2001 quand l’exécutif du syndicat des enseignants a fait l’erreur d’accuser par écrit le directeur des études de double incompétence et de manque de jugement dans le dossier des conditions d’admission à l’examen de reprise avec un tableau qui montre qu’avec les règles en cours, aucun élève n’a accès aux examens de reprise. On nous couvre de ridicule. Cette déclaration syndicale anti-administration a été envoyée à tous les enseignants et aux autres syndicats du collège.  Aux grands maux, les grands remèdes. L’avocate Directrice des ressources humaines a contacté le contentieux de la Fédération des collèges qui fut d’accord pour envoyer aux quatre membres de l’exécutif des enseignants une mise en demeure de se rétracter, de retirer leurs propos injustifiés, diffamatoires et inacceptables et de présenter leurs excuses au directeur des études dans les cinq jours ouvrables. Cette demande de faire des excuses va les énerver ça c’est certain. Ils diront: c’est eux qui se trompent et c’est nous qui devons nous excuser. Attendons la suite. Je suis certaine qu’ils refuseront de s’excuser. Nous serons alors justifiés de les poursuivre en diffamation. On va leur clouer le bec. De toute urgence, je dois créer un rapport de forces sinon ils vont me manger tout rond.

Au lieu d’obtempérer sans ambiguïté, pendant trois mois, l’exécutif du syndicat des enseignants a joué au chat et à la souris, a menacé de m’évaluer pour régler mon cas, a retiré ses propos sans les retirer et a dit les regretter mais sans présenter des excuses sincères avec une citation de Montaigne qui aggrave leur situation. Voici l’extrait insultant des Essais:

Nous devons la sujétion et l’obéissance à tous rois, car elle regarde leur office: mais l’estimation, non plus que l’affection, nous ne la devons qu’à leur vertu. Donnons à l’ordre politique de les souffrir patiemment indignes, de celer leurs vices, d’aider de notre recommandation leurs actions indifférentes pendant que leur autorité a besoin de notre appui.

Cette citation apparaît en exergue d'une fausse lettre d'excuses envoyée à tous les enseignants, aux autres syndicats, aux membres du Conseil d'administration de manière à ce qu'elle me nuise le plus possible. Elle affirme qu’ils n’ont pas le choix d’admettre notre autorité qui est rattachée à notre fonction. Mais que leur estime et même leur affection, nous n’y avons pas droit parce que nous sommes sans vertu, tyrannique, indigne et pleine de vices et, sous entendu, ils nous toléreront mais tout en faisant tout pour que notre mandat ne soit pas renouvelé. De quels vices s’agit-il? Quand on parle de vices, on pense sûrement au sexe ou à la boisson  et sûrement aussi, dans le cas présent, à l’autoritarisme ou à la corruption. Le mot vice est un mot qui parle à l’imagination. Nos actions sont indifférentes, selon eux, car nous sommes inconscientes du mal que nous faisons. Cette citation a été lue par tout le personnel et relue pour la comprendre dans toutes ses implications. Et, évidemment, le Littéraire, qui l’avait dénichée dans un des trois tomes des Essais dans la collection Folio de Gallimard, s’est fait un devoir de mettre les points sur les i et d’expliquer avec application la citation de Montaigne à quiconque manifestait le moindre intérêt.  Il se promène dans tout le collège en insistant sur notre indignité et c'est un excellent professeur. Paraît-il qu'il s'amuse beaucoup et il se félicite de faire connaître un grand écrivain.  De quels vices parlent-ils? Ils se cachent derrière Montaigne pour dire des choses inadmissibles.  Ils veulent la guerre. Ils l’auront et qu’ils ne viennent pas se plaindre par la suite.

Comme la Fédération des collèges a refusé de nous suivre, nous avons fait appel aux services d’un excellent avocat local, belliqueux, baveux et agressif comme je les aime, spécialiste des divorces et des situations conflictuelles. Cet avocat va nous coûter cher mais ça en vaut la peine. Et puis, ce n’est pas grave, c'est le Collège qui va payer. Mais si on gagne, c'est le syndicat qui paiera tous les frais de notre avocat. Le 3 mai 2001, sous mon impulsion et sous mes ordres, le directeur des études et le Collège ont envoyé à chacun des quatre membres de l’exécutif du syndicat des enseignants, personnellement, par huissier, une poursuite en Cour supérieure de 80,000 $ pour avoir tenu envers le requérant des propos diffamatoires et méprisants. Ils ont reçu cette poursuite le 15 mai 2001, peu de jours avant les vacances d’été. J’espère que ça va leur gâcher leurs vacances. Nous allons nous faire respecter. Ils veulent détruire notre crédibilité. Et bien, ils vont subir les conséquences de leur outrecuidance.

Les quatre membres de l’exécutif du syndicat des enseignants, ce 14 juin 2001, viennent de porter plainte contre le Collège (donc contre moi) en vertu de l’article 15 du code du travail. Ils prétendent que la poursuite du Directeur des études et du Collège est une mesure de représailles de la part de l’Employeur suite à l’exercice normal de leur rôle d’officier syndical tel qu’exercé dans la lettre du 24 janvier 2001 concernant une décision d’ordre pédagogique affectant la vie des enseignants et des élèves. Ils réclament chacun 5,000 $ pour atteinte à leurs droits, soit   20,000 $ plus les frais d’avocat. Mesure de représailles? On verra bien. C’est une façon syndicale de voir les choses qui tombera à l’eau si le juge de la Cour supérieure reconnaît qu’il y a eu diffamation. Une lutte serrée est engagée. Notre avocat en qui j’ai une grande confiance affirme que nous avons une bonne cause. Selon son analyse basée sur une longue expérience, un juge de la Cour supérieure, étant donné son âge et ses antécédents politiques, sera porté à blâmer des enseignants qui n’ont aucun respect de leurs Supérieurs et de l’Autorité et qui insultent par écrit et publiquement le Directeur des études en le traitant d’incompétent, de doublement incompétent et en l’accusant de manquer de jugement. Un juge pensera qu’une institution ne peut fonctionner si les employés essaient constamment de détruire la crédibilité de la Direction. Nous nous servirons de l’article 2088 du Code civil qui oblige un employé à un devoir de loyauté envers son employeur. Selon notre avocat, ces enseignants sont dans le pétrin. Il se frotte les mains. Selon lui et je crois qu'il a raison, nous avons une très bonne cause. Nous ne pouvons pas perdre. Et c'est le syndicat qui paiera les frais de notre avocat qui pourraient s’élever à 50,000 $ en plus d'une amende pour atteinte à la réputation du Directeur des études. Ça pourrait leur coûter 130,000 $ plus les frais de leur avocat. Mes espions m’ont informée que cette poursuite les a complètement déstabilisés. C’était mon but. Ils me traitent de folle à lier. C'est bon signe. Enfin, je prends le dessus. Je vais les écraser: c'est ce qu'ils méritent.

Je suis aux oiseaux et cette expression n’est pas une allusion au fait que mon ennemi dit Boutefeu,  dit Le Littéraire, entre autres amabilités, m’appelle tyran tri tri, oiseau belliqueux qui ne tolère personne dans son entourage. Le Littéraire est un des deux représentants des enseignants au Conseil d’administration avec l'Ingénieur. Pauvre lui, il vient de faire une gaffe majeure. Cette fois-là, nous allons l’avoir. Il ne s’en sortira pas. Nous avions décidé d’exclure le Littéraire du Conseil d’administration parce qu’il était l’objet d’une poursuite judiciaire de la part du Directeur des études et du Collège; selon nous, il n’était plus digne de siéger au Conseil du moins jusqu’à ce que la cause ne soit jugée. Le soir même, les prenant par surprise, on a donc ajouté un point à l’ordre du jour de la réunion ordinaire du Conseil du 19 juin 2001: implication des membres du C.A., pour pouvoir faire une proposition d’exclusion du Littéraire. Or, il ne fut pas nécessaire de voter sur cette résolution. Il s’est passé quelque chose de plus grave. Il s'est exclu lui-même du Conseil d'administration en tenant des propos inacceptables. Cet administrateur a posé des questions sur le budget pour pouvoir m’accuser de ne pas avoir respecté une promesse que j’aurais faite à des enseignants du programme d’Arts et Lettres d’acheter des ordinateurs pour faire du multimédia. Je ne me souviens pas exactement de ce qu’il a dit mais cela se rapproche de ceci: quand vous avez fait cette promesse dans une réunion, vous étiez à jeun point d'exclamation! Autrement dit, votre promesse était, en quelque sorte, une promesse d'ivrogne.  J'ai compris et je ne suis pas la seule, qu'il me traitait d'alcoolique. Ah! c’était donc ça les vices dont parlait la citation de Montaigne. J’ai immédiatement exigé qu’il retire ses paroles diffamantes et il l’a fait avec sa désinvolture habituelle sans aucune sincérité. Encore un peu et il me traitait d’hystérique, moi qui étais l’offensée. A jeun? Qu’est-ce que ça vient faire dans une discussion sur le budget du Collège? Peu importe ce qu’il a voulu dire, ce que j’ai compris est insultant et indigne d’un membre du Conseil d’administration. Le fin lettré comme l’appelle ironiquement le Directeur des études vient de faire une bêtise qu’il paiera cher.  Je vais lui  apprendre à vivre. Je vais le chasser du Conseil d’administration et je vais le chasser du collège en le poursuivant pour diffamation pour l’obliger à prendre sa retraite. Il enseigne au collège depuis 1969. Il est temps qu’il laisse sa place aux jeunes. Il nous a assez écoeurés.

Par courrier recommandé, le 27 juin 2001, le Littéraire représentant des enseignants au Conseil d’administration a été relevé de ses fonctions d’administrateur du Collège. Avec la directrice des ressources humaines, le directeur des études et le président du C.A., nous avons bien pesé nos mots. Les voici: Les propos que vous avez tenus envers notre directrice générale durant l’assemblée ordinaire du 19 juin dernier constituent un manquement grave qui porte atteinte à notre institution et à un de ses administrateurs et qui a entraîné le dépôt d’une plainte en vertu du Code d’éthique.

Cela veut dire que l’exécutif du Conseil a adopté ma version des faits et que des membres du Conseil d’administration viendront témoigner en ma faveur au procès. C’est important de le souligner. Ce même jour, mercredi le 27 juin, mon avocat a envoyé, par huissier, à cet enseignant, à son domicile à Longueuil, une mise en demeure réclamant 150,000 $ en dommages, en mon nom et au nom du Collège, Cette mise en demeure déclare: Vous avez, malicieusement et dans le but de nuire, tenu à  l’endroit de la Directrice générale des propos méprisants, mensongers et hautement diffamatoires, le tout dans les circonstances que vous connaissez. Votre attitude a gravement porté atteinte à sa dignité et réputation.

L’étau se resserre. Le Littéraire sera bientôt forcé de prendre sa retraite en échange du retrait des poursuites car je le poursuivrai. Cela va leur coûter cher en frais d’avocats. J’espère que la Fédération des syndicats refusera de payer pour le défendre puisqu’il agissait comme administrateur et non comme syndiqué ou comme membre de l’exécutif du syndicat. J’aimerais bien être un petit oiseau pour assister aux débats quant à savoir si c’est la Fédération qui paiera les frais d’avocat ou bien le syndicat local. Peut-être, je le souhaite,  que les deux refuseront de payer. Paraît-il qu’il va demander au Collège de payer ses frais d’avocat étant donné qu’il a agi en tant qu’administrateur, membre du Conseil d’administration du Collège au même titre que moi. Puisque le Collège paie mes frais d’avocat comme membre du Conseil, le Collège devrait aussi payer ses frais d’avocat puisqu’il est membre du Conseil d’administration autant que je le suis. Avant qu’un juge n’ait tranché. on doit présumer qu’il est innocent.  Il a commencé à faire des représentations auprès du Directeur des ressources matérielles qui l’a reçu froidement. Le Collège ne paiera pas les frais d’avocat de ce mécréant.  Le Collège paiera mes frais juridiques, et c’est parfaitement normal et légitime: nous avons le droit de nous défendre contre de si basses attaques. En temps normal, je sais qu’une administration ne doit pas se servir des Tribunaux mais avec ce triste individu, rien n’est normal. Aux grands maux, les grands remèdes. De toutes façons, si le Juge nous donne raison, comme c'est presque sûr,  ce sera avec dépens et ils auront à payer tous nos frais d’avocat qui s’élèveront à plus de 50,000 $ en plus d'avoir à payer une amende substantielle pour atteinte à la réputation. Quand ils auront à exiger des membres de tous les syndicats de la Fédération une cotisation spéciale pour payer les dommages et intérêts des deux poursuites et nos frais d’avocats, ils comprendront enfin qu’on ne joue pas impunément avec la réputation des hors-cadres, le Directeur des études et la Directrice générale d’un collège. Cela leur servira de leçon. Ils seront un peu moins arrogants après et nous montreront un peu de respect. On pourrait aboutir à des amendes aboutissant à  la rondelette somme de 300,000 $. Ils verront qu'abuser de la liberté d'expression, ça peut coûter cher.

De nombreux témoignages de sympathie me sont parvenus au Collège, malgré les vacances, de la part d’employés, de cadres, d’amis et de connaissances qui ont à coeur ma réussite comme directrice générale. On emploie les mots les plus sévères pour blâmer la conduite de Boutefeu qui est maintenant connue de beaucoup de monde. Ce qui se répand, c’est qu’il m’a traité d’alcoolique pendant un conseil d’administration.  Le bouche à oreille est très efficace. Plus cette insulte se répand, plus ça lui coûtera cher.  D’ailleurs, m’a-t-on dit, ça fait longtemps que ce pamphlétaire joue avec le feu. Au moment de la publication de son premier livre, les industriels de la région attaqués vicieusement avaient pensé à le poursuivre mais ils ont reculé de peur d’en faire un martyr du séparatisme. Ce n’est pas parce qu’on est docteur en lettres qu’on peut se permettre de dire n’importe quoi et de diffamer des personnes sincères, respectables et dévouées qui ont pour seul tort de ne pas partager vos idées politiques.

Le Littéraire a vite contre-attaqué. Le 3 juillet, j’ai reçu une lettre adressée aux 19 personnes présentes au Conseil d’administration du 19 juin 2001 où il note en détail les mots utilisés lors de ses questions sur le budget mais au moment où il rapporte les mots utilisés dans son accusation à l’effet que je n’aurais pas respecté un engagement que j’avais pris d’acheter des ordinateurs en Arts et Lettres, selon lui, lors de l’accueil du personnel à l’automne 2000, il prend bien soin de ne rien mettre par écrit sur l’insulte qu’il m’a faite. Il souligne qu’il se réfère à l’accueil du personnel où il y a de la bière et du vin pour justifier l’emploi de l’expression à jeun qui, de toutes façons, était totalement inappropriée et qui lui a sans doute échappé dans le feu de l’action. Il essaie de  minimiser mais c'est en vain car il recevra bientôt sur la gueule une poursuite en diffamation que nous sommes en train de planifier. Peu importe ce qu’il a dit et son intention, il a fait une gaffe monumentale et nous la lui ferons regretter. Laissons-lui le temps de s’inquiéter et d’avoir peur et prenons plaisir à lui gâcher ses vacances. Mes espions m’ont informée qu’il se sent mal. Il voit le danger et il est très inquiet. Il a organisé une réunion d’urgence de l’exécutif du syndicat en plein été pour obtenir une promesse formelle d’appui financier qui sera entérinée par l’assemblée générale cet automne. Paraît-il que les trois autres membres de l’exécutif du syndicat n’ont pas beaucoup apprécié se faire déranger en pleines vacances. Pour un enseignant, les vacances, c’est sacré.  Il sait qu’il a dit une connerie et il sait que je la lui ferai payer cher. Ce sera la fin de sa double carrière de syndicaliste et d’enseignant. Ce maudit séparatiste prétentieux arrogant de Montréal qui se croit supérieur à tout le monde et qui nous traite de parvenus mercantiles, de prétentieux et de satisfaits du statu quo, j’aurai sa peau, je vais l’écraser, l’écrapouiller, le détruire et en faire de la compote. Excusez-moi.

Le 6 août 2001, mon avocat m’a fait signer une requête en diffamation, atteinte à la réputation et dommages réclamant 100,000 $ pour les dommages que j’ai subis; le Collège réclame aussi 70,000 $ pour dommages. La requête, signifiée par huissier, sera présentée à la fin d’août devant un juge de la Cour supérieure au Palais de justice. On verra bien si un membre du conseil d’administration d’un collège a le droit de laisser clairement entendre que la directrice générale, de façon courante, travaillait en boisson, était paquetée comme dira notre avocat et, que, conséquemment, ses décisions étaient douteuses. On verra bien s’il y a une justice au Québec. Ça leur coûtera 170,000 $ pour avoir attaqué ma réputation et nui au Collège. Je vais mettre le syndicat dans la rue et son vice-président à la porte. Je répands partout ce qu'il a dit et tout le monde est scandalisé et me presse de me défendre. Ne le manque surtout pas! Qu’il s’en retourne à Longueuil et qu’il y reste! est ce que j’entends le plus souvent de la part de mes nombreux amis qui n’acceptent pas qu’un étranger montre autant d’effronterie.

La conte-attaque syndicale a commencé. Le 29 août 2001, les douze coordonnateurs de département sous l'impulsion de l'Irlandais et de l'Ebéniste qui sont coordonnateurs du département de Langues modernes et des Sciences ont envoyé une lettre aux membres du Conseil d’administration. En voici le contenu.
L’assemblée des coordonnateurs et coordonnatrices de département dénonce le type de gestion par judiciarisation des relations de travail au Cégep. En conséquence, l’assemblée demande au conseil d’administration de prendre les mesures nécessaires afin de mettre un terme à l’utilisation des moyens juridiques dans la gestion du Collège. D’autre part, comme je le redoutais, l’assemblée générale du syndicat des enseignants a donné à son exécutif le mandat de procéder à une évaluation exhaustive de mon premier mandat avec un long questionnaire à remplir par chacun des enseignants avec la possibilité de faire des commentaires critiques. Une rumeur circule à l’effet que l’Etudiante Lorraine B. collabore avec le syndicat des enseignants. Elle a de l’admiration pour le Littéraire qui lui a fait lire l’Oeuvre au noir de Marguerite Yourcenar. Hélas! les poursuites contribuent à les motiver encore plus et me font un tort considérable car les enseignants les désapprouvent. Je me sens menacée. L’assemblée syndicale a voté aussi le mandat de boycotter toutes les activités non prévues à la convention collective pour protester contre les poursuites. Mes espions, dont certains sont des enseignants, m’ont dit que la Fédération paiera tous les frais d’avocat des membres de l’exécutif du syndicat et les frais d’avocat du Littéraire  qui pourtant est poursuivi comme administrateur, de telle sorte qu’ils n’ont plus rien à craindre. Je me demande si je ne devrais pas retirer la poursuite contre l’exécutif du syndicat pour ne garder que celle contre le Littéraire. J’y pense sérieusement.

Je commence à recevoir des avis non sollicités. Chaque fois que j’ai à rencontrer un enseignant, celui-ci, après avoir réglé le sujet principal de sa visite, me dit poliment que je fais fausse route avec les poursuites. Que l’administration avait tort sur les examens de reprise et devrait le reconnaître humblement. Que le programme d'Arts et Lettres a un besoin urgent d'ordinateurs. Que le Littéraire est de bonne foi et veut le bien du collège. Que ma poursuite personnelle contre lui est absurde car celui-ci n’a pas dit ce que je prétends qu’il a dit et n’a pas le sens que je lui donne: personne, de bonne foi, ne croit que je suis alcoolique. Ce n’est pas son genre d’attaquer les administrateurs à partir de leur vie privée. Que dans une région de tire-bouchons, personne ne lève le nez sur la boisson et que ce n'est pas un problème. Et que, de toutes façons, il n’est pas du genre à juger les gens et à jouer les moralisateurs. En trente ans, il n’a jamais attaqué la personne d’un administrateur et pourtant Dieu sait s’il en a eu des conflits. Une seule fois il est allé sur un terrain glissant en informant tout le monde qu’un directeur des études qui faisait prendre les présences à l’entrée de l’auditorium et qui s’était déclaré malade au lieu de prendre la parole comme prévu lors d’une journée pédagogique avait été vu le jour même chez Rona (par le Théâtral qui l’avait dénoncé, le Grammairien servant de messager) et s’était esquivé rapidement lorsqu’il avait constaté qu’il avait été vu. Tout le monde défend le Littéraire, je n'en reviens pas. Même ceux qui disent ne pas être de ses amis me désapprouvent. Même les enseignants retraités s’en mêlent. On me dit de penser au bien commun du Collège et d’envisager les conséquences: le Collège est déjà en plein malaise car j’abuse de mon pouvoir; l’image du Collège sera affectée avec une baisse possible de clientèle car tout le monde est au courant du conflit et tout le monde en parle dans la région même si le journal local n’en parle plus à cause du sub judice. Certains m’accusent d’avoir fait des poursuites pour empêcher le journal local de parler des problèmes du collège. On me dit que des contacts sont pris pour que le conflit soit révélé au niveau national dans les grands journaux ce qui pourrait nuire considérablement à la réputation du collège. Beaucoup de gens disent que je gaspille l’argent des contribuables en frais d’avocat. On nous soupçonne même de prolonger le conflit pour enrichir l’avocat local qui serait de nos amis ou, du moins, l’ami de l’Avocate de service. Ça devient lourd. Le Littéraire est loin d’être isolé. Je constate qu’il jouit d’une certaine popularité. Malgré ses gros défauts, le Littéraire est estimé. Ceux qui ont lu ses livres ou qui partagent son option politique l'admirent. Les milieux ouvriers aiment son style baveux. On aime son style irrespectueux et irrévérencieux. Les ouvriers aiment bien quelqu'un qui écoeure les bourgeois. Les indépendantistes de la région ont du respect pour son engagement politique. On dit ouvertement que je suis sur son dos parce que je suis jalouse de sa culture. Selon eux, je suis une maudite libérale qui abuse de son pouvoir de directrice pour faire de la petite politique partisane. L'affaire prend de l'ampleur: je ne suis pas certaine que j'en sortirai gagnante. Le climat au collège est de plus en plus lourd. Les enseignants en très grande majorité refusent de participer à  tout ce que j'organise. A 95%, ils boycottent tout. C'est frustrant.

A cause du projet des enseignants de m’évaluer, j’ai accéléré le processus de mon renouvellement de mandat par le Conseil d’administration. Le syndicat des enseignants n’aura pas terminé son évaluation et mon mandat sera renouvelé pour cinq autres années. C’est moi qui contrôle le Conseil d’administration, pas eux. Je les aurai déjoués.

Le 10 octobre 2001, pour échapper aux questions du Comité d’éthique et de déontologie du Conseil d’administration, le Littéraire qui représente les enseignants a démissionné du Conseil et envoyé sa lettre de démission à tous les enseignants et aux membres du C.A. Il en profite, évidemment, pour m’attaquer personnellement. Le Littéraire me reproche de sous-financer les programmes de Sciences humaines, de Sciences de la nature et surtout d’Arts et Lettres puisque ce programme n’a pas encore ses ordinateurs (une dépense de 25,000 $) même s’il y a plus de 650,000 $ dans la réserve accumulée du Collège. Sous-entendu, je favorise les programmes techniques au détriment des programmes pré-universitaires. Cette administration, écrit-il, qui, pourtant ne se gêne pas pour dépenser des fonds publics en poursuites frivoles. Pour cette administration, la fin justifie les moyens comme on l’a vu dans la menace d’aller en appel d’offres dans le dossier de la cafétéria et comme on le voit dans la judiciarisation des relations de travail dénoncée à l’unanimité par les douze coordonnateurs de départements. Ce qui est grave, c’est que La Direction n’a pas l’air de se rendre compte que ces méthodes d’intimidation pourrissent notre climat de travail. 

Ce qui est terrible, c’est que je constate que la très forte majorité des employés, cadres, professionnels, soutien et enseignants pensent comme lui. Il termine par un coup bas au Président du conseil à qui la lettre de démission est adressée: Je démissionne comme membre du Conseil d’administration que vous co-présidez avec la directrice générale. Sous-entendu, si je co-préside, lui, il ne préside pas de façon autonome. Il est donc dominé par moi.  Peu importe, j'ai forcé Boutefeu à démissionner comme représentant des enseignants: me voilà débarrassée d’un adversaire qui n’avait pas sa place au Conseil d’administration de mon collège et qui posait des questions déstabilisantes sur les dépenses et surtout l’International. Une rumeur circule à l’effet que nous avons poursuivi le syndicat des enseignants et que nous avons chassé le Littéraire (vice-président du  syndicat) du C.A. parce que nous avons des choses à cacher. Nous tenterions de faire diversion et d’occuper l’exécutif du syndicat pour les empêcher d’aller au fond des choses du point de vue des frais de représentation, des voyages et ce qu’ils appellent les combines autour de l’International. Quelles combines? On répand toutes sortes de rumeurs affriolantes.

L’avocat syndical conteste ma requête en diffamation ( le 24 octobre 2001) en prétendant que l’enseignant n’a jamais traité la requérante d’alcoolique et que c’est moi qui ai fait la diffusion de propos que l’intimé n’avait pas tenus et que je suis la seule responsable de la diffusion de propos erronés. Ma réclamation est donc abusive et grossièrement exagérée et la poursuite frivole. C’est l’arroseur arrosé. S’il y a procès, on trouvera six ou sept témoins qui diront comme le Littéraire et six ou sept témoins qui diront comme moi et on ne sera pas plus avancé. On sera dans un cul-de-sac. La seule façon d’en sortir est de retirer les poursuites mais il n’y a rien de pressé. Attendons. Continuons de les occuper, de les déstabiliser et de les stresser. Ça leur apprendra qu’il y a un prix à payer quand on attaque bassement une femme de pouvoir comme moi.

Mon avocat local, l’avocate directrice des ressources humaines et moi-même avons préparé l’interrogatoire après contestation (the discovery procedure) qui aura lieu le 31 octobre. Ce fut une réunion très fructueuse. Nous avons repassé le déroulement des événements du Conseil d’administration du 19 juin et les paroles qui ont été prononcées par les uns et les autres. Nous avons décidé de ne pas tenir compte de la lettre du 3 juillet du Littéraire où il insiste pour dire qu’il se référait à un accueil du personnel, ce qu’il appellera une fête dans l’interrogatoire du 31 octobre. C’est sa version des événements: nous en avons une autre, c'est tout. Le juge tranchera entre la parole d’une directrice générale estimée de tous et un enseignant délinquant qui ne respecte rien et insulte les administrateurs. Qui croira le juge?  Une personne distinguée, respectable et dévouée comme moi qui a une belle apparence, qui a de la classe, qui a une réputation sans tache et qui s’exprime bien ou cet enseignant mal habillé qui adore insulter les gens surtout ceux qui n’ont pas ses idées politiques et cela depuis toujours, ses écrits le prouvent hors de tout doute. Nous allons présenter contre lui une preuve de caractère qui sera dévastatrice. Il va payer pour son dédain de ceux qu’il appelle des arrivistes, des satisfaits, des mercantiles, des prétentieux.

Dans son interrogatoire du 31 octobre, le Littéraire nie avec fermeté  l’interprétation que nous faisons de ses propos. Il précise qu’il a dit se référer à l’accueil du personnel tandis que moi, je prétends qu’il parlait d’une rencontre en département. Voici, selon lui, ce qu’il a voulu dire: Venez pas me dire que c’est dans l’enthousiasme que procure un bon verre de vin que vous avez promis à mes collègues d’acheter des ordinateurs et que cet enthousiasme circonstanciel vous dispenserait de tenir parole. Quand j’ai affirmé qu’il avait dit: Ce soir-là, vous étiez à jeun, s’il  avait eu une arme dans ses yeux, je serais morte foudroyée.  Ma réaction le soir du 19 juin serait donc le résultat d’une déformation de ses propos. Il a répondu aux questions de mon avocat avec beaucoup d’aplomb et je dirais avec arrogance. Il a du mépris pour les manoeuvres de mon avocat.  Il n’a pas de complexe et personne ne l’impressionne. On voit bien qu'il adore les conflits et les affrontements. (Je me rends compte qu'en l'attaquant, je joue son jeu.)   Quand mon avocat l’a accusé directement et ouvertement d’avoir laissé entendre que j’étais habituellement paquetée quand j’exerçais mes fonctions, il a répondu d’une façon qui ne ment pas: Voyons donc! Vous n’êtes pas sérieux! Je n’ai jamais pensé ni dit cela! Et tout le monde le sait. Est-on devant un malentendu ? Je commence à penser que je me suis énervée pour rien le soir du 19 juin. Tout le monde se demande pourquoi, ce soir-là, j’ai grimpé dans les rideaux pour employer leur expression. C’est vrai que j’étais sur les nerfs parce qu’on avait un problème de quorum et que j’avais décidé d’expulser Le Littéraire du Conseil d’administration. Les deux enseignants membres du Conseil n’avaient qu’à quitter la réunion pour nous empêcher de voter la résolution (car nous n’aurions pas eu quorum) qui exclurait mon ennemi du Conseil d’administration et ils l’ont d’ailleurs fait: ils sont partis au milieu de la réunion et nous n'avons plus eu quorum. C'était le désordre.

J’ai joué mon rôle de victime à la perfection. A la fin des interrogatoires dont les propos ont été notés mot à mot par une sténo, à la sortie de la salle  du Palais de Justice, j’ai pris les mains de Me Jacques L., l’avocat du syndicat,  en lui disant: Je ne suis plus capable de prendre un verre de vin sans être traumatisée. C'était très bien joué. Hélas, mon charme n’a pas opéré. L’avocat a figé et m’a lancé un regard glacial. J’ai bien vu qu’il a pensé que j’en faisais trop. Ils ont dû se dire que je méritais l'Oscar de la meilleure actrice de l'année. Je continue la lutte mais l’option de retirer les poursuites quand elles auront eu leur plein effet est de plus en plus sur la table.

Un des enseignants qui me sert d’espion m’a remis une lettre ouverte non signée (mais on sait d’où ça vient) qui m’est adressée laissée par inadvertance (!) sur un des photocopieurs. Elle est datée du 6 novembre 2001 et s’intitule: Pourquoi ça ne va pas bien au collège. Je pense qu’elle a été laissée volontairement sur le photocopieur pour qu’elle se rende à moi parce qu’ils n’oseront pas la publier. Je la retranscris comme preuve de leur acharnement contre moi et pour qu’on ait une idée du contenu de la campagne de dénigrement dont j’ai été l’objet et qui a conduit 70% des enseignants à s’opposer à mon renouvellement de mandat. Cette accumulation de faits et d’opinions négatives fait de moi une directrice exécrable et je suis bien évidemment tout le contraire de cela: je suis une directrice dévouée qui se tue au travail pour relancer le collège. Telle n’est pas la perception de ces gens-là qui n’ont pas cessé de m’en vouloir après les deux incidents des premiers mois de mon mandat. Aurait-il fallu que je choisisse le Syndicaliste comme Directeur des ressources humaines? Pouvais-je ignorer la plainte qui avait été faite contre Le Littéraire? Dans ce bilan, il n’est pas du tout question de ce que j’ai fait de bien en quatre ans. Vous avez donc une vision partielle, partiale, profondément injuste et foncièrement malhonnête. Pour eux, je ressemble à la méchante sorcière aux ongles longs des films pour enfants de Walt Disney. C’est de la caricature et de la caricature extrêmement hostile. N'oubliez pas que cette lettre n'a jamais été rendue publique. Mais tout ce qu’elle contient a été répété dans des conversations de corridors. Je la reproduis ici comme preuve  de leur hostilité empreinte de mauvaise foi.

"6 novembre 2001  (confidentiel: for private eyes only)

Lettre ouverte à la Directrice générale:  pourquoi ça ne va pas bien au collège.

Madame la Directrice générale,

Un administrateur l’a admis récemment: Ça ne va pas bien actuellement. Nous pensons que vous êtes la principale responsable du mauvais climat de travail qui existe au collège. Et nous avons l’intention de le prouver. Voici une série de faits que vous ne pouvez nier. Voici des paroles que vous avez prononcées et des gestes que vous avez posés qui montrent un manque de respect de votre part, vous qui n’avez que ce mot à la bouche pour dénoncer ceux ou celles qui ne pensent pas comme vous.

1- Par rapport aux employées de la cafétéria, à la gérante et au président du Café du Bourg

* en augmentant le loyer pour le porter à 18,000 $ et en enlevant les revenus des machines distributrices, vous avez provoqué la fermeture du Café-Inn qui est très apprécié de tous mais vous avez laissé croire que cette fermeture était la faute du Café du Bourg;
* lors d’une séance d’information convoquée conjointement avec le président de la coopérative du Café du Bourg en présence de plus d’une centaine de membres du personnel, vous avez manqué de respect envers ces employées en les appelant des petites madames; et le pire, c’est que vous ne vous rendez même pas compte que cette expression est méprisante;
* à cette occasion, vous avez été la seule à prendre la parole; vous avez humilié le président du Café du Bourg en le réduisant au silence et vous avez eu une attitude antidémocratique en essayant de nous imposer votre pensée unique;
* en menaçant d’aller en appel d’offres pour confier la cafétéria à une entreprise privée, vous avez créé pendant un an un sentiment angoissant d’insécurité chez les sept employées en particulier chez la gérante, qui est diététiste, au détriment de leurs conditions de travail et cela, pour quelques dollars et surtout des raisons idéologiques en faveur de l’entreprise privée.
* vous avez créé un sentiment d’insécurité par rapport à la qualité des services alimentaires donnés aux élèves et au personnel.
* vous avez déstabilisé une institution qui fonctionnait très bien depuis 20 ans

2- Par rapport aux employés de soutien

* lors de l’accueil du personnel, au début de ce que vous appelez  l’an 2, le président du syndicat des employés de soutien a eu le courage de lire une lettre de protestation qui n’était pas prévue à l’ordre du jour, pour dénoncer le mépris de la directrice générale à leur endroit puisqu’elle les traite comme des “pions” qu’on peut déplacer à volonté;
* le résultat de vos modifications de l’organigramme: un nombre anormal de congés de maladie;
* il n’y a personne pour accueillir les visiteurs qui arrivent dans l’entrée principale; vous avez déplacé la réceptionniste et distributrice du courrier pour la déstabiliser et l’intimider avant qu’elle ne témoigne lors de l’audition du grief sur l’interception par le Comité de direction d’un courrier syndical, le complément à l’Info-CA, sur le problème de la cafétéria.

3- Par rapport aux élèves

* vous avez imposé une cotisation de 5 $ par session donnée à la Fondation incluse dans le calcul des frais d’inscription et autres, donc camouflée;
* vous avez imposé des frais de toutes sortes: frais de stationnement; frais de polycopie; frais d’utilisation des ordinateurs; notre collège a les frais afférents les plus élevés au Québec

4- Par rapport aux membres de l’exécutif du syndicat des enseignants

- le vice-président du syndicat, professeur de sciences politiques (le Politique)

* vous avez déposé une lettre à son dossier parce qu’il était le co-auteur  avec le Littéraire d’un texte qui critiquait votre gestion de la réserve accumulée de 2.4 millions et votre refus de financer de nouvelles voies de sortie; vous avez retiré cette lettre à son dossier après l’avoir obligé à signer un engagement de ne plus manquer de respect;
* pour l’intimider, vous l’avez menacé d’envoyer le directeur des études lui-même dans ses classes pour l’évaluer; vous avez tout de même envoyé un professionnel pour assister à ses cours et seule une évaluation favorable de ses élèves a fait cesser ce harcèlement.

- le président du syndicat, professeur de biologie (l'Ebéniste)

* en l’an 1, à l’époque où le coup de foudre n’était pas terminé, lors d’un repas convivial, vous avez exigé que 4.2 ETC ( Equivalent Temps Complet) (4.2 enseignants) soient utilisés pour financer vos projets périphériques comme le Centre de transfert au détriment des ressources à l’enseignement;
* alors que l’Ebéniste avait droit à 1 ETC  de dégrèvement pour la réalisation d’un projet de recyclage de matières résiduelles à l’usine Fer et titane, vous lui avez enlevé  .35 ETC qui lui revenait comme président du syndicat;
* parce qu’il a signé le complément à l’Info-CA dénonçant le fonctionnement du Conseil d’administration dans le traitement du problème de la cafétéria, en guise de représailles, vous lui avez refusé l’autorisation de participer à un congrès de trois jours sur l’environnement en lui disant:  Avec moi, c’est donnant-donnant. Cette mentalité mesquine ne vous honore pas.

- le secrétaire-trésorier du syndicat, professeur d’anglais (l'Irlandais)

* lors de l’accueil du personnel à l’automne 2000 dans l’auditorium, vous avez nommé absolument tout le monde (congés, retraités, retours, déplacements, nouveaux enseignants) sauf un: vous avez volontairement oublié l’Irlandais qui était de retour après trois ans d’absence et vous avez négligé de le féliciter pour son recyclage réussi en anglais;
* à la suite de l’article publié dans le journal local sur la poursuite en diffamation de 80,000 $ du Collège contre l’exécutif du syndicat; à la suite de la photo et de l’article publiés dans le même journal sur la remise des bourses par le syndicat à des élèves, vous avez dit qu'il était un cancer et qu’il voulait détruire le collège comme vous l’aviez dit d’un autre membre de l’exécutif syndical  qui a été l’objet privilégié de votre attention.

-le vice-président du syndicat, professeur de français (le Littéraire)

* vous avez déposé une lettre de réprimande à son dossier à cause d’un texte critique dont il était le co-auteur avec le Politique sur votre performance pendant ce que vous avez appelé l’an 1. Vous avez retiré cette lettre de doléances à son dossier en échange de sa démission comme membre du Comité d’évaluation des mandats du Directeur des études et de la Directrice générale (les hors-cadres), ce qui était votre objectif politique. Vous avez aussi exigé qu’il signe un engagement de bonne conduite et de respect;
* à cause de ce texte critique, vous avez manoeuvré de manière à ce qu’il soit suspendu pendant six mois du Conseil d’administration pour manque de respect. Cette suspension était illégale car elle a été votée par un exécutif du Collège qui n’avait pas quorum; la résolution qui accusait le représentant des enseignants de manquements inclus dans le Code d’éthique fut donc biffée du procès-verbal et considérée comme nulle et non avenue. Vos manoeuvres ayant échoué, vous avez modifié la règle du quorum lors des réunions de l’exécutif ou du conseil de discipline ainsi que le règlement 7c qui permet de renouveler votre mandat en novembre et non en mars comme prévu par le règlement. Et vous avez chassé un professeur de génie électrique qui l’avait remplacé au Comité d’évaluation des mandats de manière qu’aucun membre de l’interne ne siège à ce comité;
* Vous avez tenté de le prendre en défaut dans son enseignement et vous avez donné à votre adjointe préférée le mandat de l’espionner systématiquement.  Convoqué par cette adjointe en présence du coordonnateur du département de français, il fut sommé de s’expliquer sur de prétendues absences non motivées ou non expliquées. Dans un cas, il s’agissait d’un congé de maladie: l’information ne s’était pas rendue jusqu’au bureau de l’adjointe qui avait aspiré au poste de directeur des études et que vous vouliez nommer directement sans passer par un comité de sélection. Dans un autre cas, les élèves étaient dans un autre local (C-2103) afin de visionner un vidéo sur le Misanthrope de Molière. Ayant répondu à toutes les questions de l'Adjointe à sa satisfaction, piteusement, elle parla de rumeurs et s’excusa presque d’avoir fait subir un tel interrogatoire à un enseignant qui a donné au collège de bons et loyaux services pendant trente ans. Quelle administration de broche à foin qui se cache derrière des rumeurs ou des pseudo-plaintes anonymes!
* A propos de plaintes, vous avez commencé votre carrière de directrice en convoquant le président du syndicat pour déblatérer contre cet enseignant au lieu de vous adresser directement à lui comme vous auriez dû le faire; c’est un manque d’éthique professionnelle;
* suite au conflit de la cafétéria où le syndicat des enseignants vous a obligé à agir de façon civilisée, suite à l’évaluation négative du Directeur des études qui vous a fait paniquer, vous avez décidé de prendre les grands moyens: chaque membre de l’exécutif du syndicat a reçu la visite du huissier et a été poursuivi personnellement en Cour supérieure pour la somme de 80,000 $ en diffamation et atteinte à la réputation;
* à la fin des dernières négociations, une entente a été signée au niveau national pour que cesse la coupure de 2.5% de nos salaires au début de janvier 2000. Les sept membres du Comité des relations du travail ont dénoncé par lettre votre décision de continuer à couper jusqu’en avril. Cette lettre a été envoyée à chacun des membres du CA. Pour éviter cela qui nuisait à votre image, vous avez exigé que nous retirions la lettre. Essuyant un refus catégorique de sa part, vous l’avez accusé de ne pas avoir rempli son contrat d’enseignant à la dernière session en bureautique. Devant sa réaction de colère, quelques jours plus tard, vous avez envoyé l’adjointe avec un questionnaire d’évaluation qui devait être rempli par ses anciennes élèves de bureautique trois mois après la fin de la dernière session, afin de prouver que vous aviez raison. Malheureusement pour vous, les enseignantes de bureautique s’opposèrent à ce harcèlement;
* Au Conseil d’administration du 19 juin 2001, comme le Littéraire,  représentant des enseignants vous a accusée de ne pas respecter un engagement que vous aviez pris lors de l’accueil du personnel à propos de l’achat d’ordinateurs en Arts et Lettres, vous avez décidé de frapper le grand coup: la révocation jusqu’au 17 novembre 2003 suite à une plainte d'un membre du CA et une poursuite en diffamation de 170,000 $.

Le tableau qui vient d’être tracé ici n’est pas exhaustif. Nous avons énuméré des faits vrais. Or, nulle trace de ces faits dans vos rapports d’évaluation annuels. Votre autoévaluation qui sert de fondement à votre demande de renouvellement de mandat pour cinq autres années ne parle pas des gestes de harcèlement que vous avez posés, des conflits que vous avez provoqués, des coups bas que vous avez donnés, de l’hostilité que vous avez engendrée et des conséquences désastreuses de vos agissements sur nos conditions de travail et sur le climat général du collège. Quand une autorité se croit tout permis, abuse de son pouvoir, regarde de haut les gens et les voit comme des subalternes qu’on peut traiter cavalièrement, il peut se passer deux choses. Ou bien les subalternes encaissent les coups et s’écrasent. Ou bien ils dénoncent et contestent au lieu de se soumettre. Nous ne sommes pas du genre à nous écraser. Quand on exige du respect, il faut d’abord en donner. Ça ne va pas bien au collège et vous en êtes la principale responsable. A la fin de votre mandat, vous devez donc partir."

Ce bilan très négatif, cette charge contre moi, exprime la façon de voir de mes adversaires. Ils n’ont pas diffusé ce texte mais tout ce qu’il contient a été propagé oralement par les uns et les autres.  C’est très injuste de laisser entendre que je n’ai rien fait de bien en quatre ans. Il ne reste pas beaucoup de place pour le dialogue. Je n’ai pas le choix. Je vais me battre. Non seulement je ne partirai pas, mais je vais rester. C’est volontairement que je n’ai pas souligné le retour du professeur recyclé de la philosophie à l'anglais. L’Irlandais se comporte en adversaire alors il ne doit pas s’attendre à des félicitations. Ce genre d’attaque à fond de train me donne des chaleurs et me rappelle que j’en suis arrivée à ce moment difficile de la vie des femmes, la ménopause qui, dans mon cas, est aggravée par ce genre de dénigrement. L’Ebéniste, président du syndicat, qui est professeur de biologie et que j’ai rencontré récemment à propos des plans de cours du nouveau programme d’environnement m’a vu rougir de colère devant tant d’hostilité syndicale. J’ai fait l’erreur de lui dire: Vous me donnez des chaleurs. Il m’a fait remarquer que mon refus de lui donner le budget pour participer à un congrès sur l’environnement l’a ulcéré. C’est de la mesquinerie a-t-il dit.

Un de mes espions était assis à côté des membres de l’exécutif syndical en grande conversation à la cafétéria. Ils parlaient de leurs vacances. Il était question d’un voyage du Littéraire autour de la Gaspésie en passant par la vallée de la Matapédia et de la Baie des Chaleurs.
L’Ebéniste venait de raconter sa rencontre avec moi et avait dit à ses collègues et amis que le syndicat me donnait des chaleurs ce qui les fit évidemment sourire. Tout à coup éclata un immense éclat de rire. Mon espion s’approcha d’eux en leur demandant directement ce qu’il y avait de si drôle. Le Littéraire raconta l’histoire de mes chaleurs et de la Matapédia et ajouta ce qui avait provoqué l’hilarité générale: On va dorénavant l’appeler la Baie des Chaleurs!  Après avoir tenté de me ridiculiser en appelant mon bureau La Place royale, il vont maintenant dire, entre eux, chaque fois qu’ils feront un bon coup contre moi, La Baie des Chaleurs se réchauffe! C'est d'autant plus drôle, pour eux, que le Politique a l'habitude  de dire, quand l'Administration pose des gestes qu'il réprouve: Elles me réchauffent. Il n’y a pas de doute: ce sont des misogynes. Je les déteste. Moi qui  suis d’un naturel positif et qui, jusqu’ici, n’avait que très rarement éprouvé des sentiments de haine, je sens monter en moi une agressivité que j’ai peine à contrôler. Je les haïs et je sens monter en moi le goût de tuer comme les personnages des drames de Shakespeare.

Comme prévu, le Conseil d’administration du 15 novembre 2001 vient de renouveler mon mandat pour cinq autres années. Je suis très sensible à cette marque de confiance obtenue malgré l’acharnement des quatre membres de l’exécutif du syndicat des enseignants contre moi. J’ai écrit une lettre à tout le personnel pour exprimer ma joie et la partager avec tous ceux qui savent reconnaître mes réalisations et qui apprécient mon dynamisme et ma volonté de changement. Nous allons améliorer le climat de travail grâce à la bonne volonté de tous en ayant une attitude de bonne foi dans la recherche des solutions. Quand on veut, on peut. Nous allons y arriver. Pourvu que nous ayons le goût du bonheur. J’ai réussi à déjouer ceux qui me détestent. Je suis la plus forte. 

Mes espions m’ont informée que ma lettre a enragé l’exécutif du syndicat des enseignants: ils la qualifient de triomphaliste et de provocatrice. Pour eux, dans le contexte des poursuites qui les traumatisent, mon enthousiasme est indécent. Ils n’ont certes pas le goût du bonheur! Pauvres eux autres! Je serai encore là pour au moins cinq ans. Quatre ans de dénigrement et de négativisme qui s’envolent en fumée, ça doit être dur à avaler. Ce sont de mauvais perdants. Il serait temps qu’ils se rendent à l’évidence. Je suis la plus forte et, sans vouloir me vanter, pour ce qui est de la stratégie, je ne suis pas si mauvaise que cela. Mon ennemi n’a plus le choix. Il doit s’avouer vaincu et partir la queue entre les jambes, excusez-moi mais  à force de les combattre, leur vulgarité masculine déteint sur moi.

Parlant des enseignants que j’appelle affectueusement mes espions, il faut savoir qu’un certain nombre d’enseignants désapprouvent les boycotts et m’expriment beaucoup de sympathie. Les renseignements qu’ils me donnent sont précieux. Je me sers aussi d’eux pour faire passer des messages. Je les appelle des espions mais je crois que ce sont plutôt des agents doubles. J’ai dit clairement à l’un d’eux, le même qui se disait stratégique et non hypocrite, que les poursuites ne seront pas retirées tant que Le Littéraire ne prendra pas sa retraite. Je suis sûre que le message s’est rendu. Cet individu n’a pas sa place dans mon collège. C’est lui ou moi. Or, mon mandat vient d’être renouvelé pour cinq autres années. Il devrait admettre sa défaite et partir d'autant plus qu'il n'aura pas de  perte actuarielle comme me l’a précisé ma directrice des ressources humaines.

Un processus de médiation commencé après les deux rencontres d’octobre dernier ne va nulle part parce qu’ils mettent comme condition le retrait des poursuites. Il n’en est pas question. Les poursuites sont la façon la plus efficace de maintenir un rapport de forces en ma faveur.

Catastrophe: ils ne lâchent pas. Pire, leur contre-attaque continue de plus belle. Le renouvellement de mon mandat pour cinq ans les motive encore plus. Ile ont décidé de me faire la vie dure. Un nouveau bulletin d’information syndicale intitulé L'Huissier vient de paraître. Les trois premiers numéros du 7 décembre 2001, du 14 janvier 2002 et du 18 janvier 2002 ont été distribués à tous les enseignants et aux différents syndicats du Collège. L'Huissier du 7 décembre contient une citation en exergue d’une ironie détestable qui fera sourire ceux qui ne m’aiment pas: L’humeur ambitieuse de la Reine lui faisait trouver une grande douceur à régner. Il s’agit de la Reine Catherine de Médicis que le roi trompe ouvertement; alors, elle régne sur quoi au juste! C’est dans la Princesse de Clèves de Madame de La Fayette que le Littéraire étudie en classe. Mais il y a plus grave. Puisque mon mandat a été renouvelé pour cinq ans, ils ont décidé de faire ce qu'ils appellent malicieusement de l’évaluation formative. Les hypocrites, ils disent que c’est pour mon bien et le bien du Collège. Ils se vengent ainsi de toutes les tentatives d’évaluation des enseignants que font les administrations depuis des années. Rendez-vous compte. Ils publient en détail le Rapport d’évaluation du premier mandat de la directrice générale même si ce rapport devait rester confidentiel. Sur les nouvelles technologies dans lesquelles j’ai beaucoup investi, on me fait quantité de petits reproches mesquins qui reviennent à dire que la gestion des ressources humaines et des ressources matérielles laisse à désirer. On peut lire: Avec 2.4 $ millions dans la réserve accumulée par le Collège, n’importe qui pouvait dépenser des milliers de dollars pour acheter des ordinateurs. Il n’y a aucun mérite à cela. Le fait de faire payer les élèves a conduit à des conflits qui ont nui à l’usage efficace des ordinateurs par les élèves. C’est un exemple de mercantilisme de la directrice générale. De plus, quant à prêter un ordinateur à des enseignants sélectionnés selon des critères discutables, que chaque enseignant qui en fait la demande ait  un ordinateur ou qu’on n’en parle plus.

Sur la promotion et l’image, sous le couvert de l’anonymat, des enseignants déversent leur fiel. Tout le personnel a pu lire: La directrice générale projette une image mercantile, anti-démocratique, anti-syndicale. Elle est à temps plein au service de son image et à temps partiel au service du Collège. Elle manque de jugement et est tyrannique en utilisant des fonds publics pour payer son avocat à des fins personnelles pour saboter le processus de son évaluation. Sa priorité n’est pas d’investir dans la relation maître-élève, mais dans toutes sortes d’activités périphériques  comme le Centre de transfert ou l’International où il y a beaucoup de dépenses et pas de revenus. Par ses activités extérieures, elle projette une image de bourgeoise et de quêteuse. Ce fut une mauvaise décision d’investir 80,000 $ au Canal Savoir. Donner 80 bourses de 1,000 $ aurait été plus efficace pour attirer de la clientèle. La directrice générale fait semblant d’être surprise quand ses décisions sont contestées; elle est incapable de respecter un point de vue différent du sien. C’est le règne de la pensée unique et quand Sa Majesté n’obtient pas l’unanimité, elle pique des crises de diva. C’est la première fois dans l’histoire des collèges que des hors-cadres poursuivent des enseignants en Cour supérieure pour diffamation. Je réclame la mise en tutelle de notre collège par le gouvernement et une Commission d’enquête publique gouvernementale.
Sur les fonctions administratives et relationnelles, encore une fois sous le couvert de l’anonymat, tout le collège a pu lire ceci:

Voici le jugement global que je porte sur les quatre années de fonction de la directrice générale:
- elle est pourrie dans sa gestion des ressources humaines;
- dans le dossier de la cafétéria, elle a fait preuve de son manque d’humanisme; elle a même été cruelle envers les employées qu’elle ne respecte pas;
- dans le dossier de l’examen de reprise, elle a refusé de reconnaître ses erreurs;
- incapable d’argumenter et de défendre démocratiquement ses décisions et son style de gestion, elle a montré son impuissance et son incompétence en essayant d’imposer sa pensée unique par la voie des tribunaux;
- incapable de composer avec des opinions différentes des siennes, elle force les gens à démissionner en leur étant systématiquement hostile comme ce fut le cas des deux enseignants qui ont démissionné du CA du collège; ce n’est pas une rassembleuse;
- par son mercantilisme et la priorité qu’elle accorde aux activités périphériques (bal masqué, partie de sucres, tournoi de golf), elle camoufle le fait qu’elle cherche à diminuer les ressources à l’enseignement.

On reconnaît le style détestable de Boutefeu qui se cache comme un lâche derrière l’anonymat des réponses à un questionnaire d’évaluation. Un tel négativisme est intolérable. Je ne pouvais laisser passer de telles attaques.

Alors, en réplique, cédant à la provocation,  j'ai commis une erreur: lundi le 28 janvier 2002, j’ai envoyé un Communiqué signé La Direction à tout le personnel enseignant.
Nous profitons de ce Communiqué pour vous faire part que nous déplorons que votre exécutif syndical continue la publication d’écrits qui enfreignent, selon notre interprétation, les notions de confidentialité, de respect des renseignements personnels et qui sont mensongers à plusieurs égards. En effet, selon l’éthique la plus minimale, l’évaluation d’une personne doit se discuter à l’intérieur d’un processus très confidentiel. Nous vous demandons d’être vigilants et de mettre certains bémols sur les écrits qui vous sont transmis. Si quelqu’un d’entre vous ressent le besoin d’avoir des informations supplémentaires ou des réponses à leur questionnement, nous vous rappelons que notre porte est grande ouverte pour vous recevoir individuellement et collectivement.

Dans une demi-page du journal local du 12 février 2002, sur une colonne, je viens de faire publier le message suivant.
Merci! Merci à nos enseignantes et à nos enseignants pour l’excellent travail réalisé! Le taux de réussite des étudiantes et des étudiants inscrits aux programmes de DEC est passé de 80.3% à l’automne 1995, à 89.7% à l’automne 2001. Une augmentation de 9.4%... Suivent les noms de tous les enseignants du Collège. Ce message de félicitations a été publié pour influencer les enseignants car, par le Huissier du 7 février, l’exécutif du syndicat consulte ses membres quant à la décision de poursuivre la Direction à cause de mon communiqué du 28 janvier 2002.

Mon communiqué du 28 janvier 2002 a provoqué une contre-attaque foudroyante du syndicat. Les quatre membres de La Direction (Directrice générale, Directeur des études, Directeur des ressources matérielles, Directrice des ressources humaines) et le Président du Conseil d’administration ont reçu la visite du huissier, ce 28 février 2002. C’est une mise en demeure qui exige de se rétracter des propos tenus sur les écrits mensongers du syndicat avec des excuses écrites à chacun des quatre membres de l’exécutif du syndicat. Mon Communiqué du 28 janvier contiendrait des affirmations injustifiées, diffamatoires et inacceptables et le Syndicat ne saurait tolérer d’attaque aussi indue à l’endroit de ses officiers syndicaux. Pour nous baver, ils reprennent le mot à mot de notre poursuite du 31 janvier 2001. Ils ont un an pour nous poursuivre pour diffamation. Hier, ils ont déposé un grief réclamant 35,000 $ pour non respect du droit de représentation du syndicat  parce que j’ai invité les enseignants à venir me voir à mon bureau en passant par-dessus l’exécutif du syndicat. Avec les 20,000$ de la plainte au Tribunal du travail, nous sommes rendus à 55,000$. Poursuite possible, grief, plainte au Tribunal du travail, échec de la médiation, leur rapport de forces augmente. Ils nous reprochent de les traiter de diffamateurs avant que la chose ne soit jugée et de les traiter de menteurs. Ils vont nous poursuivre car, comme me le rapporte un de mes espions, ils appliquent le principe inspiré du droit romain: ce qui est bon pour minou est bon pour pitou qu’ils répètent en mettant les mots minou et pitou au féminin. Encore une fois, ils ont les rieurs de leur côté. Nombreux sont ceux qui observent les coups donnés de part et d’autre et qui rient.

Dans un Communiqué daté du lundi 11 mars 2002 et signé La Direction, nous annonçons que la médiation n’aura pas lieu et nous admettons que nous sommes dans une impasse en écrivant: l’audition des requêtes aura lieu en novembre et décembre 2002; il faut essayer de sortir de l’impasse avant cette date. C’est un aveu qu’ils prendront pour un signe de faiblesse.

Mes ennemis font des démarches pour faire connaître à tout le Québec le conflit qui nous oppose et pour dénoncer l’usage de la Cour supérieure à des fins politiques et antisyndicales avec les fonds publics. Des journalistes me téléphonent pour avoir ma réaction. Est-ce vrai que je fais des poursuites-bâillons? Je refuse de commenter en disant que ce sont les Tribunaux qui trancheront. Selon mes espions, leur texte s’intitule: Pour un vrai pouvoir au féminin et ils veulent qu’ils soit publié dans Le Soleil, Le Devoir et la Presse. Ils ont même contacté le Journal de Montréal. Je crois que leur texte ne sera pas publié parce que les journaux ont peur comme la peste des poursuites. Je leur ai dit que c’est moi la victime et non pas eux et que j’avais le droit de me défendre contre des attaques diffamatoires. Ils ne réussiront pas à projeter au niveau national un conflit qui doit rester local.

Mes collègues de la Direction et du Conseil d’administration commencent à en avoir assez. Il faut sortir de l’impasse. Le président du Conseil d’administration n’a pas du tout aimé être dérangé pendant son voyage de chasse dans la région de Lanaudière pour venir témoigner devant la Commissaire Louise Verdone au Tribunal du travail qui l’a taquiné en lui suggérant d’aller chasser dans les rues de LaSalle où un chevreuil circulait librement. Il ne l’a pas trouvée drôle. La Commissaire n’est pas la seule à se moquer de nous. Le directeur des études a dû poireauter toute une journée dans l’antichambre pendant que la directrice des ressources humaines et moi avons ramé en réponse aux questions pointues de l’avocat syndical sur les différentes versions de la politique institutionnelle d’évaluation des apprentissages sous l’oeil amusé des quatre membres de l’exécutif du syndicat des enseignants. On nous questionne en détail sur les différentes versions de la Politique institutionnelle d’évaluation et sur les conditions pour accéder à l'examen de reprise et nous pataugeons là-dedans. Le Huissier en a profité pour souligner que la journée perdue par le Directeur des études au Tribunal du travail diminuerait la présence formelle et informelle du directeur des études sur les lieux du collège. Ce jargon avait été utilisé dans un document interne d’évaluation du Directeur des études. Mes collègues n’ont pas du tout apprécié de recevoir la visite du huissier. Dans un petit milieu comme le nôtre, ça fait jaser. Si ça continue, nous serons bientôt les dindons de la farce.

Tenant compte de l’ensemble des données disponibles, la Direction du Collège a proposé le 17 mai 2002, un Projet de règlement et un Protocole d’entente qui exige le respect des personnes de la part du Syndicat et qui prévoit le retrait des poursuites le 30 juin 2003 à condition que le Syndicat ait démontré, pendant un an, par sa conduite et ses écrits, qu’il était capable de ce respect des personnes sans lequel aucune institution ne peut vivre. Vous avez bien lu juin 2003. J’étire l’élastique. Cette proposition patronale de retirer les poursuites dans un an seulement a provoqué un tollé de protestations et a été rejetée unanimement par l’Assemblée générale des enseignants. L’exécutif du Syndicat a fait adopter son propre projet de règlement qui exige le retrait immédiat des poursuites. Ce retrait serait le résultat d’une rencontre intensive de trois jours à compter du 12 août 2002 dans un hôtel de Montréal en présence de la médiateure.

Cette rencontre n’a pas eu lieu. Lors d’une réunion tenue à Montréal le 25 juin pour préparer celle du 12 août, la médiateure a retiré son offre de service suite à l’envoi par le Syndicat aux membres du Conseil d’administration de documents d’évaluation formative de la directrice générale qui, selon la médiateure démontrent une stratégie de confrontation et une personnalisation incompatibles avec la médiation. Le Syndicat a offert de nous rencontrer quand même mais nous avons refusé. Il va falloir qu’ils cessent d’évaluer une directrice générale qui vient de voir son mandat renouvelé pour cinq ans. Leur attitude revient à contester ouvertement la décision unanime du Conseil d‘administration. C’est inacceptable et intolérable.

Le premier numéro du Huissier de l’automne daté du 15 août 2002 nous fait encore mal paraître en informant les enseignants que nous avons refusé les trois jours de rencontre de médiation. Ils ironisent sur mon affirmation selon laquelle j’étais en mode de grande écoute, ce qui serait contradictoire avec notre refus de négocier. Selon eux, il est faux que nous recherchions un règlement à l’amiable et ils donnent la chronologie juridique fort lourde de l’automne 2002 avec les auditions devant la Commissaire du travail les 16, 17 et 18 septembre;  le 4 novembre, le procès dans la cause du directeur des études et le 2 décembre, le procès dans la cause de la directrice générale, avec l’indication de la menace que le 28 janvier 2003 est la date limite pour déposer une requête en diffamation contre les quatre membres de la Direction et le Président du CA.

Le deuxième Huissier daté du 5 septembre contient une Lettre ouverte à la directrice générale précédée d’une citation de Montaigne qui décrit leur philosophie de l’action. La voici. 
La plus commune façon d’amollir les coeurs de ceux qu’on a offensés, lorsque, ayant la vengeance en mains, ils nous tiennent à leur merci, c’est de les émouvoir par soumission à commisération et pitié. Toutefois, la braverie et la constance, moyens tout contraires, ont quelquefois servi à ce même effet. 

Selon cette citation, je veux leur soumission mais tout ce que j’aurai de leur part, c’est braverie et constance. Admettent-ils vraiment que je les tiens à ma merci? C’est encore de l’ironie. L’objet de cette lettre ouverte: mes nominations d’enseignants que j’ai contactés un par un parmi les moins politisés sur mon comité pour la préparation d’un nouveau plan stratégique et qui ont accepté mon offre.  Or, je viens d’apprendre que ces nominations sont illégales. J’ignorais que je devais passer par le Syndicat. La Convention collective dit: Lorsque le Collège forme un comité qui comprend des enseignants, seul le Syndicat est habilité à les nommer. C’est clair. Mon avocate  directrice des ressources humaines l’ignorait aussi. Ils en profitent pour souligner lourdement que nous sommes des incompétentes et que nous ignorons la Convention collective. Les enseignants qui avaient accepté de faire partie du comité stratégique et qui nous étaient sympathiques sont furieux car ils étaient de bonne foi.  C’est une autre petite victoire du Syndicat des enseignants. Le syndicat revient encore sur les besoins d’amélioration dans le fonctionnement du Collège tels que révélés par le processus de mon évaluation par les enseignants. Ils écrivent: Pas besoin de faire une enquête royale pour admettre la pertinence des analyses et des recommandations du rapport de la firme que nous avons engagée. Le premier devoir d’une directrice générale qui se dit  en mode grande écoute est de relire ce rapport et de l’appliquer en commençant par le retrait rapide et sans conditions des poursuites judiciaires qui nuisent au climat de travail. Ils me fatiguent au plus haut point avec leurs critiques soi-disant constructives et leur évaluation dite formative. Ils me narguent évidemment.

A l’assemblée générale du 26 septembre 2002, l’exécutif du syndicat a reçu le mandat unanime d’obtenir la ventilation précise des frais d’avocats encourus par le Collège dans les deux poursuites. Si nous refusons de leur donner les chiffres, ils iront devant la Commission d’accès à l’information. Ils n’auront pas les chiffres. Qu’ils aillent devant la Commission! Ils répandent la rumeur qu’on a gaspillé plus de cinquante mille dollars en frais d’avocats sans compter le temps et les énergies perdues par les administrateurs. Chaque fois que nous refusons une demande de budget, nous nous faisons mettre sur le nez ce gaspillage de fonds publics et la BMW de la directrice des ressources humaines stationnée devant les bureaux de l’avocat local qui sont situés à côté du Carré Royal. Ils disent: Vous seriez bien mieux de lire la Convention collective et vous la faire expliquer au lieu de perdre votre temps et l’argent des contribuables en poursuites futiles et frivoles.  Leur arrogance est sans limite.

Pour cet automne, le directeur des études, l’adjoint à l’organisation scolaire Grandpied et moi-même avons décidé d’une stratégie contre le Littéraire qui devrait enfin donner des résultats. Voici notre plan qui ne peut pas rater.  Le directeur des études écrira une lettre d’avertissement demandant au professeur de français de respecter son plan de cours, de donner des cours magistraux et de cesser d’attaquer l’administration devant ses élèves. Des parents nous ont souligné des lacunes sur ces trois points. Cette lettre le mettra en colère. Il se demandera: que me veut le directeur des études? S’agit-il d’une lettre de doléances comme le mentionne la convention collective au chapitre des mesures disciplinaires? Nous maintiendrons un flou artistique de manière à l’inquiéter et à l’irriter. Puis, l’adjoint à l’organisation scolaire lui donnera un local au premier étage juste au-dessus des travaux entrepris au sous-sol pour le programme en environnement. Comme par hasard, son horaire coïncidera avec les travaux les plus bruyants. Il se dira: ils sont incapables de planifier les travaux; ils avaient tout l’été et ils viennent me déranger pendant mes cours après m’avoir demandé de donner des cours magistraux, ce qu’on ne peut faire dans le bruit. Ensuite, on attendra le moment le plus opportun pour frapper: sans avertissement, deux cadres viendront faire remplir par ses élèves un questionnaire d’évaluation de son enseignement afin de le prendre en défaut. C’est certain qu’il critiquera en parlant d’une administration de broche à foin qui ne respecte pas le travail des enseignants. Attendons la suite: c’est un plan qui ne peut pas rater. On va l’avoir. Cet individu nous a assez causé de trouble. Mes amis libéraux se préparent à fêter. Les bouteilles de champagne sont au réfrigérateur et la glace est prête. Tout le monde se frotte les mains et se félicite de ce complot qui , je le répète, ne peut pas rater.

Et bien! ce plan a raté. Les dieux sont favorables à mon ennemi.  Le Directeur des études a reculé et je me demande pourquoi. Le 9 octobre, les réponses d’une classe de ses élèves au questionnaire passé par deux femmes cadres, sans avertissement,  ne sont pas celles que nous anticipions. Le Directeur des Etudes m’informe que le professeur de français jouit de l’estime de ses élèves. Ils disent qu’il est un enseignant compétent et dynamique qui sait rendre l’apprentissage de la littérature intéressant. Le directeur a l’intention de lui présenter par écrit des excuses. Je trouve son attitude bizarre. Je n’ai plus le choix. Il faut retirer les poursuites. L’enseignant raconte à tout le monde cette visite hypocrite et sournoise de deux cadres dans sa classe et la décrit comme un abus de pouvoir inadmissible, un mois avant le début des procès. Evidemment, il est très convainquant et nous avons l’air fou pour ne pas dire l'air folle. On dit que je suis obsédée et que je m’acharne. On dit même que je suis incompétente et que je manque de jugement comme on l’a fait pour le Directeur des études. Ca va mal. Il est temps d’arrêter tout ce cirque juridique qui se retourne contre moi. Mes amis me le répètent avec insistance et je crois qu’ils ont raison. J’en ai assez. Je ne comprends pas ce qui se passe avec le Directeur des études. A-t-il des remords de conscience? Pourquoi a-t-il arrêté l’enquête après avoir fait passer le questionnaire d’évaluation dans le premier groupe d’élèves et n’a-t-il pas continué dans les deux autres groupes? Boutefeu est en colère. Il fulmine. Il écume. Toute cette histoire risque de mal se terminer.  Nous devrons bientôt décider de retirer ou non la poursuite en diffamation du directeur des études contre l'exécutif du syndicat des enseignants. Le procès doit commencer le 4 novembre. Et le directeur des études branle dans le manche.

A propos de ma poursuite de 170,000 $ contre le Littéraire, mon avocat local a organisé à son bureau une rencontre avec la directrice des ressources humaines, avocate, avec le directeur des études  et le président du Conseil d'administration dit le Chasseur, homme d’affaires, pour préparer le procès qui doit avoir lieu le 2 décembre et pour évaluer nos chances de victoire. Si nous gagnons, le syndicat devra payer tous les frais du procès y compris notre avocat. On peut envisager une somme d'au moins 50,000 $. plus l'amende à payer pour diffamation. Ce sera un minimum de 225,000 $ en tout et partout.

Quel sera mon témoignage et quels témoins le corroboreront? Le bureau de notre avocat a fait un travail préliminaire: documents, chronologie, témoignages. Selon notre avocat, le procès sera long et coûteux. Voici quel serait notre plan de match. Nous maintiendrons que Boutefeu a dit: Cette fois-là, vous étiez à jeun!  Nous sommes en guerre. Peu importe ce qu'a dit exactement le Littéraire, nous allons prouver que la rumeur selon laquelle j'exerçais mes fonctions habituellement en boisson s'est répandue comme une traînée de poudre dans la région et dans le collège. Et que cette rumeur m’a beaucoup nui, a porté atteinte à ma réputation et a été amplifiée par mes ennemis. Nous allons ensuite prouver que ce qu'a dit le Littéraire est directement responsable de cette rumeur et de sa diffusion. Enfin, nous allons prouver que cela a fait un tort considérable à ma réputation de dirigeante d'une institution post-secondaire et de présidente du conseil d'administration du CLD en plus de nuire à la réputation du collège et ainsi rendre le recrutement de nouveaux élèves plus difficile. Le syndicat devra donc payer une somme d'argent substantielle pour réparer le tort qui m'a été fait et qui a été fait au collège. C'est un plan relativement simple qui devrait marcher.

Les témoins seront faciles à trouver dans le collège et dans la région. Ils n'auront qu'à dire la vérité. En effet, les paroles de Boutefeu m'ont nui et ont apporté de l'eau au moulin des envieux et des jaloux qui souhaitent ma chute parce que je suis prospère et flamboyante. Ces paroles ont aussi scandalisé ceux qui me respectent. Elles m'ont empêché d'exercer mes fonctions dans la sérénité à laquelle j'ai droit. Nous ferons une preuve de caractère contre le Diffamateur en démontrant que, depuis toujours, il manque de respect envers les autorités et ne remplit pas les obligations d'un employé envers son employeur. Même si nous retirons la poursuite du directeur des études, ce qui n'a pas encore été décidé, nous nous en servirons pour souligner que les accusations de double incompétence et de manque de jugement permettent de déceler un pattern d'irrespect envers les autorités qui compromet l'harmonie dans le collège et crée un climat de contestation permanente qui rend la vie impossible. Le syndicalisme oui mais l'anarchie, non. Ce sera notre position et le juge l’adoptera, il n’y a aucun doute là-dessus. Je me réjouis à l’idée que les trente ans d’arrogance de Boutefeu se retourneront enfin contre lui. Ce sera une belle vengeance politique. Le pamphlétaire anti-libéral aura enfin reçu la monnaie de sa pièce. Cela servira de leçon aux Pierre Falardeau, Patrick Bourgeois et Pierre Cloutier qui nous abreuvent d'injures depuis trop longtemps.

Nous avons essayé de prévoir leur riposte. Et là ça s'est gâté. Leurs témoins diront que j'ai mal compris les propos du Littéraire et que, même, je les ai déformés. Que ma réaction outrée et les justifications a posteriori que j'ai apportées pour la justifier ont contribué à dramatiser des paroles en soi anodines. Que je suis donc responsable de la propagation de propos dont j'ai déformé le sens. Que mon témoignage du 31 octobre contient deux erreurs graves sur "cette fois-là" et sur une réunion de département non pertinente et qu'à la limite c'est une fabrication puisque je n'ai pas tenu compte de la lettre du Littéraire du début de juillet qui précisait toutes les circonstances. Que mon attitude autoritaire, dominatrice exigeait une réaction syndicale vigoureuse pour que le syndicat des enseignants ne devienne pas un syndicat de boutique. Que mon animosité envers un excellent professeur de littérature ne justifie pas les actions de harcèlement faites contre lui spécialement la visite de deux cadres dans sa classe sans avertissement. Que mes accusations frivoles de diffamation ont nui à la réputation d'un enseignant estimé et aimé par ses élèves ( ce qu'a reconnu par écrit le directeur des études) et cela depuis plus de trente ans. Que le Littéraire est docteur en lettres et n'a cessé de se perfectionner pour donner un meilleur service aux élèves en plus d'avoir écrit cinq livres. Que son engagement politique en faveur de l’indépendance a beau ne pas plaire aux Libéraux, il est parfaitement légitime et est approuvé par la Cour suprême et par 2.3 millions de Québécois qui ont voté OUI au référendum de 1995. Que les opinions du syndicat et les publications de la Sentinelle et du Huissier peuvent entrer dans le cadre d'un exercice normal et viril de la liberté d'expression prévue dans les chartes des droits et libertés.  Ils trouveront facilement plusieurs témoins qui démoliront la preuve par le caractère. Le Syndicaliste, avec beaucoup de crédibilité, tracera un beau portrait de son ami le Littéraire tout en expliquant que l’image négative que nous avons de lui est le résultat d’une opposition entre fédéralistes et indépendantistes, les fédéralistes abusant de leur pouvoir pour se venger.

Mes  deux avocats m'ont conseillé d'aller de l'avant avec le procès. Le directeur des études qui me semble de moins en moins soumis et le président du Conseil d'administration qui n’est pas fédéraliste ont été d'un avis contraire. Leur argument massue fut que ce procès mobiliserait les énergies de toutes les parties et créerait un climat d'animosité permanente pendant des mois et des mois. Imaginez que les enseignants décident d'assister en grand nombre au procès dans un mouvement de solidarité au lieu de donner leurs cours. Ce serait le chaos. Les médias nationaux s'empareraient de l'affaire. La partie syndicale évoquera deux cas de SLAPP, de poursuites-bâillons, ce qui sera spectaculaire. De plus, ont-ils dit, et cela a provoqué chez l'avocat local une sainte colère, votre avocat a déjà montré un échantillon de son éloquence douteuse digne des Belles histoires des  Pays d’en Haut quand il a demandé au juge de faire cesser ces injures et ces vomissements. Ça ferait un beau procès mais avons-nous besoin de ce genre de spectacle et de ce genre de publicité. Non, il faut faire passer le collège avant tout désir de vengeance personnelle. Le président du CA qui est souverainiste et qui est plutôt bien disposé à l'égard de Boutefeu a été catégorique. Le Littéraire en 30 ans d'affrontement avec l'administration n'a jamais fait d'attaques personnelles. La preuve de caractère pourrait bien se tourner contre nous. On va passer pour des intolérants avides de censure et de vengeance à connotation politique.  Réfléchissons bien avant de nous lancer dans pareille aventure. Et n'oubliez pas que nous avons reçu la visite du huissier: ils ont jusqu'en janvier pour nous poursuivre. Si nous continuons, ils nous poursuivront. Et il y a le Tribunal du travail et les griefs qui nous réclament 55,000 $. Ils vont se battre comme jamais et il est impossible que nous ayons gain de cause sur tous ces fronts. Eux, ils ne lâcheront pas. Vous les connaissez. Ce sont des pugnaces et des tenaces. Et c'est le syndicat qui paie leurs frais d'avocat.  Ils vont nous poursuivre.

Le Directeur des études m'a particulièrement tombé sur les nerfs. Il m'avait averti que le coup monté contre le Littéraire était extrêmement dangereux. Deux cadres qui envahissent la classe d'un enseignant aux longs états de service sans avertissement, ça ne se fait pas. C'est un manque d'éthique grave trois semaines avant les procès. Et c'est une erreur stratégique majeure. C’est aussi grave que l’erreur de Boutefeu au CA quand il a dit: vous étiez à jeun!  Seulement à cause de cet abus de pouvoir, on doit cesser le combat et retirer les deux poursuites. Même si on sait que cet enseignant fait des remarques sur l'administration dans ses classes, ce n'est pas une raison suffisante pour lui tendre des pièges et le harceler. Ses élèves ont de l'estime pour lui. Le Directeur des études a insisté pour répéter que le Littéraire était un excellent professeur de littérature, compétent et vivant et qu'il ne fallait pas s'arrêter à son apparente désinvolture qui n'est là que pour détendre l'atmosphère et favoriser les apprentissages. Ma foi du bon Dieu, mon directeur des études a une certaine admiration pour lui. Il me laisse pratiquement tomber: il veut retirer sa poursuite. Même si j'ai autorité sur lui, je ne peux lui imposer de maintenir sa poursuite. Je n'en ai plus l'autorité morale.

J'ai écouté très attentivement les arguments de part et d'autre. Aurions-nous l'énergie que ça prend pour deux, trois ans de procès? Je sais que je pourrais gagner mon procès. J'en suis même certaine. Mais à quel prix pour la paix sociale? L'avocat syndical a dit à mon avocat  qu'il irait jusqu'en Cour suprême. C'est toute mon administration que le syndicat remettra en question. C'est mon procès qu'ils feront.  Ils rendront publique une nouvelle synthèse des reproches qu’on peut me faire. Est-ce que j'ai besoin de cette nouvelle épreuve? De plus, j’ai reçu un téléphone du Ministre de l’Education  qui est député du comté de Richelieu. Il me demande d’être raisonnable et de penser au bien commun. Comme le gouvernement du Parti québécois a donné une subvention d’un million de dollars pour l’aménagement au sous-sol du laboratoire du programme environnement-santé-sécurité, je dois tenir compte de son avis. Le Ministre a-t-il rencontré les leaders du syndicat? Il a hésité mais il m’a avoué la vérité.  Le Littéraire et l’Irlandais ont plaidé leur cause devant le Ministre qui a dit comprendre le point de vue syndical. Je constate que mes adversaires sont actifs à tous les niveaux pour que je retire les deux poursuites qui sont faites au nom du collège ne l’oublions pas. Il va bien falloir un jour que je cesse mes vexations et mes brimades contre le Littéraire.

Après une semaine de réflexion, de guerre lasse, nous avons négocié un Règlement hors cour qui implique, de leur part, le retrait des griefs, de la plainte au Tribunal du Travail et de la menace de poursuites pour diffamation et, de notre part, le retrait des deux poursuites judiciaires. Le tout signé le 30 octobre 2002 avec un protocole où chaque partie s’engage au respect mutuel et au respect des personnes comme le demande la Charte des droits et libertés. L’avocat syndical et le représentant de la Fédération ont fait la navette de mon bureau au local syndical pour ficeler l’entente et obtenir les signatures. Ils ont refusé de s’engager à la confidentialité. De toutes façons, tout a été rendu public dans la région et c’est de peine et de misère que j’ai réussi à empêcher que le conflit ne se rende dans les journaux nationaux. Les membres de l’exécutif syndical ont refusé de venir dans mon bureau qu’ils appellent la Place royale; ils ont refusé de me serrer la main et de serrer la main de l’avocat local et de l’avocate, directrice des ressources humaines. C’est de mauvais augure. Le coup des deux cadres dans sa classe, le Littéraire ne nous le pardonnera jamais. Je le répète: c’est un rancunier.  Le directeur des études, avant de quitter pour un autre collège (il ne m’en avait pas parlé avant), a écrit une lettre d’excuses à l’enseignant pour avoir dû déranger le déroulement normal de ses activités et pour les inconvénients que cela a pu lui causer. Cela est précédé d’un éloge du professeur de français dont on aurait pu se passer. J’ai compris, plus tard, ce qui se passait. Le directeur des études avait entrepris des démarches secrètes pour être engagé comme directeur des études au collège où il avait enseigné la philosophie pendant vingt ans. Il ne tenait pas à ce que le dossier de l’enseignant reconnu pour sa pugnacité le suive à son nouvel emploi. Il voulait tourner la page. Il a fait des démarches pour changer de collège sans que je le sache. Comment pouvais-je prévoir que mon allié de toujours me laisserait tomber. Comme aurait dit le syndicat: Il a cessé de faire la belle devant sa souveraine. Cet abandon est la cause principale de notre échec. J’ai été trahie. Je suis déçue. On ne peut se fier à personne. Un ancien professeur de philosophie ne peut être soumis très longtemps.

A la suite de cette entente hors cour, j’espérais sans trop y croire que nous aurions enfin la paix. Or, dans l’irrespect total de l’entente signée le 30 octobre 2002, l'Huissier du 25 février 2003 sous la signature des quatre membres de l’exécutif du syndicat, entreprend d’expliquer pourquoi il y a eu deux poursuites. Ils écrivent qu’avant d’aller plus loin, il faut comprendre les motivations de la directrice générale. C’est une attaque en règle. C’est une synthèse virulente de ce qui s’est passé. C’est du harcèlement. Selon eux, mon but avec les poursuites était d’échapper à l’évaluation des enseignants qui voulaient m’empêcher obtenir un deuxième mandat de cinq ans. Enumérant tous les départs parmi les cadres, il concluent que le Syndicat n’est pas le seul à avoir de la difficulté à travailler avec la directrice générale. Avec une citation de Montaigne, encore et toujours. La voici:

L’obstination et une façon de débattre têtue et impérieuse pleine d’opiniâtreté est la plus sûre preuve d’incivilité et d’inimitié. Si elle se rabaisse à la conférence commune et qu’on lui présente autre chose qu’approbation et révérence, elle vous assomme de son autorité.

S’en suit le reproche d’avoir gaspillé des fonds publics en frais d’avocat à des fins personnelles dans un abus de pouvoir sans précédent. Un éloge est fait de la stratégie des boycotts que le syndicat entend continuer à appliquer pour protester contre une augmentation de la tâche de 173 heures par année soit cinq heures par semaine dans le cadre de la restructuration salariale. Ils se félicitent d’avoir défendu la liberté syndicale contre les agressions patronales et remercient de leur solidarité les membres du syndicat, la Fédération et ses services juridiques et les syndicats.

Pour ajouter l’insulte à la blessure, ils ont envoyé cette analyse aux 17 directeurs généraux et aux 17 directeur des études des collèges de la Fédération,  à tous les syndicats de la Fédération ainsi qu’à tout le personnel du collège et aux 18 membres du Conseil d’administration. Ils ont appris que j’avais des ambitions du côté de la Fédération des collèges et ils veulent me nuire. Ça ne peut plus continuer. Il faut que les quatre membres de l’exécutif du syndicat quittent leur poste. Je vais les forcer à démissionner en les poursuivant pour une troisième fois  pour avoir écrit et diffusé un bulletin syndical diffamatoire qui ne respecte pas du tout la lettre et l'esprit de l'entente hors cour qu'ils ont signée. Etant donné le droit inaliénable de toute personne à sa dignité, à son honneur, à son intégrité et à sa réputation, il y a urgence d’agir afin que cesse cette conduite destructrice et inacceptable qui est hautement nuisible au Collège. Cette fois-ci, j’aurai leur peau d’autant plus que beaucoup d’enseignants en ont assez eux aussi de ce conflit qui s’éternise et nuit au Collège. Je les obligerai à se mettre à genoux devant moi et à démissionner de l’exécutif syndical. A ce moment-là, le Littéraire prendra sa retraite et nous aurons enfin la paix.

Une résolution dans ce sens a été présentée au Conseil d’administration du jeudi 27 mars 2003. Après un débat à haute teneur émotive, en partie à cause de l’opposition de la représentante du personnel de soutien, Lise L., l’unanimité n’a pas été obtenue sur la nécessité d’entreprendre immédiatement des procédures judiciaires contre les auteurs du Huissier du 25 février 2003. Le Conseil d’administration s’est contenté de réitérer sa confiance envers la direction du collège, de blâmer la conduite des membres de l’exécutif du syndicat des enseignants, d’exiger que les membres de l’exécutif du syndicat des enseignants respectent leurs engagements et cessent tout harcèlement envers la direction du Collège. Les nouvelles procédures judiciaires seront prises plus tard, au besoin, non par l’exécutif du Collège dont je fais partie mais par le Conseil d’administration de nouveau réuni. Pour échapper à une poursuite, l’exécutif du syndicat, après avoir répandu son venin au collège et dans tout le réseau collégial, n’avait qu’à exprimer son accord avec les membres du Conseil qui souhaitent que nous passions tous à autre chose. C’est ce qu’il a fait en montrant hypocritement patte blanche dans un numéro du Huissier daté du 25 avril 2003.

C’est pour moi une grave défaite. Je commence à penser à ne pas terminer ce mandat pour lequel je me suis tant battue et à préparer ma retraite. Je suis obligée d’admettre que j’ai perdu. Si le Conseil d’administration m’avait appuyée à l’unanimité, je gagnais la guerre car une troisième poursuite contre les quatre membres du syndicat des enseignants aurait signé leur arrêt de mort: l’ensemble des enseignants aurait refusé de les suivre après le Huissier du 25 février 2003 qui était du harcèlement contraire à l’esprit du Règlement hors cour. Même la Fédération des syndicats aurait eu des difficultés à les appuyer. Mais je me suis heurtée à l’obstination de la représentante du personnel de soutien qui est une amie de l’Ebéniste puisqu’elle a été son adjointe au laboratoire de biologie pendant longtemps. Elle en a sans doute profité pour protester à sa façon contre les coupures de postes que j’avais faites parmi les employées de soutien. Parce que je voulais les poursuivre pour la troisième fois, mes ennemis m'ont qualifiée d’obsédée des tribunaux. Dans le jargon juridique, je serais une quérulente (du latin querulus, qui se plaint) qui multiplie les recours vexatoires en revenant toujours sur les mêmes questions afin d’empoisonner la vie de ceux qui sont mes cibles. Je serais donc une quérulente qui fait preuve d’impéritie et qui est une adepte des poursuites-bâillons.

J’ai été sage de prendre ma retraite après avoir constaté que le Conseil d’administration ne m’appuyait plus parce qu’après l’entente hors cour, les attaques continuant de plus en plus féroces, les administrateurs n’ont pas compris qu’on était engagé dans une lutte sans merci. Je m’inspire moi aussi de Montaigne qui a écrit  un texte qui s’intitule: On est puni pour s’opiniâtrer à une place sans raison. La vaillance a ses limites, comme les autres vertus; lesquelles franchies (...) on peut se rendre à la témérité, obstination et folie. (....) De cette considération est née la coutume que nous avons aux guerres, de punir (...) ceux qui s’opiniâtrent à défendre une place qui par les règles militaires ne peut être soutenue.
Après avoir ragé, il m’a fallu beaucoup de réalisme et d’humilité pour accepter que le jugement de la valeur et faiblesse du lieu se prend par l’estimation et contrepoids des forces qui l’assaillent. Il n’était pas question que je tombe dans la témérité, obstination et folie et que je m’opiniâtre à rester à mon poste.

Après le départ du directeur des études qui m’a laissée tomber, de ma directrice des ressources humaines qui m’a été fidèle jusqu’au bout, du directeur des ressources matérielles dont l’ambition l’a mené ailleurs et des adjoints et adjointes au directeur des études, ma dernière année à la direction s’est passée en chicanes autour des 173 heures et en affrontements sur la réforme des collèges sur fond de boycotts de plus en plus paralysants et insupportables. Comme je l’avais prévu, le retrait des poursuites n’a rien réglé: le climat de travail est resté malsain et c’est le syndicat des enseignants qui en est responsable. J’ai encouragé un certain nombre d’enseignants qui en ont assez des boycotts à former une nouvelle équipe syndicale qui aurait pour but de déloger mes adversaires. Certains enseignants ne voient pas en quoi le boycott du party de Noël fera avancer leur cause. Par des interventions en assemblée syndicale, ils commencent à s’opposer à l’exécutif actuel. On m’a informé qu’Amable Beausapin, un technicien-enseignant en électrotechnique, ami de la directrice des ressources humaines, a attaqué ceux qu'il appelle avec mépris les vieux et leur a demandé de laisser la place aux jeunes. Il les a aussi accusés d’utiliser des moyens de pression faibles comme les byecotts comme il le dit, au lieu de faire la grève et il a ajouté que ce sont des péquistes avant tout et non de vrais syndicalistes. C’était pas mal fort comme attaque. Mais même mon professeur d’histoire préféré donneur de cours magistraux mur à mur qui a gagné des prix pour la qualité de son enseignement a trouvé que la diatribe d’Amable était malhabile. Tout de même, ils réussiront peut-être là où j’ai échoué. Ce sera ma vengeance en quelque sorte. Ce que je souhaite, c’est que mes adversaires invétérés soient battus aux prochaines élections syndicales.

Je quitterai le collège avec soulagement. J’ai fait plus que mon possible mais comme le dit le fils de l’homme d’affaires le plus important de la région: c’est pas drôle d’être directrice générale d’un collège qui a ce genre d’individu dans le personnel. Je partirai la tête haute, deux ans avant la fin de mon mandat, avec une prime de séparation respectable et une pension plus que convenable. Heureusement que mes adversaires n’habitent pas dans la région. Malgré toutes les calomnies dont j’ai été l’objet, je jouis toujours de l’estime de mes concitoyens qui savent bien, eux, combien j’ai à coeur le développement de la région.

Le 15 mai 2004, j'ai adressé le message suivant à tout le personnel du collège.

Madame,
Monsieur,

Vous savez tous et toutes maintenant que je quitterai mes fonctions de directrice générale de notre collège le 30 juin prochain, fonctions que j'occupe depuis le 15 mai 1997.

Le temps est venu pour moi de privilégier ce qui m'importe le plus dans ma vie, ma famille, et de passer le flambeau à quelqu'un d'autre pour assumer la direction générale du  Collège que j'aime tant.

Je vous remercie très chaleureusement de votre précieuse collaboration et de votre soutien continu qui m'ont aidée à assumer les responsabilités inhérentes ma fonction. J'étais très fière de pouvoir compter sur une équipe du tonnerre, employés et administrateurs, des hommes et des femmes engagés, ayant la réussite de nos étudiants et de nos étudiantes à coeur et travaillant avec dignité, honneur et vaillance à faire de notre Collège, un collège de référence comme l'a reconnu la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial lors du processus d'évaluation institutionnelle réalisé en 2002.

Je me réjouis en pensant aux années passées dans ce Collège, aux gens que j'ai côtoyés et aimés, aux étudiantes et aux étudiants qui ont fait battre le coeur du collège et le nôtre en même temps, à tous ces espaces-temps où la mission du Collège a compté un peu plus dans le coeur des gens de la région, à tous ces moments sacrés où nos jeunes sont devenus des adultes désireux d'en aider d'autres à leur tour, à toutes ces occasions où nos jeunes ont appris à être, à penser, à se comprendre, à s'aimer et à avoir le goût du bonheur et le goût de la vie, à toutes ces relations de maître-enseignant à élève qui ont changé à jamais des personnes et des destinées… et à tous ces rêves qui ont pris forme sous mes yeux. Quand j'y pense, je suis à chaque fois de nouveau émerveillée par ce métier que j'ai fait pendant quelque 27 ans au niveau collégial dont les sept dernières dans ma région qui resteront les plus chères à mes yeux.

Bien sûr, je quitte tout cela avec une tristesse certaine mais aussi avec tout le bonheur d'avoir eu le privilège de m'y être consacrée avec passion, générosité et,

avec dignité, honneur et vaillance.

Françoise R.

Votre toute dévouée directrice générale.


Ainsi s’achèvent ces confidences qui donnent ma version des événements qui ont marqué mon passage au collège comme directrice générale. Je les ai écrites, je le répète, avec toute l’honnêteté dont je suis capable. Dans une guerre, il n’est pas facile de déterminer qui a raison. Cependant, il y a une chose qui devrait faire l’unanimité. Pendant sept ans, les deux parties ont parfaitement réussi à s’empoisonner réciproquement la vie. Je ne suis pas sûre que ni l’un ni l’autre ne doive en être fier. J’ai ma part de responsabilité. J’ai toutefois l’impression qu’ils se sont plus amusés que moi car il est plus facile de s’opposer que de bâtir. J’ai été une dure adversaire et, je l’avoue, j’ai utilisé des tactiques discutables pour nuire à mon ennemi numéro un. J’admets que je suis loin d’être certaine que Le Littéraire a prononcé la fameuse phrase Cette fois-là, vous étiez à jeun qui l’incriminait. Et s'il ne l'a pas dite, et bien je m'excuse de l'avoir accusé de diffamation. De toutes façons, comme il a répété cent fois ne pas l'avoir prononcée à quiconque voulait l'entendre, d'une certaine façon, ma réputation est sauve quoiqu'il ait dit aussi à chaque fois que nous l'avions inventée, fabriquée,  ce qui ne plaidait pas en ma faveur. Mais, en conclusion, un observateur objectif conclura que le harcèlement a été des deux côtés. Le conflit que nous avons vécu est un bel exemple des conséquences sur la vie professionnelle d'oppositions politiques entre des individus ayant des options différentes quant à l'avenir du peuple québécois.

Une question pour finir: est-il possible à une direction d’exercer normalement ses fonctions quand un petit groupe coriace essaie de lui faire perdre sa crédibilité en la déstabilisant par des critiques incessantes utilisant des mots blessants, méprisants, insultants et même diffamatoires? Sur la question des propos diffamatoires, il n’y aura malheureusement aucun juge de la Cour supérieure pour trancher. Qui pourrait dire avec certitude que le juge ne nous aurait pas donné raison? Nous ne le saurons jamais. Comme nous ne saurons jamais si la Commissaire au Tribunal du travail aurait donné raison au syndicat ainsi que l’arbitre des griefs. J’ai été trahie par le directeur des études et par le Conseil d’administration qui ne m’ont pas appuyée jusqu’au bout.  Au moment crucial,  ils m’ont laissée tomber. C’est  triste car j’aurais gagné si les gens s’étaient tenus debout. Mais j’ai quand même eu ma revanche.

En effet, tel que je le souhaitais, ceux que j’ai encouragés à se présenter aux élections du syndicat des enseignants ont formé une équipe qui a vaincu 43 à 36 ceux qui n’ont cessé pendant sept ans de me contrarier. Le Syndicaliste, revenu au collège, et son équipe dont le Politique faisait partie, ont été battus. Cela veut tout de même dire quelque chose! Si le Littéraire s’était présenté à la vice-présidence contre notre ami Amable Beausapin qui a été le brillant architecte de cette victoire, il aurait subi une défaite humiliante contre un adversaire qui, selon lui, aurait dû rester technicien.  Mais il a eu peur de perdre et ne s’est pas présenté, lui le guerrier sans peur et sans reproche. Quel pissou! On peut conclure avec certitude que sa politique d’opposition à mon endroit a été rejetée puisque ses amis ont été battus. Tout le monde a compris que c’est lui qui a subi la défaite car dans sa tournée des départements, Amable Beausapin s’est servi d’un texte dont il était l’auteur qui continuait à m’attaquer à cause de mon adhésion aux quinze orientations de la Fédération des cégeps et parce que, lors d’une rencontre inter-syndicale, j’avais traité de malhonnête intellectuellement un professeur d’anglais qui me faisait un procès d’intention.  Amable s’est promené dans le collège en disant: Vous êtes pas tanné de ces attaques continuelles et de ces byecotts inutiles? Malgré sa crédibilité et sa compétence, le Syndicaliste qui a été huit ans vice-président de la Fédération (qui a financé mes adversaires) et président du syndicat de notre collège pendant des années a mordu la poussière. Les vainqueurs avec Amable en tête ont fêté à l'Université, une brasserie où se réunissent les membres de  l'élite de droite,  et je me suis retenue d’aller célébrer avec eux mais ils savaient que je les félicitais de leur belle victoire qui est aussi la mienne. Amable avait rendu la marchandise après que l'administration eût favorisé son passage de technicien à enseignant avec tous les avantages monétaires que cela implique selon la philosophie qui m'est chère du donnant-donnant.

Je me souviens de mon arrivée à la direction générale du collège. J’avais la tête pleine  d’idées nouvelles et le coeur plein de fierté de pouvoir contribuer à ma façon au développement de la jeunesse de ma région. C’était en mai 1997 et j’allais m’y consacrer pendant un peu plus de sept années.

Je voulais d’abord reconnaître le chemin déjà parcouru et redonner un second souffle à cette institution d’enseignement supérieur que j’estimais alors méconnue et généralement sous-estimée par la population régionale. Je voulais faire rayonner notre collège sur la scène provinciale et faire se développer à l’interne un profond sentiment d’appartenance porteur de fierté, elle-même porteuse de la réussite anticipée.

Avoir la réussite à coeur est devenu la visée générale de tout le personnel établie dans le tout nouveau Projet éducatif du collège. Ce fut le point de départ d’une formidable équipée complètement dédiée à la réussite des apprentissages de notre jeunesse ainsi qu’à la reconnaissance de la grande qualité  des enseignements dispensés pour y arriver.

La mobilisation autour du Projet éducatif institutionnel s’est accomplie à travers la réalisation des Plans de développement concertés et l’évaluation continue de leurs avancements. Plusieurs projets sont devenus réalité grâce à la compétence et à l’engagement de quelque deux cents personnes employées au collège qui y ont consacré leur énergie et leur temps avec passion et amour de leur collège. Mentionnons notamment la mise en place de la Fondation, le développement important du parc informatique, la mise en place du Centre de transfert technologique en écologie industrielle, l’enrichissement de l’offre de formation, la mise en place du Centre d’études collégiales de V., l’ouverture du collège à l’international et l’augmentation significative de la présence du collège sur la scène régionale et provinciale. Pour une femme d’action, ce qui compte, ce sont les réalisations. A mes yeux, tout le reste est anecdotique et ne fait qu’augmenter mon mérite car j’ai dû agir en surmontant des tas de difficultés qui me compliquaient injustement la tâche.  L’ensemble de mon oeuvre est un succès et parle par lui-même.

Ce fut un très grand honneur pour moi de participer à cette merveilleuse aventure et de conduire la destinée du collège vers une plus grande reconnaissance et une meilleure appréciation de la qualité de la formation donnée aux jeunes de notre région et même au-delà. Notre collège est grand par la qualité des gens qui l’habitent et petit par sa taille qui permet la proximité nécessaire à un bon encadrement et au maintien d’une bonne relation maître-élève si précieuse dans la réussite scolaire. C’est, je le pense, l’une des raisons importantes qui font de ce collège une bonne institution et une institution désirable.  Aujourd’hui, j’y suis toujours profondément attachée et c’est avec joie que je me souviens de ces sept années passées à oeuvrer dans ce qui m’a toujours semblé être le plus beau métier du monde: l’éducation.

Tout le reste n'est que broutille. Tout ce qui grouille,  grenouille et scribouille n'a guère d'importance. J'ai été obligée de subir les vexations de deux scribouilleurs pendant sept ans. De leurs méfaits, de leur virtuosité verbale, il ne reste rien, que du vent sauf peut-être quelques citations de Montaigne qui n'avaient pas besoin de leur outrecuidance pour résister au temps.

L'ex-directrice générale

Françoise R.

(25 juillet 2006 - 18 décembre 2008 - 18 mars 2009- 27 mai 2009- 30 juillet 2009- 14 août 2009- 4-5 mars 2010)