samedi 13 mars 2010

la gibelotte et autres essais (suite et fin)

sixième cahier

la fin du règne de Françoise Première 

Voici le courriel que l’Ingénieur a envoyé au  Littéraire, le 5 juin 2008:

Bonjour. Juste pour dire que le journal local nous informe cette semaine que le CLD (Centre local de développement) avait élu un nouveau président qui remplace Sa Majesté qui détenait ce poste depuis huit ans.  C’est la fin du règne de Françoise Première sur notre région.

La Reine fut absente à la fête du 40è anniversaire (1968-2008) à laquelle elle a été invitée par un téléphone personnel de l’actuelle directrice. L'excuse officielle: elle attendait de la visite ce jour-là. Le 3 septembre 2008, le collège publia un album de souvenirs très bien fait qui contient de nombreuses photos et qui fut lancé à l’occasion de cette Fête du 40è anniversaire du collège. En quarante ans, trois  personnes ont occupé la direction générale. Devant environ cent vingt-cinq personnes réunies dans l’auditorium, alors que la mention des noms des deux autres directeurs fut applaudie chaleureusement, pendant la présentation d’un diaporama, la mention du nom de celle qui était absente et qui fut directrice générale de 1997 à 2004 fut accueillie par un grand silence: pas le moindre applaudissement ne fut entendu.

Faisons une pause pour réfléchir à la signification de ce silence. 

Une voix accompagnant le diaporama a fait une transition entre le premier directeur général (29 ans) et la deuxième directrice générale (7 ans) en disant: Du cinéma muet à la guerre des étoiles qui voulait souligner les achats d’ordinateurs de la  directrice et la salle de vidéo-conférence qu’elle fit construire.  C’est la seule allusion au long conflit dont traite ce livre puisque l’album de souvenirs n’en parle pas. Et c’est sans doute une allusion involontaire et humoristique que d’appeler son règne la guerre des étoiles où le mot clef est guerre. Le silence accompagnant la mention de son nom est un signe, selon  l'Ingénieur, de la fin du règne de Françoise Première sur notre région.

aire de repos

la vie à Ste-Anne-de-Sorel dans l'ancien temps selon Walter S. White

1885. Décembre. A une assemblée municipale, il fut proposé par le conseiller Pierre Salvaille, secondé par le conseiller Michel Péloquin que vu l'exécution  injuste et arbitraire de notre compatriote Louis Riel, autorisée par le Gouvernement de Sir John Macdonald, le 16 novembre dernier, ce conseil proteste énergiquement au nom de tous les citoyens de Ste-Anne-de-Sorel.

1888. Octobre. M. Pierre Péloquin a tué 219 canards en 5 jours la semaine dernière.

1890. Mars. Les prix de notre marché ont considérablement varié depuis quelques semaines. Ainsi le bon beurre se vendait samedi 12 cents la livre  contre 20 cents que l'on payait il y a quelques semaines. Il s'est même vendu d'excellent beurre salé pour 10 cents la livre. Les oeufs se vendent depuis 12 1/2 à 15 cents la douzaine et les patates de 45 à 65 cents le minot. 

1894. Avril. M. P. Péloquin l'ancien garde-chasse de Ste-Anne a abattu en trois jours 88 canards sauvages dont 60 noirs. C'est une chasse vraiment extraordinaire.

1895. Avril. M. Charles Paul de Ste-Anne-de-Sorel vient d'être nommé garde-chasse pour les comtés de Yamaska et Richelieu.

1895. Septembre. Le téléphone est maintenant installé entre Sorel et Ste-Anne-De-Sorel et les boîtes se trouvent à l'hôtel Houde et au presbytère.

1898. Mars. Les autorités municipales de la paroisse Ste-Anne-de-Sorel ont passé un réglement prohibant la vente de liqueurs enivrantes dans la limite de cette paroisse. Les conseilleurs  méritent  des félicitations pour cet acte car on n'a certainement pas besoin d'hôtel dans une paroisse qui ne se trouve qu'à deux milles de la ville de Sorel.

1900. Juin. Les pêcheurs des îles de Sorel et de Ste-Anne ont expédié plus de 10,000 livres de poisson mercredi soir à Montréal et à Québec par les bateaux de la Cie Richelieu.

1906. Octobre. La loi concernant la chasse est audacieusement violée de ce temps-ci aux îles de Sorel. On chasse le canard la nuit comme le jour bien que la loi défende de tirer sur ces gibiers depuis le coucher jusqu'au lever du soleil. Quand va-t-on faire observer la loi?

1920. Août. Le Nina L. - Samedi après-midi, on lançait les chantiers de la Sorel Transportation and Shipbuilding Co. Ltd, une superbe goélette à quatre mats d'une longueur de 188 pieds, d'une largeur de 36 pieds, et de 17 pieds de profondeur. La marraine était Mme Jos. Simard. 

1932. Janvier. Les Fonderies Beauchemin achetées par M. Jos. Simard deviennent Sorel Steel foundries Ltd.

1933. Février. La coupe de glace est commencée et les blocs de glace mesurent de 24 à 30 pouces d'épaisseur. La provision de glace devrait être suffisante pour l'été prochain.

1935. Décembre. Inauguration de la lumière électrique dans l'église.

1937. Juin. La grève qui durait depuis un mois dans les usines de Sorel Steel Foundries Ltd., Sorel Mechanical Shops et les Chantiers Manseau Ltée est terminée.

1944. Avril. Le traversier Le Sorelois fait maintenant la navette entre Sorel et St-Ignace, à la grande satisfaction des voyageurs et ouvriers des îles qui travaillent dans nos industries.

1955. Octobre. Un important quotidien de Toronto a rendu un hommage bien mérité au génie créateur des  frères Joseph, Edouard et Ludger Simard qui sont les piliers de l'industrie lourde locale. Sorel, grâce aux frères Simard, possède des industries uniques au monde entier; cet accomplissement est dû à trois canadiens-français originaires de Baie St-Paul. Nous sommes fiers de les compter comme paroissiens.

1957. Juin. Un film sera tourné sur la vie de Germaine Guèvremont, auteur du Survenant et de Marie-Didace. Madame Guèvremont a maintenant sa résidence permanente dans les îles de Sorel.

1967. Août. Le 24 dernier avaient lieu les obsèques de madame Germaine Guèvremont. (...) Nous avons un bon souvenir d'elle dans l'émission télévisée Le Survenant.(qui a duré 8 ans).(...) Elle allia à une grande simplicité une grande curiosité pour tout ce qui n'était pas elle-même. (...) Au début de l'été, on avait vu d'elle L'adieu aux îles. Cet adieu était un avertissement. Elle ne devait jamais y retourner à moins que les âmes puissent, une fois délivrées de leur corps, circuler dans le temps et l'espace.

(Walter S. White, Le Chenal du moine, une histoire illustrée, 1976, Les Editions Beaudry & Frappier)


le point de vue du Littéraire

avant-propos

Le personnage qui s'exprime dans les Confidences d'une femme trahie est une création.  Je ne le dirai jamais assez: cette personne qui a fait le bilan de son expérience comme dirigeante d’un collège est un personnage fictif. Sans me prendre pour Balzac ou Yves Beauchemin, je l’ai inventé. Elle est plus ouverte, plus séduisante, plus raisonnable, plus altruiste, plus cultivée et même plus honnête que le modèle original. Je suis incapable de détester ce personnage.  Si elle avait eu cette personnalité que je lui donne, le conflit se serait déroulé différemment.  Elle n’aurait pas commencé sa carrière de directrice comme elle l'a fait, dans la provocation et l'affrontement.  Elle vous a peut-être entortillé. Dans le Robert, entortiller, c’est séduire par la ruse. Il en faudra peut-être beaucoup pour vous désentortiller. Ce qui me place dans une situation fort embêtante. Certes, je suis parti du réel mais je l'ai transformé si bien que même moi qui ai tiré les ficelles et qui ai lu et relu tous les documents, je ne suis plus  capable de départager la réalité de la fiction. Telle est la puissance de la fiction qui a sa propre cohérence interne. Même si je voulais le plus possible rester fidèle aux faits sans rien inventer, à un moment donné, la pulsion vers la fiction l'a emporté. Mais laissons cela qui ne vous intéresse sans doute pas. Les secrets de fabrication, comme dans les trucs de magiciens, doivent rester cachés.

Avant de donner le point de vue syndical, je voudrais dire que  je favorise la civilité dans les rapports sociaux. Pour donner un exemple, j’admire la maîtrise de soi manifestée par Barak Obama devant les attaques qu’il a subies pendant les deux années de son ascension vers la Maison blanche.  Je suis en faveur des débats où chacun respecte l’autre surtout dans l’expression des désaccords. Toutefois, les abus de pouvoir d’une dirigeante par l’utilisation de moyens violents (poursuites, harcèlement) pour faire prévaloir son point de vue et se débarrasser de ceux qui osaient s’opposer à ses projets et à son style autoritaire rend impossible l’application des beaux principes de civilité et de respect. A ce moment-là, c’est la guerre.

Maintenant que la poussière est retombée et la sérénité revenue, nous pouvons affirmer qu’il se dégage des pages que vous allez lire une force tranquille qui accompagne le plaisir d'affirmer des vérités qui sont bonnes à dire et qu’il n’était absolument pas question de taire. Dans les Remarques, il y a eu des règlements de comptes à l'égard de ce que Chateaubriand appelle la canaille. A ce propos, j'ai montré de la retenue mais en me rappelant les scènes d'hypocrisie, de dénigrement ou de servilité féminine, j'ai senti la colère monter.  En n'écrivant pas, j'aurais été complice de ces lâches coups bas.  En démocratie, on a le droit de parole et on a le droit de s’opposer. Nos ex-adversaires de l'administration et du corps enseignant (c'est une petite minorité) sont placés devant la description honnête mais sans concession  de leurs méfaits et de leurs mesquineries. Nous leur suggérons  de ne pas tomber dans le déni et d’assumer pleinement leurs actions passées. Ensuite, qu'ils ou elles  déplorent et  regrettent ce qu’il y avait de médiocre en elles. Que l'administration  commence par admettre  qu’il y a eu abus de pouvoir.  Ces abus de pouvoir  sont une forme de violence aussi exécrable que la violence physique. Une forme de violence qui rend impossible la civilité que nous souhaitions. 

Barak Obama a posé comme principe de son action dans ses rapports avec l’opposition républicaine: To disagree without being disagreable. On peut  être en désaccord sans être désagréable. ( Malgré toute la bonne volonté de Barak Obama, aucun Républicain n’a appuyé son plan de relance de l’économie et on a vu la violence de la contestation de son plan d'assurance-santé.) Nous avons été obligés d’être désagréables car c’était défendu d’être en désaccord. Dans ces circonstances, nous ne nous excusons de rien et nous ne regrettons rien. Surtout après avoir refait tout le parcours à tête reposée, sans pression, avec une tranquille lucidité ponctuée de bouffées de colère que nous avons réussi à maîtriser.

Ce que vous lisez doit être considéré comme une enquête qui a pour but de faire connaître la vérité à propos de sept ans de conflits dans un collège. Exprimer les résultats de cette enquête relève de la liberté d'expression et de la liberté d'information.  Sept ans après l'entente hors cour, au moment où ces lignes sont écrites, l'auteur ne se considère plus comme une partie au litige mais comme  le témoin privilégié d'un conflit. C'est à titre d'observateur qu'il écrit: la preuve c'est que les deux points de vue sont honnêtement exprimés et qu'on a donné  aux deux parties pratiquement le même droit de parole, laissant au lecteur la liberté de faire la part des choses et de porter un jugement éclairé.     

Dans ma carrière d'enseignant et d'écrivain, j'ai traité les libéraux de parvenus, d'arrivistes, de partisans du statu quo et de satisfaits de l'ordre établi. Ce sont des amabilités que j’ai répétées à travers les années. Les femmes savantes essayaient de faire croire que les divergences politiques  n'avaient pas d'influence sur les événements qui se passaient au collège. C'est faux. Ce n'est pas parce qu'une directrice cache ses idées politiques qu'elle n'en a pas. On n'a qu'à regarder qui sont ses amis qui ont deux caractéristiques: ils ont de l'argent (quelques-uns sont millionnaires) et ce sont des libéraux. Comme le dit le proverbe: Qui se ressemble s'assemble. Et ce serait ridicule de dire que ses antipathies politiques n'avaient aucune influence sur ses décisions ou ses relations avec les personnes. C'est exactement le contraire.

Dans les régions, comme on le voit à l'échelle du comté de Charlevoix dans la série télévisée Le temps d’une paix, il y a des rivalités politiques qui ont des conséquences. Je suis sûr que les événements qui se sont passés de 1997 à 2005 au collège où j'ai enseigné et qui font l'objet de ce livre  sont la suite des affrontements des années 1970 où les libéraux de Sorel ont tenté (en vain) de me faire perdre mon emploi.   

Quand certaines élites soreloises ont essayé de se débarrasser de moi dans les années 70, leur vrai visage est apparu. J’ai vu à qui j’avais affaire et j’ai commencé à comprendre que la liberté d’expression avait un prix, ce qui ne m’a pas empêché de parler: j’étais seulement plus conscient des conséquences. Ce sont des expertes dans l’art de créer une ambiance lourde ou un mauvais climat par personnes interposées. Heureusement qu’il y avait un syndicat pour me défendre. Certes, j’aurais pu enseigner ailleurs ou faire autre chose, journaliste, par exemple mais je sais que ça n'aurait fait que déplacer le problème. Cela aurait été leur donner raison et il n’en était pas question. Ce n'est pas d'hier que les fédéralistes  font de la censure.  Si partout au Québec les indépendantistes se tenaient debout au lieu de se laisser censurer ou de s'autocensurer, l’indépendance serait déjà faite. Je tenais à enseigner là où le hasard ou la fortune comme dirait Montaigne m’avait envoyé, à  68 km de chez-moi à Longueuil, non loin du  paysage du Chenal-du-moine rendu célèbre par Germaine Guèvremont que j’ai  eu le plaisir de rencontrer à Montréal en 1966 comme journaliste au Quartier latin (journal étudiant de l’Université de Montréal) dans son appartement au douzième étage,  à côté du parc Lafontaine, au coin de la rue Cherrier. Je lui ai demandé si le Survenant était l’homme de sa vie et j’ai eu sa réponse: elle a rougi. Une vieille dame qui est un grand écrivain  et qui rougit, c’est émouvant. Ça me plaisait d’enseigner non loin des propriétés de la famille Simard, de Marine Industries et de la maison cossue sur le bord du fleuve à Ste-Anne-de-Sorel habitée par Andrée Simard et Robert Bourassa, un homme politique que j'ai beaucoup détesté. Pendant la crise d’octobre 70, pendant mes cours, on entendait le bruit des hélicoptères. Ça me plaisait de travailler dans un milieu ouvrier et dans une région que j’aimais où je ne me sentais pas du tout comme un étranger puisque, disais-je à mes élèves, un Québécois est partout chez lui au Québec.  Malgré leurs prétentions (ils se croient sortis de la cuisse de Jupiter), la région de Sorel-Tracy n'appartient pas aux libéraux.   

En dénonçant la relation de Robert Bourassa à la famille Simard dans les années 70, qui ressemble selon Patrick Bourgeois (dans son livre La Nébuleuse) à la relation entre Jean Charest et Paul Desmarais,  j’ai suscité des antipathies chez les libéraux.   Et, croyez-moi, je n’étais pas et je ne suis pas paranoïaque. La nomination de la directrice au printemps de 1997 mit fin à une période d’accalmie après la défaite au référendum (volé)  du 30 octobre 1995 où 49.2% des Québécois et Québécoises ont voté OUI à la souveraineté-partenariat et 61% des francophones.  Avec son arrivée au printemps 1997, la guerre a recommencé pour atteindre des sommets inégalés. Et c'est une guerre qu'on ne peut pas comprendre si on ignore son arrière-fond politique qui remonte aux années 70.
Malgré le décalage dans le temps, nous écrivons en quelque sorte la suite de ces affrontements des années 70-80.  La boucle est ainsi bouclée. Nous plantons un clou définitif dans le cercueil de la clique libérale qui a essayé de nous nuire pendant trente-cinq ans. 

Cette clique libérale détient encore une partie du pouvoir économique par exemple en contrôlant les fonds d'investissement régionaux (Fiers). Elle a détenu le pouvoir politique au niveau municipal  de l'an 2000 jusqu'à novembre 2009. Toutes les employées du gros agent d'assurances ont été mobilisées pour l'élection du maire. Celui-ci a été battu le premier novembre 2009. Au niveau fédéral, le comté a élu Louis Plamondon, un député du Bloc québécois qui a fêté récemment ses vingt-cinq ans de vie politique. Et depuis 1994,  Sylvain Simard du Parti québécois, est le député du comté de Richelieu.  Il a été réélu en 1998, 2003, 2007 et le 8 décembre 2008. Il a été Ministre de l’Education du 30 janvier 2002 au 29 avril 2003 au moment des poursuites de la Direction contre nous.  Lors d’une rencontre que l’Irlandais (membre de l'exécutif syndical) et moi avons sollicitée, le Ministre a  sympathisé avec nous puis, après une subvention d'un million de dollars pour aménager le sous-sol du collège pour le nouveau programme en environnement, il est intervenu personnellement pour que la Direction retire ses poursuites. Il faut croire qu'il a été entendu.

La  Directrice générale dite La Reine ou Sa Majesté, l’Adjointe au Directeur des études (qu'on appelait parfois Kaka Fala? quand elle essaya en vain de passer des questionnaires d'évaluation dans une classe de bureautique)  et l’avocate directrice des ressources humaines dite Béèmdoublevé ou le Ton sont trois libérales. Ce sont les trois femmes de l'administration qui nous ont cherché querelle comme on le conclut après avoir pris connaissance des faits.  Les faits, admettez-le, ont une certaine importance. Ils ont une existence objective (les gestes ont été posés et les documents existent)  et ont une certaine signification. Ils ne sont pas insignifiants. Ces faits montrent hors de tout doute que nous étions en guerre. Le Littéraire, l'Irlandais, le Politique et l'Herboriste ne sont pas des Libéraux: ce sont des indépendantistes.

Le nous syndical qui s'exprime dans le chapitre C'est la faute à Montaigne  souligne la dimension collective de notre lutte et la solidarité qui a été nécessaire à notre victoire. Comme le Littéraire a été obligé de se protéger pendant sept ans en ne publiant aucun écrit sous sa seule signature,  ce livre a été écrit pour qu'il retrouve le droit de dire je, un droit que les poursuites-bâillons (Slapps) et le harcèlement lui avaient pratiquement enlevé. 

Puisque le surnom de la directrice est la Reine ou Sa Majesté, citons ce qu’a dit un  Jean Chrétien bilingue et triomphant lors du rapatriement de la Constitution en 1982, à Ottawa où il a une résidence, en présence d’Elizabeth II, The Queen of England, un verre de vin blanc à la main: 

To the Queen!  A la Reine!    

( lundi, 2 novembre 2009)

 
Mise en contexte juridique

Y a moins de mal souvent à perdre sa vigne qu’à la plaider.  ( Essais,  II, 17)

Extraits du film A civil action avec John Travolta et Robert Duvall.
Voix off de John Travolta qui dit:

Lawsuits are war   (les poursuites, c'est la guerre)
It is as simple as that   (c'est aussi simple que ça)
and they begin the same way   (et ça commence toujours de la même façon)
the declaration of war:   (la déclaration de guerre)
the complaint   (la poursuite).
When your'e a small firm   (quand vous êtes un petit bureau d'avocats)
and ther'e the big one   ( et que, eux, ils sont la grosse firme d'avocats)
steeped in history and wealth   ( imbu d'histoire et de richesse)
like they always are   (comme elles le sont toujours)
with their persian carpets on the floor   ( avec leurs tapis persans sur le plancher)
and their Harvard diplomas hanging on the wall   ( et leurs diplômes d'Harvard suspendus au mur)
it's easy to be intimidated   (c'est facile de se laisser intimider)
don't   (ne le soyez surtout pas)
That's what they want   (c'est ce qu'elles veulent)
that's what they expect   (c'est ce qu'elles espèrent)
like all bullies   (comme toutes les brutes intimidantes)
as so they win   (pour gagner et pour vous écraser)
I don't run away from bullies   (je ne me sauve pas devant les brutes)
(John Travolta qui joue Jan Schlichtmann, l'avocat qui se bat au nom des parents contre les compagnies polluantes)

Robert Duvall parle:  The idea of criminal court is crime and punishment. The idea of civil court though nobody wants to say it outloud is MONEY.  (Robert Duvall, avocat de la compagnie polluante responsable des maladies et des morts d'enfants)
L'idée d'une cour criminelle, c'est le crime et sa punition. L'idée d'une cour au civil, même si personne ne veut l'admettre ouvertement, c'est l'ARGENT.

Sur 780,000 poursuites chaque année aux Etats-Unis, 12,000 seulement aboutissent à un verdict, soit 1.5%. L'idée principale derrière une poursuite est d'obliger l'autre à céder en suppliant pour avoir une entente à ses propres frais jugés inférieurs au résultat d'un procès.

Une cour de justice n'est pas un endroit où on cherche la vérité. (Robert Duvall)

Avec l'Essai gibelotte sous forme de Remarques nous avons quitté l’univers de ce que Joyce appelle les personnes de distinction qui sous une apparence policée battent en brèche la morale. Continuons dans cet autre monde, celui de la résilience et de la solidarité.


aire de repos

Le samouraî parle. Le samouraï dit: 

Ma Voie est fondée sur la loyauté, la justice et l'honneur.  Mon idéal est l'esprit martial dans l'affrontement sans peur de l'ennemi dans la bataille. En toutes circonstances, droiture, honnêteté et surtout contrôle de soi. Mon art consiste non pas à vaincre les autres mais à ne pas être vaincu.  Ma passion pour la franchise n’exclut pas la ruse mais rejette le mensonge; elle a sa source dans le courage, mais aussi dans le besoin de limpidité, de pureté, d'harmonie et de cohérence. Tout ce qui entache cet état est déshonorant.  
Ainsi parla le samouraï.

Et quand personne ne me lira, ai-je perdu mon temps de m’être entretenu tant d’heures oisives à pensements si utiles?   (Montaigne)

Je crois finalement qu’écrire fait partie de la liberté d’expression. On a le droit d’écrire comme on a le droit de parler. Quand on écrit, on ne fait taire personne. (Jacques Ferron)

Notre vie est partie en folie, partie en prudence. Qui n’en écrit que révéremment et régulièrement, il en laisse en arrière plus de la moitié.   (Essais, III, 5)

Mais, me direz-vous, il ne s’agissait que d’une misérable petite affaire! Oui, bien sûr, vous avez raison, mais tout est relatif. Moi, j’en faisais une grande affaire et, comme elle me concernait, mon jugement prévalut.  (Jacques Ferron, Appendice aux Confitures de coings, Parti pris, 1972)


Aire de repos

Réponses de Claude Gauvreau au questionnaire Marcel Proust

Votre qualité préférée chez l'homme? Par-dessus toute chose, en tout, j'estime l'authenticité.
Votre qualité préférée chez la femme? Quitte à friser le pléonasme. je dirais que ma qualité préférée chez la femme c'est la féminité.
Votre vertu préférée? L'obstination.
Votre occupation préférée? Ecrire.
Le principal trait de votre caractère? L'implacabilité.
Ce que vous appréciez le plus chez vos amis? La compréhension. J'en arrive à l'âge où, longtemps méconnu et incompris et dénigré, j'ai besoin de goûter à un peu d'admiration.
A cause d'un vieux pli pervers, je suis toujours étonné qu'on me fasse confiance
mais, chaque fois, c'est un des beaux et bouleversants moments de l'existence.
J'apprécie la franchise, l'absence de ruse, la spontanéité.
Ce que je déteste par-dessus tout? J'ai en horreur les calculateurs, les exploiteurs, les tacticiens roués, les adeptes de l'extorsion, les arrivistes, les opportunistes, toutes les formes de l'inauthenticité.
Etat présent de mon esprit? Je suis combatif, imaginatif, extravagant, optimiste.

Extrait de: Quand les écrivains québécois jouent le jeu, présenté par Victor-Lévy Beaulieu, Editions du Jour, 1970. Le poète et dramaturge Claude Gauvreau s'est suicidé en juillet 1971. Il avait quarante-cinq ans. C'est infiniment triste.


3- C’est la faute à Montaigne

Parmi les rocs occultes et parmi l’hostilité
(Gaston Miron, l’Homme rapaillé, 1970)

Vengeance is for suckers.  La vengeance est pour les épais. (Paul Newman, dans le film The Sting, l'Arnaque).




A Lorraine Bourret,  Gilles Casgrain, Nicole Frappier,   Nicole Gauthier, Denise Gaudette,  Pierre Girouard, Louise Grégoire-Racicot,  Me Jacques Lamoureux, Lise Latraverse, Jean-Michel Leclaire, Daniel Lussier, Paul Martin, Christian Muckle, Pierre Nadeau, France Pépin-Courchesne, Michel Péloquin,  Daniel Trudeau

aire de repos

Dans les Femmes savantes de Molière, Henriette dit à propos de sa mère Philaminte:

C'est elle qui gouverne, et d'un ton absolu
Elle dicte pour loi ce qu'elle a résolu.

Chrysale, le mari, à propos de sa femme Philaminte, disait sans exagérer mais avec humour:

Pour peu que l'on s'oppose à ce que veut sa tête,
On en a pour huit jours d'effroyable tempête.
Elle me fait trembler dès qu'elle prend son ton;
Je ne sais où me mettre, et c'est un vrai dragon.



entrée sous forme de libres propos 

moi, j'en faisais une grande affaire et comme elle me concernait, mon jugement prévalut (Jacques Ferron)

Après le récit de son arrestation par la police lors d’une manifestation contre le Pacte de l’Atlantique Nord, devant le juge Léonce Plante, Jacques Ferron remarque:  Mais, me direz-vous, il ne s’agissait que d’une misérable petite affaire! Oui, bien sûr, vous avez raison, mais tout est relatif. Moi, j’en faisais une grande affaire et, comme elle me concernait, mon jugement prévalut. Je dis comme le docteur Ferron. Il a joué le rôle de médiateur lors de la crise d’octobre 1970 entre la police et les felquistes qui se cachaient, à St-Luc, sur la Rive-Sud de Montréal, dans la maison de Michel Viger, mon beau-frère. Les luttes politiques n’ont pas seulement lieu au niveau national: elles se passent aussi au niveau régional. Personne n’est obligé de s’y intéresser. Mais cela existe quand même: la question nationale  se répercute au niveau régional dans les relations entre les personnes engagées dans chacun des deux camps.  Au regard de l’histoire universelle, des poursuites en diffamation pour des raisons politiques contre des enseignants dans un collège d’une région de la province de Québec à la fin du XXè siècle, c’est sans doute une petite affaire.  Mais, comme disait le docteur Ferron, tout est relatif, moi, j’en faisais une grande affaire et, comme elle me concernait, mon jugement prévalut. 

une mosaïque

Meryl Streep joue le rôle d’une Danoise installée au Keynia, dans le film Out of Africa, avec Robert Redford, Elle possède une horloge-coucou. Une scène amusante du film nous montre quatre enfants noirs qui sont en attente devant l’objet: ils veulent voir et entendre l’oiseau en bois qui sort de l’horloge en faisant coucou coucou. Après avoir vu l’oiseau coloré sortir de l’Horloge et l’avoir entendu faire coucou coucou, ils se sauvent en riant aux éclats.  Et bien, contrairement aux romans picaresques d’Yves Beauchemin (qui reste sur ma rue dans le Vieux-Longueuil et on se salue souvent)  comme Le Matou  où les personnages sont vus de l’extérieur et sont connus à travers leurs actions, il n’y a pas de coucou qui sort de mon livre pour attirer l’attention. Mon essai qui porte sur la démocratie et la liberté d'expression relève d’une esthétique autre, celle de la mosaïque ou de la peinture où chaque détail, chaque touche contribue à un tableau qui est peint patiemment et qui doit être regardé dans son ensemble. Cette forme exige une certaine implication du lecteur. De la même manière que j'ai toujours fait travailler mes éléves parce que leur effort est indispensable, ainsi le lecteur ou la lectrice doit faire sa part.

elle est devenue un personnage fictif

Pour neutraliser le Littéraire, la Reine du décorum a d’abord tenté de l’intimider (première erreur). Ensuite, elle a essayé de le  bâillonner  (deuxième erreur) puis, elle a abusé de son pouvoir (ce qui est plus grave) pour tenter carrément de l’éliminer en le forçant  à prendre sa retraite.  Par les Confidences d’une femme trahie,  cette directrice est devenue comme un personnage de roman. Elle a raconté toute l’histoire comme elle l’a vécue et elle a même fait quelques aveux, ce qui prouve qu’elle est un personnage fictif car, dans la vraie vie, elle ne s’est jamais excusée de quoi que ce soit même si, de son côté, elle exigeait constamment des excuses. Dans ses Confidences, elle explique comment et par qui elle considère qu’elle a été trahie. Sa version est  plausible: il est possible que le lecteur soit arrivé à la conclusion qu’elle a eu raison de poursuivre les membres de l'exécutif du syndicat et particulièrement son ennemi juré. Si tel est le cas, ça prouvera que le personnage est réussi et qu’on est dans la fiction car, dans la réalité, aussi bien le dire tout de suite, à notre avis, ce qu’elle a fait est inacceptable. Faire gaspiller à un collège 50,000 $ en frais d’avocat à même des fonds publics pour préserver son pouvoir personnel, c’est inacceptable. Abuser de son pouvoir en envoyant, par exemple, des cadres dans les classes du Littéraire avec des questionnaires d’évaluation, sans avertissement, c’est inadmissible.  

jamais la balle de golf n'est frappée hors limites

L’auteur a beaucoup appris du conflit; il a eu sa leçon et il en avait besoin car il admet qu’il avait tendance à utiliser ce que le dynamique directeur d’un théâtre local troublé par ses étudiantes court vêtues appelait des mots blessants. Pour employer une métaphore à partir de mon sport préféré,  ici, me semble-t-il,  jamais la balle de golf n’est frappée hors limites (out of bounds); l’auteur ne tient pas à avoir deux coups de pénalité: dans ses bons jours, il frappe la balle en long, moins loin évidemment que les professionnels, ce qu’on appelle une royal air force, comme Yvan Beauchemin (un Sorelois), Marc Girouard, Serge Thivierge ou Tiger Woods (avec son fer 2), avec une trajectoire de gauche à droite comme Lee Trevino, au centre-gauche de l’allée. Cet essai hybride combat ce que Balzac appelle la bêtise et l’hypocrisie provinciales.

je ne fais rien sans gaieté

Le ton de cet essai s’inspire de Michel de Montaigne qui écrivait: Je ne fais rien sans gaieté, une citation qu’aime bien Dany Laferrière, un écrivain estimable et un admirateur inconditionnel de la gouverneure générale  Michaëlle Jean par solidarité haïtienne  au-delà de la fonction politique de représentante de la Reine d’Angleterre au Canada qu’il a décidé d’ignorer dans ses conversations brillantes avec une Marie-France Bazzo complaisante faisant ainsi preuve d’une mauvaise foi exceptionnelle.  Montaigne, le plus grand écrivain français du XVIè siècle, a été pour nous  un maître de résilience et a joué un rôle-clef dans l’aggravation du conflit.  La résilience, c’est une capacité de vivre stimulée par l'adversité; harceler, c’est soumettre à des attaques répétées en abusant de son pouvoir.  Nous avons montré de la résilience devant deux poursuites et de nombreuses actions de harcèlement. Pendant ce temps, j’étudiais en classe le Misanthrope de Molière quand je n’étais pas interrompu par des bruits de construction ou par la visite de femmes cadres. Ce chef-d’oeuvre constitue, avec les Essais de Montaigne, une source d’inspiration inépuisable. 

il n'y a pas de coupable

Vous me direz que le Règlement hors cour signé par les deux parties le 30 octobre 2002 aurait dû enterrer le dossier à tout jamais. Vous me reprochez d’être rancunier. Ouais! comme dit Célimène devant la jalousie d’Alceste.  Des fautes ont sûrement été commises, lesquelles et par qui? Quelle est leur gravité? Des coups bas ont été donnés de part et d’autre.  Cherchons-nous un ou une coupable ou peut-être des coupables? Qui donc est coupable? Est-ce que quelqu’un a quelque chose à se reprocher? Peut-être après tout que  les acteurs et  les actrices de ce conflit  n’ont pas été marqués par ce sentiment de culpabilité judéo-chrétienne que tous les Occidentaux sont censés éprouver et ressemblent aux bushmen, cette tribu à laquelle appartient le héros du film Les dieux sont tombés sur la tête (qui est troublé par une bouteille de coca-cola tombée du ciel), qui ignore complètement le sens du mot coupable et n’a jamais le moindre sentiment de culpabilité parce que, dans sa tribu, il n’y a pas de propriété privée et que chacun cherche à satisfaire ses besoins en même temps que ceux des autres. Heureuse tribu où il n’y a pas d’argent.

on rit pas avec le pouvoir  (mémère Gervais)

Qui est responsable de ce climat d’inimitié qui a transformé une institution d’enseignement post-secondaire, en principe paisible, en champ de bataille permanent  et cela, pendant sept ans? Est-ce le Littéraire? Est-ce la Reine? Est-ce les deux? Au collège Germaine-Guèvremont sur la Rive-Sud de Montréal  a eu lieu une guerre sans merci, une lutte acharnée de tous les instants dont l’enjeu était la mort sociale de l’autre.  Machiavélique, comme la sorcière aux ongles longs des contes pour enfants, la directrice n’avait aucun sens de l’humour. Elle n’aimait pas les taquineries. Elle a mal pris une citation de Montaigne où il est question d’un singe qui, plus il monte dans l’arbre, plus il montre son cul. Comme elle était dans un processus d’ascension sociale, nous la comparâmes malicieusement à ce singe qui monte dans l’arbre. Elle aurait pu rire de cette irrévérence comme elle aurait pu ne pas dramatiser devant l’expression à jeun (dramatisation qui n’a pas encore révélé tous ses secrets et que nous n’approfondirons pas par respect de la  vie privée). Elle fit semblant de ne pas être touchée par cette trivialité  et demeura impassible. C’était quand même drôle cette citation des Essais  au beau milieu de la Place royale, c’est ainsi que nous nommions le bureau de la directrice. Notre histoire n’est pas triste. Mais rares sont les occasions de pouffer de rire. Comme le dit Nicolas Canteloup imitant le maire de Marseille,  Je pouffe, tu pouffes, il pouffe. Nous pouffons, vous pouffez, ils pouffent. Molière  a écrit que  c’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens. Je ne m’y suis pas aventuré. Quand Sa Majesté ne domine pas la situation, elle demande à son avocate directrice des ressources humaines de téléphoner à un avocat de la Fédération des cégeps ou à un avocat local pour lui demander d’intenter une poursuite en diffamation et d’envoyer le huissier. Comme disait mémère Gervais: On rit pas! C’est sérieux, le pouvoir: quand il se sent menacé, il se défend comme il peut. Il frappe et il frappe fort, avec l'argent public.

la femme au renard argenté

Le rôle principal dans cette histoire est joué par une femme  de pouvoir (local) dans la cinquantaine, une bourgeoise chic qui avait un petit côté Honorable Lise Thibault (la  lieutenant-gouverneur dépensière qui devra rembourser).Elle se couvrit d’un renard argenté lors d’un prestigieux Gala du mérite économique qu’elle présida.  Elle a joué le rôle principal parce que c'est elle qui nous a provoqués puis, devant notre résistance et notre opposition, c’est elle qui a décidé d'utiliser l’artillerie lourde c’est-à-dire des poursuites en diffamation en Cour supérieure.  Ce sont ces poursuites accompagnées de nombreuses actions de harcèlement qui nous atteignaient dans notre vie professionnelle et ont compliqué considérablement notre vie d’enseignant qui ont donné au conflit son intensité dramatique. Elle dira que le syndicat aussi fit du harcèlement et, dans un sens, c’est vrai mais ne jouons pas sur les mots. Se défendre contre du harcèlement et harceler, ce sont deux choses différentes. Essayer de créer un rapport de forces pour se protéger contre deux poursuites comme l’a fait le syndicat, ce n’est pas la même chose que de poursuivre pour écraser des adversaires comme l’a fait la directrice. Prendre des précautions pour se prémunir contre des actions de harcèlement dans l’exercice de notre profession d’enseignant, ce n’était que normal.  Avec l'aide de plusieurs cadres et avec l’appui non négligeable de certaines élites locales, cette  potentate de province a mené une lutte acharnée qui a duré plusieurs années contre un syndicat et contre un enseignant.  Mais les leaders du syndicat et cet enseignant savaient se défendre et contre-attaquer: nous ne jouons pas au martyr.  Quand elle a été nommée à la tête du collège, certains s’attendaient à ce qu’une femme exerce le pouvoir avec empathie, avec un esprit de conciliation et d’entente à la recherche de consensus par l’échange et le dialogue. Je me demande où nous avions pris ces idées farfelues et naïves sur le pouvoir au féminin.  Nous étions sans doute influencés par une certaine idéologie féministe qui réservait aux hommes qui, paraît-il,  aiment faire les coqs, (Rose-Anna, dans le Temps d’une paix, le dit tous les jours à Joseph-Arthur) l’exclusivité des affrontements, des conflits, en somme, de l’agressivité et de la guerre.   Nous n’étions pas ce genre d’hommes à nous écraser devant l’arrogance  du pouvoir même s’il était au féminin. Certes, nous étions sensibles à ses parfums raffinés et à son  renard argenté suranné. Lucide, après une année d’exercice de sa fonction, elle écrivit:  le coup de foudre est maintenant terminé. Quelle incroyable conception de l’exercice du pouvoir! On nous dira qu’au Gala de prestige, elle portait une étole de fourrure et non un renard argenté et qu'il y a des photos en couleurs sur Internet qui le montrent. Donc, ce n’est pas elle. Vous avez parfaitement raison. Ce n’est pas elle. Ce genre de remarque rendait André Breton furieux lui qui souhaitait, dans Nadja, une totale transparence.  Avec l’histoire des aveux, c’est un signe que notre directrice est fictive. Pour nous, dans tout son être, elle était renard argenté. La directrice dont nous parlons est donc  fictive et nous ne nous sommes pas engagé  à être fidèle à l’original. Ceux qui la connaissent sont donc avertis. Ne venez pas nous reprocher de ne pas être exact. Nous ne nous engageons pas à l’exactitude. Comme l’écrit Denys Arcand à la fin de Réjeanne Padovani, tous les personnages sont fictifs et toute ressemblance avec des personnes réelles est le fruit du hasard. Ce n’est pas pour rien que les noms propres n’apparaissent pas ici et que le nom du collège est fictif.

un jugement de valeur

Le Littéraire (comme vous le savez, c’est le surnom que porte l’auteur de ce livre qui a choisi un pseudonyme)  a eu l'élégance de donner la parole à son adversaire qui a tenté habilement de justifier tous ses agissements dans des Confidences où se manifestent son art de la séduction et sa façon de présenter comme parfaitement naturelles et normales des actions grandement contestables tributaires d’une idéologie de droite et d’une conception autocratique et bourgeoise de la vie sociale et de l’exercice du pouvoir. Femme élégante (dit-on) et articulée (si on peut dire en la flattant un peu), avec un vernis de culture (elle aimait citer, quelle ironie!, le poème en prose de Baudelaire l’heure de s’enivrer) passionnée et belliqueuse, cet ex-professeure de chimie ambitieuse et téméraire est une Egérie qui a grandement inspiré l'auteur. N’étant pas atteint du syndrome de Stockholm et ne poussant tout de même pas la grandeur d'âme jusqu'à renoncer à son point de vue, il a qualifié les deux interventions juridiques qui le visaient personnellement de poursuites stratégiques (SLAPP) ou de poursuites-bâillons et les diverses actions hostiles à son endroit de harcèlement (au sens de la loi), ce qui constitue un jugement de valeur  qu'il a le droit de poser. Après avoir relu tous les documents et examiné l’ensemble du dossier pour écrire ce livre, il assume plus que jamais ce jugement de valeur suite à une expérience stressante qu'il est vraiment le seul à avoir vécue et qu'il a tenu à partager. 

cette fois-là n'a jamais été dit

A notre connaissance, aucun des acteurs et aucune des actrices de cette histoire n'a de remords ou ne regrette quoi que ce soit sauf, dans mon cas, les mots inopportuns et niaiseux, en  plein conseil d’administration hypertendu: vous étiez à jeun  qui m’ont échappé  et dont le sens était trop facile à déformer. Il est possible aujourd'hui que la poussière est retombée que nos adversaires reconnaissent leurs torts et admettent que Cette fois-là vous étiez à jeun où cette fois-là a été ajouté est une phrase  hautement incriminante qui n'a jamais été dite. Cette déformation délibérée et volontaire de mes propos est le principal reproche que nous leur faisons car là s’est manifestée clairement leur mauvaiseté. Sont-ils prêts à admettre cette fabrication et, en conséquence, à s'excuser? Il me semble que s'ils le faisaient, leur estime de soi grandirait.

la liberté d'enseigner

A propos des gestes posés lors de ce conflit où aucune des parties n'a atteint tous les objectifs qu'elle s'était fixés, ce qui primait des deux côtés, c'était surtout l'efficacité stratégique des actions guerrières bien plus que leur conformité ou non à l'éthique. Par exemple, les hors-cadres ont eu raison de soutenir que leur évaluation par les enseignants devait rester confidentielle;  le Littéraire a eu  raison de se plaindre de harcèlement et de dénoncer une déformation grave de ses propos. Est-ce que, dans une guerre, tous les coups sont permis? On l’aurait bien dit. En tout cas, le climat de suspicion et d’espionnage  créé par les femmes-cadres brimait l’élan du Littéraire et sa désinvolture et était fatigant à supporter pour un enseignant dont la marque de commerce était l’humour et la décontraction parce qu’il adorait enseigner, aimait les jeunes,  connaissait bien sa matière et  était généralement d’humeur taquine malgré la conjoncture politique.  Elles étaient probablement jalouses, (certains enseignants l’étaient aussi) de cette liberté confiante qui semblait dire: Mesdames, dans l’exercice de votre petit pouvoir, vous qui  êtes coincées et frustrées, vous pouvez parler dans mon dos ou m’attaquer ouvertement, susciter des plaintes contre moi et m’espionner, je vois vos manigances et vos sournoiseries mais vous ne m’empêcherez pas d’être ce que je suis, d’enseigner comme je l’entends avec la complicité de mes élèves, de dire ce que je pense en toutes circonstances et de vous contester en riant de vous qui êtes risibles et ridicules en vous comportant comme des éteignoires et des émules de la despote Philaminte et en essayant en vain de jouer les Célimène puisque vous n’avez pas son charme, sa grâce, sa beauté, son intelligence, sa subtilité, en somme, sa féminité. 

aire de repos

Attention. Aucun animal ou oiseau, ni mouffette  ni raton laveur ni marmotte ni renard ni chevreuil, ni chat ni chien ni canard sauvage ni bernache ni lièvre ni coyotte, ni moineau, ni merle bleu ni roselin ni huard ni pigeon ni mouette, ni goéland, ni fauvette, ni rouge gorge, ni pinson qui ont été vus ou entendus durant la rédaction de cet ouvrage n'a été blessé ou maltraité.  C’est une preuve irréfutable de l’humanité de l’auteur qui a été touché quand, de passage en coup de vent à Trois-Pistoles, Victor-Lévy Beaulieu  lui a dit: Prends des pivoines pour ta femme (elle attendait dans l’auto stationnée le long de la 132)  pendant que les chiens jappaient amicalement. Quel romantique tout de même ce VLB! J’ai été triste quand j’ai appris que quatre de ses chiens ont été frappés à mort par le train qui passe près de chez lui.

haute tension et grave inconfort

Dans ce conflit, l'image ou la réputation des uns ou des autres qui se dégagent de ce témoignage honnête nullement manichéen dépendent des valeurs et de la perspicacité du lecteur/lectrice qui est laissé libre de porter un jugement nuancé et de conclure à son gré... tout en ayant apprécié, espérons-le, ce voyage dans un collège de région du Québec dont un des épisodes a été un Règlement hors-cour entre les parties, entente qui n’a pourtant pas mis fin aux hostilités mais qui a eu l’avantage de sortir le Littéraire d’une situation de haute tension et de grave inconfort.  Mais ce ne fut pas une vraie entente: ce fut un épisode de la guerre. A partir des vexations subies par le Littéraire, que le lecteur travaille un peu, se mette à sa place,  reconstitue des scènes, des situations  en imaginant la tension vécue par l’enseignant.

un essai de bonne foi

C'est ici un essai de bonne foi, lecteur. Il contient beaucoup de faits et d'événements mais, à leur propos, s'expriment des opinions discutables et subjectives. Vous n’entrez pas ici dans le monde de la pensée unique: dans le chapitre  C'est la faute à Montaigne s’exprime une deuxième version  de la même histoire, la version syndicale. Ne vous laissez pas impressionner par le ton parfois péremptoire de l'auteur. Quand il était jeune, la colère de Jésus de Nazareth chassant les voleurs du temple l’a  impressionné. Il en reste quelque chose. La lecture des Grands cimetières sous la lune de Georges Bernanos aussi. Et le mauvais exemple de Pierre Falardeau et de Léo-Paul Lauzon. C’est son côté agressif comme on dit au hockey d’un joueur qui joue avec intensité et qui va chercher la rondelle dans le coin comme le faisait Jacques Lemaire qui passait la rondelle à Guy Lafleur placé devant les buts qui lançait et comptait.  Le fameux ton dénoncé par l’Avocate de service dite le Ton  vient d’une confiance en soi qui provient de ses succès scolaires, de son excellence dans les sports, de son engagement politique et syndical,  une confiance en soi imprimée en lui par beaucoup d’affection féminine de la part de sa mère, de ses deux grands-mères et de ses matantes pendant son enfance et aussi, tardivement, de la part de bienveillantes personnes du sexe féminin et surtout de sa femme, parfois impatiente mais sa  fidèle complice  pendant plus de quarante ans. Ce ton implacable à la Claude Gauvreau est peut-être aussi la conséquence de défaites de toutes sortes en politique surtout (1970; 1973; 1980; 1995) ou lors d’élections syndicales ou dans la pratique de différents sports au baseball où son équipe n’a jamais rien gagné ou au golf où le double boguey succède au birdie, ce qui rend humble et modeste, forcément.    Avoir comme adversaire Paul Desrochers, organisateur en chef des libéraux et faire deux campagnes électorales en l970 et l973 avec un fer 9 (le même fer 9 d'Elin Nordegren, la femme de Tiger Woods)  et un bâton de baseball dans la valise de son auto, ça laisse des traces. Le lecteur choisira s'il peut sinon il demeurera en doute. Comme l’écrit Montaigne,  il n'y a que les fols certains et résolus. Il ajoute:  C'est dommage que les gens d'entendement aiment tant la brièveté: sans doute leur réputation en vaut mieux, mais nous en valons moins.

les principaux thèmes

C'est un fait objectif qu’une Directrice a transformé un collège normal en champ de bataille et a créé un environnement toxique. Elle  ne pourra pas le nier mais elle dira que c’est notre faute mais c’est faux.  C'est le point de départ de tout et ce n’est pas de la fiction. Ce n’est pas  une opinion, c’est un fait. Le mieux qu’elle pourrait dire pour se défendre c’est que nous ne lui avons pas donné le choix: c’était nous ou elle. C’était sa perception des choses et c’était paranoïaque car pour elle, peu démocrate, toute opposition était dramatique, toute objection faisait partie d’un complot séditieux.  Deux poursuites judiciaires, c'est sérieux, stressant et coûteux pour ceux qui les subissent. Et c’est aussi un scandale car l’Avocat local a été payé 50,000 $ à même le budget du collège c’est-à-dire à même nos taxes qui auraient dû servir à des fins éducatives. Ces deux poursuites de 80,000 $ et 170,000 $ en diffamation, nous ne les avons pas inventées et nous ne les avons pas acceptées. Ça nous a tellement choqués que nous tenons à les dénoncer publiquement. C'est à cause de ces deux poursuites et  des actions de harcèlement qui les complétaient que nous sommes devenus des ennemis irréconciliables. Pour survivre comme syndicalistes et comme enseignants, nous nous sommes défendus et nous avons contre-attaqué. D’un côté, intimidation, abus de pouvoir, harcèlement et violence psychologique; de l’autre, résilience, solidarité, liberté d'expression et démocratie, tels sont les principaux thèmes de notre essai.

le lecteur promu juré

Cela nous plairait énormément que vous en arriviez à la conclusion qu’il ne s’agit pas de querelles futiles et de conflits de personnalités locaux (au sens de insignifiants) comme certains l’ont fait en haut lieu syndical pour éviter de prendre leurs responsabilités  en regardant passer le train avec le sourire condescendant du fonctionnaire  qui ne veut surtout pas être dérangé. Ça vous étonne qu’on parle de fonctionnaire syndical condescendant! Et bien, ça existe. Ils se défendront en disant qu’ils ne voulaient pas jeter de l’huile sur le feu et qu’ils nous ont quand même appuyés financièrement. C’est vrai.  S’il n’y avait eu qu’une seule poursuite, celle du Directeur des études contre l’exécutif du syndicat, comme l’a dit notre avocat Maître Jacques, nous serions allés jusqu’en Cour suprême. C’est d’ailleurs pour déstabiliser le syndicat qu’il y  a eu une deuxième poursuite contre le Littéraire et une tentative de troisième qui a été rejetée par le Conseil d’administration, comme vous le savez,  à l’occasion de laquelle la directrice s’est sentie  trahie.  Faites de votre lecture une enquête où personne ne jouit de l'impunité. L'auteur qui seul persiste et signe porte plainte contre le traitement que le syndicat et lui ont subi.  Et en même temps, comme vous l'avez vu dans les Remarques, il règle quelques comptes. On pourrait dire que ce livre remplace le tribunal qui malheureusement n'a pas eu à se prononcer puisqu’une entente hors cour a évité les procès. Tout le monde debout, la cour est ouverte.  Vous aurez tous les éléments en mains pour juger, lecteur, lectrice. Je vous avertis dès le départ: vous aurez de la difficulté à rester neutre: ce livre est incompatible avec le jovialisme ou une certaine philosophie de retraités qui dit: rien ne fait de mal ou il n’y a rien de grave là-dedans ou il ne faut pas exagérer, attitude niaiseuse qui a déjà été dénoncée par le poète Charles Péguy. Jacques Ferron écrit à Victor-Lévy Beaulieu à la mi-mars 1979. "Lisez Dickens, j'achève "Barnabe Rudge", ce livre qui décrit les émeutes anti-papistes de 1780, où justice est rendue par le lecteur promu juré." (Correspondances, Editions Trois-Pistoles, 2005) A la vérité, comme le dit Jacques Ferron, je souhaite faire de vous, un(e) véritable complice. Vous voilà promu(e) juré(e). Aucun juge ne s'étant prononcé sur les poursuites en diffamation et la plainte au Tribunal du Travail, j'espère que justice sera rendue par le lecteur promu juré.


le mythe du pouvoir au féminin

Le syndicalisme, c'est  la force du collectif qui permet de se défendre. On peut faire bien des reproches au syndicalisme en commençant par la protection de travailleurs incompétents et fomenteurs de trouble comme cela s'est vu chez Cascades si on prend la version des frères Lemaire dont je n'ai aucune raison de douter car je respecte les chefs d’entreprise qui créent des emplois et de la richesse. Le syndicalisme, c’est  la solidarité de mes collègues qui m'a protégé d'abus de pouvoirs qui m'auraient obligé à prendre une retraite forcée après 35 années de liberté dans l'exercice de ma profession d'enseignant. Mais la liberté, il y en a qui ne peuvent pas supporter ça. Les femmes cadres du collège préféraient la flatterie, l'àplatventrisme, la soumission ou la servitude volontaire comme l'écrivait La Boétie, l'ami de Montaigne parce que c'était lui, parce que c'était moi. Dominer, soumettre et faire plier, voilà ce qu’elles voulaient. Le mythe du pouvoir au féminin fait de convivialité, d’empathie et de consensus a pris le bord.  Comme dit ma fille France qui a travaillé sous une directrice aux approvisionnements des formulaires incompétente, névrosée et harcelante à la Banque Laurentienne, croire que les femmes dirigent mieux que les hommes, c’est un gros leurre, un gros mensonge, c’est la plus grande fumisterie du siècle.  Alors on s'est dit: Ça ne se passera pas comme ça. On s'est défendu. Parmi les rocs occultes et parmi l'hostilité. Montaigne a été mon maître de résilience. Loin de m'abattre, l'adversité, les conflits, l'hypocrisie, la malveillance, les abus de pouvoir, les tentatives d’intimidation me stimulent et me portent à écrire car c’est une obligation que de les dénoncer!  Au fond, ce conflit a été une chance car il a fourni une matière ou un prétexte à écriture. Et je ne parle pas des suiveuses complices de l'hypocrisie du mâle dominant.

diplomatie obligatoire

Pendant plus de trois ans, subissant deux poursuites en diffamation, j'ai dû déployer des trésors de diplomatie pour garder l'appui de la très grande majorité des enseignants qui, à travers le syndicat, finançaient notre avocat. Or, la diplomatie, ce n'est pas mon fort. Mes taquineries ne sont pas appréciées par tout le monde. Ce fut un effort réussi de self-control. Trois ans  sans être taquin ou même baveux, ça c’est un tour de force, ça c’est de la discipline. J’ai souffert  car,  dans mon collège, les occasions d’être taquin sont nombreuses. Alors, pendant des mois et des mois, j'ai dû faire attention pour ne pas provoquer les observateurs lointains qui n'en jugeaient pas moins, pour ne pas être cinglant avec les hypocrites qui jouaient double jeu dans mon département et dans les assemblées syndicales, pour ne pas attaquer les collaborateurs qui ne respectaient pas les boycotts, pour ménager les égocentriques qui mangeaient à tous les râteliers et qui ne comptaient que sur eux-mêmes pour obtenir des budgets d'immobilisations, des modifications de locaux ou de l'appareillage et outillage, en somme tous ceux qui n'ont pas besoin du syndicat car ils comptent sur des ententes particulières pour tirer leurs marrons du feu en transformant le têtage de boss en mode habituel de fonctionnement dans leurs rapports avec l'administration. Ils ont fait semblant de compatir avec des membres d'un exécutif syndical persécutés (le mot n'est pas trop fort) et harcelés par celles à qui ils venaient de faire leurs mamours intéressées pour obtenir, par exemple, un déplacement de disponibilité afin d'aller en Floride ou à Paris pendant le temps des Fêtes. 

j'étais tranquille et je me mêlais de mes affaires

En 1996-97,  après le vol  du référendum d’octobre 1995,  la vie continuait et l'ex-conservateur Lucien Bouchard, en attendant les improbables conditions gagnantes, faisait la promotion de projets qui divisent comme les fusions de municipalités. Il coupait partout pour atteindre le déficit zéro comme le lui imposait Wall Street à travers Standard and Poor's allant jusqu'à compromettre les services de santé en poussant à la retraite prématurément, ce qu'il n'avait pas prévu, des milliers de médecins et d'infirmières (ce qui a pour conséquence, n'est-ce pas, la remise en question de l'objectif lui-même du déficit zéro; on sait que Jacques Parizeau n'a pas la même phobie du déficit...)  Mon salaire coupé de 2.5%, j’initiais mes élèves à la poésie de François Villon, aux essais de Michel de Montaigne, au théâtre avec Le Misanthrope de Molière et au roman avec La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette, ce qu’on appelle des chefs-d’oeuvre de la littérature française de quatre genres littéraires différents, poésie, essai, théâtre, roman. Pour expliquer la technique de l’analyse littéraire, je proposais comme modèle l'étude d'un extrait de Marie-Didace de Germaine Guèvremont, la dernière confession du père Didace et j’étudiais le Testament politique du patriote Chevalier de Lorimier écrit le 14 février 1839 à Montréal, en prison, la veille de sa pendaison par les Anglais. Ces deux chefs-d’oeuvre de la littérature québécoise et de la littérature universelle lus en classe dans un silence qui peu à peu s'alourdissait arrachaient des larmes à mes élèves, garçons et filles de dix-sept, dix-huit ans, tout en leur rappelant que notre littérature aussi existait et qu'elle avait sa grandeur. Du point de vue syndical, j’étais un des sept membres du Comité des relations du travail (CRT) pour voir à ce que les ressources dédiées à l’enseignement ne soient pas détournées à d'autres fins et à ce que que leur répartition entre les disciplines soit équitable et respecte la convention collective. (L’année suivante, je suis devenu membre de l’exécutif syndical.) Pour avoir le plus d'information possible, j’étais aussi membre du Conseil d’administration du collège (le C.A.) à titre de représentant des enseignants qui m’avaient élu à l’unanimité, par acclamation comme on dit, les candidats à cette fonction ne se bousculant pas à la porte d'entrée. J’étais tranquille et je me mêlais de mes affaires sans faire de vagues. Mais je me méfiais et je surveillais les agissements des cadres.

the insolence of office (William Shakespeare)

Un collège existe dans une région où des notables exercent un certain pouvoir et ont une certaine influence. Le poste de directeur général du collège est devenu vacant suite à la prise de retraite de celui qui l’avait détenu pendant vingt-neuf ans. Depuis des années, une femme  se préparait à conquérir ce poste de direction. A l'emploi de plusieurs collèges sur la Rive-Sud de Montréal depuis plus de vingt ans, elle avait franchi les échelons un à un. Elle avait des ambitions et elle était prête. Dans la moyenne bourgeoisie dont elle faisait partie, l’argent était roi.  Après mes cours, je revenais chez moi à Longueuil: leurs magouilles me passaient donc cent pieds par-dessus la tête. Je ne risquais pas de les croiser au centre d'achat. Pour ces affairistes satisfaits, j’étais un irresponsable  qui avait osé  critiquer une des plus célèbres familles d’industriels du Québec qui avait mis la région sur la carte et sans laquelle il n’y aurait même pas de collège. La clique libérale se réjouissait d’avance à l’idée que la directrice me donne quelques leçons de savoir-vivre et me remette à ma place. Je me demandais comment elle s'y prendrait tout en espérant qu'elle me laisserait enseigner en paix mais sans trop y croire.  La collision est survenue plus rapidement que prévu. La notable était sans doute impatiente d'en découdre pour faire rapport à ses amis afin d'agrémenter leur vie sociale provinciale marquée par l'ennui. Quand la nouvelle directrice a rejeté cavalièrement mon ami le Syndicaliste, professeur de sociologie, qui avait été le président de notre syndicat pendant plusieurs années et qui avait toutes les compétences pour devenir le Directeur des ressources humaines, j’ai froncé les sourcils. Puis, au début de la session d’automne, quand elle a convoqué mon ami l’Ebéniste, professeur de biologie, président du syndicat des enseignants, suite à une plainte contre moi sur une situation qui datait de trois mois et qu'elle aurait pu traiter avec tact, j’ai compris qu’elle était en mission. On sait qu'il est facile pour un administrateur d'utiliser la technique de la plainte anonyme pour déstabiliser un enseignant. Lors d’une partie de golf, tout en me criant de ne pas aller chercher sa balle dans le bois qui gisait au milieu de plants d'herbe à puce, le Biologiste me raconta en détail la conversation qu’il avait eue avec la directrice. J’ai alors vu qu’elle cherchait à me déstabiliser et elle réussit en partie à le faire. En me provoquant, elle était sûre et ses amis libéraux aussi, que je perdrais mon calme et que je ferais des erreurs. Au minimum, on me stresserait en créant un climat d'hostilité. On me faisait sentir que mon style d'enseignement et mon engagement politique et syndical n'étaient pas les bienvenus dans la région, dans leur région et que mes beaux jours étaient derrière moi. Je n'étais pas disposé à entendre les conseils d'une ancienne professeure de chimie qui privilégiait les cours magistraux auxquels je suis allergique. Quand j'ai exigé des explications, j'ai compris l'expression qu'utilise Hamlet dans le célèbre monologue To be or not to be dans son énumération des choses désagréables de la vie qu’il faut supporter. Il parle de l’arrogance de ceux ou celles qui ont un poste de direction; il emploie l’expression the insolence of office. J'ai vu l'insolence et l'arrogance d'une directrice qui voulait prendre le contrôle des lieux. Elle aurait dû prévoir pourtant que je ne me laisserais pas faire et que je me défendrais, mon passé en était le garant. Une des tentatives des élites locales de me nuire avait échoué en 1973. Mais ils se croyaient les plus forts: c'est souvent l'effet que produit l'argent : l'argent, ça enfle la tête et ça peut conduire à des abus de pouvoir et à des power trips. Je ne faisais pas partie de ce milieu bourgeois qui applaudirait aux poursuites et au harcèlement qui sont des méthodes d'intimidation. Après un Conseil d'administration, quand la directrice m'invita à un goûter avec d'autres membres du Conseil, je dis non merci comme la publicité subliminale du gouvernement fédéral contre la boisson pendant la campagne référendaire de 1980. Quand on est dans l'opposition, on ne doit pas se laisser amadouer. J'ai toujours refusé de fraterniser avec ces élites locales. Je le répète, je n'étais pas de leur milieu et je ne tenais pas à en être. D'ailleurs, les partys de Noël, les tournois de golf, les bals masqués, les parties de sucre et autres réunions "sauciales" avaient pour fonction de nous faire oublier des décisions qui étaient défavorables  au personnel du collège. Il ne fallait pas compter sur nous pour jouer ce jeu-là et faire semblant que nous formions une belle grande famille et que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Tout n’allait pas pour le mieux dans le meilleur des mondes.

se tromper de bonne foi ou de mauvaise foi?

Le droit à la liberté de parole, le droit à l'engagement syndical et à l'engagement politique, la censure et des abus de pouvoir qui sont des obstacles contre l'exercice de ces droits, du harcèlement patronal, ce ne sont pas en soi des sujets insignifiants. Des enseignants ont subi deux poursuites en diffamation et une troisième poursuite évitée de justesse et de nombreuses actions de harcèlement. Ces poursuites et ce harcèlement ont créé un climat d'intimidation incompatible avec la mission d'une institution d'enseignement post-secondaire. Connotées politiquement, les poursuites du directeur des études (80,000 $) et de la directrice générale (170,000 $) contre le syndicat ainsi que les griefs syndicaux, notre plainte au Tribunal du Travail et les menaces de poursuites contre La Direction se sont soldées par une entente hors cour. Ce qui est en soi une victoire syndicale car le retrait des poursuites est une défaite personnelle pour la Directrice générale qui était une quérulente car elle privilégiait les procès pour créer un rapport de forces en sa faveur et pour éliminer des adversaires. Notons toutefois que cette entente hors cour ne comportait pas une clause de confidentialité qui m'aurait condamné au silence. Si tel avait été le cas, nous ne l'aurions pas signée. L'engagement relatif de garder la paix n'impliquait pas non plus un serment d'adhésion aux Apôtres de l'amour infini.  Après avoir signé cette entente hors cour, rien ne m'interdisait de parler de ce qui s'était passé dans mon collège entre 1997 et 2005. Les  documents cités prouvent que tout ce que j'écris est basé sur des faits. C'est pour cette raison d'ailleurs que les documents font partie de cet ouvrage.  Quand je donne ma version, je ne dis pas nécessairement LA vérité.  Alors restons calme s'il vous plaît. Jusqu'à preuve du contraire, tout le monde est de bonne foi mais on peut se tromper de bonne foi...ou de mauvaise foi et ce qui était considéré comme une erreur devient un mensonge. Si on prétend que quelqu'un a dit telle chose et qu’il ne l'a pas dite, on peut l’avoir fait de bonne foi, c’est une erreur ou de mauvaise foi, c’est un mensonge. Comme disait mémère Gervais: Mentir, c’est pas beau ça.

j'ai enlevé tous les noms propres

Echaudés par sept années stressantes, mes amis ont cru qu'il n'était pas possible de traiter avec modération d'une matière aussi explosive. C'était sous-estimer les possibilités de la littérature. Il y avait dans l'expérience que nous avions vécue trop de choses intéressantes à décrire et cela avait eu pour nous trop d'importance pour que cette saga sombre dans l'oubli. Sept ans de conflit dans un collège avec des avocats qui s'affrontent et qui coûtent cher (50,000$ pour l’avocat patronal; 25,000$ pour l’avocat syndical), des directrices qui cherchent par des moyens douteux à éliminer un adversaire, des cadres féminines qui envahissent une classe sans avertissement avec un questionnaire pour coincer un enseignant, des élèves qui sont solidaires de leur professeur, des fausses plaintes plus ou moins anonymes ou des plaintes provoquées, des syndicalistes qui écrivent des lettres enrichies de citations de Montaigne qui enragent les femmes au pouvoir, des espions, des agents-doubles, des hypocrites, des money makers, des égocentriques, un journal local qui informe honnêtement toute une région, des boycotts qui empêchent la réalisation d'un plan stratégique et, surtout, une directrice qui craint comme l'herbe à puce d'être évaluée par les enseignants et qui le sera quand même et publiquement en plus, tout cela n'est pas banal. Il aurait été bien dommage de laisser tomber tout cela dans l'oubli. J'ai quand même suivi l'avis de mes amis: j'ai enlevé tous les noms propres et inventé un nouveau genre littéraire que j'ai baptisé le slapp fiction pour raconter cette histoire de résilience qui, selon un couple d’enseignants, des Français rencontrés dans un gîte à Ste-Thérèse-de-Gaspé à l’été 2008, ferait un bon scénario de film. Dans cet essai-hybride,  même si les noms des acteurs ont disparu et sont remplacés par leurs prénoms, des surnoms ou sont identifiés par leur fonction,  vous saurez identifier facilement qui sont le Syndicaliste Daniel L. ainsi que les quatre membres de l'exécutif du syndicat des enseignants, Robert, le Littéraire (ou le Voyageur), Pierre, l'Irlandais, Gilles, le Politique et Daniel T., l'Ebéniste ou le Biologiste. Vous n'aurez pas de difficultés à suivre les exploits de la Directrice générale, appelée aussi la Reine ou Sa Majesté, du Directeur des études,  dit le Soumis, de  l'avocate de service dite le ton et de l'avocat local, dit l’Eloquent,  de l'Adjointe,  de  Grandpied, l’adjoint à l’organisation scolaire et d'Amable Beausapin, le technicien-enseignant qui avait ses raisons d’être pro-patronal.

documentaire et fiction: un essai hybride

Cette histoire est-elle vraie puisqu'elle se passe dans un collège fictif? Ce genre de question est le sujet de ma thèse de doctorat écrite de 1983 à 1987 que j'ai réussie  grâce à Jean Marcel, écrivain et professeur compétent de l'Université Laval de Québec qui m’a fait lire Logique du récit de Kate Hamburger. Fictif ne veut pas dire faux. Comme les acteurs n'ont pas de noms propres et qu'ils ont des prénoms, des surnoms ou sont identifiés par leur fonction, cela crée ce que les théoriciens de la littérature appellent un effet de fiction. Rendue nécessaire par le contexte judiciaire, la fiction a été une contrainte créatrice car elle a mis à distance. On est devant un genre littéraire nouveau que j’appelle le SLAPP fiction. Comme une auto hybride qui fonctionne à double énergie, électricité et essence, ce livre est un essai hybride qui carbure à la fois à la non-fiction et à la fiction. Tous les personnages sont fictifs (même moi, dans un sens, dont le surnom est le Littéraire) et leur ressemblance avec des personnes réelles est le fruit du hasard et de l'évolution comme la naissance de la vie sur terre s'il faut en croire les adversaires de l'intelligent design. Parler d'un collège fictif et ne pas identifier les acteurs par leur vrai nom donne la liberté d'inventer. Par exemple, le dialogue hors-texte entre le Littéraire et l'Irlandais est inventé: il n'a jamais eu lieu dans la réalité. C'est du théâtre donc de la fiction. Pour prendre un exemple chez les classiques, (évidemment, je ne me compare pas à Molière)  Célimène et Philaminte sont des créations de Molière. Elles sont fictives. Même s'il est certain que de semblables modèles ont existé, Célimène et Philaminte ne sont pas enterrées au cimetière du Père-Lachaise. Au contraire, ces femmes sont vivantes si un individu va au théâtre, s'il lit Le Misanthrope ou Les Femmes savantes ou s'il regarde un vidéo de ces deux pièces enregistrées par la Comédie française. Par ailleurs, le personnage de Tartufe ressemblait tellement à des Tartufes réels qu'il a fallu sept ans et l’intervention personnelle de Louis XIV avant que Molière puisse montrer sa pièce. Que ce soit bien clair: on est ici dans la fiction plus que dans le documentaire, dans la peinture plus que dans la photographie.  Je me suis  appuyé constamment sur ce que j’ai vécu: la fiction vit donc de non-fiction mais la dépasse et parfois même s'en affranchit. Est-ce que le lecteur s'y retrouvera? Ça dépend de son talent et de sa perspicacité. Je lui fais confiance. S'il y a ambiguïté, ce n'est pas grave. Dans la vie vécue, est-ce que tout est toujours clair? En littérature, il n'y a pas de loi sur la clarté qui a été votée pour que les fédéralistes Dion-Chrétien ou Steven Harper puissent imposer leur conception de la clarté.  Les idées claires de Descartes, c'est un souvenir de mes études de philosophie. De toutes façons, il est possible que certains lecteurs ou lectrices aient plus de talent et de perspicacité que l'auteur qui, étant pris par son sujet, n'a aucune espèce d'idée de l'effet que son livre produira sur le lecteur. Je fais ces remarques qui font état de préoccupations dites théoriques: déformation professionnelle  de professeur ou d'éternel étudiant en lettres. Remarquons quand même que les lecteurs de la région du collège en question ainsi que les employés réels du collège ou mes anciens élèves qui ont vécu le conflit jouissent d’un statut particulier. Ils se rendront compte que même quand on est sur les lieux, on ne sait pas tout.

la liberté d'expression

Ecrire ce livre et le publier est un exercice de la liberté d'expression. La liberté, c'est comme l'air qu'on respire. Si tu ne respires pas, tu étouffes. Celles qui, par deux SLAPP et du harcèlement, ont essayé de compromettre cette liberté ont échoué.

un devoir de civisme

Deux univers et deux systèmes de valeurs s'affrontent ici. Mais surtout, deux êtres humains dévoilent leur personnalité telle qu'elle est à travers leur vie professionnelle. Dans un premier temps, il faut essayer de comprendre sans porter de jugement. On n'a pas à choisir entre deux personnes en donnant raison à l'une contre l'autre. On est invité à les accepter toutes les deux telles qu'elles sont c'est-à-dire pugnaces, coriaces, affronteuses et d’opinions politiques différentes. Ce sera la réussite de cet ouvrage de donner accès à un lieu où, à un moment donné, le jugement moral est suspendu, où il ne peut pas y avoir de diffamation ou d'atteinte à la réputation, un lieu où il n'y a pas d'accusé(e) ni de coupable.  Dans un deuxième temps, s'il vous arrive de vous indigner devant des abus de pouvoir flagrants et devant l'usage des tribunaux avec des fonds publics à des fins partisanes quelles que soient les rationalisations servant à les justifier, ce sera la preuve que vous aurez évité de sombrer dans le jovialisme, cette philosophie pour retraités et pour retraitées. Dénoncer des abus de pouvoir, ce n'est pas diffamer: c'est répondre à un devoir de civisme. Il aurait été préférable de ne pas faire de poursuites et de harcèlement. Maintenant, il est trop tard. Les abus de pouvoir ont eu lieu. C'est bien dommage pour la réputation des personnes qui les ont perpétrés mais il fallait y penser avant. Grâce à ce livre, on se souviendra des oeuvres d'un trio formé de la directrice, de l'avocate de service et de l'avocat local. Les exploits de ce  trio ne tomberont pas dans l'oubli ni les mesquineries commandées à l'Adjointe et à Grandpied et exécutées avec le plus grand zèle. Ne tombera pas dans l’oubli non plus l’hypocrisie des visages à deux faces dont il est question au mot Réputation des Remarques.

l'arrogance patronale

Les éloges qui sont faits de l'adversaire d'un côté comme de l'autre sont fictifs. C'est d'ailleurs une preuve qu'on est dans la fiction car, dans la vraie vie, il n'en était pas du tout ainsi: ces adversaires n'ont eu aucune bienveillance l'un envers l'autre. Deux arrogances se sont affrontées; l'arrogance patronale qui saute aux yeux et ce que Roland Barthes appelle l'arrogance du militant.   A vrai dire,  l'exécutif syndical n'était pas arrogant: il luttait pour que le syndicat ne devienne pas un syndicat de boutique mangeant dans la main de la directrice générale.

la liberté était menacée

Montaigne écrit: Il se trouve plusieurs sujets qui ont l'essence en l'agitation et la dispute. (III,9) J’ai tenté de donner vie à un sujet dont l'essence est en l'agitation et la dispute. Un observateur objectif dirait que, même si les reproches qui lui sont faits sont justifiés, la directrice est une femme d'action sincère qui, malgré son idéologie de droite, mérite de la considération mais qui a eu le malheur d'exercer ses fonctions dans une conjoncture politique et syndicale difficile. Si vous aviez reçu la visite du huissier deux fois aux aurores comme moi, vous n’auriez pas beaucoup de considération pour cette femme-là.  C'est facile à dire, après coup, que nous étions les plus forts et qu'il était impossible que la directrice puisse sortir gagnante du long conflit qui l'opposa au syndicat des enseignants. Jusqu'au refus du Conseil d'administration d'approuver la demande d'une troisième poursuite contre le syndicat, nous pouvions perdre. Mais nous n’avons pas perdu. La vie dans ce collège dirigé par Sa Majesté, ce n’était pas le goulag mais la liberté y était quand même menacée et nous avons défendu la liberté d’association, la liberté de pensée et la liberté de parole. Et nous tenons à vous en convaincre. Lecteur, lectrice, votre opinion importe pour nous.

un tableau d'Eugène Delacroix à Paris

Les deux principaux protagonistes font penser au tableau d'Eugène Delacroix que, lors de son voyage de noces, le Littéraire assis sur une chaise en rotin, en entrant à droite, dans l'église St-Sulpice de Paris en 1965, a contemplé: La lutte de Jacob avec l'Ange tout en lisant les commentaires du grand écrivain Jacques Audiberti sur ce tableau dans Dimanche m'attend, un journal publié l’année même de la mort du célèbre Antibois.


aire de repos

(Chateaubriand a onze ans en 1779, année où se situe l'événement qu'il raconte dans les lignes suivantes.)
Je porte malheur à mes amis. Un garde-chasse, appelé Raux, qui s'était attaché à moi, fut tué par un braconnier. Ce meurtre me fit une impression extraordinaire. (...) Je conçus l'idée de la vengeance; je m'aurais voulu battre contre l'assassin. Sous ce rapport je suis singulièrement né: dans le premier moment d'une offense, je la sens à peine; mais elle se grave dans ma mémoire; son souvenir, au lieu de décroître, s'augmente avec le temps; il dort dans mon coeur des mois, des années entières, puis il se réveille avec une force nouvelle, et ma blessure devient plus vive que le premier jour. Mais si je ne pardonne point à mes ennemis, je ne leur fais aucun mal; je suis rancunier et ne suis point vindicatif. Ai-je la puissance de me venger, j'en perds l'envie; je ne serais dangereux que dans le malheur. Ceux qui m'ont cru faire céder en m'opprimant, se sont trompés. L'adversité est pour moi,  ce qu'était la terre pour Antée: je reprends des forces dans le sein de ma mère.
(François-René de Chateaubiand, Mémoires d'outre-tombe, première partie, livre 2)

J'ai en horreur la servitude; la liberté plaît à mon indépendance naturelle.
(Chateaubriand)

J'étais arrivé à l'âge où les hommes ont besoin de repos; mais si j'avais jugé de mes années par la haine toujours croissante que m'inspiraient l'oppression et la bassesse, j'aurais pu me croire rajeuni.
(Chateaubriand)


In memoriam

La Courageuse est morte en novembre 2003 des suites d’un cancer; Le Syndicaliste est décédé le 7 septembre 2005 des suites d’une crise cardiaque. Nos deux amis avaient moins de cinquante-sept ans. Nous dédions ces pages à leur mémoire.



Mise en marche du moteur avec un démarreur neuf

C’est elle qui gouverne, et d’un ton absolu
Elle dicte pour loi ce qu’elle a résolu.
Elle est par vos lâchetés souveraine sur tous
Son pouvoir n’est fondé que sur votre faiblesse.
(Les Femmes savantes, 1672)

Comme notre esprit se fortifie par la communication des esprits vigoureux et réglés, il ne se peut dire combien il perd et s’abâtardit par le continuel commerce et fréquentation que nous avons avec les esprits bas et maladifs. ( Essais, III, VIII)

O combien est heureux qui n’est contraint de feindre
Ce que la vérité le contraint de penser,
Et à qui le respect d’un qu’on n’ose offenser
Ne peut la liberté de sa plume contraindre. (Du Bellay, 1558)

Je crois finalement qu’écrire fait partie de la liberté d’expression. On a le droit d’écrire comme on a le droit de parler. J’ai toujours aimé écrire, considérant cela comme un droit et non comme un métier. (Jacques Ferron, octobre 1972)

 
C’est la faute à Montaigne

Essai hybride sur sept ans de guerre et de développement non durable.


C’est avoir de bons yeux que de voir tout cela.
(Les Femmes savantes, Molière)

On n'avait pas besoin de la Cour supérieure pour régler cette affaire-là.  (Un collègue avocat)

Le parler que j’aime, c’est un parler simple et naïf, tel sur le papier qu’à la bouche, un parler succulent et nerveux, court et serré, non tant délicat et peigné comme véhément et brusque. (Montaigne)

Il n'est si homme de bien, qu'il mette à l'examen des lois toutes ses actions et pensées, qui ne soit pendable dix fois en sa vie, voire tel qu'il serait très grand dommage et très injuste de punir et de perdre. (Essais, III, 9)


introduction

un directeur des études chez Rona

Dans un collège situé à 68 km à l’est du Vieux-Longueuil où j’ai enseigné plus de trente ans et auquel on ne se surprendra pas que je donne le nom fictif de collège Germaine-Guèvremont, on a eu le même directeur général pendant vingt-neuf ans. Ce directeur, Roland G., avait au moins une qualité: il laissait les enseignants travailler en paix.  Le directeur des études Jacques H. ex-syndicaliste (ce sont les pires)  savait se faire des ennemis mais on arrivait à le neutraliser surtout l’année où il s’est déclaré malade lors de la journée pédagogique de la rentrée d’automne pour éviter d’avoir à  parler au personnel comme c’était prévu. Faut croire qu’il n’avait rien à dire. Ce jour-là, un enseignant l’a vu en train de magasiner chez Rona;  un enseignant que nous nommerons le Théâtral se vengea en n’étant pas discret car, insulte suprême, le directeur des études négligeait d’assister aux représentations théâtrales  de ses élèves en fin de session comme il avait négligé d’être présent lors d’un festival inter-collégial de la vidéo organisé en juin par un autre enseignant indiscret que nous nommerons le Grammairien, qui prit la peine de faire le voyage de Tracy à Longueuil pour m’informer de la présence du directeur des études chez Rona. Le Théâtral et le Grammairien sont des rancuniers. Or, le directeur qui brillait par son absence lors de leurs réalisations a eu le culot de faire prendre les présences à l’entrée de l’auditorium par deux secrétaires. Les enseignants devaient être présents mais pas lui à la journée pédagogique qui était une activité barbante mais obligatoire selon la convention collective. Ensuite, il fit venir les absents et les absentes à son bureau un par un pour leur demander de  s’expliquer et de se justifier. Vous pouvez en rire mais ce fut la panique chez les enseignants qui envahirent le local syndical en criant à l’aide.  Mais le syndicat ne pouvait rien faire. Le Directeur avait le gros bout du bâton pour affirmer son autorité et il en profita pour faire la leçon aux enseignants ou enseignantes incapables de trouver une bonne excuse, une maladie par exemple, mais alors, pourquoi n’as-tu pas appelé au collège pour te déclarer malade? Le comble, il laissait flotter la possibilité de couper leur salaire d’une journée pour absence injustifiée, ce qu’il aurait pu faire car c’était son droit mais il ne le fit pas se contentant d’écoeurer les enseignants. Ce genre de convocations l’occupait entre deux réunions plus ou moins inutiles. Il venait du niveau secondaire et il en avait gardé une mentalité de bureaucrate tatillon. Nous n’aimions pas ces manières. Nous le trouvions fort antipathique.  Alors, pour répliquer et pour lui donner une leçon, comme mesure de représailles, nous rendîmes publique dans La Sentinelle, organe d’information syndicale, cette contradiction entre ses exigences pour les enseignants et son absence pour fausse maladie prouvée par sa visite chez Rona: il perdit la face et le peu de crédibilité qui lui restait.  Pour lui aussi, c’était une obligation d’être présent: on aurait pu exiger que son salaire soit coupé. Les relations humaines dans un collège sont parfois perturbées par ce genre d’enfantillages: si c’est ce que vous pensez, vous avez raison. Si les enseignants étaient présents aux journées pédagogiques au lieu d’étirer leurs vacances, la Direction n’aurait pas eu besoin d’intervenir et de faire ce que le syndicat appelle abusivement de la répression.

elle tenait salon

L’ex-syndicaliste devenu directeur des études partit avec une prime de séparation: les hors-cadres sont bien traités dans les collèges, qu’ils le méritent ou non. Ce genre d’action syndicale efficace nous rendit célèbres (localement) et contribua à nous faire une réputation de coupeur de têtes (patronales),  de redoutables militants syndicaux qui ne se laissaient pas marcher sur les pieds. Cette notoriété se rendit évidemment  jusqu’à une vedette locale (elle occupait une fonction d’une certaine importance dans une région: elle était présidente du conseil d’administration du Centre local de développement, le CLD) qui nourrissait depuis longtemps l’ambition de devenir directrice générale de notre collège et qui tenait salon avec ses amis de la clique libérale dans sa grande maison près du fleuve Saint-Laurent, un verre de vin à la main, au son du cri des outardes qui se dirigeaient vers les îles et le Chenal-du-Moine. Un de leurs sujets de conversation préférés était ce qu’ils considéraient comme grave: ils parlaient de ces enseignants qui se servent de leurs cours pour faire de la politique partisane et de la propagande séparatiste en manipulant ces pauvres jeunes élèves sans défense. Est-il nécessaire de dire que le Littéraire était le principal visé par ces allégations de manipulation éhontée. Ils attendaient patiemment leur heure qui n’allait pas tarder. Leur attente ayant été longue, la riposte serait d’autant plus cuisante. On allait voir ce qu’on allait voir.

le pouvoir à talons hauts

Quand le directeur général prit sa retraite, il fut remplacé par une femme d’âge mûr qui, dès son entrée en fonction, tenta de s’imposer par deux actions belliqueuses. Nous connaissant de réputation, elle savait qu’elle ne pourrait réaliser facilement ses projets de privatisation de la cafétéria, de réingénierie du personnel, d’ouverture de nouvelles voies de sortie qui cannibaliseraient les programmes existant, de contrôle de la présence des enseignants au collège et surtout de détournement des ressources réservées à l’enseignement.  Alors elle attaqua la première. Elle essaya de nous intimider et frappa un noeud. Drapée de son autorité, Sa Majesté nous chercha. Et elle nous trouva. Elle voulait la guerre: elle l’a eue. Vous aurez remarqué que le directeur des études qui magasinait chez Rona au lieu de faire son devoir et qui fut aussi notre adversaire était un homme. Alors, s’il vous plaît, pas d’accusation frivole de sexisme ou de machisme parce que nous   attaquons une pauvre femme.  Nous sommes seulement allergiques au pouvoir qui nous regarde de haut en bas qu’il soit à talons hauts ou pas. Ce qui ne fait pas de nous des misogynes.

des cadres frustrés et zélés

En plus de ses projets que nous ne pouvions accepter, cette directrice était dangereuse car elle contrôlait le Conseil d’administration et surtout, elle exigeait un zèle intempestif de ses cadres dont certaines étaient de sa famille politique. Ce zéle, elle l’obtenait surtout des adjoints au Directeur des études, l'Adjointe (Kaka Fala) et  Grandpied (dans les plats).  Ce n’est pas rare de trouver au niveau collégial des cadres ( plus ou moins frustrés) qui ont quitté l’enseignement pour obtenir des postes dans l’administration et un salaire plus élevé, un minimum de 15% de plus que le salaire qu’ils auraient eu s’ils étaient restés professeur. Ces ex-enseignants devenus cadres veulent grimper dans la hiérarchie et n’hésitent pas à imposer des contraintes aux enseignants pour montrer qu’ils ont pris leurs distances avec leur ancienne profession. 

l'idée traumatisante d'être évaluée par ses ennemis

La personne de distinction qui avait des relations fut nommée directrice générale à la fin du printemps 1997.  Après quatre années tourmentées dans l’exercice de sa fonction où elle s’est heurtée à la pugnacité syndicale, quand il s’est agi de renouveler son contrat pour cinq autres années, le Conseil d’administration du collège demanda l’avis des enseignants comme le stipulent les règlements . Ce fut le déclenchement d’un véritable psychodrame. Ce qui avait été du théâtre de boulevard devint shakespearien car elle se sentit menacée dans son existence même. Instruite de notre évaluation négative du directeur des études que nous rendîmes publique en lisant à haute voix en assemblée syndicale devant 35 personnes un texte d’évaluation abrasif où elle était plusieurs fois prise à partie, la directrice était certaine (avec raison) que le jugement de la majorité des enseignants serait négatif à son endroit car elle croyait que nous contrôlions les enseignants (les profs de cégep, presque tous diplômés universitaires, ne sont pas si faciles è contrôler) comme elle qui essayait de tout contrôler à commencer par l’information. La possibilité qu’elle n’avait pas été à la hauteur ne l’a même pas effleurée. C’était impensable. L’idée d’être évaluée par ses adversaires lui parut monstrueuse et la poussa à des gestes drastiques contre nous. Depuis le temps que des administrateurs nous cassaient les pieds avec l’évaluation, il faut avouer que nous avons pris un malin plaisir à lui servir la même médecine.  On dira que nous l’avons volontairement et sciemment traumatisée et avons agi avec cruauté en l’évaluant à l’aide d’un long questionnaire fabriqué, compilé et analysé en collaboration avec l’Etudiante, qui fut payée 1,000 $ pour ses valeureux services. On dira que nous l’avons moralement torturée en publiant le résultat détaillé de cette évaluation.  Etant donné sa complexion psychologique, c’est un peu vrai mais il ne faudrait pas exagérer et en faire une martyre patronale. A cause de son orientation idéologique accompagnée d’une attitude autoritaire, nous étions en situation permanente de conflit. Si bien qu’ayant à la fréquenter, nous ne prîmes même pas la peine de regarder la couleur de ses yeux ni d’apprécier ces atours ou ces appâts comme on disait au temps de Molière qui attirent l’attention des hommes sur la femme, son mode d’être, de paraître et d’exister comme l'écrivait Buytendyk. Comme nous ne sommes pas fort dans les descriptions, disons qu’on peut la comparer physiquement à Julie Couillard, la Mata Hari canadienne, même si elle ne porta jamais dans l’exercice de ses fonctions ou dans les Galas des robes aussi spectaculaires: le monde de l’éducation  est quand même plus austère sauf pour les jeunes filles au nombril à l’air, ce qui émoustille un professeur de techniques administratives aussi directeur du théâtre local qui s’en est plaint dans La Presse et obtint le prix de la lettre du mois qui fut laminée, un grand honneur qui retomba sur tous les mâles professeurs plus discrets sur leurs pulsions vicelardes.  

outrages à la Direction

Pendant un conflit qui a duré sept ans, quatre enseignants membres de l’exécutif du syndicat ont subi une poursuite de 80,000 $ puis l’un d’entre eux, le Littéraire, une poursuite de 170,000 $ en Cour supérieure pour diffamation et atteinte à la réputation. Le prétexte à la première  poursuite de 80,000 $ fut une lettre ouverte qui attaquait la compétence du Directeur des études Christian M. Nous avons écrit que le Directeur des études s’était montré incompétent et avait manqué de jugement dans l’application de la politique d’évaluation à propos des examens de reprise. On nous le reprocha. Dans la seconde poursuite de 170,000 $, l’auteur de ce livre dit le Littéraire, alors membre à la fois du Conseil d’administration du collège et de l’exécutif du syndicat, ce qui le mettait en conflit d’intérêt, fut accusé, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, d’avoir traité publiquement la directrice d’alcoolique pendant une réunion du Conseil parce qu’il lui a demandé si elle était à jeun quand elle a fait la promesse d’acheter des ordinateurs pour les cours de Cinéma lors d’un accueil du personnel où coulaient la bière et le vin, promesse qu’elle n’a pas tenue puisqu’il n’y avait rien de prévu dans le budget. Selon nos adversaires, il y avait eu là, outrage à directrice comme on dit outrage à magistrat ou outrage à la Reine. C’était évident que le Littéraire n’avait pas traité la directrice d’alcoolique. Cinq de ses amis témoins du faux pas essayaient de le rassurer puisque, disaient-ils, suite à la réaction outrée de la directrice, tu as retiré tes paroles immédiatement. Nos amis manquaient de réalisme. Ils oubliaient que pendant une guerre, tout peut servir.  Le Littéraire allait devoir payer très cher son erreur,  son manque de tact, son insolence, sa bévue, son irrévérence, son irrespect, son lapsus,  appelez ça comme vous voudrez.

des poursuites-bâillons

Selon nous, ces poursuites étaient des SLAPPs. Une SLAPP, en anglais,  strategic lawsuit against popular participation, c’est une poursuite stratégique contre la participation populaire. Nous affirmons que les deux poursuites contre nous étaient des Slapps, des poursuites-bâillons. C’est pour cette raison, entre autres, que le conflit ne pouvait se régler rapidement et à l’amiable. Il y avait trop de malveillance dans ces poursuites particulièrement la deuxième qui visait personnellement le Littéraire. Nos répliques  dans un bulletin syndical d’information appelé Le Huissier utilisaient des citations des Essais de Montaigne qui ont mis le feu aux poudres car les femmes cadres les ont trouvées insultantes et, en effet, elles l'étaient et pas par hasard. 

le règne de la pensée unique

Dans le monde de l’Education, des poursuites-bâillons, cela ne se voit pas. A notre connaissance, c’était la première fois que ça arrivait. Cette directrice est sans doute un cas unique en son genre donc forcément intéressant. On peut dire que cette femme a tenté d’exercer le pouvoir comme si un collège public était une entreprise privée. Autocrate et narcissique, fortement motivée politiquement mais d’une manière camouflée, cette apprentie dictateure n’a pu tolérer l’existence d’une opposition. Elle a abusé de l’exigence du devoir de loyauté de l’employé envers l’employeur afin de museler le syndicat des enseignants et son exécutif qui fonctionnait toujours avec l'appui fortement majoritaire de  son assemblée générale. Elle a été incapable d’exercer ses fonctions en composant avec un vrai syndicat qui sait communiquer des positions claires se basant sur des connaissances techniques inattaquables obtenues par un travail d’équipe constant. Comme le disait la rédactrice en chef du journal local qui a dû subir ses pressions et ses jérémiades à plusieurs reprises, c’était le règne de la pensée unique, une sorte de fanatisme qui essaie d’imposer ses vues, qui échoue et qui fait semblant de péter les plombs devant une opposition articulée et pugnace. Nous savons que nous décrivons un cas particulier et qu'il ne faut surtout pas généraliser et en faire une théorie sur le pouvoir exercé par les femmes. Nous nous gardons bien de généraliser. Non par prudence mais par honnêteté intellectuelle. On pourrait être tenté de considérer l’opposition des hommes qui militaient dans le syndicat comme de l’acharnement sexiste, du harcèlement machiste qui sont, comme vous savez, des formes de misogynie. Nous disons aux féministes un peu trop enfermées dans leur idéologie qui pourraient être tentées de penser cela: vous  êtes sur une fausse piste. Nous n'avions pas le choix. Par ailleurs, nous ne nous présentons pas comme des modèles irréprochables.

vouloir éliminer un adversaire

Après quelques mois de tentatives de séduction et quelques luttes qu’elle a perdues comme celle de la privatisation de la cafétéria, celle de l’utilisation des casiers des enseignants pour diffuser de l’information syndicale et celle du respect de l’enveloppe E réservée à l’enseignement où, sur 82 ETC elle voulait piger 4.2 ETC (enseignants à temps complet), ce qui est énorme pour un petit collège, à d’autres fins que l’enseignement, ce qui aurait augmenté la tâche de l’ensemble des enseignants, elle a décidé de prendre les grands moyens, c’est-à-dire deux poursuites judiciaires pour diffamation et des actions de harcèlement dans le but d’éliminer un des leaders de cette opposition visé par les deux poursuites. Attention, vous avez bien lu éliminer. Vouloir éliminer quelqu’un, si on comprend le sens des mots, cela fait penser aux guerres de religion, à la pègre, aux services secrets et aux crimes passionnels. Ce sont des méthodes qui font penser à l'Inquisition. la mafia, le KGB, la CIA ou les services secrets de l'Allemagne de l'Est ou d'Israël.  C’est extrêmement violent. C’est de la violence comme, durant les séries de la coupe Stanley, quand un joueur a cassé le poignet de Mario Lemieux à grand coup de hockey. C’est le contraire de ce respect de la personne qu’elle exigeait pour elle-même mais dont elle s’est gargarisée pendant sept ans quand il s’agissait des autres. Evidemment, comme elle aurait dû s’y attendre, nous avons combattu et ce combat, c’est l’équivalent d’une guerre et pas seulement une guerre de mots, une guerre que nous pensons avoir gagnée parce que nous étions nombreux à la mener et que la très grande majorité des enseignants a été solidaire.

un avocat du 19è siècle

Dans un conflit, on a le droit de vouloir gagner mais pas par n’importe quel moyen. On peut s’opposer à un adversaire tout en ayant de la classe, en jouant fair-play et en respectant des règles d’éthique élémentaires, ce que n’ont pas fait la directrice générale et ses acolytes. C’est du moins notre prétention comme disent les avocats que les circonstances nous ont obligés à fréquenter plus que nous l’aurions souhaité mais quand même avec beaucoup de profit. L’avocat patronal qui a obtenu 48,900 $ pour ses précieux services, avec ses effets de toge, ses tactiques et sa grandiloquence était tout droit sorti des Belles histoires des pays d’en-haut de Claude-Henri Grignon. C'était fort intéressant de l'observer car il donnait un bon spectacle. Il jouait bien son rôle. Si nous n’avions pas subi les conséquences de ses tactiques et stratégies, nous l’aurions applaudi surtout cette fois où il a dit au juge: Il faut que cessent ces injures et ces vomissements. Il avait autant de talent que la directrice pour le pathos et l’effronterie. Mais c'était à même les fonds publics. 50,000 $ pour un petit collège d'environ 1,000 élèves, c'est beaucoup d'argent gaspillé pour satisfaire la mégalomanie d'une directrice et les désirs de vengeance d'une élite locale.

un travail d'équipe

Soulignons que si l’enseignant que la directrice voulait éliminer avait été seul, il aurait perdu. Toute la Fédération autonome du collégial avec ses présidents de syndicats, son comité de direction et son personnel, plus de 90% de la centaine d’enseignants de notre collège ainsi que les syndicats de professionnels et du personnel de soutien nous ont appuyés. Comme nous avons été l’objet de deux poursuites en diffamation, les services compétents d’un avocat et de son bureau ont été requis. Les quatre membres de l’exécutif syndical ont été impliqués à fond. Par sa formulation impeccable des propositions adoptées en assemblée syndicale, Pierre G. dit l'Irlandais a contribué à galvaniser les énergies et à motiver la base. Ce fut un plaisir de travailler avec ce perfectionniste, cet épicurien amateur de jazz et de musique irlandaise propriétaire d’une maison ancestrale à St-Ours et père de deux grandes filles. Ce fut une belle fraternité ponctuée de repas de travail mémorables au restaurant Four à bois avec les deux autres membres de l’exécutif, aux qualités complémentaires,  Gilles C., le professeur de sciences politiques, à la mémoire d’éléphant, au sens politique sûr et aux réflexes utilement lents, Daniel T., le professeur de biologie, bon vivant qui ne se casse pas la tête, pratique et expéditif, et le professeur de sociologie, Daniel L., vice-président de la Fédération, expérimenté, compétent et prudent. Ces enseignants ont à leur actif quinze ans de syndicalisme et la lutte qu’ils ont menée ensemble a solidifié leur amitié. Avec l'appui indéfectible du Sorelois Paul M., ingénieur et incorruptible.

la lettre d'injures a été évitée

Le genre de harcèlement sournois que privilégiait Sa Majesté et ses acolytes modifiait nos conditions de travail en créant un climat d’insécurité et un malaise lourds à porter. En réaction aux attaques mesquines et aux dépenses de fonds publics, nous avons été très tenté par la lettre d’injures qui est un genre littéraire créé par André Breton et les surréalistes, mais cela n’aurait pas été publiable. Nous avons résisté à cette tentation car, rationnellement,  nous croyons que la modération est plus efficace d’autant plus que, comme le dit Talleyrand et comme Jean Paul Lauzon, Pierre Falardeau et Victor-Lévy Beaulieu nous en fournissent régulièrement la preuve, tout ce qui est excessif est sans portée. On aurait pu se défouler et se faire plaisir en les traitant, comme font les Français, de pétasses qui se conduisent comme des connasses ou, en Québécois, de pitounes qui ont un comportement de nounounes.  Nos adversaires nous ont assez souvent traité de mufles, d’impolis,  de cancers ou de mécréants sans ajouter à leurs motifs de le faire. Nous avons préféré l'ironie et la finesse et y aller par le haut en nous référant à sa majesté la Reine et en citant Montaigne et Molière.

A ce propos, voyez ce qu’écrit magnifiquement Montaigne dans les Essais: Celui qui d’une douceur et facilité naturelles, mépriserait les offenses reçues, ferait chose très belle et digne de louange; mais celui qui, piqué et outré jusques au vif d’une offense, s’armerait des armes de la raison contre ce furieux appétit de vengeance, et après un grand conflit s’en rendrait enfin maître, ferait sans doute beaucoup plus. Celui-là ferait bien, et celui-ci vertueusement: l’une action se pourrait dire bonté; l’autre, vertu. (II ,2) Comme disait celui qui fut directeur général pendant vingt-neuf ans, dans une lutte, si vous donnez des coups, vous devez vous attendre à en recevoir. Ce que vous  lisez s’arme des armes de la raison contre un furieux appétit de vengeance et après avoir été piqué et outré jusques au vif d’une offense, après un grand conflit s’en rend enfin maître et parvient à mépriser les offenses reçues, ce qui est, selon Montaigne, de la vertu et une chose très belle et digne de louange. 

attention à ta prostate

Certaines personnes croient que le long conflit que nous avons vécu nous a traumatisé et que nous aurions besoin d'une thérapie. Ce genre de paternalisme est affligeant.  Elles croient que d’aller frapper une cinquantaine de balles de golf au terrain de pratique du Parcours du Cerf, c’est suffisant pour se calmer les nerfs. C’est possible car le stress, avons-nous appris plus tard, ce n’est pas bon pour la prostate. Au moment d’une divergence d’opinion avec deux enseignantes en Soins infirmiers toutes en rondeurs sur un refus de priorité donc sur le congédiement d'une enseignante de leur département qui venait de Matane auquel nous nous opposions, dans un corridor du collège, elles ont lancé à voix forte en s'éloignant du local syndical, cet avertissement prémonitoire et méchant en s'adressant au Littéraire: Attention à ta prostate! Thérapie? Les infirmières peuvent sourire et se dévouer: elles peuvent aussi être méchantes. Veut-on laisser entendre qu’on n’aurait pas dû écrire parce que, paraît-il, il faut lâcher prise et cesser de vivre dans le passé, ce passé conflictuel qui troublerait notre âme? Ecrire est un exercice de mémoire; écrire est une sorte de travail sur soi. Il n’était donc pas question d’oublier, de se taire, de pratiquer la politique de l’autruche. Comme l'écrit André Glucksmann sur des situations historiques beaucoup plus graves,  c’est la présence ou le danger du despotisme qui nous montre la valeur de la démocratie. Cela s’applique à l’échelle d’un collège qui est une institution où des êtres humains vivent leur vie professionnelle, ce qui a, pour eux, une certaine importance. Il nous semble, en plus, que notre histoire valait la peine d'être racontée sans risquer de se faire accuser d'égocentrisme. Comme le chante Serge Fiori du groupe Harmonium, notre voisin à Longueuil, nous avons quelque chose à raconter, il faudrait peut-être nous écouter. Et dans L’appendice aux confitures de coings, Jacques Ferron déplore le fait que le silence recouvre le pays de son ombre et que les gens se taisent portés à minimiser tout ce qu’ils ont vécu.  Ne comptez pas sur nous pour minimiser. Je suis celui qui frappe dedans la vie à grands coups d’amour chante Gerry Boulet, un autre voisin chez qui mes filles allaient garder et il rentrait très tard dans la nuit.

des cris d'orfraie

Comme d’habitude, la directrice et ses amies pousseront des cris d’orfraie devant des remarques qu’elles qualifieront, naturellement, pour les discréditer, de désobligeantes, désagréables, déplaisantes, impolies, vexantes, irrespectueuses, irrévérencieuses, offensantes, qui ne respectent pas le décorum. Voyez comme la liste des adjectifs est longue. On n'y ajoutera pas diffamatoires. Après les coups qu’elles ont donné, elles pourraient cesser de jouer aux vierges offensées. Shakespeare a beau dire que la vie est un théâtre, à un moment donné, il faut arrêter de jouer.

un nous fraternel et solidaire

Voici donc  le point de vue d’un syndicat qui est un collectif (d’où l’usage majestueux mais non papal du nous) avec lequel Le Littéraire s’identifie étant donné le rôle-clé qu'il a joué dans les affrontements entre la Direction et le syndicat des enseignants. Stimulantes pour les enseignants et irritantes pour les adversaires, les citations de Montaigne devraient donner le goût d'aller lire les Essais. Si vous le faites, vous ne le regretterez pas, surtout si vous avez lu, en guise d'introduction, Montaigne à cheval, une biographie remarquable de Jean Lacouture. Les nombreux passages autobiographiques des Essais sont d'une saveur incomparable. 

aire de repos
La plus commune façon d'amollir les coeurs de ceux qu'on a offensés, lors qu'ayant la vengeance en main, ils nous tiennent à leur merci, c'est de les émouvoir par soumission, à commisération et à pitié: toutefois la braverie, la constance, et la résolution, moyens tous contraires, ont quelquefois servi à ce même effet. (Essais, I,1)

Lors vismes leur mauvaisté   (Jacques Ferron, Historiettes, 1969)


Il ne faut pas dire tout ce qu’on pense, car ce serait sottise; mais ce qu’on dit, il faut qu’il soit tel qu’on le pense, autrement, c’est méchanceté. (...) Or, de moi, j’aime mieux être importun et indiscret que flatteur et dissimulé. J’avoue qu’il se peut mêler quelque pointe de fierté et d’opiniâtreté à se tenir ainsi entier et découvert sans considération d’autrui. (...) Par quoi je m’abandonne à la naïveté et à toujours dire ce que je pense, laissant à la fortune d’en conduire l’événement. (...) Et quand personne ne me lira, ai-je perdu mon temps de m’être entretenu tant d’heures oisives à pensements si utiles? (...) Si vous êtes couard et qu’on vous honore pour un vaillant homme, est-ce de vous qu’on parle? On vous prend pour un autre. (...) Qui me louerait d’être bon pilote, d’être bien modeste, ou d’être bien chaste, je ne lui en devrais nul grand merci. Et pareillement, qui m’appellerait traître, voleur ou ivrogne, je me tiendrais aussi peu offensé, moi qui me vois et qui sais bien ce qui m’appartient. (Montaigne)

Le temps guérit les douleurs et les querelles, parce qu’on change, on n’est plus la même personne. Ni l’offensant, ni l’offensé, ne sont plus les mêmes. (Pascal, Pensées, 1662)

Les deux qualités lui sont naturelles, la politesse et la patience, jumelles du savoir-vivre. (Daniel Boulanger, Le ciel est aux petits porteurs, 2006)

Le cardinal Mazarin n'est pas le dernier à mener cette contredanse où les salves de mousquets doublent les violons. Il a toujours eu du goût à la fête. Elle lui sert à charmer, à tromper et à mieux asservir.
(Pierre Combescot, Les Petites mazarines, 1999, Livre de Poche, p.53)

septième cahier

C'est la faute à Montaigne

à Françoise R.

Elle n'avait pas la finesse et la subtilité de Célimère, l'amie d'Alceste dans Le Misanthrope de Molière. Elle était impérieuse et dominatrice comme Philaminte des Femmes savantes. Mais surtout elle avait le mauvais caractère de la maîtresse de Louis XIV, Madame de Montespan.  Dans sa biographie de Louis XIV, Jean-Christian Petitfils la décrit avec sa bouche vermeille et délicate, son nez aquilin finement dessiné, son port de déesse, dont le mari, cet Alceste grincheux, fut exilé sur ses terres. A trente ans, Le Roi était si fougueux, si avide, qu'il lui fallait plusieurs femmes en même temps comme Tiger Woods, le roi du golf. En 1666, Louis commença à s'intéresser à Françoise de Rocheouart de Mortemart, marquise de Montespan qui pouvait se montrer odieuse avec ses rivales et qui le fut avec Mlle de la Vallière et Madame de Maintenon en les humiliant par ses railleries et sa verve mordante et en les traitant en femmes de chambre au moment où elle était la favorite du roi. Mme de Sévigné la décrit rayonnante de splendeur, surveillant les travaux de son château de Clagny, à Versailles, donnant ses ordres à 1,200 ouvriers au milieu des marbres et des orangers en caisse. Elle voyage dans une calèche suivie du carosse de ses six filles d'honneur, de six mulets; son train est de quarante-cinq personnes dont une douzaine de cavaliers d'escorte. Ses toilettes, ses équipages, son train étaient royaux.  La reine  Marie-Thérèse éduquée à espagnole souffrait de ses hauteurs et gémissait: Cette poute me fera mourir! jusqu'au moment où se sont éteintes les braises mourantes de l'amour royal.

Le 17 décembre 2004, le collège a reconnu la contribution d’employés ayant 25, 30 ou 35 ans de service. A cette occasion, on a souligné les sept ans de fonction d’une directrice générale retraitée depuis le premier juillet 2004. En 1956, Robert Rumilly a publié un livre à la gloire de Maurice Duplessis intitulé: Quinze années de réalisations. On pourrait brocher ensemble les rapports annuels et les auto-évaluations qui ont procuré à cette directrice, chaque année, un bonus de 6% (environ 35,000 $) en plus d’un salaire de hors-cadre généreux et intituler cela: Sept ans de réalisations, réalisations qui sont réelles et dont elle s’est chargée elle-même de faire la publicité. En lisant ces auto-congratulations bien rémunérées, ce qui nous frappe, ce sont les omissions. Or, ces omissions ne sont pas anodines; elles nous concernent directement. Elles seront toutes abordées ici car elles portent sur
1- le climat de travail;
2- le respect de l’éthique;
3- différentes formes de harcèlement pour déstabiliser l’adversaire;
4- la qualité de la vie démocratique et la liberté d’expression qui en est la condition;
5- l’équité dans la répartition des ressources;
6- l’usage des fonds publics.

En somme, ce sont les valeurs qui doivent s’exprimer dans une institution publique d’enseignement pré-universitaire pas seulement sur papier dans un beau projet éducatif mais dans la réalité de la vie de tous les jours. Or, sur chacun des points apparaissant dans cette énumération, le bilan est négatif et c’est ce que nous allons démontrer.

Deux poursuites judiciaires non fondées et du harcèlement, cela pose des problèmes d’éthique, cela crée un très mauvais climat de travail, cela empêche la liberté d’expression et, par conséquent, c’est toute la vie démocratique d’un collège qui en est affectée. Le Syndicat des enseignants s’est opposé à la Direction qui était responsable de cette situation. Le conflit qui en est résulté a beau se passer dans un petit collège, les enjeux sont dignes d’intérêt.

De 1997 à 2005, les relations interpersonnelles entre la Direction et le Syndicat n’ont pas été fondées sur l’empathie; la recherche des consensus n’était pas la priorité de la directrice générale dont le style rouleau compresseur n’avait pas grand chose de féminin. Quand une directrice se surestime et sous-estime ceux qui ne pensent pas comme elle et commence l’exercice de son mandat en s’attaquant directement à deux leaders syndicaux, on ne peut pas s’attendre à autre chose qu’un long conflit. Les membres de l’exécutif syndical (quatre hommes) ont été traités par elle comme des ennemis; ils ont vécu dans le conflit et l’affrontement et ils ont dû constamment créer un rapport de forces pour résister aux coups bas, aux mesquineries et aux abus de pouvoir d’une directrice qui a agi comme si la fin justifiait les moyens. C’est ce qui découle des faits et c’est ce qui permet, à notre avis, de porter un jugement très sévère sur l’ensemble de son oeuvre. C’est notre opinion: on peut ne pas la partager mais rien ne nous empêchera de l’exprimer.

Comme dirait le Politique, commençons par une mise au point. Selon nous, un pouvoir qui recherche les consensus et qui préfère l’entente et l’harmonie n’est pas spécifiquement féminin mais devrait être le type de pouvoir exercé par tout être humain, homme aussi bien que femme, particulièrement dans le domaine de l’éducation où règnent les relations interpersonnelles dans la transmission de connaissances, de méthodes de travail et de valeurs comme l’ouverture d’esprit, l’esprit critique et l’honnêteté intellectuelle.  L’autorité devrait être un service et non l’occasion de l’exercice d’un pouvoir. Nous avons appliqué cette idée (qui, incidemment se trouve dans le Nouveau Testament, dans les Actes des Apôtres) dans nos relations avec nos élèves mais tel n’a pas été le cas de la Direction. A supposer qu’il y ait des comportements ou des qualités spécifiquement masculins ou des comportements ou des qualités spécifiquement féminines, la catégorie de l’humain les englobe. Il est à la mode actuellement de parler de féminisation de la société, notion ambiguë ou carrément tordue chez Eric Zemmour surtout quand elle pousse à conclure qu’un homme souple qui cherche le consensus (ou qui s’occupe des enfants ou fait des tâches ménagères) est féminisé, ce qui s’opposerait à la virilité que doit posséder tout mâle digne de ce nom. On nous a  accusés de machisme ou de misogynie parce que nous nous sommes opposés à ce qu’il y ait un Comité femmes à la Fédération autonome du collégial. Pourtant, quand nous avons appris qu’une femme accédait au pouvoir dans notre collège, un espoir de renouveau s’est répandu parmi toutes les catégories de personnel, hommes aussi bien que femmes. Hélas!, nous avons vite déchanté.

Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur écrit Beaumarchais dans Le mariage de Figaro. Selon nous, l’ex-directrice à la retraite mérite d’être blâmée mais notre opposition ne s'attaque pas à sa personne mais à certaines de ses actions qui ont une existence objective. Pour décrire le début des hostilités, un peu de mise en scène. (La métaphore du théâtre s’imposera tout au cours du récit. All the world's a stage, and all the men and women, merely players, écrit Shakespeare. Le monde est une scène de théâtre et tous les hommes et femmes y jouent simplement un rôle.)

A bord! A bord! Le navire a chargé le vent sur son épaule de toile. Avant tout, sois véridique avec toi-même, d’où découlera, comme du jour la nuit, que tu ne seras faux pour personne. (Hamlet)

Tout a commencé, au printemps de 1997, peu après la nomination de la directrice, dans le stationnement en face d’un restaurant à dix minutes de marche du collège. En présence du Directeur des ressources humaines qui avait annoncé sa retraite, comme le Syndicaliste, ex-président du syndicat des enseignants de notre collège et vice-président de la Fédération sortait du restaurant après un repas avec ses amis du syndicat, la directrice qui se dirigeait à pied vers le collège a fait volte-face et, à notre grande surprise, a marché plus de soixante pieds,( la distance du marbre au premier but à la balle-molle) pour venir lui donner l’accolade en lui suggérant de poser sa candidature au poste vacant. Il faut savoir qu’il hésitait à se présenter mais devant tant de chaleur, il décida de poser sa candidature. La suite des choses allait nous faire comprendre que c’était de la stratégie car le Directeur des ressources humaines qui quittait ses fonctions souhaitait que le Syndicaliste lui succède. Le masque est tombé quand nous avons su que cet ex-Directeur avait été écarté du comité de sélection sous prétexte qu’il n’était pas objectif ayant un préjugé en faveur d’un des candidats. La candidature du Syndicaliste a été rejetée. La directrice générale a attendu au lendemain avant de lui téléphoner (notons cette petite cruauté)  pour lui annoncer la mauvaise nouvelle en lui disant méchamment: Je vous ai traîné pendant tout le processus. Après avoir analysé ce comportement, du début jusqu’à la fin du processus, en particulier la description tripartite de la fonction qui allait comme un gant à la candidate de Thetford Mines qui a été choisie et le comité de sélection flottant, nous avons vu qui était cette femme et, comme dirait Jacques Lemaire, l’ancien joueur et coach du Canadien, actuellement instructeur-chef des New Jersey Devils, nous n’avons pas aimé ce que nous avons vu: une sorte de Machiavel au féminin.

Notre collègue et ami éliminé et humilié (pourquoi fallait-il l’humilier?), un des premiers gestes de la directrice, en août 1997, au début de la session d’automne, a été de convoquer le président du syndicat, l’Ebéniste, pour tenter de faire la même chose au Littéraire. De toute évidence, dans son salon, ses amis libéraux en avaient fait un portrait peu flatteur. Elle savait qu’il serait son principal opposant. Après l’avoir entendu déblatérer contre le Littéraire, n’entrant pas dans son jeu, le président du syndicat dit l’Ebéniste coupa court à ses prétentions et la décontenança en disant qu’il aurait souhaité que ses trois enfants l’aient comme professeur de français. Le Littéraire qui a été l’objet d’une plainte a tout de suite exigé une rencontre pour tirer les choses au clair.

Cette rencontre a eu lieu et commença par une discussion sur la vulgarité. L’Ebéniste avait dit au Littéraire que la Directrice le trouvait vulgaire. Attaquant de front le sujet, le Littéraire, avec audace lança: Prenons l’exemple des Français. Ils aiment dire à propos d’une femme: Elle a un beau cul. Ou bien: elle a un gros cul. Pour moi, c’est le comble de la vulgarité.  Sa Majesté répéta d’un ton déplaisant que l’étudiante adulte qui avait porté plainte le  trouvait vulgaire; il voulut savoir ce qu’elle considérait comme vulgaire et il lui tendit un piège à ourse dans lequel elle est tombée, en lui demandant si, dans la citation suivante, Montaigne était vulgaire: Voici la citation des Essais: Plus le singe monte haut dans l’arbre, plus il montre son cul. Est-ce que c’est vulgaire? Elle lui  répondit: Non, ce n’est pas vulgaire. Pourtant, fit-il remarquer, Montaigne utilise le mot cul et si moi j’utilisais le mot cul en votre présence, vous diriez que je suis vulgaire. Si vous dites que ce n’est pas vulgaire, c’est par pur snobisme!” Et il ajouta, cinglant, la réplique qu'il avait préparée: Soit dit en passant, directrice générale, ce n’est pas très haut dans l’arbre. Il est utile de savoir que Montaigne traitait d’égal à égal avec les princes de son temps et n’était guère impressionné par le pouvoir. D’où l’utilité de lire les Essais et de s’en inspirer. Il est vrai qu’il a réussi le tour de force d’être en bons termes autant avec les protestants qu’avec les catholiques pendant les guerres de religion et après le massacre de la St-Barthélémy et qu’il a servi d’intermédiaire dans des négociations. C’est un exploit que nous admirons mais qui a été hors de notre portée étant donné les circonstances: nous étions en guerre.

Plutôt que de suivre les conseils de Dale Carnegie dans Comment se faire des amis pour réussir dans la vie que l'abbé Jules Desrosiers lui avait passé à quinze ans, il a préféré marcher sur les traces de Cyrano de Bergerac empanaché d’indépendance et de franchise. Moi, dit Cyrano, c'est à l'intérieur que j'ai mes élégances. La citation de Montaigne, la directrice ne l’attendait pas et elle a tenté de camoufler le geste de harcèlement que constituait sa rencontre avec le président du syndicat en couvrant le Littéraire de compliments du genre vous êtes brillant, vous êtes généreux, on voit que vous êtes très cultivé, vous êtes dynamique, flatteries qui le laissèrent de glace et lui rappelèrent La Fontaine: Le flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. Comme dirait Séraphin Poudrier: Pas trop de fleurs, pas trop de fleurs. La saison est passée. Quand il refusa de participer à une session de formation donnée aux nouveaux élus au Conseil d’administration du collège, elle a bien vu qu’il lui serait impossible de le contrôler. Elle ne s’imaginait pas encore ce qui lui pendait au bout du nez. Lui non plus, d’ailleurs. Les compliments de la séduisante  bourgeoise furent sans effet et elle s’en aperçut avec dépit.

Lors d’une deuxième rencontre, une semaine plus tard, pour lui remettre un chèque de 288 $ pour payer les frais d’un voyage à Québec, au printemps, au Comité provincial de français, comme coordonnateur de département, dépenses qu’avait refusé de payer le Directeur des études Rona ( qui a dû quitter son poste) elle a cité celui qu’elle a appelé ce cher Montaigne: Toute autre science est dommageable à celui qui n’a la science de la bonté. On le voit, chacun avait préparé sa citation. Il a alors compris son invitation à être ce bon gars que décrit Richard Desjardins dans une de ses chansons. Il n’en était évidemment pas question. Vulgaire? N’était-ce pas  une vacherie pour déstabiliser l’autre et l’empêcher d'être lui-même. Vous êtes fier dit le comte de Guiche. Vous l’avez remarqué, répond Cyrano.

Rien n'obligeait la directrice, certes, à choisir le Syndicaliste comme Directeur des ressources humaines. Et l’avenir a bien montré que ça n’aurait pas marché car elle aimait beaucoup trop les yes men, les cadres dociles et le Syndicaliste n’en était pas un. Mais tout est dans la manière. Quant à la convocation du président du syndicat pour critiquer le Littéraire, c’était un manque d’éthique professionnelle car elle aurait dû d’abord lui en parler. Dès le début de son mandat, au printemps et à l’automne 1997, elle a donc cherché le trouble. Comme on dit dans les analyses de l’action dans les romans, tels sont les deux événements déclencheurs d’un conflit où chacun des deux protagonistes a cru que l’autre voulait sa peau. Dans le récit qui va suivre, on ne vous épargnera pas le schéma actantiel de Greimas utilisé par des enseignant(e)s qui sentent le besoin d’imiter Thomas Diafoirus, ce personnage de Molière qui parlait latin pour passer pour un docteur en médecine. D’un côté, il y avait (les méchantes actantes) l’ex-professeure de chimie, directrice générale, l’avocate directrice des ressources humaines, l’ancien professeur de philosophie, directeur des études, l’ancienne professeure de Soins Infirmiers, Adjointe au Directeur des études dite KakaFala, l’ancien professeur d’Informatique, adjoint à l’organisation scolaire, dit Grandpied le pas subtil, le tonitruant et perfide avocat local, certains membres du Conseil d’administration, Amable Beausapin, le technicien devenu professeur par la bande, certains enseignants en forte minorité qui ne respectaient pas les boycotts, qui étaient des money makers dans une situation de double emploi ou qui jouaient aux agents doubles qui se promenaient dans le collège comme des sous-marins soviétiques au moment de la guerre froide. Il y avait quelque chose de pourri au royaume du Danemark. De l’autre, il y avait (les bons actants) les quatre membres de l’exécutif du syndicat, le vice-président de la Fédération, (les adjuvants) les trois enseignants membres du Comité des relations du travail, en particulier la coordonnatrice du département de Soins infirmiers; l’Ingénieur, l’autre enseignant membre du CA, l’avocat de la Fédération, les agents doubles qui jouaient sur tous les tableaux, qui faisaient surface et nous rapportaient les propos de la directrice générale, quelques enseignants militants syndicaux comme le coordonnateur du département d’informatique particulièrement lucide et ulcéré par l’International et l’Assemblée générale du syndicat des enseignants. Telles étaient les forces en présence dans une guerre féroce de tous les instants qui dura sept ans.

Pour porter un jugement sur l’ensemble des sept ans de l’exercice du pouvoir de cette directrice, la première chose qui frappe, c’est le roulement anormal du personnel cadre, roulement dont elle était en bonne partie responsable parce qu’elle demandait à ses collaborateurs de poser des gestes qui contrevenaient aux règles de l’éthique la plus élémentaire dans le but de nuire à ses adversaires. Il serait fort instructif de connaître les causes des départs de neuf cadres, soit un directeur des études, deux directrices des ressources humaines, un directeur des ressources matérielles, et, surtout, de cinq adjoint(e)s à la direction des études, dont certain(e)s ont refusé d’espionner le vice-président à l’information du syndicat local, le Littéraire, pour le déstabiliser à la suite de plaintes toujours anonymes qu’elles signalaient chaque semaine, elle ou son avocate, la directrice des ressources humaines, comme nous en a informé une adjointe qui a occupé ce poste pendant un an avant de revenir à l’enseignement de l’anglais. Au lieu d’intervenir, nous a-t-elle raconté, comme cette adjointe qui avait été directrice d'école primaire avant d'enseigner l'anglais exigeait de parler directement à la personne, parent ou élève qui, aurait porté plainte, elle n’en entendait plus parler. Après un an de refus d’intervenir, ne pouvant tolérer ce genre de procédé et ce genre de pression, et pour d’autres raisons aussi, elle quitta son poste de cadre et revint à l'enseignement de l'anglais. Après la convocation du président du syndicat, ces demandes d’intervention constituent la deuxième action objective de harcèlement selon la définition juridique de la loi sur le harcèlement qui s’applique depuis juin 2004 et en voici une troisième.

Les enseignantes du département de bureautique, qui, comme chacun sait, n’ont pas spontanément tendance à s’opposer à l’administration, ont refusé carrément que l'Adjointe, conjointe du député libéral sous Robert Bourassa, devenue membre du comité patronal national de négociation dont le mandat était de ne pas négocier et qui a conduit au décret de 2005, et que la Directrice générale a voulu nommer directrice des études sans passer par un comité de sélection, les enseignantes de bureautique, disions-nous, ont refusé que cette Adjointe passe un questionnaire d’évaluation aux anciennes élèves du Littéraire, trois mois après la fin des cours, après les vacances d’été, pour lui donner de la matière pour corriger l’erreur grossière que la directrice a faite en l’accusant de ne pas avoir respecté son contrat en bureautique quand il a répondu non à sa demande que les sept signataires (dont il faisait partie), membres du Comité des relations du travail renoncent à ce que se rende au Conseil d’administration une lettre (voir document 8) dénonçant sa volonté de continuer à couper nos salaires de 2.5% jusqu’en avril même si une entente nationale avait eu lieu qui convenait que la coupure devait cesser dès le premier janvier. Excusez la longueur de la phrase mais elle dit tout ce qu’il faut savoir. Exiger ce genre d’intervention d’une adjointe contre un enseignant à cause de son action syndicale est un abus de pouvoir et un manque d’éthique. Dans ces circonstances, comme en d’autres situations, ses manoeuvres portaient atteinte à l’intégrité des adjoint(e)s puisqu’elle leur demandait d’utiliser leur fonction à des fins de politique partisane. L’Adjointe au Directeur des études n’a pas à faire de harcèlement contre un enseignant mais comme elle faisait partie de la clique libérale, elle était d’accord pour intervenir en bureautique. Mais pas deux autres cadres, un adjoint et une adjointe qui ont quitté leurs fonctions. Pas surprenant qu’il y ait eu un tel roulement de personnel à la fonction d’adjointe ou d’adjoint au directeur des études. Leur résistance aux pressions de la directrice générale les honore et prouve qu’il existe encore dans les administrations de collèges des cadres qui ont une conscience et des principes.

Peu à peu, nous avons compris que les affrontements que nous vivions se situaient dans un contexte idéologique plus large. En effet, à une réunion de la Fédération des syndicats, à l’occasion d’un exposé de Pascale Dufour, professeure au Département de science politique de l’Université de Montréal, nous avons reconnu l’idéologie de la Directrice et celle de la Fédération des cégeps. Cette idéologie dite libérale place l’individu au coeur de la vie sociale, ce qui implique et là on la reconnaît, la marginalisation des acteurs collectifs comme les syndicats par la réingénierie, la sous-traitance, les consultations-bidon, l’utilisation abusive des consultants, les privatisations et une politique de décentralisation vers les régions mettant l’accent sur les acteurs socio-économiques dont elle fait  partie, comme présidente du Conseil d’administration du Centre Local de Développement (CLD), ce qui indique que, malgré sa retraite (forcée) du collège, elle est toujours active. Elle a été la cheville ouvrière de la création d’un fonds d’investissement régional (FIER) de 5.1 millions dont 3.4 millions du gouvernement libéral qui sera administré par le CLD: elle espère pour elle-même un rendement de 10% pendant dix ans sur les 50,000 $ qu’elle a investis comme elle l'a déclaré candidement au journal local. Dans une société démocratique, rien n’interdit de critiquer, espérons-le, cette idéologie libérale censée respecter la liberté d’expression, une liberté brimée par les menaces de poursuites en diffamation comme le journal local l’a vécu après la publication d’une lettre ouverte écrite par un citoyen qui contestait la façon de dépenser la subvention de 21 millions donnée par le gouvernement du Parti québécois pour le développement économique de la région. Répétons-le, la présidente du Conseil d’administration du CLD de sa région vient d’investir 50,000 $ dans un Fonds d’investissement régional (FIER) soi-disant à risque où le 1,7 million investi par des hommes d’affaires de la région est complété par 3.4 millions d’Investissement-Québec (le gouvernement libéral investit 2$ pour chaque dollar régional: 400 millions ont été prévus à cette fin dans le  budget du ministre des finances Michel Audet). Les 5.1 millions sont administrés par le CLD pour le développement économique de la région et la création d’emplois. Tout ce beau monde espère un rendement de 10% sur investissement pendant dix ans. Ces informations se trouvent dans le journal local. Evidemment, rien de malhonnête là-dedans: seulement quelques petits conflits d'intérêt. C’est l’économie libérale en marche qui permet à certains de profiter du système tout en se donnant des airs de travailler pour le bien commun, ce qu'ils font  probablement malgré tout mais sans s'oublier. (Elle a démissionné du CLD et a été nommée présidente du FIER du Bas-Richelieu.)

Avec l’accession au pouvoir de la directrice générale en 1997, on voit cette idéologie libérale en pleine application. Pendant sa première année en l997-l998, des modifications de l’organigramme ont eu pour effet d’augmenter la tâche du personnel de soutien et de confier à certains cadres des doubles ou des triples tâches pour lesquelles ils n’avaient pas nécessairement de compétence. On pourrait donner des exemples d’erreurs et de négligences de cadres surchargés, erreurs et négligences qu’il était de notre devoir syndical de dénoncer, ce qui a exaspéré évidemment la directrice générale qui se voyait contestée dans sa façon d'étirer les tâches des cadres.  Elle a échoué dans sa tentative à laquelle nous nous sommes opposés avec succès de confier la cafétéria en sous-traitance à une compagnie privée au détriment de la qualité alimentaire des repas avec le danger que les sept employées perdent leur emploi, employées qu’elle a appelées avec condescendance des petites madames lors d’une réunion organisée pour tout le personnel afin, croyions-nous, que les deux points de vue sur la cafétéria puissent être entendus. Lors de cette réunion, la Directrice a été la seule à parler et le représentant de la coopérative qui gérait très bien la cafétéria, a dû se contenter de distribuer un document exprimant sa position en arrière de l’auditorium. Cela en dit beaucoup sur sa conception de la démocratie. Qu’elle seule prenne la parole avec l’aide d’un powerpoint, cela dépassait tellement l’entendement que tout le monde a figé. Un seul point de vue avait droit de cité, le sien. On a vu qu'elle aimait donner des cours magistraux. Le représentant de la coop, qui était un professionnel, n’insista pas car, de toute évidence, elle refusait de participer à un débat. A cette occasion, réunis à l’auditorium, plus d’une centaine de membres du personnel, nous avons tous été trop polis en tolérant son monologue. Nous n’avons pas fait d’esclandre pour ne pas faire de diversion car nous savions que personne ne serait influencé par son exposé qui n’a eu aucun impact. La très forte majorité des membres du personnel ont continué à penser qu’elle n'avait pas d'affaire à privatiser la cafétéria qui était bien administrée et qui offrait d’excellents services alimentaires depuis 20 ans. Ce fut une lutte que le syndicat a gagnée: la cafétéria ne fut pas privatisée et les tentatives de la directrice de contrôler l'information furent un échec. Elle aurait dû en tirer une leçon. 

Quand le stationnement a cessé d’être gratuit et que La Direction a multiplié les frais payés par les élèves malgré les protestations de l’Etudiante, porte-parole de l’Association étudiante, on a qualifié son administration de mercantile, et l’Association étudiante a transformé le slogan l’étudiant, c’est important par l’étudiant, c’est payant, affiche qui a été saisie par le subtil Grandpied, l’adjoint à l’organisation scolaire qui lui était tout dévoué dans l’espoir de devenir Directeur des études, ce qui n’arriva pas, heureusement. Cet adjoint de 6’ 4” serviable et aux multiples talents est aujourd’hui directeur des ressources humaines dans un gros collège de Montréal. Parlant de liberté d’expression, le syndicat a été obligé de faire un grief et de le gagner suite à la sentence de l’arbitre Gilles Lavoie pour avoir le droit de se servir des casiers des enseignants sans que l’administration puisse intercepter nos bulletins d’information comme elle l’a fait pour notre Complément à l’Info-CA (voir document 9 ) qui faisait très mal parce qu’il décrivait en détail le fonctionnement ubuesque du Conseil d’administration sous sa direction à travers un exemple, le dossier de la cafétéria. Suite à l’évaluation négative que les enseignants ont faite de son premier mandat, elle a engagé une firme privée qui a échoué dans sa mission de redorer son image. Plus tard, au coût de 73,600$, une firme privée a fait une étude pour nous apprendre ce que nous savions déjà à savoir que la clientèle se trouvait à l'ouest du collège, du côté de V.

Auteur des questionnaires détaillés et responsable du processus de son évaluation qui a conduit 70% des enseignants à ne pas recommander son renouvellement de mandat, l’exécutif syndical a dû subir son hostilité permanente. Par exemple, Grandpied a donné machiavéliquement au Littéraire une classe au rez-de-chaussée qui serait troublée par des bruits de construction qui provenaient de travaux dans le sous-sol pour le programme en environnement-santé-sécurité, ce qui, inévitablement, susciterait des sarcasmes de sa part et l’impossibilité de donner des cours magistraux, cours magistraux qu’une lettre non officielle du Directeur des études réclamait de lui ainsi qu’une injonction de cesser ses attaques contre l’administration. Un certain après-midi, il a reçu la visite inopinée de deux cadres féminines dans sa classe, sans avertissement, trois semaines avant les procès, avec un questionnaire à remplir par les élèves afin de prouver que le méchant syndicaliste ne respectait ni l’administration, ni ses élèves. Les élèves, perspicaces, déjà avertis que l’administration en voulait à leur professeur, à la vue des questions, comprirent le but de la démarche patronale et ne firent pas de réponses qui pourraient justifier une mesure disciplinaire, suspension ou autre, de l’administration contre lui. Cette solidarité étudiante en temps de crise fut fort appréciée par le professeur de français qui y a vu un effet bénéfique de son enseignement et confirma sa position de base dans la vie à savoir qu’il y a des avantages à s’adresser à l’intelligence des gens et à leur faire confiance, surtout les jeunes. Cet appui étudiant est un souvenir fort émouvant pour le Littéraire. Après la compilation des réponses de ses élèves, au grand déplaisir de la Directrice générale, le Directeur des études a écrit une lettre d’excuses à l’enseignant pour l’avoir dérangé et n’a pu s’empêcher de constater, par écrit, que ses élèves l’estimaient et considéraient qu’il était un professeur de littérature compétent et dynamique, ce qui était normal puisque par ses méthodes et son style non magistral d’enseignement, après avoir étudié les plus beaux poèmes de François Villon, il venait de leur faire comprendre et apprécier un roman difficile du 17è siècle, La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette et qu’il était en train d’analyser avec eux Le Misanthrope, de Molière, des classiques qui, comme par hasard, traitent du thème de la sincérité dans le couple et dans la vie sociale. Cette lettre d’excuses accompagnée d’un jugement favorable sur son enseignement a été précédée d’une rencontre à V. où le Directeur des études lui fit faire, aimablement, le tour du propriétaire, ce qui le convainquit qu’au fond, bien que parfois obstiné, c’était un honnête homme et que le vrai problème, ce n’était pas lui. Cette visite de deux cadres dans sa classe, c’est la quatrième action de harcèlement contre le vice-président du syndicat, la plus grave, après la convocation du président du syndicat en août 97, les demandes répétées d’intervention et d'espionnage faites à une adjointe et la tentative ratée de l'Adjointe aux programmes de passer un questionnaire dans son ancienne classe de bureautique.

(La Directrice avait envoyé un professeur d’éducation physique devenu temporairement aide pédagogique dans sa classe de bureautique pour venir écornifler sous prétexte de vérifier la présence d’une élève en classe avec laquelle il s’entendait bien (et qui, soit dit en passant, était danseuse nue dans un club de nuit  d’un petit village de la région et qui l'avertit qu'une étudiante adulte (une autre) parlait contre lui dans son dos pendant les pauses). Cet enseignant-espion a obtenu une prime de séparation d’une année de salaire quand il a pris sa retraite... Dans cette classe de bureautique dont le but était d'améliorer le français écrit, il avait donné un sujet d'examen final plutôt original. Vous êtes la secrétaire d'un grand éditeur de Montréal. Vous écrivez à Gallimard pour lui demander de publier en un seul volume le Survenant et Marie-Didace de Germaine Guèvremont. Vous justifiez votre demande en montrant que Marie-Didace est la suite du Survenant et en expliquant que les deux romans n'en font qu'un puisque ce sont les mêmes personnages et qu'après le départ du Survenant, on peut trouver une trentaine de références au dieu des routes dans Marie-Didace. A la mi-session, voici le sujet donné pour un autre travail. Le président de Cascades est en voyage en France. Pendant ce temps, Richard Desjardins sort  son film L'erreur boréale. Comme secrétaire, vous écrivez un rapport sur le contenu de ce film pour que votre boss, de retour de voyage, sache quoi répondre aux questions des journalistes. Comme vous voyez, on était loin de l'étude des anglicismes ou du langage spécialisé que doit connaître toute bonne secrétaire. Il ne donna ce cours qu'une seule fois. Le Grammairien (auteur d'une grammaire) prit sa succession. Il avait de la difficulté à obtenir l'attention de ses élèves plus d'une demi-heure. Une fois, exaspéré, il lança sa craie au  visage d'une bavarde. Fermons la parenthèse.)

Ce genre de visite de deux cadres féminines que nous qualifions à juste titre de complot qui aurait pu aboutir à une suspension ou à une autre mesure disciplinaire et qui créait un milieu de travail néfaste se produisit pendant que les quatre membres de l’exécutif syndical devaient faire face aux tribunaux suite à des poursuites judiciaires de 80,000$ (le 15 mai 2001) pour diffamation à cause d’une lettre envoyée au cent membres du syndicat, une critique du directeur des études intitulée la double incompétence sur les examens de reprise et la politique d’évaluation du collège. (Six mois plus tard, le directeur des études faisait les modifications que nous avions demandées.) La poursuite a été précédée d’une mise en demeure qui prétendait que les mots manque de jugement, et doublement incompétent utilisés dans un texte envoyé à tous les enseignants le 24 janvier 2001 pour qualifier une décision du directeur des études sur les examens de reprise étaient diffamatoires et portaient atteinte à sa réputation. Dans cette mise en demeure datée du 31 janvier 2001, le Collège nous demandait de retirer ces propos et de nous excuser et nous donnait cinq jours ouvrables pour le faire. L’exécutif du syndicat a présenté des excuses et retiré les propos litigieux à deux reprises mais en vain car l’administration tenait à maintenir un rapport de forces par une poursuite aux frais des payeurs de taxes. C'est ce qu'on appelle une poursuite stratégique, une SLAPP, une poursuite-bâillon.

Cette poursuite fut suivie d’une autre de 170,000 $ (le 8 août 2001) pour diffamation à cause de propos que le vice-président du syndicat aurait tenus comme membre du Conseil d’administration lors d’une réunion du Conseil du 19 juin 2001. A ce Conseil dont il était membre comme représentant des enseignants, le Littéraire avait devant lui une fiche qu’il a conservée, une fiche préparée minutieusement pour poser à la Directrice une question précise qui est, mot à mot, la suivante: Lors de l’accueil du personnel, l’automne dernier, devant trois de mes collègues, vous vous êtes engagée à acheter des ordinateurs pour faire du multi-média en Arts et Lettres. Or, il n’y a rien de prévu dans le budget du collège. Vous n’avez donc pas respecté votre engagement. C’est ce qui est écrit sur la fiche et c’est ce qu’il a lu. Il a ajouté ( ce qui n'était pas prévu et ce fut une erreur, évidemment): Et vous étiez à jeun! ce qui est, selon notre interprétation, un éloge indirect du vin puisque ça voulait dire que cet engagement, lors de l’accueil du personnel, la directrice générale ne l’avait pas pris dans l’enthousiasme  que peuvent provoquer quelques verres de bon vin.  Ce n’est évidemment pas ce que la directrice a compris. La fumée lui sortant par les oreilles, courroucée, elle a demandé à l'enseignant de retirer ses propos ce qu’il a fait sur le champ tout en étant fort surpris de sa réaction. Plus tard, lors de l’interrogatoire pré-procès, au palais de justice de S., le retrait des paroles mal interprétées a été qualifié par elle de frivole au sens juridique du terme: de toute évidence, l'avocat local avait donné des conseils. Lors de cet interrogatoire pré-procès soigneusement noté par une sténo et dont nous avons le texte intégral daté du 31 octobre 2001, elle prétend que le Littéraire a dit: Cette fois-là, vous étiez à jeun en ajoutant curieusement et je le jure comme pour montrer qu’elle était consciente de la gravité de cette phrase et son caractère incriminant et elle dit que cette phrase était en relation avec une réunion de département. Selon elle, sa promesse d’acheter des ordinateurs aurait été faite dans une réunion du département de français et c’est en se référant à cette réunion de département qu’il aurait dit: Cette fois-là, vous étiez à jeun.

C’est sa version des faits et neuf ans plus tard, on peut bien le dire, ça ne tient pas debout.  En effet, si l’enseignant s’était référé à une réunion de département où il n’y a jamais de boisson, comment aurait-il pu parler de vin? Ces faits font appel à la logique, à une logique implacable. Les amateur(e)s de romans policiers et de logique auront compris pourquoi, plus tard, l’enseignant a osé affirmer dans une réunion des quatre membres de la Direction et des trois autres membres de l’exécutif syndical qui étaient présents lors du fameux Conseil d’administration du 19 juin 2001 que le témoignage de la directrice générale était une fabrication. Ce n’était pas la logique qui dominait dans son témoignage du 31 octobre. Nous savons que l’idée de fabrication implique quelque chose de volontaire. Mais à la réunion précitée, c’est ce que le Littéraire a dit devant sept témoins et non des moindres et l’exactitude exige que nous le rapportions tel quel. L'enseignant a pensé que la phrase incriminante: Cette fois-là, vous étiez à jeun a été inventée de toutes pièces. Il fallait ajouter: cette fois-là, parce que ce qui avait été dit par l’enseignant au Conseil d’administration du 19 juin 2001 ne justifiait pas une poursuite en diffamation et un procès, c’est aussi simple que ça. Il a peut-être eu tort de penser cela mais il l'a pensé. Le Littéraire a signé un affidavit: Je n’ai pas dit cette fois-là. Et cinq témoins étaient  prêts à le signer. Nous pourrions donner les noms de ces cinq enseignants présents au Conseil d’administration du 19 juin 2001 qui étaient  prêts à jurer que le Littéraire n’avait jamais dit: cette fois-là. Les formulaires étaient prêts mais ces affidavits ne furent pas signés car entre temps, une entente hors cour a été signée.

De plus, le contexte n’était pas une réunion de département, comme la directrice générale l’a prétendu, mais un accueil du personnel au hot-dog comme avait dit avec mépris le Grammairien, au vin et à la bière. Comme l’enseignant craignait une erreur, il avait noté les circonstances précises de son intervention dans une lettre envoyée au début de juillet aux 19 personnes présentes au Conseil d’administration du 19 juin 2001, remise en mains propres à la directrice, pour éviter que sa mémoire ne soit défaillante. (document 21) Malheureusement, elle n’a pas tenu compte des précisions contenues dans cette lettre que l’on peut lire dans les documents. De toutes façons, il était impossible que l’enseignant se réfère à une réunion du département de français car les questions regardant le programme d’Arts et Lettres ne sont pas discutées en département mais dans des réunions de programme. Cela peut paraître un détail mais c’est capital. Il est tout aussi impossible qu’il ait dit: Cette fois-là puisque cela supposerait qu’il pensait qu’habituellement, au jour le jour, la directrice n’était pas à jeun dans l’exercice de ses fonctions, ce qui est faux puisqu’il n’avait aucune raison de penser cela. Il lui a déjà dit en public, dans une rencontre précitée entre les quatre membres de la Direction du collège et les trois autres membres de l’exécutif du syndicat: pour nous, le témoignage de la directrice lors de l’interrogatoire pré-procès ne correspond pas à ce qui s’est dit. Il fallait qu’il y ait beaucoup d’émotivité dans l’air au Conseil d’administration du 19 juin 2001 pour qu’une référence au vin normalement consommé lors d’un accueil du personnel soit métamorphosée en attaque personnelle et en diffamation. Et, en effet, comme la directrice et ses complices avaient décidé lors de cette réunion d’exclure l’enseignant du Conseil d’administration (la preuve, on avait ajouté, le soir même, un point à l’ordre du jour: implication des membres du CA), la directrice générale était un peu agressive et fébrile. Mais, plus tard, à tête reposée, pendant les vacances, au moment de la rédaction de la poursuite en diffamation de 170,000 $, ça prenait beaucoup d’imagination (et de malice) pour transformer un éloge du vin en insulte diffamatoire. Pendant ce temps, dans la région circulait cette rumeur que la directrice générale s’était fait insulter pendant une réunion du Conseil d’administration. Et par qui, pensez-vous? Toujours le même qui ne respecte rien ni personne. Comme aurait dit Balzac, en province, une semblable aventure s’aggrave par la manière dont elle se raconte. Personne ne savait avec exactitude ce qui s’était vraiment dit mais les mémérages allaient bon train. Comme d’habitude, en province ou en région. Dans la poursuite, la somme d’argent réclamée était la conséquence du tort causé à la réputation de l'éminente éducatrice et femme d'affaires dans la région; nous avons donc demandé que notre mise au point faite devant les quatre membres du Comité de direction reçoive la même publicité que les prétendus propos diffamatoires.  Une question: la déformation des propos de l’enseignant était-elle faite de bonne foi? Les deux erreurs complémentaires qui l’incriminaient étaient-elles volontaires ou involontaires? Est-ce possible que ces deux erreurs aient été involontaires? Chacun peut avoir son opinion là-dessus et nous croyons que vous avez compris quelle est la nôtre. 

Remarquons encore une fois que la version de l’enseignant, qui est différente de celle de la directrice, est la même que cinq autres témoins qui étaient présents comme observateurs au Conseil d’administration du 19 juin 2001 et qui connaissaient d’avance la question sur les ordinateurs puisqu’ils en avaient parlé en détail en soupant chez St-Hubert, avant la réunion du Conseil d’administration. Nous insistons. Peu après le 19 juin 2001, elle a reçu en mains propres une lettre (aller voir le document 21) qui précisait toutes les circonstances de la question. Elle l’a ignorée. Pourquoi? Nous lui disons: “Etes-vous prête, aujourd’hui, madame l’ex-directrice, à admettre que votre témoignage du 31 octobre 2001 contenait deux erreurs?” Laissons tomber la question de décider si ces deux erreurs étaient volontaires ou involontaires. C’était, objectivement, des erreurs. Néanmoins, quant à nous, la conclusion est double et incontournable.

Première conclusion: pour justifier un procès en diffamation, on a été obligé de modifier les propos tenus (on a ajouté les mots Cette fois-là) et de changer la circonstance ( une réunion de département et non un accueil du personnel) à laquelle on se référait. Deuxième conclusion: si on se base sur ce qui a été dit et sur la référence à l’accueil du personnel, il n’y avait pas matière à procès. Que pensez-vous, madame, de cette logique implacable? La prétention de votre avocat que l’enseignant a dit quelque chose qui laissait entendre que vous étiez toujours paquetée quand vous exerciez vos fonctions est absurde, grotesque, ridicule et sans fondement. L’enseignant membre du conseil d’administration n’a jamais pensé cela, ne pense pas cela, et, par ses paroles, il n’a jamais laissé entendre une telle fausseté. Que cela soit bien clair; dans l’exercice de vos fonctions dont nous avons été témoin, vous avez toujours été en pleine possession de vos moyens.  Voilà qui devrait vous rassurer. N’ayez aucun doute là-dessus.  Ne peut-on pas dire qu’en retirant la poursuite, vous avez reconnu que vous vous étiez trompée. Que d’argent, de temps et d’énergie gaspillés! Voilà ce que nous nous préparions à dire en cour devant le juge. C'est sans doute pour éviter d'avoir à faire face à ses contradictions que la Directrice a décidé de retirer sa poursuite. Le procès aurait contribué encore plus à défaire cette image de femme d'action irréprochable, dévouée et vertueuse qu'elle s'efforçait  tant bien que mal de construire. Faisons un effort et admettons quand même qu’elle était dévouée et voulait le bien du collège même si le syndicat n’était pas d’accord avec elle.

Le paradoxe, c’est que cette poursuite contre un enseignant de plus de trente ans d’expérience, membre du Conseil d’administration et vice-président du Syndicat des enseignants,  basée sur des paroles qui n’ont pas été dites ainsi que l’autre poursuite contre l’exécutif du syndicat à cause d’une critique légitime du Directeur des études ont plus fait pour nuire à la crédibilité professionnelle de la directrice générale et du directeur des études que tout ce que nous avons dit et écrit en sept ans. Car il y avait cinq personnes fiables dont l’Infirmière, la coordonnatrice du département de Soins infirmiers qui a beaucoup de crédibilité, qui ont été témoins de ce qui s’est vraiment passé le 19 juin 2001 et qui n’ont pas manqué de rétablir les faits auprès de tous les membres du personnel, y compris, bien sûr, les enseignants qui  voulaient savoir et finançaient notre avocat. Voilà pourquoi les propositions d’appui étaient adoptées à l’unanimité par les enseignants présents aux assemblées syndicales pendant les moments forts du conflit avec un taux de participation exceptionnel de plus de 80% et que plus de 90% des enseignants respectaient les boycotts. Car si les enseignants avaient cru que leur représentant au Conseil d’administration avait eu une conduite inappropriée, ils lui auraient demandé de démissionner, ce qu’ils n’ont pas fait; au contraire, ils l’ont massivement appuyé. Et si le Littéraire avait tenu des propos diffamatoires, il se serait cru indigne de représenter les enseignants au Conseil d’administration du collège et il aurait démissionné de lui-même sans autre forme de cérémonie. Mais il ne pouvait accepter d’être accusé faussement. Il n’était pas question de se laisser diffamer. Il fut obligé de se défendre. Dans ces circonstances, il était malheureusement impossible d’adopter l’attitude conciliante de Montaigne.

Après ces poursuites qui nous déstabilisaient, après la publication d’un Huissier reproduisant le Rapport d’évaluation de la directrice générale, la Reine du décorum a fait l’erreur de traiter les quatre membres de l’exécutif de menteurs dans un écrit daté du 28 janvier 2002, distribué à tout le personnel et signé: La Direction. (Document 28) Elle nous a diffamés en continuant à nous traiter de diffamateurs avant que la chose ne soit jugée; elle nous a aussi diffamés en nous traitant de menteurs. Nous avons alors appliqué le grand principe du droit romain cité par le frère de l'Ebéniste qui est avocat lors de l'audition d'un grief: ce qui est bon pour minou et bon pour pitou et comme elle nous a insultés en prétendant que nous avions écrit des propos mensongers, cela lui a valu, à son tour, à elle, aux trois autres membres de la Direction ainsi qu’au président du Conseil d’administration, dit le Chasseur, une mise en demeure avec menace de poursuites du syndicat et le plaisir exquis d’une visite du huissier, un genre de visite qui, en région,  ne passe pas inaperçue et qui fait jaser... Cette mise en demeure de se rétracter et de s’excuser ainsi que des griefs et un recours au Tribunal du travail pour anti-syndicalisme devaient peser lourd dans la balance quand elle et le directeur des études ont enfin décidé de retirer les deux poursuites lors d’un règlement hors cour signé par les parties le 30 octobre 2002.

Quand on essaie de comprendre ce qui a pu pousser Sa Majesté à sortir l’artillerie lourde juridique, il faut nécessairement soulever le problème de son évaluation par les enseignants. Vers la fin de son premier mandat, comme cela est prévu dans les règlements, le Conseil d’administration nous a demandé notre avis pour savoir si on devait lui donner un deuxième mandat de cinq ans. Même si elle contrôlait les principaux lieux de décision, les diverses étapes de son évaluation ont donné lieu à une guerre de relations publiques et déclenché chez elle des mécanismes psychologiques d’autodéfense étonnants. Personne n’aime être évalué surtout quand on pense que l’évaluateur est hostile. Les enseignants en savent quelque chose surtout les jeunes pendant leurs trois premières années avant d’obtenir leur permanence. La perspective de son évaluation l’a tellement traumatisée que le jugement critique porté par les enseignants sur son premier mandat commencé en 1997 a fait d’elle une redoutable adversaire. Elle a alors décidé que les quatre membres de l’exécutif syndical étaient des ennemis à abattre. Nous étions des conspirateurs qui voulaient la chute de Sa Majesté. Elle nous a déclaré la guerre et nous n’avons pas eu le choix: nous sommes devenus de plus en plus des warriors, ce qui devait éventuellement et fatalement nous nuire politiquement comme elle le souhaitait car il était inévitable qu’un certain nombre de nos membres partisans du double emploi et des refus de priorité conduisant au congédiement de jeunes professeurs, par ailleurs amadoués par un coûteux programme de prêt d’ordinateurs personnels et frustrés du boycott des partys de Noël, du boycott des remises de diplômes ou autres activités sociales, choqués (avec raison) de ne pas bénéficier des nouvelles échelles de salaires accompagnant l’acceptation de cinq heures supplémentaires par semaine, il était inévitable, disions-nous, qu’ils nous rendent responsables du mauvais climat attendu que nous pouvions difficilement nous expliquer parce que pour se défendre contre des accusations de diffamation, à la fois en Cour supérieure et devant le Comité d’éthique du Conseil d’administration, vous êtes obligé de révéler des faits ou des propos qui apportent de l’eau au moulin de vos accusateurs sans parler du fameux sub judice. Si vous dites: On m’accuse d’avoir dit telle ou telle chose mais ce n’est pas ce que j’ai dit, vous répandez les propos qualifiés de diffamatoires et vous vous coulez. Nous pouvions rétablir les faits dans des conversations privées mais pas en public et par écrit. C’est très embêtant comme situation. (Nous avons dû payer le prix de la lutte que nous avons menée: formé de gens qui n’ont pas été solidaires et qui n’ont pas respecté les boycotts, un nouvel exécutif syndical dont la Directrice a souhaité et encouragé l’élection a été élu après avoir exploité avec succès le malaise créé. Nous sommes donc devenus de simples soldats appelés les vieux par un démagogue, Amable Beausapin. Depuis lors, c’est le calme plat après la loi 142 de décembre 2005 imposant les conditions de travail aux 500,000 employés du secteur public et une situation difficile créée par une baisse de clientèle dans certains programmes techniques puisqu’on s’en va vers une clientèle d’environ 900 élèves alors que, dans les belles années, il y avait plus de 1200 élèves. Après deux ans, Amable, mis en disponibilité, a quitté l’exécutif du syndicat des enseignants. Assuré de 80% de son salaire avec une petite tâche, pourquoi ferait-il du bénévolat syndical? Sa vocation syndicale comme enseignant aura été de courte durée. Comme technicien, il avait été plus tenace. Sa mission avait été de battre l’équipe syndicale qui avait donné tant de fil à retordre à son amie l’Avocate de service. Une fois sa mission accomplie, Amable Beausapin est retourné dans l’ombre d’où il n’aurait jamais dû sortir.  Il a pris sa retraite en juin 2008. Qu'il se repose en paix.)

Ces poursuites en Cour supérieure étaient machiavéliques, si on tient compte de l’aspect financier avec les frais d’avocat, les nôtres et ceux de la partie adverse (avec dépens) si nous avions perdu et les menaces de grosses amendes puisque les poursuites visaient personnellement chacun des quatre membres de l’exécutif du syndicat. Même après le règlement hors cour, quand un membre de l’exécutif du syndicat, l'Irlandais pour ne pas le nommer,  voulut faire un emprunt personnel à la banque, il constata qu’il restait des traces des poursuites dans son dossier de crédit. La Fédération autonome avait beau tout financer, cela mettait beaucoup de pression sur chacun de nous. Ce qui nous fait conclure qu’en théorie les enseignants ont le droit d’évaluer les hors-cadres, c’est-à-dire la directrice générale et le directeur des études, qui sont les personnes les plus puissantes d’un collège mais, qu’en pratique, c’est un exercice périlleux qui peut conduire à des représailles. Surtout quand on se permet d’être mordant comme dans le rapport confidentiel d’évaluation du directeur des études qui nous a poursuivis (ayant quitté notre collège, il  a occupé le même poste dans un autre cégep, lui dont on avait supposément détruit la réputation et ruiné la crédibilité et, ensuite, il a été nommé  directeur général d’un collège; si nous ne l’avions pas diffamé, il serait aujourd’hui ministre de l’éducation), rapport confidentiel, disions-nous, qui a tout déclenché, où nous avons demandé selon une formule dont l’Irlandais était très fier qu’il cesse de faire la belle devant sa souveraine, donc qu’il cesse d’être une marionnette à qui la directrice générale coupait fréquemment la parole pendant les conseils d’administration. ce qui nous énervait beaucoup en tant que mâles, nous l'avouons pour faire plaisir aux féministes. Nous ne nous attendions pas à ce que cette figure de style, faire la belle devant sa souveraine trouvée par l’Irlandais provoque une réaction aussi démesurée car, après tout, comme disait le maire Jean Drapeau suite au Vive le Québec libre du général De Gaulle en 1967, sur le balcon de l’hôtel de ville de Montréal, le mot chien n’a jamais mordu personne. Après avoir pris connaissance de notre rapport d’évaluation du Directeur des études qui l'attaquait directement, quand la directrice générale a appris que ce rapport avait été lu par l’Irlandais devant trente enseignants réunis en assemblée générale, elle a vu le danger et comme elle savait qu’elle serait évaluée à son tour, elle a redouté avec raison notre évaluation et elle a décidé de passer à l’offensive. Pour nous donner des armes, nous avons lu L’Art de la guerre du Chinois Sun Tzu rédigé au 4è siècle avant notre ère et cité dans le film Wall Street. Nous avons pris bonne note que, selon Sun Tzu, l’art de la guerre est fait de stratégie et de ruse et qu’il est basé sur la duperie et le mensonge.

Nos références à la royauté avec des citations en exergue des Huissiers, bulletin d’information syndicale ainsi nommé en référence aux visites des huissiers à nos domiciles respectifs, parfois à sept heures du matin, en plein été, ont provoqué chez elle une exaspération croissante. Par exemple, dans le premier numéro du Huissier, daté du 7 décembre 2001, on pouvait lire, en exergue, la citation suivante: L’humeur ambitieuse de la reine lui faisait trouver une grande douceur à régner écrit Madame de La Fayette au début de La Princesse de Clèves à propos de Catherine de Médicis. Cette ironie devait vite devenir, pour elle, insupportable. Pour répondre à l’exigence par mise en demeure donc par lettre d’avocat de retirer nos propos et de nous excuser, nous avons écrit une lettre datée du 26 mars 2001. Quand nous avons cité Montaigne, le vase déborda. Montaigne écrit dans le livre premier de ses Essais, au chapitre trois: Nous devons la sujétion et l’obéissance également à tous rois, car elle regarde leur office: mais l’estimation, non plus que l’affection, nous ne la devons qu’à leur vertu. Donnons à l’ordre politique de les souffrir patiemment indignes, de celer leurs vices, d’aider de notre recommandation leurs actions indifférentes pendant que leur autorité a besoin de notre appui. Ici, il ne fallait évidemment pas prendre le mot vices au pied de la lettre. Dans notre contexte, il ne s’agissait pas de se référer aux sept péchés capitaux du petit catéchisme mais plutôt à l’ensemble de son oeuvre, à la totalité des comportements que nous critiquions. Cette citation les enragea et leur fit rejeter notre lettre d’excuses et de rétractation. Nous n’étions pas sincères puisque nous continuions, à travers Montaigne, à les insulter en les traitant d’autorités indignes qui nous obligent à celer leurs vices et qui ne méritent pas notre estime et encore moins notre affection puisque nous doutons de leur vertu. C’était provocateur. Le mot chien n’a jamais mordu personne, bien sûr, mais il y a quand même des mots qui mis ensemble dans une phrase ne laissent pas indifférents même s'ils sont datés de 1592. Nous nous en sommes rendus compte devant le Tribunal du travail en voyant la réaction outrée de l’avocate de service quand elle revint sur cette citation  de Montaigne.

De même, quand le représentant des enseignants a été chassé du Conseil d’administration suite à une plainte d’un des valets de la Directrice, la référence à Alcibiade, ostracisé d’Athènes, exaspéra car elle obligea à consulter un dictionnaire des noms propres comme le remplacement du mot incompétence (ce mot étant, paraît-il, diffamatoire) par le mot impéritie exigea l’usage du dictionnaire des noms communs. Lui et ses Grecs! (voir document 5) lança le défunt président du Conseil, honnête homme pacifique avant que le plus important agent d’assurances de la région ne déchire théâtralement en plein conseil d’administration notre bilan de sa première année (voir document 1) qui prévoyait que la deuxième année se déroulerait sous les auspices de Mars et non de Vénus étant donné que, comme elle l’avait écrit elle-même, le coup de foudre était terminé, expression qui révélait qu’elle concevait ses rapports avec le personnel comme des rapports passionnels, ce qui explique bien des choses sur son comportement. Ce bilan de l’An I valut une lettre disciplinaire au dossier des deux auteurs, le Politique et le Littéraire, à ce moment-là membres du Comité des relations du travail, lettre qui fut retirée suite à un engagement (loufoque) de bonne conduite précédé de la démission d’un des signataires (ce qui était l’effet recherché) comme membre du comité d’évaluation de la directrice générale. Ce comportement de Mère supérieure qui donne des leçons de respect et de politesse nous parut grotesque, anachronique, archaïque et en porte à faux. C’était comme si, avec maternalisme, elle nous prenait pour des adolescents délinquants alors que nous ne faisions qu’exercer un droit syndical normal à la critique. Mais nous étions dans l'anormal, la suite des choses allait le montrer.

Devant le refus de donner l’information sur le coût des poursuites, le syndicat des enseignants a été obligé de recourir à la Commission d’accès à l’information. Après le départ de la Directrice générale, pour éviter d’avoir à passer devant le Commissaire, la nouvelle Direction révéla qu’une somme de 48,900 $ a été versée par le Collège au bureau du tonitruant avocat local, pour payer pour ses bons services d’avocat qui a intenté deux  poursuites judiciaires. Nous avons le détail de ces dépenses. A notre avis, c’était un véritable scandale de gaspiller ainsi des fonds publics alors qu’il y a tant de besoins criants à combler dans notre collège.

Par diversion, la directrice parlait de manque de respect chaque fois que nous n’étions pas d’accord avec elle comme si nous n’avions pas le droit de contester ses projets dits de développement qui ont mené à quatre programmes qui, selon la formule heureuse trouvée par un professeur d’informatique, cannibalisent d’autres programmes et qu’on doit subventionner, ce qui augmente la tâche des autres enseignants, parce que ces programmes manquent malheureusement de clientèle en assurances, en informatique, en bureautique et en environnement-santé et sécurité. A cause du mode de financement actuel, pour permettre des classes de 5-6 élèves dans des cours de ces programmes de techniques, des enseignants en sciences, en sciences humaines, en français, en philosophie accepteront-ils d’avoir des classes de plus de 35 élèves? Les intentions étaient bonnes mais le résultat l’est moins. Ces nouveaux programmes, dans un contexte prévisible de baisse de clientèle, c’était du développement non durable. On peut en conclure que chaque fois que nous contestions ses décisions, c’était injuste d’essayer de nous faire passer pour des mécréants qui veulent détruire le collège comme elle l’a dit en plein Conseil d’administration avec un sens inégalé de la nuance. Quand on regarde la situation financière déficitaire qu’elle a laissée et les difficultés dans les quatre programmes précités, on voit bien que nous avions raison de contester. Pour nous, malgré les bonnes intentions, une formule résume bien ses sept années à la direction de notre collège: beaucoup de voile, pas beaucoup de gouvernail. En effet, on nous a informé que le centre de V. est un gouffre financier et que l’International, qui  a donné l’occasion de voyages d’affaires coûteux et prestigieux, ce n’était pas rentable avec un déficit de 135,000$. D’ailleurs, le Conseil d’administration a aboli l’international. Au fond, faire de l’international en Côte d’Ivoire, en pleine guerre civile, ce n’était pas une bonne idée. C’est ce que nous lui avons rappelé en lui donnant l’accolade devant tout le monde lors d’une journée pédagogique à l’auditorium à la rentrée.

Rappelons que, quand la  directrice générale est arrivée à notre collège en 1997, il y avait un solde de fonds, autrement dit, un surplus de $2.4 millions, ce qui est une somme considérable pour un petit collège. Ce bas de laine laissé par l’administration précédente et accumulé pendant trente ans en partie aux dépens de services auxquels les employés et les étudiants avaient droit, n’existe plus de telle sorte que la directrice générale qui l’a remplacée nous a annoncé un déficit de 345,000$ pour 2004-2005. Ce déficit de 345,000$ reviendra en 2005-2006 à moins que des mesures drastiques ne soient prises. Ces mesures ont été prises et le budget actuel du collège ne compte pas de déficit grâce à la bonne administration de la nouvelle directrice générale qui a économisé en fonctionnant pendant un certain temps sans directeur des ressources matérielles et sans directeur des études en dépression depuis plus d'un an parce que lui a été refusé un horaire spécial sur trois jours lui permettant d’aller à Québec chaque semaine rejoindre son épouse: cet horaire spécial obligeait à des réunions le soir et les employées ayant porté plainte, elles ont été entendues par la directrice générale.

Tel est votre héritage, madame l’ex-directrice: en sept ans, de 1997 à 2004, le collège est passé d’un surplus considérable de 2.4$ millions à une situation déficitaire. Votre prime (légale) de départ dans les six chiffres et dont le montant exact n’a pas été rendu public (ce serait 143,000 $); 60,000 $ d’obligations contractuelles lors du congédiement d’un adjoint qui a refusé de persécuter le Littéraire; 80,000 $ pour une émission au Canal savoir que peu de jeunes regardent; 73,600 $ pour une étude peu utile de marché; 135,000 $ de déficit pour l’International; un gros loyer pour un édifice à moitié vide à V.; 48,900 $ de frais d’avocat: ce sont là des dépenses qui mènent à un déficit. Voilà votre bilan comme administrateure. Cela ne vous a pas dérangée de dépenser 48,900 $ de fonds publics en frais d’avocat pour qu’on comprenne bien que, comme le dit Philaminte, la despote des Femmes savantes de Molière, la contestation est ici superflue.

Le 17 décembre 2004, d’une façon protocolaire obligatoire, le Collège a reconnu vos états de services comme directrice générale pendant sept ans. Même s’il vous restait deux ans à faire, vous avez encaissé votre prime et vous êtes partie parce que vous saviez que votre administration a placé le Collège dans une situation financière difficile et parce que le Conseil d’administration ne vous a pas appuyée dans votre volonté de briser encore une fois le syndicat des enseignants en le poursuivant de nouveau, pour la troisième fois,  parce qu’après une entente hors cour qui, selon vous, devait le réduire au silence, il avait osé écrire et publier son explication de ce qui s’était passé pendant la saga judiciaire dans Le Huissier du 25 février 2003. Cette explication, évidemment, ne vous a pas plu.  Lors de ce Conseil d’administration, (dont le Littéraire et l'Ingénieur ne faisaient plus partie), votre recherche  peu démocratique de l’unanimité s’est heurtée au courage et à la détermination de la représentante du personnel de soutien Lise L. qui refusait qu’on parle de nouvelles poursuites contre l’exécutif du syndicat des enseignants,  qu’on a tenté d’intimider et qui en a été traumatisée.

A notre connaissance, c’est la première fois dans l’histoire des collèges fondés en 1968, qu’on essaye de diriger un collège à coups de lettres d’avocats et de poursuites-bâillons (SLAPP) en gaspillant l’argent des contribuables, avec ce qui s’en suit, un climat de travail pourri, un malaise généralisé, une vie démocratique compromise et une tension continuelle imposée à des enseignants démocratiquement élus à la tête d’un syndicat. Car se servir de la Cour supérieure dénature les relations de travail et brime la liberté syndicale et la liberté d’expression. Ces poursuites judiciaires ont gâché ces sept années pendant lesquelles vous avez écrit une des pages les plus sombres de l’histoire de la vie collégiale au Québec. Au-delà de vos idiosyncrasies (comme disait le Dr Camille Laurin; il ne s’agit pas d’une insulte mais des caractéristiques propres à une personne ou à une collectivité), nous avons analysé votre idéologie, cette idéologie libérale qui n’a pas fini de faire des dégâts dans la société québécoise parce qu’elle est opérante au sein du Parti libéral, de l’actuel gouvernement libéral du Québec, du Conseil du patronat, de la Fédération des cégeps et des auteurs du document Pour un Québec lucide qui inclut l’avocat Lucien Bouchard devenu négociateur patronal entre autres lors du conflit à la Société des Alcools du Québec, à 1,200 $ de l’heure et dont les interventions publiques sont un appui objectif au gouvernement provincial en place, un service en attire un autre. Le moins qu'on puisse dire, c'est que Jean Charest sait utiliser les talents des anciens premiers ministres péquistes Lucien Bouchard et Pierre-Marc Johnson.

En défendant la liberté d’expression et la liberté syndicale et en ne nous laissant pas intimider par le recours abusif, disproportionné, inopportun et malveillant aux Tribunaux, nous avons vécu une belle expérience de solidarité entre nous et avec la Fédération, son personnel, ses dirigeants, ses instances et ses services juridiques. En particulier, nous avons bien apprécié l’avocat syndical pour sa compétence et son humour et le Syndicaliste pour son appui politique et financier. Parlant d’humour, après son témoignage controversé du 31 octobre 2001 (celui du cette fois-là, vous étiez à jeun et je le jure), la Directrice, en sortant,  a pris les mains de notre avocat en lui disant avec un trémolo dans la voix: Je ne suis plus capable de boire un verre de vin sans être traumatisée.  A la sortie de la salle d’audiences, Maître Jacques nous a demandé si elle avait suivi le cours Théâtre 601. Sans doute, avons-nous répondu, et son avocat aussi. Il aurait fallu mettre sous les yeux de la directrice souffrante la phrase d’André Malraux qui dit:  dans la vie, il faut essayer de diminuer autant que possible la part de comédie.


Après l’entente hors cour, le 25 février 2003,  le Syndicat des enseignantes et des enseignants  a publié un numéro du Huissier qui faisait une synthèse du conflit et s’intitulait: La vie syndicale après le retrait des poursuites.

Ce n’est pas victoire, si elle ne met fin à la guerre. (Montaigne, 1, 47)

En signant un règlement hors cour le 30 octobre 2002 qui a conduit au retrait des poursuites de 80 000 $ et de 170 000 $ intentées par le Directeur des études et la Directrice générale contre les membres de l’Exécutif syndical, personnellement, pour diffamation et atteinte à la réputation, l’Exécutif du Syndicat a évité deux procès qui devaient débuter les deux semaines suivantes et qui, selon toute vraisemblance, se seraient éternisés durant de longs mois sinon quelques années. Mais avant d’aller plus loin, il faut comprendre ce qui s’est réellement passé.

Dire que tout aurait pu être réglé en 30 minutes...

Allons à l’essentiel. Le 31 janvier 2001, le Syndicat a reçu une mise en demeure de se rétracter et de s’excuser pour les propos utilisés pour dénoncer l’impéritie de la Direction des études dans la gestion d’un aspect du plan de réussite: l’examen de reprise et la double sanction. Or, on aurait pu régler cette question en trente minutes. Si le Directeur des études avait convoqué l’Exécutif pour se plaindre de nos propos tout en admettant qu’il avait fait une erreur (erreur qu’il a corrigée quelques mois plus tard) et nous avait proposé une déclaration conjointe dans ce sens, nous aurions accepté et le problème aurait été réglé. Cela aurait été la façon normale de procéder, c’est-à-dire la seule véritable façon de faire de vraies relations de travail. (...)

Le roulement du personnel-cadre: une saine philosophie de gestion?

Même après le retrait des poursuites, le climat de travail est resté à ce point malsain que des membres de la Direction se cherchent un emploi ailleurs et que le Directeur des études vient d’en trouver un dans un autre collège où il s’en va, comme il l’a écrit dans sa lettre d’adieu, avec une grande joie. Ne peut-on pas et ne doit-on pas se poser des questions sur le fonctionnement d’une directrice générale qui a perdu une directrice des ressources humaines , trois adjoints au directeur des études, un directeur des études et dont le directeur des ressources financières, de l’international et de la formation continue, lui aussi, s’interroge sur son avenir ici? Comment expliquer ce roulement de personnel-cadre? Est-ce normal! Ne serait-il pas permis de croire que ce n’est pas seulement le Syndicat qui a de la difficulté à travailler avec la directrice générale? En y réfléchissant bien, un commencement d’explication se trouve encore une fois, dans la sagesse de Montaigne:  L’obstination et une façon de débattre têtue et impérieuse pleine d’opiniâtreté est la plus sûre preuve d’incivilité et d’inimitié. Si elle se rabaisse à la conférence commune et qu’on lui présente autre chose qu’approbation et révérence, elle vous assomme de son autorité. ( Essais, Livre 3, chapitre VIII) (1)

(1) Le texte intégral se trouve dans les documents.

Ce numéro du Huissier fut envoyé à  tous les membres du syndicat des enseignants; à l’Association générale des étudiants; aux  syndicats des professionnels et des employés de soutien; aux cadres; aux membres de la Direction du Collège et du Conseil d’administration à la Fédération et aux 17 syndicats de la Fédération; aux 17 dg et aux 17 dé des collèges de la Fédération. Il provoqua la colère de la Directrice qui tenta d'obtenir et qui ne l'obtint pas  l'autorisation de nous poursuivre pour une troisième fois.

Le 27 mars 2003,  en réplique  au Huissier du 25 février, lors d’une réunion du Conseil d’administration, la résolution suivante a été présentée et adoptée.

Le Conseil d’administration:
- réitère sa confiance envers la direction du Collège;
- blâme la conduite des membres de l’exécutif du syndicat des enseignants;
- exige que les membres de l’exécutif du syndicat des enseignants respectent leurs engagements et cessent tout harcèlement envers la direction du collège et ses administrateurs;
- prenne les mesures nécessaires, incluant au besoin de nouvelles procédures judiciaires. afin de donner les suites à la présente résolution;
- transmette cette résolution à tous ceux qui ont reçu Le Huissier du 25 février 2003.

Comme nous en ont informés des membres du Conseil d’administration, la résolution originelle qui a été modifiée puis confisquée demandait que l’Exécutif du Collège prenne de nouvelles procédures judiciaires afin de donner suite à la présente résolution. A cause du Huissier du 25 février, la Directrice générale voulait donc nous poursuivre de nouveau. La preuve se trouve dans les considérants qui n’ont pas été modifiés tout le débat portant sur la décision de donner à l’Exécutif le mandat d’intenter immédiatement ou non de nouvelles poursuites judiciaires. La représentante du personnel de soutien, la Courageuse, s’est opposée fermement à la proposition d’intenter immédiatement des poursuites contre les auteurs du Huissier et contre l’idée même de nouvelles poursuites. Comme la directrice générale exigeait l’unanimité, le débat a eu lieu, long et pénible, des pressions indues étant faites sur la représentante du personnel de soutien qui, le soir même, était incapable d’en faire le récit suite au climat de terreur qu’elle venait de vivre. La Courageuse mérite son surnom, notre admiration et nos remerciements. C’est grâce à elle si Le Politique, Le Littéraire, l’Irlandais et l’Ebéniste n’ont pas été poursuivis. C'est grâce à son courage si l'exécutif du syndicat des enseignants a échappé à une autre poursuite en Cour supérieure.

Voici les principaux considérants qui ont tenté de mettre en branle le rouleau compresseur juridique pour écraser des adversaires avec des fonds publics.

Considérant que l’exécutif du Syndicat des enseignants a diffusé le bulletin Le Huissier, daté du 25 février 2003, aux membres de la communauté collégiale ainsi qu’à tous les directeurs des études et directeurs généraux des collèges dont les syndicats sont affiliés à la Fédération;
Considérant que le contenu de ce bulletin est diffamatoire envers la direction du Collège et qu’il nuit considérablement au Collège et aux membres de son personnel; (...)
Considérant la mauvaise foi et l’intention manifeste des membres de l’exécutif du syndicat de ne pas respecter les engagements pris et diffusés publiquement dans le cadre du règlement hors cour déposé en Cour supérieure afin de réparer les torts causés aux membres de la direction du Collège;
Considérant le droit inaliénable de toute personne à sa dignité, à son honneur, à son intégrité et à sa réputation;
Considérant l’urgence d’agir afin que cesse cette conduite destructrice et inacceptable qui est hautement nuisible au Cégep ainsi qu’aux membres de son personnel.

En lisant ces considérants, on reconnaît l’expertise de l’avocate directrice des ressources humaines dans le choix des mots devant conduire logiquement à une autre poursuite immédiate contre les quatre membres de l’exécutif du Syndicat. Selon elle, le contenu de ce bulletin syndical est diffamatoire; cette conduite est destructrice et inacceptable et hautement nuisible. Ces considérants démontrent hors de tout doute l’intention ferme d’intenter immédiatement une poursuite pour diffamation considérant l’urgence d’agir. Mais le Conseil d’administration principalement grâce au courage de la représentante du personnel de soutien en a jugé autrement et a modifié la résolution. Pour intenter de nouvelles poursuites judiciaires, il faudrait de nouveau passer devant l’ensemble des 14 personnes du Conseil d’administration: l’Exécutif de cinq personnes contrôlé par la Directrice générale ne pourra donc pas décider seul d’intenter des poursuites contre le Syndicat comme c’était sa ferme intention.

Ce qui avait été voté voulait dire ceci: si les membres de l’exécutif du syndicat respectent leurs engagements et cessent tout harcèlement envers la direction du collège, il n’y aura nul besoin de nouvelles procédures judiciaires. Tel est le sens de la résolution comme nous l’a expliqué au téléphone un professeur de génie mécanique (Michel D.) et représentant des enseignants. N’ayant pas obtenu ce qu’elle voulait, la Directrice générale considéra que le Conseil l’avait désavoué et même trahie.  Voyant que les quatre membres de l'exécutif du syndicat s’en tiraient à si bon compte, dépitée et frustrée, elle commença à penser à la retraite et à sa prime de départ dans les six chiffres.

Le 25 avril 2003, Le Huissier,  informe ses membres qu’il n’est pas d’accord avec de nombreux éléments de la résolution votée par le C.A. mais qu’il n’exercera pas son droit de réplique quant aux considérants et à la résolution du 27 mars. Nous exprimons notre volonté de contribuer à améliorer le climat de travail au nom de l’intérêt général , sans renoncer aux obligations, aux devoirs et aux droits que nous confèrent notre convention collective et notre solidarité avec les syndicats de la Fédération autonome du collégial. Diplomatiquement, nous déclarons que, tout comme les membres du Conseil d’administration, nous souhaitons tourner la page.

Voici l’Hommage à la Courageuse (Lise L.) rédigé à l’occasion de sa retraite pour la remercier d'avoir empêché une troisième poursuite contre le Syndicat des enseignants. Il décrit l’atmosphère de crois ou meurs régnant pendant la réunion du Conseil d’administration qui mit un terme à la carrière de quérulente de la directrice générale.

“Cet automne, au nom de l’exécutif du syndicat des enseignants, le Littéraire a rendu visite à la Courageuse dans sa maison de la rue Pie IX. Elle l’a accueilli avec sa réserve chaleureuse habituelle. Taquine, elle l’a informé que le Collège avait convoqué une assemblée pour l’élection d’un représentant des parents au C.A. et qu’elle était éligible puisque son fils étudie au collège mais qu’elle laisserait la chance à quelqu’un d’autre. Le professeur de français n’a pas essayé de lui faire changer d’idée étant donné qu’il savait par expérience ce qu’il en coûte de ne pas être un administrateur estampille (rubber stamp).
Elle l’informa qu’elle avait participé à la rédaction d’une lettre de protestation envoyée par le syndicat du soutien à la directrice générale suite à la coupure de quatre postes du personnel de soutien au printemps 2003, réingénierie oblige, alors que, on le sait maintenant, le surplus atteint plus d’un million de dollars, ce surplus constitué en partie par une augmentation de la charge des membres du personnel de soutien et des enseignants sans parler du demi-million de dollars dans les coffres de la Fondation.
Au nom de l’exécutif du syndicat et de tous les enseignants, un cadeau  a été donné à Lise Latraverse à l’occasion de sa retraite et une carte qui contenait un message lui a été remise. Sa longue collaboration avec les professeurs de biologie a été rappelée; on l’appelait professeur parce que quand l’Ebéniste-Herboriste avait un cas urgent à régler comme membre de l’exécutif du syndicat, Lise voyait à ce que le laboratoire de biologie continue à bien fonctionner.
Son action au Conseil d’administration fut ensuite évoquée. Elle a décrit, en détail, avec toutes les émotions vécues, de l’humiliation à la colère, le déroulement de la réunion du 27 mars 2003 où les membres du Conseil d’administration ont eu à se prononcer sur une proposition qui donnait à l’exécutif du collège (dont fait partie la directrice générale) le pouvoir de prendre de nouvelles poursuites judiciaires immédiates contre l’exécutif du syndicat des enseignants (dont fait partie Le Littéraire) suite à la publication du Huissier du 25 février 2003 intitulé: La vie syndicale après le retrait des poursuites en Cour supérieure. En relisant les considérants, on conclut que cette proposition aurait pu avoir de graves conséquences pour les membres de l’exécutif syndical. Cela pouvait aussi avoir des conséquences pour la directrice générale si celle-ci s’était sentie désavouée par une partie du Conseil. L’enjeu était donc considérable et peu de personnes en dehors du Conseil en ont pris conscience.
Après discussion dans un climat très tendu comme chaque fois qu’un ou plusieurs administrateurs ne sont pas d’accord avec la directrice générale, une simple majorité ayant été obtenue et non pas l’unanimité puisque plusieurs administrateurs refusèrent d’embarquer dans cette croisade contre ces mécréants du syndicat, après une confiscation brutale du document contenant la proposition et les notes personnelles de Lise, une deuxième proposition a été faite qui remettait à l’ensemble du conseil et non à l’exécutif seul la décision à prendre sur de nouvelles poursuites dans une autre réunion du C.A. et seulement si nécessaire.
Cette proposition a été votée à l’unanimité avec une abstention, celle de la Courageuse qui, en conscience, ne pouvait absolument pas voter pour une proposition qui ouvrait la porte à d’autres poursuites en Cour supérieure à même des fonds publics. Elle voulait voter contre mais les pressions furent si fortes et les arguments si insidieux qu’elle dut y renoncer à son corps défendant. Son abstention permettait de dire que la proposition avait été adoptée à l’unanimité selon la conception très particulière de la démocratie qui sévit à ce collège depuis mai 1997 soit depuis l’An I. Seule cette deuxième proposition est apparue au procès-verbal et non la première pourtant dûment présentée et votée, ce qui est une irrégularité, c’est le moins qu’on puisse dire.
Le message sur la carte accompagnant le cadeau se lisait comme suit:
Chère Lise, grâce en bonne partie à tes interventions courageuses, les menaces de nouvelles poursuites judiciaires contre l’exécutif du syndicat des enseignants ont été rejetées par le Conseil d’administration du 27 mars 2003. Avec une conviction et un sens du bien commun remarquables, tu as lutté pour affirmer ta liberté de conscience et ta liberté d’expression et tu as contribué à faire échouer une troisième tentative d’utiliser les tribunaux à des fins anti-syndicales.
Le 27 mars 2003, la modeste et digne employée a remporté la victoire contre “l’élite” locale. Pour ton engagement de presque trente ans, pour ton dévouement, ta droiture et ton intégrité, au nom de tous les enseignants, c’est avec une vive émotion que nous t’exprimons notre respect, notre admiration et notre reconnaissance.

Le Littéraire, au nom de l’exécutif du syndicat des enseignants, avril 2003.

En conclusion, un collège a été le témoin durant sept ans des abus de pouvoir encouragés et approuvés par la clique libérale qui n’a jamais digéré les dénonciations dont les libéraux de Robert Bourassa ont été l’objet dans les années 70 jusqu’à la défaite du 15 novembre 1976, à l’époque où les libéraux provinciaux fonctionnaient de la même façon que les libéraux fédéraux empêtrés dans le scandale des commandites et d’Option-Canada qui leur a fait perdre le pouvoir aux élections du 23 janvier 2006.

Les mises en demeure, les avocats, les procès, les juges et les tribunaux n’ont rien à voir avec les activités de ce que Paul Valéry, dans Monsieur Teste, appelle les professions délirantes. L'auteur du Cimetière marin parle des infortunés que leurs destins ont appelés aux professions délirantes. Il écrit: Je nomme ainsi tous ces métiers dont le principal instrument est l’opinion que l’on a de soi-même, et dont la matière première est l’opinion que les autres ont de vous. Les personnes qui les exercent sont nécessairement affligées d’un délire des grandeurs qu’un certain délire de la persécution traverse et tourmente sans répit. Délire des grandeurs, délire de la persécution, c'est bien vu et ça s’applique parfaitement à notre héroïne.

Bien avant les poursuites, dans une lettre prémonitoire adressée à l’ensemble du personnel, la Directrice a cité Baudelaire. Dans cette lettre écrite dans le grand style et lue par deux cent-cinquante personnes, elle a écrit: Enivrez-vous. Il est l’heure de s’enivrer. Enivrez-vous sans cesse! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Cette invitation à s’enivrer du poète Baudelaire, ne s’agissait-il pas d’une métaphore! De la part d’une femme cultivée, nous aurions apprécié la même perspicacité en d’autres circonstances.

Qui est sorti gagnant de cette saga judiciaire? Le seul gagnant, c’est l’avocat de la plaignante qui se conduisait comme si le Palais de justice lui appartenait. Une image nous reste qui vaut mille mots. Pendant que notre avocat explique au juge Jolin que la poursuite du Directeur des études relève de la convention collective et non de la Cour supérieure, ce qui est une question technique difficile où le juge nous a donné raison, ce qui avait pour conséquence que le Collège ne pouvait poursuivre dans le cas du Directeur des études, cet avocat se lève et en allant se préparer un café, il s’interpose longuement entre le juge et notre avocat qui a continué son plaidoyer comme si de rien n’était. Comme nous lui exprimions notre étonnement admiratif d’être resté imperturbable devant cette tentative délibérée et déloyale d’interférence, notre avocat haussa les épaules car ce n’était pas la première fois qu’il avait à faire face à ce genre d'avocat qui manque de classe et de fair-play. Plus tard, cet avocat local a fait une requête coûteuse de réunion des deux causes, celle du directeur des études et celle de la directrice générale, pour faire passer le Littéraire pour le Grand Diffamateur. Il a demandé à la cour de faire un seul procès pour que toutes les accusations de diffamation reposent sur les épaules d’un seul homme considéré déjà comme le coupable, le grand Coupable que cinq actions de harcèlement n’avaient pas réussi à abattre. A sa face même, cette requête était farfelue et frivole et au moment où il était évident que le juge la rejetterait, elle fut retirée par l'avocat local pour qu’il n’en reste aucune trace sinon dans son compte de banque.

A votre santé! Buvons un bon verre de vin blanc frais La Parcelle du temps Réserve 2005 du Vignoble Le Royer St-Pierre de Napierville.

Le Littéraire, au nom d'un groupe d’enseignants

Vieux-Longueuil, dix décembre 2004 - vingt et un décembre 2008- 2 août 2009- 6 mars 2010

huitième cahier

aire de repos

Les abeilles pillotent de çà, de là, les fleurs, mais elles en font après le miel qui est tout leur; ce n’est plus thym ni marjolaine. (1, 25)

Gagner une brèche, conduire une ambassade, régir un peuple, ce sont actions éclatantes. Tancer, rire, vendre, payer, aimer, haïr, et converser avec les siens et avec soi-même doucement et justement, ne relâcher point, ne se démentir point, c’est chose plus rare, plus difficile, et moins remarquable. Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition. De fonder la récompense des actions vertueuses sur l’approbation d’autrui, c’est prendre un trop incertain et trouble fondement. Il n’y a que vous qui sache si vous êtes lâche et cruel, ou loyal et dévotieux: les autres ne vous voient point, ils vous devinent par conjectures incertaines; ils voient non tant votre nature que votre art. Par ainsi, ne vous tenez pas à leur sentence, tenez-vous à la vôtre. (Essais, III, 2)

Crois-tu que de vivre dans le conflit t'apportera le bonheur? (Philippe B.)

conclusion: de l’insoumission ou de la liberté

Pendant que d’autres parlaient de mondialisation, au lieu d’être accablés par cet universel naufrage du monde, nous étions engagés modestement, nous les machos et les misogynes, dans la défense de sept femmes, sept employées de la cafétéria menacées de perdre leur emploi par la privatisation;  nous faisions aussi la promotion de la qualité des aliments servis aux élèves. Nous étions engagés dans la défense du syndicat des enseignants dont l’existence même était en jeu. Nous nous battions aussi pour la liberté d’expression.  Luttes modestes mais luttes nécessaires. Au niveau local.

Certes nous étions conscients des problèmes mondiaux comme la protection de l’environnement, la faim dans le monde, la menace terroriste que fait planer sur la planète le radicalisme islamiste d’Al Quaeda, la situation d’exploités et de dominés de millions de femmes, d’enfants et d’hommes, la poudrière du Moyen-Orient où la création d’un Etat palestinien est toujours remise à plus tard,  en somme tout ce qu’on voit aux nouvelles télévisées. Ces graves questions faisaient évidemment  paraître minuscules et dérisoires nos préoccupations d’enseignants. Mais conscience planétaire et soucis quotidiens de santé et de travail coexistent chez la plupart de nos contemporains. La vie quotidienne des enseignants est faite de soucis bien ordinaires de nombre d’élèves dans nos classes et de discipline, de contenus de cours, d’horaires étirés, de liberté académique, d’évaluation par compétences, de médiocres rivalités entre collègues et de réunions convoquées par des cadres qui cherchent à s’occuper. Par ailleurs, la vie syndicale se préoccupe de baisses de clientèle, de répartition équitable des ressources, de conflits interpersonnels, de programmes à sauvegarder et de conditions de travail décrétées. Il aura fallu mêler Montaigne à nos querelles pour élever le niveau des débats et les civiliser. Plusieurs citations de cet écrivain unique ont fortement irrité nos opposantes. Mais c’est grâce à Montaigne, maître de résilience, que nous avons résisté à nos adversaires, que nous avons défendu la liberté d’expression et que nous avons combattu avec un certain panache, ce qui nous ramène à Cyrano de Bergerac.

La directrice savait que nous n’étions pas d’accord parce que nous ne nous gênions pas de le dire et de l’écrire ( elle avait ses courtisans, ses espions et ses agents-doubles qui cherchaient des avantages et que nous connaissions). Il fallait vraiment qu’elle vive dans sa bulle pour croire qu’elle réussirait à nous casser en exigeant de nous des lettres d’excuses ou des engagements de bonne conduite. Que voulait-elle au juste? Ce n’est pas compliqué: pour assouvir sa passion tyrannique, elle voulait notre soumission. Elle voulait abattre notre esprit d’indépendance.  Elle voulait régner sans opposition. Narcissique et égotiste, elle voulait le pouvoir absolu en annihilant toute opposition et en brimant la liberté d’expression par ces  constantes brimades qu’on appelle du harcèlement.  Faisant partie de la hautepéteuterie* de sa  ville, elle s’attendait à notre soumission et elle l’avait obtenue de l’exécutif syndical qui nous avait précédé quand, après un repas bien arrosé dont elle a payé l’addition, utilisant son charme irrésistible, elle obtint 4.2 ETC (équivalent temps complet) pris dans l’enveloppe réservée à l’enseignement, ce qui veut dire, en clair,  quatre enseignants en moins pour accomplir l’ensemble des tâches d’enseignement dans un collège qui compte environ 82 enseignants. Cette servitude volontaire nous a profondément irrités. Quand nous avons été élus à l’exécutif, ce fut une autre histoire. Nous sommes allergiques à la soumission et à la servilité.   L’ayant constaté, et s’imaginant toujours avoir droit à notre soumission, elle entama deux poursuites en diffamation et elle commit plusieurs gestes d’abus de pouvoir et de harcèlement qui ne sont pas anodins et dont le caractère vexatoire n’a pas échappé à certains qui ont dit après avoir pris connaissance du dossier: Ça n’a pas dû être facile! Elle frappait sans avertissement.  Obnubilée par le pouvoir ou par l’argent comme tous les parvenus libéraux, elle se croyait tout permis avec un sans-gêne effronté. Montaigne l’a bien décrite dans les lignes suivantes:
En celle qui est enivrée de cette intention violente et tyrannique, on voit par nécessité beaucoup d’imprudence et d’injustice; l’impétuosité de son désir l’emporte; ce sont mouvements téméraires et de peu de fruit.
De peu de fruit en effet sinon de nous avoir donné l’occasion de gagner une longue bataille et de mieux comprendre et d’apprécier l'incomparable Montaigne, ce qui n’est pas rien. Nous terminerons par une autre citation de l’auteur des Essais, sans fausse modestie:
Quelle plus grande victoire attendez-vous que d’apprendre à votre ennemi qu’il ne vous peut combattre?

Elle aimait répéter: Pendant que moi, je fais du développement pour le collège, eux ils ne font rien d’autre que critiquer et me mettre les bâtons dans les roues. Vous savez maintenant que cette vue simpliste était fausse. Elle avait tout prévu sauf que le Directeur des études la laisserait tomber en se trouvant un emploi ailleurs; pour parler ironiquement, il a alors manqué à son devoir de loyauté. Il a cessé d'être soumis et de faire la belle devant sa souveraine. Elle avait tout prévu sauf cette trahison et celle du Conseil d’administration qui refusa de poursuivre le syndicat pour une troisième fois. Elle n’avait pas prévu notre pugnacité et notre ténacité dans la volonté de faire du conflit une lutte collective gagnée par un syndicat qui s’est tenu debout parce que l’ensemble des enseignants ont compris les enjeux et ont été solidaires.

La liberté syndicale et la liberté d’expression étaient menacées. Devant un pouvoir dominateur, ou tu cèdes ou tu résistes. Que serait-il arrivé si nous lui avions laissé faire ses quatre volontés même si l’expérience a démontré comme se plaisait à le répéter le Politique qu’elle n’avait pas de limites allant, par exemple, jusqu’à demander à la conseillère en orientation, dans un chantage sans précédent, de renoncer à sa permanence et à devenir temps partiel à contrat pour le bien du collège. Si nous l’avions laissé faire, nous aurions pu enseigner en paix sans nous faire espionner et sans que nos classes ne soient envahies par des cadres féminines munies de questionnaires piégés. L'Adjointe aux programmes (Louise K.)  serait devenue Directrice des études ce qui n’aurait pas été dramatique. Les Conseils d’administration harmonieux terminés où toutes les propositions de Madame auraient été adoptées à l’unanimité, nous aurions vidé les bouteilles de vin ensemble en dégustant quelques morceaux de pain français avec du bon pâté de campagne, du savoureux fromage d’Oka et quelque fine pâtisserie  suivie d’un  café. Nous nous serions quittés en nous donnant l’accolade et nous aurions emporté avec nous l’odeur capiteuse de son parfum comme l’écrivait Baudelaire de la Circé tyrannique aux dangereux parfums jusqu’à rendre notre femme jalouse. Il n’aurait pas été question de lettres d’excuses, ni de diffamation et d’atteinte à la réputation, ni de Conseil de discipline ou de Cour supérieure ni de griefs ou de plainte au Tribunal du travail, ni de mises en demeure, ni d’avocats et de huissiers. La cafétéria aurait été privatisée et peu importent les conséquences sur la qualité des aliments et la sécurité d’emploi des employées. La tâche des enseignants aurait augmenté parce que des ressources réservées à l’enseignement auraient été détournées ou, si vous voulez employer un euphémisme, réorientées.  Sa majesté aurait éprouvé une grande douceur à régner et nous aurions eu le contentement béat qu’apportent des relations harmonieuses avec l’Autorité et le Pouvoir. Le directeur des ressources matérielles, de la formation continue et de l’International nous aurait invité à visiter sa cave à vins à Boucherville, ce qui nous aurait donné l’impression d’appartenir au même monde que ceux et celles qui veulent qu’on les admire à cause de leur carte de crédit Or.
Renonçant à tous ces avantages et bien d’autres, nous avons préféré l’insoumission. Nous avons préféré donner aux jeunes et à une région l’exemple d’un vrai syndicat qui sait se tenir debout et se bat pour la liberté d’expression et la démocratie afin que l’argent ne soit pas le premier facteur qui influence toutes les décisions. Nous avons décidé de rester libres et nous n’avons aucun regret. Nous avons combattu la censure avec succès malgré deux poursuites-bâillons, C’est pour nous un sujet de fierté. Et nous avons tenu mordicus à ce que notre aventure soit imprimée noir sur blanc pour qu’elle ne soit pas oubliée. 

Tel est notre témoignage.

Le Littéraire, Vieux-Longueuil, 23 mai 2009

revu et approuvé le 6 mars 2010

En voyage au lac St-Jean, les hôtes du gîte A la ferme Hébert nous ont appris une expression qui décrit certains parvenus de St-Félicien. Autour du parc Lafontaine à Montréal, on parlait de ceux qui pètent plus haut que le trou. Au lac St-Jean, en se référant à certaines personnes de St-Félicien, les bleuets parlent de hautepéteuterie et même de superhautepéteuterie. 

J’entends les cris de l’engoulevent, j’observe son vol dans le ciel d’un soir d’été, les lumières s’allument sur le parc Robin, il est temps de mettre fin aux jeux et de rentrer à la maison de mes grands-parents italiens, ma petite main droite serrée dans la douce main gauche de ma mère. J’ai quatre ans et je suis heureux.

neuvième cahier

Les  faits

4- Chronologie et documents  (1997-2009)

avant-propos

Ce chapitre déroule l'entièreté de l'histoire et donne une bonne idée de l'ensemble du conflit et des personnalités en présence.  Il apporte des informations sur des faits objectifs qu’il faut connaître sans  que le filtre d’une subjectivité ne les ait déformés comme le bâton (brisé) dans l’eau.   C'est l'occasion  de se faire soi-même une opinion. Pour qui sait lire, les documents sont une mine de renseignements. Comme ils ont été écrits dans une situation de conflit, chaque mot a été pesé de part et d'autre. Un document, c'est fort révélateur. Ça permet de savoir à qui on a affaire. Directement, sans intermédiaire. Croyez-moi, ça vaut la peine de les lire.  Et d'imaginer concrètement les situations et les  enjeux que ces documents révèlent. Il faut aussi noter chaque fois l'ampleur de la diffusion de tel ou tel document. A chacun de faire l'usage qu'il voudra de ces documents: lecture suivie ou consultation libre. Si vous faites une lecture suivie, vous n'aurez pas le choix de vous passionner pour chaque péripétie d'un conflit qui avait toutes les apparences d'une guérilla ou d'une lutte à finir. Les attaques de la directrice ont créé un climat stressant.

Les documents syndicaux ont été écrits par le Littéraire et l'Irlandais et approuvés par les deux autres membres de l'exécutif, l'Ebéniste et le Politique. Les documents patronaux portent la griffe de la directrice en collaboration avec l'avocate de service dont on reconnaît l'expertise. La révélation de l'entente hors cour qui nous a fait sortir du judiciaire enlève tout suspense.  La chronologie et les documents comme les Confidences d'une femme trahie racontent toute l'histoire et suivent la chronologie. L'essai C'est la faute à Montaigne adopte une démarche non collée à la chronologie.

Autogestion, anti-autoritarisme, anti-capitalisme,  pouvoir qui part de la base vers le sommet et non l'inverse, indépendance d'esprit opposée à la mentalité lèche-cul des hypocrites sont des valeurs impliquées dans la lutte contre la privatisation de la cafétéria qui était et est encore une coopérative à but non lucratif autogérée qui offre des repas santé à prix raisonnable. La directrice voulait faire de l'argent avec la cafétéria. On s'y est opposé avec succès.


aire de repos

celui qui jette, oublie
celui qui ramasse, se rappelle. 
(proverbe haïtien cité par Dany Laferrière dans Pays sans chapeau)

 Il ne faut pas appeler devoir une aigreur et âpreté intestine qui naît de l’intérêt et passion privée. (...) Ils nomment zèle leur propension vers la malignité et violence; ce n’est pas la cause qui les échauffe, c’est leur intérêt; ils attisent la guerre non parce qu’elle est juste, mais parce que c’est guerre. (Essais, III,1)

parce que c'est guerre


Mai 1997:   sélection de la Directrice générale. C’est le début de ce qu’elle appellera l’an I.

juin 1997: sélection de la candidate de Thetford Mines comme Directrice des ressources humaines. Le Syndicaliste est rejeté et se fait dire par la Directrice: Je vous ai traîné pendant tout le processus. Cette manière cheap de l’écarter est le premier événement qui a déclenché le conflit.

août 1997: de retour des vacances d’été, la Directrice générale convoque le président du syndicat des enseignants qu’elle rencontre pour la première fois. Sans en avoir d’abord parlé à la personne concernée, elle fait état d’une plainte non écrite d’une étudiante adulte contre le Littéraire sur une situation datant de trois mois. Comme c'était prévisible, une rencontre entre Le Littéraire qui l'a exigée et  la Directrice  tourne en affrontement.  C’est le deuxième événement qui a déclenché le conflit.

13 octobre 1997: lettre de protestation du syndicat des enseignants contre le fait que la Directrice Générale veut nommer directement l’Adjointe aux programmes  comme Directrice des études sans passer par un comité de sélection. Lors d'un vrai comité de sélection, un professeur de philosophie d'un autre collège est choisi. C’est une première défaite pour la directrice générale.

An 1, 1997-1998: la Directrice Générale refuse de financer à même le surplus accumulé de 2.4 $ millions trois nouvelles voies de sortie en assurances, en électrotechnique et en réseautique.  Après une lutte d’un an pour éviter une augmentation de la tâche des enseignants, le syndicat obtient gain de cause. C’est une deuxième défaite pour la directrice.

15 juin 1998: lettre de deux membres du Comité des relations du travail (CRT), le Politique et le Littéraire. Cette lettre provoquera un sociodrame dont l’objectif est de nous faire comprendre que quiconque critique la directrice générale commet un crime de lèse-majesté et manque de loyauté envers l’employeur.

D O C U M E N T  1: bilan de l’An 1 par Le Littéraire et le Politique

Montréal, le 15 juin 1998

Madame la Directrice générale,

Vous vous êtes engagée devant l’exécutif syndical à financer à 100% le coût des nouvelles voies de sortie. (...) Ce financement à 100% relevait du gros bon sens étant donné la richesse collective accumulée de 2.4$ millions. (...)
Cette année, vous avez eu le déplaisir de vivre la dynamique entre l’exécutif syndical que vous avez tenté de manipuler, la partie syndicale au Comité des relations du travail (CRT) et l’Assemblée générale du syndicat des enseignants. Nous espérons que vous avez compris que le rôle d’un exécutif syndical n’est pas de faire passer vos propositions que vous avez pris soin de présenter lors d’un repas bien arrosé au restaurant où vous avez payé l’addition. Vous réclamiez 4.2 ETC (Equivalent temps complet), soit 4 professeurs (sur 82 enseignants)  qui auraient été enlevés aux ressources à l'enseignement. C'est une baisse de 5%.  Pour un petit collège, c’est un énorme détournement de ressources. Désormais, vous allez cesser de faire des rencontres avec l’exécutif. Comme prévu dans la Convention collective, les discussions doivent avoir lieu en Comité des relations du travail (CRT). Si vous ne changez pas vos façons de fonctionner, nous allons avoir les mêmes problèmes l’an prochain. Les ressources réservées à l’enseignement doivent servir à cette fin pas à autre chose.
Si votre sourire au Conseil d’administration devant les propos serviles et méprisants à l’égard des enseignants du représentant des professionnels exprime votre vraie personnalité, si votre entourloupette du 109,000$ pris dans la réserve de l'enveloppe E réservée à l'enseignement au dernier CRT montrant que vous tenez à avoir raison à tout prix exprime votre vraie nature, nous prévoyons que l’an II se déroulera beaucoup plus sous les auspices de Mars que de Vénus.

Le Littéraire et le Politique, membres du Comité des Relations du Travail (CRT)

19 juin 1998: Pendant une réunion du Conseil d’administration, en l’absence des auteurs de la lettre qui sont en vacances, le président du C.A., agent d'assurances prospère, ami de la Directrice, ancien élève du Littéraire, déchire publiquement la lettre précitée. En tant que membre du Conseil d’administration, le Littéraire devra passer devant le Conseil de discipline.  Amable Beausapin (nous apprendrons plus tard qu’il est un ami de l’Avocate de service) assiste au Conseil à titre de membre du personnel de soutien et, au téléphone, après avoir raconté au Littéraire le geste théâtral du Président du C.A. et décrit l'agressivité ambiante, il conclut sur un ton enjoué: Robert, tu es dans la marde.

25 juin 1998: lettre disciplinaire du Collège versée aux dossiers des deux enseignants à cause de la lettre du 15 juin.  Selon cette lettre patronale, les propos, le ton et les menaces qui apparaissent dans notre lettre sont totalement inacceptables. Nous ne nous attendions pas à ce genre de reproche de manque de loyauté envers l’employeur qui est mentionné dans le Code civil.  La Direction prend dès le début une approche juridique intimidante. Deux lettres disciplinaires versées au dossier d’un professeur pendant une année sur le même sujet peuvent conduire à un congédiement. Se faire accuser par son employeur d’avoir causé préjudice au Collège et de ne pas avoir agi avec loyauté envers votre employeur, ce n’est pas anodin.

D O C U M E N T  2: lettre recommandée (aussi envoyée au Littéraire )

Monsieur le Politique
Le 25 juin 1998
Objet: Remarques défavorables versées au dossier
Monsieur,
Le 15 juin 1998, le Littéraire et vous-même, à titre de membres du CRT, adressiez une lettre à la Directrice générale avec copie au Président du Conseil d’administration, dans laquelle vous faites des remarques défavorables.
De tels propos tenus dans un contexte de négociations peuvent à la limite être tolérés. Autrement, des remarques telles celles soutenues dans votre lettre sont clairement irrecevables, causent préjudice au Collège et témoignent d’un flagrant manque de loyauté envers votre employeur.
Compte tenu que le Collège et le Syndicat (...) ont convenu d’une entente (...) le 11 juin dernier, c’est donc dire en dehors du contexte de négociations, les propos, le ton et les menaces formulées dans votre lettre sont considérés totalement inacceptables. Ils sont de toute évidence une preuve que vous avez causé préjudice au Collège et que vous n’avez pas agi avec loyauté envers votre employeur.
Par conséquent, soyez avisé que cette lettre est versée à votre dossier (...).
La Directrice des ressources humaines, des communications et secrétaire générale.

D O C U M E N T  3:  autre lettre recommandée adressée au Littéraire: suspension de six mois du Conseil d’administration

Le 25 juin 1998
Monsieur le Littéraire
Lors de sa réunion du 19 juin 1998, le Conseil d’administration fut saisi de la lettre que vous adressiez à la Directrice générale le 15 juin 1998 avec copie au Président du Conseil.
(...) la présente est pour aviser que le Conseil de discipline entend vous imposer une suspension à titre d’administrateur et ce, jusqu’au 31 décembre 1998, pour les manquements suivants à vos obligations d’administrateur:
Considérant que vous n’avez pas agi dans le meilleur intérêt du collège;
que vous avez manqué à vos obligations que la loi vous impose en ne faisant pas preuve de loyauté envers le Collège;
que vous n’avez pas agi avec modération dans vos propos, ni évité de porter atteinte à la réputation d’autrui et n’avez pas traité les autres administrateurs et administratrices avec respect. (...)
La conseillère en déontologie et secrétaire générale (Louise B.)

20 août 1998: Ayant compris que ce qui dérange, c’est sa participation au comité d’évaluation de la Directrice générale, le Littéraire est obligé de démissionner de ce comité pour se débarrasser de la lettre de doléances à son dossier. Il veut éviter aussi d’avoir à passer devant le Conseil de discipline du Conseil d’administration.

20 août 1998: lettre d’entente entre le Collège et les deux enseignants, où les parties s’engagent au respect mutuel afin de favoriser un climat de travail sain et d’encourager les relations professionnelles, les communications et les interactions harmonieuses. Le Collège retire la lettre aux dossiers et s’engage à informer le Conseil de discipline de l’entente; le syndicat retire son grief en rapport avec la lettre du 15 juin. Au comité d'évaluation de la directrice générale, le Littéraire fut remplacé par l’Ingénieur, autre représentant des enseignants au Conseil d’administration et qui pouvait être aussi critique.  La directrice générale fit  adopter un règlement sur la composition du comité d’évaluation: il n’y avait plus de membres de l’interne sur le comité. Le prétexte: le comité avait son mot à dire sur l’allocation aux hors-cadres du bonus annuel de 6% et des employés ne pouvaient intervenir dans ce processus. Le comité d’évaluation était  formé de trois membres externes qui voyaient les choses de loin. La directrice prenait donc les moyens pour obtenir une évaluation favorable basée sur du papier, des bilans dont elle était elle-même l’auteur où elle s’autocongratulait et qui justifiaient le fameux bonus de 6% et qui, éventuellement, aboutiraient à un renouvellement de mandat de cinq ans. Cette histoire d'évaluation devint son obsession et la mena à des attaques contre le syndicat des enseignants et ses principaux porte paroles.

D O C U M E N T  4: Projet patronal d’entente présenté en août 1998; il a été modifié mais nous le citons parce qu’il révèle les façons de voir de la directrice.

Considérant la volonté des parties de favoriser le développement d’un climat de travail sain;
Considérant à ce titre leur commune volonté d’encourager les relations professionnelles, les communications et les interactions harmonieuses;
Considérant que les menaces, les comportements d’intimidation et tout autre comportement irrévérencieux contreviennent aux volontés ci-haut énoncées;
Les parties s’engagent au respect mutuel et à collaborer à la réalisation des volontés susmentionnées;
Les deux enseignants reconnaissent avoir, dans leur lettre du 15 juin 1998, tenu des propos inacceptables et en expriment leur regret. Le Collège retire la lettre versée aux dossiers. Le Syndicat retire son grief et renonce à tout autre grief. Toute dérogation à la présente entente entraînera sa nullité.

Commentaire
On remarque l’utilisation de l’article 2088 du Code civil qui décrète que l’employé a un devoir de loyauté envers son employeur. Les deux enseignants ont compris que toute critique de l'employeur les placerait dans une situation à risque en violation du devoir de loyauté. Avec cette mentalité, comment serait-il possible de faire du syndicalisme! Par ailleurs, l’ostracisme de quatre mois a été levé contre le représentant des enseignants au C.A. Dans ce document, on constate qu’une critique syndicale est considérée par la partie patronale comme un comportement irrévérencieux. La Directrice se comportait donc comme une Mère supérieure dans un couvent. Ou comme une des femmes savantes de Molière. Ou mieux encore, comme disait le caricatural ecclésiastique Collins, dans Orgueil et préjugés de Jane Austen, elle nous prenait de haut comme la Très Honorable lady Catherine de Bourgh. Considérant que les menaces, les comportements d’intimidation et tout autre comportement irrévérencieux contreviennent aux volontés ci-haut énoncées. Ne pas être d'accord avec elle devient un comportement d’intimidation ou un comportement irrévérencieux et prévoir des désaccords futurs, c'est l'équivalent de proférer des menaces. C'est assez particulier.

D O C U M E N T  5: Dans une lettre adressée au président du Conseil d’administration, en date de 12 août 1998, donc avant l’entente du 20 août, le Littéraire a expliqué l'ostracisme dont il était l’objet en remontant aux Grecs de l'Antiquité. Pendant tout le conflit, la Directrice générale a ostracisé son adversaire. Jacqueline de Romilly est un auteur  à lire.

Monsieur le Président,
Dans le contexte de la suspension qui plane sur ma tête à titre d’administrateur et ce, jusqu’au 31 décembre 1998,  suspension qui aura pour effet, entre autres, de m’empêcher de siéger au Comité d’évaluation de la Directrice générale et du Directeur des études, j’ai étudié la notion d’ostracisme dont j’aimerais vous entretenir ici.

Dans La Cité antique de Fustel de Coulanges, nous lisons:
Les anciens ne connaissaient ni la liberté de la vie privée, ni la liberté de l’éducation, ni la liberté religieuse. La personne humaine comptait pour bien peu de chose vis-à-vis de cette autorité sainte et presque divine qu’on appelait la patrie ou l’Etat. L’Etat pouvait frapper sans qu’on fût coupable et par cela seul que son intérêt était en jeu. Aristide assurément n’avait commis aucun crime et n’en était même pas soupçonné; mais la cité avait le droit de le chasser de son territoire par ce seul motif qu’il avait acquis par ses vertus trop d’influence et qu’il pouvait devenir dangereux, s’il le voulait. On appelait cela l’ostracisme. L’ostracisme n’était pas un châtiment; c’était une précaution que la cité prenait contre un citoyen qu’elle soupçonnait de pouvoir la gêner un jour. A  Athènes, on pouvait mettre un homme en accusation et le condamner pour incivisme, c’est-à-dire pour défaut d’affection envers l’Etat. La vie de l’homme n’était garantie en rien dès qu’il s’agissait de l’intérêt de l’Etat. (Fustel de Coulanges, La Cité antique, Flammarion, Paris, 1984, p.268)

Jacqueline de Romilly écrit dans son excellent livre: Alcibiade:
L’ostracisme consiste à exiler un homme politique mais cet exil n’a rien d’infamant et n’est pas une punition. Son principe est d’écarter quelqu’un qui gêne ou contrarie la politique athénienne, soit parce qu’il prend trop d’importance, soit parce qu’il y a heurt entre deux chefs et deux politiques. On écartait l’un des deux et l’autre avait les mains libres.
(Jacqueline de Romilly, Alcibiade, Livre de poche, p.74)

Le Collège-la Directrice (l’Etat-la cité) se drape du code d’éthique et de déontologie et m’accuse de manquements à mes obligations d’administrateur alors que j’ai agi dans l’exercice d’une fonction syndicale comme membre du CRT et non comme administrateur. En fait, à la demande de la Directrice qui se sent menacée et qui ne veut pas être évaluée par quelqu’un qui n’est pas neutre, l’exécutif du Collège a exercé un ostracisme de quatre mois. Ayez dont l’honnêteté de le reconnaître. Cet ostracisme est une décision purement politique qui utilise le Code d’éthique à des fins politiques, pour m’empêcher de siéger au Comité d’évaluation de la directrice générale et du directeur des études.

En me suspendant comme administrateur, vous commettez un ostracisme. Le problème, c’est que cette vieille institution grecque n’existe pas dans la loi des collèges et ne fait pas partie de nos règlements. 

Le Littéraire.

Explications complémentaires

1- Le Littéraire a reçu deux lettres recommandées datées du 25 juin dont l’avis postal a été reçu le vendredi en l’absence du destinataire et dont le Littéraire n’a pris connaissance que le 2 juillet, le lendemain du congé férié de la fête du Canada. Tout le monde aura remarqué la délicate attention qui consiste à vouloir l’inquiéter pendant trois jours avec des lettres recommandées et à vouloir l’occuper pendant ses vacances.

2- Après avoir enfin reçu les procès-verbaux du Conseil d’administration, nous avons constaté que la menace de suspension du Littéraire jusqu’au 31 décembre et les accusations sur la conduite de l’enseignant membre du Conseil étaient inscrites dans une résolution du comité exécutif-conseil de discipline adoptée par deux membres présents sur cinq donc sans quorum était illégale. Comme notre alliée, présidente de l’association étudiante Lorraine B. dite l’Etudiante, était membre de l’Exécutif du Collège, nous étions bien informés. La lettre recommandée du 25 juin si désagréable, excessive et injuste était donc sans fondement légal, ce que le Conseil d’administration du 22 septembre a reconnu à l’unanimité, après les explications  de l’enseignant. La page 648 du procès-verbal du 22 juin qui accuse le Littéraire d’avoir porté préjudice au Collège et de ne pas avoir été loyal envers son employeur n’existe plus et même n’a jamais existé. C’est toute une déconfiture pour la directrice générale qui a perdu la face devant tout le monde. C’est la troisième défaite de la directrice générale. 

15 avril 1999: l’Adjointe aux programmes  qui nous en veut, entre autres, de nous être opposés à sa nomination au poste de directrice des études sans comité de sélection, convoque le Littéraire à son bureau en présence du coordonnateur du département de français, le Grammairien, qui demeura silencieux. Pendant plus d’un mois, elle a espionné l’enseignant et lui reproche des classes vides à quatre reprises à l'heure de ses cours. A trois occasions, l’enseignant était dans un autre local avec écran pour visionner le Misanthrope de Molière; l’autre classe vide s’expliquait par une journée de maladie permise par la convention collective,  L’Adjointe, piteuse, remercie l’enseignant de sa collaboration (et de son calme). Après la tentative ratée de passer un questionnaire en bureautique trois mois après la fin des cours et la pseudo-plainte de l’étudiante adulte qui a mené la directrice à convoquer le président du syndicat, c’est la troisième manifestation de harcèlement. Le harcèlement est fait de conduites vexatoires qui sont hostiles et non désirées et qui créent un milieu de travail néfaste.

(Dans le cas du Politique, qui enseigne depuis 20 ans, l’Adjointe, qui est une libérale notoire et épouse de l'ex-député libéral sous Robert Bourassa profitera de difficultés temporaires pour lui imposer la présence humiliante dans sa classe d’un professionnel pendant quelques cours avec une évaluation des élèves qui, heureusement, fut positive. Etre un ami du Littéraire implique un coût à payer. Le même processus a été suivi avec un collègue du département de français, ami du littéraire, avec le même résultat.)

D O C U M E N T  6: lettre de l’Adjointe au Littéraire.

Le 15 avril 1999
Monsieur le Littéraire
Objet: Notre rencontre du 15 avril 1999
Monsieur,
Pour donner suite à notre rencontre du 15 avril, je vous rappelle que vous ne devez pas modifier votre horaire de cours sans autorisation. Si, pendant la session, vous avez à déplacer vos heures de cours, vous devez en aviser votre coordonnateur ainsi que la Direction des études. Si pour des raisons pédagogiques, vous avez des contraintes spécifiques, vous devez les exprimer lors de la distribution des charges au moyen du formulaire de contraintes d’horaire de cours.
J’ai apprécié votre attitude de collaboration lors de cette rencontre.
Veuillez recevoir l’expression de mes salutations les meilleures.
L’Adjointe à la direction des études, aux programmes et aux départements (Louise K.)
c.c.: coordonnateur du département de français (le Grammairien)

Commentaire
Quand une adjointe veut coincer un enseignant, elle doit faire preuve de précision et de rigueur, autrement dit de professionnalisme. Ce n’est pas ici le cas. Ainsi, l’enseignant n’a pas modifié son horaire de cours, ni déplacé ses heures de cours. A l’heure prévue dans son horaire, à trois reprises,  il a déplacé ses élèves vers le local-C-2103 pour passer un vidéo sur le Misanthrope de Molière.


D O C U M E N T  7: lettre du syndicat du personnel de soutien qui a été lue à l'accueil du personnel à la rentrée de l'automne 1999. Il va sans dire que ce n'était pas à l'ordre du jour. Cette lecture a été considérée par la directrice générale comme un incident regrettable.

Le 17 août 1999  

Madame la Directrice générale,

Nous avons le regret de vous annoncer que le personnel de soutien du Collège est atteint d'une maladie très grave dont les signes et les symptômes sont les suivants:

- diminution du sentiment d'appartenance;

- sentiment d'être méprisé-es et menacé-es de perdre leur poste lors des plans d'effectifs;

- sentiment de non-respect comme individu malgré de nombreuses années de dévouement;

- sentiment d'être des pions déplacés selon le bon vouloir des supérieurs;

Il va sans dire qu'avec pareils symptômes si largement ressentis, on peut parler d'épidémie.
Etant donné l'instabilité, les nombreuses mutations et le manque flagrant de considération, le virus sera de plus en plus virulent et éventuellement transmissible à d'autres catégories d'employé-es du collège.

Comme antidote à cette épidémie, il n'existe qu'un seul remède qu'il nous fait plaisir de vous prescrire:

- respecter le personnel de soutien qui donne toujours le meilleur de lui-même;

- élaborer des mécanismes de participation qui permettront de tenir compte du facteur humain;

- améliorer le climat et les conditions de travail avant même de considérer les sempiternels équilibres budgétaires;

Denis M., président du syndicat des employé-es de soutien.

c.c. Membres du Conseil d'administration


15 septembre 1999: six secrétaires refusent de participer à une opération tournée des locaux ayant pour but avoué la vérification que les enseignants donnent effectivement leurs cours.  C’est un autre échec de la Direction. La solidarité de nos collègues féminines est très appréciée. Après l’échec de l’espionnage du professeur de français, les penseurs de l’administration reviennent à la charge. Grandpied, avec son tact habituel et ses gros sabots, tente de mobiliser les secrétaires une par une; elles ont répliqué collectivement d’une façon cinglante en prenant bien soin de préciser ironiquement qu’elles ne sont pas en rébellion. En revoyant sur ARTV des épisodes des Belles histoires des pays d'en-haut de Claude-Henri Grignon, on comprend la virulence de la référence au Père Ovide, le rapporteur officiel de Séraphin. Merci mesdames Carol, Nancy, Claire, Nicole, Sylvie et Chantale.

Voici cette lettre remarquable de précision et de fermeté où on décèle des talents presque littéraires.

D O C U M E N T  8 : six secrétaires disent NON à la délation

Le 15 septembre 1999
Adjoint à la direction des études, organisation scolaire

Les personnes signataires ont été choisies par le Collège pour une opération tournée des locaux ayant comme but avoué la vérification que les enseignements donnent effectivement leurs cours.
Les personnes soussignées refusent cette tâche pour les raisons suivantes:
+ Nous n’avons aucun avantage à diviser nos forces;
+ Nous croyons que pour l’efficacité de notre travail, nous devons créer des liens de confiance avec les enseignants et non provoquer des situations de conflits;
+ Nous ne croyons pas que ce genre de contrôle relève du personnel de soutien;
+ Il n’existe pas de tâche de surveillant d’enseignants dans notre convention collective;
+ Nous n’avons pas avantage à ce que le personnel de soutien soit perçu comme délateur, Père Ovide, porte-panier.
Après discussion avec les autres membres de notre syndicat, il ressort que notre position est partagée par l’ensemble du personnel de soutien.
Nous souhaitons vivement que ce genre d’ajout de tâche nouvelle et litigieuse soit évaluée en CRT AVANT d’être présenté aux personnes, s’il y a toujours lieu.
Ce NON catégorique n’est pas une rébellion mais une position inconfortable que nous ne nous sentons pas obligées et ne voulons pas tenir.
Carol T., Nancy P., Claire B., Nicole F., Sylvie B., Chantale G.
c.c. Directrice générale, Directeur des études, Directrice des Ressources Humaines, Syndicats du personnel de soutien, des enseignants et des professionnels

17 octobre 2000: le Syndicat distribue à ses membres via les casiers personnels des enseignants un Bulletin d’information intitulé: Complément à l’Info-CA qui est intercepté et lu, en Régie, par les quatre directeurs, avant sa distribution aux enseignants. Le Bulletin syndical décrit d'une façon détaillée le fonctionnement ubuesque d’une réunion du Conseil d’administration sur la privatisation de la Cafétéria qui fut le deuxième grand sujet de conflit après celui du maintien des ressources dédiées à l'enseignement.  Suite à cette interception, le Syndicat dépose un grief qu’il gagnera sur le droit à la liberté d’expression et le droit d’utiliser le service de courrier interne pour tout document d’information envoyé à ses membres et sans conditions. Pendant les négociations sur les conditions monétaires imposées à la coopérative qui dirigeait la cafétéria, comme négociateur patronal, le directeur des ressources matérielles, le Séduisant,  faisait le matamore; il était agressif au point qu’à deux reprises, il a poussé la gérante de la cafétéria jusqu’au bord des larmes. C’est un exploit qui n’a pas été raconté dans les gazettes. Après nous avoir quitté, il continua dans le même style dans un autre collège comme directeur général et, en décembre 2006, après une série d’articles bien documentés du Courrier de St-Hyacinthe sur les corporations apparentées axées sur l’International et une enquête de juricomptables, il a été obligé de démissionner de son poste de Directeur Général. Comme le dit le proverbe:  L'arbre tombe toujours  du côté où il penche. C’est un exemple de justice immanente.

D O C U M E N T  9: Le dossier des services alimentaires et de la cafétéria

C O M P L E M E N T  À  L‘ I N F O-CA, vol.4,  no.18  (publié le 4 octobre 2000 à la suite de la réunion du Conseil d'administration du 27 septembre 2000)

Signé par les quatre membres de l’exécutif syndical; envoyé à tous les enseignants. Le Complément à l’Info-CA décrit en détail une réunion du C.A. sur le dossier de la privatisation de la cafétéria; il a été intercepté par la Direction avant sa distribution dans les casiers des enseignants, geste qu’un arbitre a jugé illégal. Voici des extraits.

Notre propre honneur est intéressé dans de pareilles manoeuvres et l’action de ces mercantiles est si détestable que c’eut été y prendre part que de ne pas s’y opposer.
(inspiré de Molière, Dom Juan, acte 3, scène 3)

Texte intégral de la proposition déposée au Conseil d’administration
Attendu que le projet éducatif du Collège prône l’honnêteté intellectuelle, le respect des personnes, la qualité de vie et non le mercantilisme;
Attendu que le Café du Bourg est un organisme sans but lucratif qui offre d’excellents services alimentaires depuis 22 ans;
Attendu que le Café du Bourg ne doit pas être traité comme un organisme extérieur au Collège auquel on imputerait des coût d’utilisation des équipements (électricité) ou de services (conciergerie etc.) comme si ces coûts n’étaient pas déjà financés par le Ministère (augmentation des frais d’opération de 4 800$)
Attendu que les négociations qui ont conduit à une augmentation de loyer de 14 250$ à 18 000$ avec la menace d’aller en appel d’offres pour obtenir plus de revenus pour le Collège, ont eu comme conséquence la déstabilisation du Café du Bourg et l’insécurité des employés de la cafétéria et du Café-Inn et sont directement responsables de la fermeture du Café-Inn;

Il est proposé par le Littéraire et appuyé par l’Ingénieur:
1- Que le C.A. confirme et maintienne le Café du Bourg dans sa vocation d’organisme sans but lucratif dont l’objectif est la qualité des services alimentaires offerts aux élèves et aux personnels du Collège au meilleur coût possible;
2- Que le C.A. rejette la possibilité d’aller en appel d’offres et rejette l’orientation qui consiste à donner un but lucratif aux services alimentaires;
3- Suite à la demande générale (voir pétition), que des négociations soient entreprises pour permettre la réouverture du Café-Inn dans les plus brefs délais;
4- Afin que ne se reproduisent plus la démoralisation et le stress causés par les négociations de l’année dernière, éléments de nature à nous priver de services alimentaires de qualité, que le C.A. s’assure du maintien à long terme du Café du Bourg comme organisme à but non lucratif qui administrera la cafétéria et le Café-Inn dans la stabilité et le respect.

Conclusion: l’administration du collège a dû renoncer à la privatisation  des services alimentaires. C’est une autre victoire syndicale après le financement des nouvelles voies de sortie, le droit d’utiliser les casiers d’enseignants et l’abolition de la coupure de 2.5% en janvier et non en avril.

24 janvier 2001: communiqué de l’exécutif du syndicat à tous les enseignants intitulé: la double incompétence accompagné d’un tableau démontrant que la règle du 70%-50% est absurde puisqu’elle rend impossible l’accès à un examen de reprise. Sous l’administration précédente, le budget de 25,000$ par année devant servir au centre d’aide en français avait servi à d’autres fins pendant cinq ans. Regardez dans les annuaires de collège des années 90 et vous verrez qu’il y a un seul collège francophone à ne pas avoir de picot noir à côté de son nom indiquant l’existence d’un centre d’aide en français. Comme on le constate, les administrateurs de notre collège, il n’y a rien à leur épreuve.

D O C U M E N T  10:  L A   D O U B L E   I N C O M P É T E N C E

Mise en contexte

A la demande du Comité d’évaluation du Conseil d’administration, le Syndicat des enseignants a émis un avis négatif sur le renouvellement de mandat du Directeur des études. Mandaté par l’Assemblée générale, l’exécutif du syndicat a donné les raisons motivant le non renouvellement sans se faire d’illusion sur le poids de cet avis: ce ne sont pas les enseignants qui ont le pouvoir dans ce Collège, c’est la Directrice générale et ses acolytes. Et de fait, le Directeur des études a vu son mandat renouvelé pour cinq autres années.

Voici le texte qui a déclenché la judiciarisation de nos relations de travail

24 janvier 2001
Expéditeurs: les quatre membres de l’exécutif du syndicat
Destinataires: tous les membres du Syndicat des enseignants


L A   D O U B L E   I N C O M P É T E N C E

Cet automne, le Conseil d’administration a adopté un plan de réussite qui donne aux élèves ayant obtenu entre 50% et 60% comme note finale du bulletin la possibilité d’un examen de reprise. La double sanction et la nécessité d’avoir obtenu 70% durant la session éliminaient cette possibilité. Les enseignants se sont opposés à la double sanction et l’ont fait savoir au Directeur des études. La double sanction a été maintenue et il a fallu une délégation d’élèves et un vote de boycott de l’assemblée syndicale des enseignants pour ébranler notre brillant directeur.  A propos du 70%, le soir même de l’adoption du plan de réussite par le C.A., il fut averti (par le Littéraire) de l’absurdité de la règle du 70% pendant la session accompagnée de l’obligation d’avoir obtenu au moins 50% à l’examen final, (ce qui est une double sanction, d’où le mot double dans le titre, ironique, de la lettre) absurdité démontrée par le tableau qui suit. Réponse du Directeur des études: vous ne comprenez pas les exigences de l’évaluation par compétences. Il a maintenu la règle de double sanction du 70%-50% et organisé une journée pédagogique sur les compétences. Ce qui fait la preuve de sa double incompétence.
S’il est évident que tout a été fait pour qu’il n’y ait pas d’examens de reprise à la fin de la session d’automne 2000, comment l’expliquer? Avec cette administration mercantile, il faut regarder l’aspect financier. Pour l’application du plan de réussite, le montant d’argent donné par Québec est de 103 700$. L’administration a préféré utiliser autrement cet argent plutôt que de payer des enseignants en temps supplémentaire pour des examens de reprise.
Le directeur des études demande un renouvellement de mandat de cinq ans. Est-ce que les membres externes du C.A. qui ont le droit de vote tiendront compte du manque de jugement que le Directeur des études a montré dans le dossier de la double sanction et des examens de reprise? Placer des enseignants et des élèves dans une situation absurde, est-ce que ça améliore le climat de travail et est-ce que ça contribue à la bonne réputation du collège ?

L’aide à la réussite: mythe ou réalité?
La preuve mathématique que pour être éligible à l’examen de reprise, il faut que l’étudiant ait réussi son cours, ce qui est absurde:
Session: valeur 70%;  examen final: valeur 50%: total obtenu
50x70%= 35;                50x50%= 25;        total: 60
60 x70%=42;                40x50%= 20;        total: 62
70x70%= 49;                30x50%= 15 ;       total: 64
80x70%= 56;                20x50%= 10;        total: 66
Morale de cette histoire: si vous appliquez la règle du 70% de la session et du 50% de l’examen final comme critère d’éligibilité, prescrite par la direction des études, aucun de vos élèves ayant échoué n’aura droit à un examen de reprise.
Les quatre membres de l'Exécutif du syndicat


Explication
Prenons un exemple. En français, la session compte pour 50% de la note du bulletin et l’examen final 50%. Il fallait avoir eu 70% pendant la session soit 35 points; et 50% à l’examen final soit 25 points. Il fallait donc avoir eu 60% qui est la note de passage pour avoir droit à une reprise, ce qui est absurde. En sciences humaines, la session compte pour 70% et l’examen pour 30%. 70% de 70 égale 49 points; 50% de 30 égale 15: total 64. Il fallait avoir eu 64% pour avoir droit à l’examen de reprise, ce qui est absurde. Comme disait un professeur de maths à la voix de stentor: “C’est mathématique!” Au lieu de reconnaître immédiatement son erreur et d’abolir l’obligation d’avoir obtenu 70% pendant la session, le Directeur des études, sous les ordres de la directrice générale qui est sa supérieure hiérarchique, nous a envoyés une mise en demeure, première étape vers une poursuite judiciaire. Le tableau dévastateur a été fabriqué par l’Irlandais: sans ce tableau, nous n’aurions pas écrit la double incompétence.

31 janvier 2001: au nom du Collège, lettre d’un des avocats du contentieux de la Fédération des cégeps; c’est une mise en demeure de nous rétracter et de nous excuser d’avoir écrit des propos diffamatoires.

D O C U M E N T  11: mise en demeure envoyée par un avocat de la Fédération des cégeps

Montréal, le 31 janvier 2001
PAR HUISSIER
Aux quatre membres de l’Exécutif  du Syndicat des enseignants
Objet: Cégep c. vous-même
Messieurs,
Nous représentons le Cégep  qui nous a confié le mandat de vous transmettre la présente.
Le ou vers le 24 janvier 2001, vous faisiez parvenir à l’ensemble des enseignants du Cégep une lettre intitulée La double incompétence dans laquelle vous alléguez la double incompétence et le manque de jugement du directeur des études du Cégep. De tels propos sont injustifiés, diffamatoires et inacceptables. Le Cégep ne saurait tolérer d’attaque aussi indue à l’endroit d’un représentant de sa direction.
Conséquemment, vous êtes mis en demeure de vous rétracter de ces propos par écrit auprès de l’ensemble des enseignants du Cégep et ce, dans les cinq (5) jours de la réception de la présente. De plus, vous êtes également mis en demeure de présenter, dans le même délai, vos excuses écrites au Directeur des études.
A défaut de vous conformer à la présente dans les délais qui y sont mentionnés, nous avons le mandat d’entreprendre contre vous tous les recours judiciaires nécessaires au respect des droits du Cégep et des membres de sa direction sans autre avis ni délai.
Veuillez agir en conséquence,  Stéphane G., avocat

5 février 2001: en réponse à la mise en demeure, les quatre membres de l’exécutif du syndicat envoient une lettre où ils retirent leurs propos mais en ajoutant que cela ne règle pas le problème qu’ils ont soulevé sur la politique absurde d’évaluation qui n’a pas encore été corrigée. Ils annoncent que la directrice générale sera évaluée par tous les enseignants, à la demande du Comité d’évaluation du C.A., ce qui permet à l'administration de conclure que nos excuses ne sont pas sincères car, on l’aura compris, la Directrice a pour but de nous empêcher de l’évaluer pour obtenir un renouvellement de mandat de cinq autres années.

D O C U M E N T  12: l’exécutif se conforme à la mise en demeure et retire ses propos

5 février 2001
Expéditeurs: L’Exécutif du Syndicat
Destinataires: Tous les membres du Syndicat des enseignants
Objet: Mise en demeure datée du 31 janvier 2001

Chers membres,
Par le moyen d’une lettre d’avocat expédiée au Syndicat le 31 janvier 2001, la direction du Collège considère que les expressions double incompétence et manque de jugement utilisées dans notre communication du 24 janvier dernier seraient injustifiées, diffamatoires et inacceptables, opinion que nous ne partageons pas.
La direction du Collège nous demande de retirer lesdits propos et de nous excuser auprès du directeur des études, ce que nous faisons volontiers par la présente et ce, dans l’intérêt supérieur de l’ensemble de la communauté collégiale, mais sans pour autant renoncer ni à nos droits syndicaux, ni à notre liberté de pensée et de parole.
Toutefois, bien que cette mise en demeure nous rappelle les lois sacrées du décorum, qu’il nous soit permis de revenir sur le fond et de souligner qu’il n’est pas dans l’intérêt des élèves qu’après trois semaines de la session d’hiver, les règles du jeu ne soient pas encore clarifiées par rapport à la double sanction et à l’examen de reprise.
Par ailleurs, l’Exécutif profite de la présente pour vous informer qu’il sollicitera, lors de la prochaine assemblée générale, le mandat d’amorcer le plus rapidement possible le processus d’évaluation de la directrice générale en fonction depuis le printemps 1997 comme nous le demandent les règlements du Collège.
Nous reviendrons sur ces dossiers à la prochaine assemblée syndicale qui se tiendra mardi le 13 février. c.c. directeur des études

Commentaire
Cette lettre du 5 février n’a pas été acceptée par la Direction. Alors, l’Exécutif a demandé au Collège un modèle de lettre de rétractation et d’excuses. Le modèle a été déposé par la Directrice des ressources humaines au Comité des Relations du Travail du 15 mars 2001. Il a été accompagné de menaces de poursuites judiciaires... Il nous semblait pourtant que nous avions présenté des excuses et retiré nos propos comme ce qui suit le dit clairement dans cette lettre du  5 février 2001: "La direction du Collège nous demande de retirer lesdits propos et de nous excuser auprès du directeur des études, ce que nous faisons volontiers par la présente." Nous doutons alors de la bonne foi de nos vis-à-vis patronaux et nous nous préparons psychologiquement au pire tout en nous interrogeant sur le concept de sincérité.

15 mars 2001: puisque la lettre du 5 février n’est pas considérée par la Direction comme une lettre d’excuses sincères, l’exécutif du syndicat lui demande un projet de lettre d’excuses. Voici ce projet patronal.

D O C U M E N T  13: projet patronal de rétractation et de lettre d’excuses

15 mars 2001
Monsieur le directeur des études
Monsieur,
Suite à la position du Collège qui ne reconnaît pas notre lettre du 5 février comme une véritable rétractation, ni de sincères excuses, suite à nos propos contenus dans notre lettre du 24 janvier 2001, veuillez prendre note des commentaires suivants:
Nous retirons formellement les propos tenus à votre endroit soit, principalement et non limitativement, double incompétence et manque de jugement, contenus dans notre lettre du 24 janvier 2001.
Nous tenons également à vous formuler nos plus sincères excuses eu égard aux circonstances. c.c. Tous les enseignants du Collège

26 mars 2001: en nous inspirant du modèle patronal, nous écrivons une deuxième lettre de rétractation et d’excuses mais nous réclamons que la Direction admette ses torts et corrige ses erreurs et nous mettons en exergue un texte de Montaigne qui met le feu aux poudres. Cette citation donnait à la Direction, paraît-il, des raisons de douter de notre sincérité: on aurait dit que, pour elle, la sincérité consistait à nous transformer en syndicat de boutique qui approuve toutes ses initiatives,  son style autoritaire et sa façon de sans cesse essayer de diminuer les ressources à l'enseignement.. Nous en avons conclu que le conflit perdurait et les menaces de poursuites étaient maintenues à cause des citations des Essais: on s’est dit : C’est la faute à Montaigne.

D O C U M E N T  14: deuxième lettre de rétractation et d’excuses envoyée par l’Exécutif du syndicat avec copie à tous les enseignants

Le 26 mars 2001
Nous devons la sujétion et l’obéissance à tous rois car elle regarde leur office: mais l’estimation, non plus que l’affection, nous ne la devons qu’à leur vertu. Donnons à l’ordre politique de les souffrir patiemment indignes, de celer leurs vices, d’aider de notre recommandation leurs actions indifférentes pendant que leur autorité a besoin de notre appui.
(Montaigne, Essais, Livre 1, ch. 3)

Monsieur le directeur des études,
Comme nous l’avons fait dans notre lettre du 5 février 2001, nous retirons formellement les propos tenus à votre endroit, soit “double incompétence” et “manque de jugement” contenus dans notre lettre aux enseignants datée du 24 janvier 2001.
Si cette lettre du 24 janvier 2001 vous est apparue comme un manque de respect de votre personne, nous le regrettons puisque telle n’était pas notre intention et puisque ce qui était visé, ce n’était pas la personne mais uniquement l’exercice de la fonction.
Lors de notre rencontre constructive du 15 mars 2001, nous avons formulé des demandes d’amélioration du fonctionnement du CRT et nous avons souhaité plus de respect de la part des cadres et des hors-cadres à l’égard des enseignants.  (...)
En terminant, il est opportun d’ajouter que le Collège s’est engagé à ce que la présente lettre mette fin à ce litige et élimine complètement et définitivement la possibilité de recours judiciaires et/ou de mesures disciplinaires contre les membres de l’Exécutif du syndicat, engagement que nous aimerions avoir par écrit dans les plus brefs délais.

27 mars 2001: lettre de l’Avocate directrice des ressources humaines qui nous accuse de manquer de sincérité; le Collège refuse de s'engager à ne pas poursuivre en justice les quatre membres de l’exécutif du syndicat; le litige continue de plus belle. Le Collège s’enfonce volontairement dans une judiciarisation des relations de travail.

D O C U M E N T  15: lettre de refus patronal de reconnaître la sincérité de notre lettre d’excuses du 26 mars 2001; c.c. à tous les enseignants.

Le 27 mars 2001
A l’Exécutif du Syndicat
Messieurs,
Suite à la lettre que vous avez adressée au Directeur des études et distribuée à l’ensemble des enseignants le 26 mars, (...) nous ne reconnaissons pas cette lettre comme mettant fin au litige.
La Directrice des ressources humaines, des communications et sec. générale

3 mai 2001: devant le refus des avocats de la Fédération des cégeps de s’engager dans la voie des poursuites, un avocat local dépose en Cour supérieure, au nom du Directeur des études et du Collège, une requête en diffamation, atteinte à la réputation contre L’Ebéniste, le Politique, le Littéraire et l’Irlandais et leur réclame, personnellement, la somme de 80,000 $ en dommages et intérêts.

D O C U M E N T  16: poursuite de 80,000 $ contre les quatre membres de l’exécutif du syndicat

M. le Directeur des études et Cégep, requérants envoient aux quatre membres de l’Exécutif et au Syndicat une requête en diffamation, atteinte à la réputation et dommages, en Cour supérieure, chambre civile, pour des propos diffamatoires et méprisants tenus à l’endroit du requérant et parce que  non seulement les intimés ne se sont pas rétractés, mais ils ont réitéré leurs propos aux termes d’une seconde missive datée du 5 février 2001. Il est manifeste que les intimés voulaient s’en prendre malicieusement au requérant” (...) pour ruiner ses chances d’être reconduit dans ses fonctions de directeur des études. Les propos diffamatoires ont eu pour but de nuire volontairement à la réputation, l’intégrité et à l’honneur du requérant et, par conséquent, de la co-requérante, le Cégep. Les intimés ont grandement porté atteinte à la crédibilité professionnelle du requérant, laquelle est essentielle à sa charge de directeur des études. Les propos diffamatoires constituent un exercice abusif de la liberté d’expression.
Le co-requérant est en droit de réclamer des intimés la somme de 45 000$ représentant les dommages qu’il a subis par la faute des intimés et dont le détail s’établit comme suit: a) atteinte à la réputation, préjudice moral et physique, stress et autres inconvénients:     35 000$ b) dommages exemplaires: 10 000 $
La co-requérante, Cégep  réclame des intimés la somme de 25 000 $ pour atteinte à la réputation majorée de 10 000 $ pour dommages exemplaires et punitifs.

Commentaire:
La poursuite dit: non seulement les intimés ne se sont pas rétractés, mais ils ont réitéré leurs propos aux termes d’une seconde missive datée du 5 février 2001. Il y a une erreur sur la date: on aurait dû lire: une seconde missive datée du 26 mars 2001. Curieuse erreur qui laisse perplexe. On dirait qu'il y a une agressivité qui fait perdre le nord.  Il est faux de dire que nous ne nous sommes pas rétractés. Nous nous sommes rétractés et le 5 février et le  26 mars 2001.


24 mai 2001: l’Assemblée syndicale donne à son exécutif la tâche d’évaluer le premier mandat de cinq ans de la Directrice générale de 1997 à 2002, qui doit prendre fin le 30 juin 2002. L’exécutif syndical engage une firme dirigée par Lorraine B., l’Etudiante, pour accomplir cette tâche de façon objective et sérieuse. Pendant la session d’automne 2001, à l’aide de trois longs questionnaires portant sur les nouvelles technologies, la promotion et l’image, les fonctions administratives et relationnelles, une centaine d’enseignants répondent consciencieusement aux questions et évaluent la Directrice générale.

D O C U M E N T  17: lettre de la Directrice générale envoyée à tout le personnel du Collège.

Le 6 juin 2001

Voilà que s’achève la quatrième année du Plan quinquennal de développement que l’on s’est donné en juin 1997 en visant les sept cibles adoptées par le Conseil d’administration du Collège. L’an prochain, le moment est venu de dresser le bilan des objectifs visés annuellement depuis et de préparer la définition du prochain Plan de développement stratégique.
En considérant l’évolution rapide des changements de la société actuelle et des besoins de formation en découlant, il nous apparaît préférable de se limiter cette fois-ci à un plan triennal plutôt que quinquennal. L’an prochain sera donc dédié entre autres à la consultation sur ce grand chantier que sera le proche avenir de notre Collège.
A cet égard, je veux vous rappeler deux dossiers importants sur lesquels nous travaillons depuis quelques années déjà: l’autorisation d’un DEC en environnement et la reconnaissance collégiale de notre Centre de transfert technologique en écologie industrielle. Nous sommes à faire en sorte que les dernières ficelles s’attachent correctement afin que l’on puisse célébrer lors de la journée d’accueil du 17 août 2001.
D’ici là, j’espère vous avoir mis en appétit d’en savoir plus et je vous souhaite de passer de très belles vacances avec les gens que vous aimez.
En partant pour vos vacances annuelles, ayez l’assurance du devoir accompli et portez la tête haute d’avoir réalisé, une année de plus, la plus belle des missions qui soit, former et développer des intelligences, forger des âmes encore fragiles, donner le goût d’avoir et de maintenir des corps sains et contribuer au développement de notre communauté. Gardez aussi très présent à l’esprit que nous sommes un bon Collège qui sait faire réussir et qui réussit.
Je vous laisse avec mes meilleurs voeux et avec la hâte de vous revoir à la rentrée.
Avec dignité, honneur et vaillance,
Votre directrice générale.
Françoise R.


14 juin 2001: plainte du syndicat contre le Collège en vertu de l’article 15 du Code du travail qui accuse la Direction de se servir de la Cour supérieure à des fins antisyndicales et en guise de représailles à cause de notre opposition à la façon de gérer de la Directrice générale. Mme Louise Verdone sera la Commissaire qui entendra notre cause.

D O C U M E N T  18 : En réplique à la poursuite du Directeur des études, chacun des quatre membres de l’Exécutif a porté plainte en vertu de l’article 15 du Code du travail, le 14 juin 2001. Voici le texte de la plainte.

J’ai été l’objet d’une poursuite non fondée suite à l’envoi d’une lettre (24 janvier 2001) concernant une décision d’ordre pédagogique prise par le directeur des études du cégep, et ce dans l’exercice de mes fonctions syndicales (...).
Cette poursuite constitue une mesure de représailles de la part de l’Employeur eu égard à mon rôle d’officier syndical;
J’ai reçu ladite requête en diffamation, atteinte à la réputation et dommages datée du 3 mai 2001, le 15 mai 2001;
Pour ces motifs, je demande:
Accueillir la présente plainte;
Condamner l’Employeur à me verser 5 000 $ pour atteinte à mes droits; (...)
Signé à L., ce 14 juin 2001

19 juin 2001: réunion du Conseil d’administration du collège. Un point est ajouté à l’ordre du jour, le soir même: implication des membres du C.A. dans le but de chasser le Littéraire du Conseil. Avant de se rendre à ce point à l’ordre du jour, lui et l’Ingénieur quittent la réunion qui est ajournée faute de quorum. Auparavant, à l’occasion de l’étude du budget, le Littéraire demande pourquoi la Directrice générale n’a pas tenu son engagement pris lors de l’accueil du personnel de l’automne 2000 devant trois enseignants, le verre de vin à la main, d’acquérir des ordinateurs pour faire du multimédia en Arts et Lettres. Il ajoute quelque chose qui souligne que l’engagement n’a pas été pris dans l’enthousiasme que peuvent créer quelques verres de bon vin et qu'il doit être respecté. La Directrice générale a mal interprété ces propos et a dit: Je ne suis pas ici pour me faire insulter! Il faut noter que sa volonté d’expulser l’enseignant du Conseil d’administration comme le prouve la modification de l’ordre du jour le soir même et l’accusation de ne pas respecter son engagement quant aux ordinateurs en Arts et Lettres ont provoqué chez elle une agressivité et un énervement qui l’a menée à mal interpréter ce qui a été dit.  C’est une explication plausible et pas trop offensante. Etonné de la réaction que ses propos ont provoquée, l’enseignant les a retirés immédiatement. Mais sur les conseils de l'avocat local, ce retrait fut considéré par la Directrice comme frivole comme on dit dans un langage juridique qui n'a rien à voir avec la légèreté des moeurs.

27 juin 2001: huit jours plus tard, en pleines vacances, au nom de la Directrice générale, l’avocat local, par huissier à sept heures du matin, réclame du Littéraire une somme de 150,000 $ pour dommages et intérêts pour diffamation et atteinte à la réputation, à cause des propos tenus par le représentant des enseignants au Conseil d’administration du 19 juin. Cela a été fait froidement sans l’excuse de l’émotivité palpable le soir du 19 juin.

D O C U M E N T  19: mise en demeure de faire un chèque de 150,000 $ pour diffamation

A. M. Avocats
PAR HUISSIER
Mercredi, le 27 juin 2001
Monsieur le Littéraire
Objet: Directrice générale c. Vous-même
Monsieur,
Nous avons reçu instructions de notre cliente de vous transmettre la présente mise en demeure.
Le 19 juin 2001, alors que vous siégez à une assemblée ordinaire du conseil d’administration du Cégep, vous avez, malicieusement et dans le but de nuire, tenu à son endroit des propos méprisants, mensongers et hautement diffamatoires, le tout dans les circonstances que vous connaissez.
Votre attitude a gravement porté atteinte à sa dignité et réputation, lui entraînant des dommages pour au moins 150 000 $, qu’elle vous réclame.
A défaut par vous de payer ledit montant par chèque (...) en fidéicommis, et ce, dans les dix (10) jours des présentes, les procédures judiciaires appropriées seront intentées contre vous, sans aucun autre avis ni délai.
Veuillez vous gouverner en conséquence.

27 juin 2001: le même jour, par courrier recommandé, lettre du président du C.A.: à cause des propos tenus le 19 juin, suite à une plainte portée en vertu du Code d’éthique, vous êtes provisoirement relevé de vos fonctions d’administrateur.  On veut faire passer le Littéraire ostracisé, pour la deuxième fois, devant le Conseil de discipline pour le condamner et le rejeter. De plus, ce jugement du Conseil de discipline pourra être utilisé contre lui au procès en Cour supérieure.

D O C U M E N T  20: un administrateur est chassé du Conseil d’administration

Le 27 juin 2001
Courrier recommandé
Monsieur,
Conformément à l’article 9.4 du Code d’éthique et de déontologie des administrateurs (...), prenez avis, par la présente, que vous êtes provisoirement relevé de vos fonctions d’administrateur du Collège.
En effet, les propos que vous avez tenus envers notre directrice générale durant l’assemblée ordinaire du 19 juin dernier constituent un manquement grave qui porte atteinte à notre institution et à un de ses administrateurs et qui a entraîné le dépôt d’une plainte en vertu du code d’éthique précité.
Conséquemment, à titre du président du Conseil d’administration, je me dois de vous relever de vos fonctions, à compter de ce jour, et jusqu’à ce que le Conseil de discipline rende une décision dans cette affaire.
Sachez qu’à titre de président du Conseil d’administration, je déplore cette situation.

3 juillet 2001: lettre du représentant des enseignants envoyée aux 19 personnes présentes au Conseil d’administration du 19 juin où il décrit avec  précision  les circonstances qui ont conduit à la question posée sur les ordinateurs pour Arts et Lettres et le mot à mot de la question posée qui était écrite sur une fiche lue pendant le C.A. Sauf sur le sujet de la mise en demeure reçue le 27 juin puisque toute précision aurait pu être utilisée contre lui à la fois par le Conseil de discipline et par la poursuite en Cour supérieure qui allait suivre inévitablement.

D O C U M E N T  21: mise au point du Littéraire sur ce qui s’est passé au C.A. du 19 juin 2001

3 juillet 2001
Madame la Directrice générale (lettre du Littéraire remise personnellement à sa secrétaire)
J’aimerais m’assurer que le contexte qui a conduit à la mise en demeure du 27 juin 2001 soit clairement établi. Quand votre avocat écrit: le tout dans les circonstances que vous connaissez, je ne suis pas sûr que ces circonstances sont connues de toutes les parties impliquées. Voici ces circonstances.
Au Conseil d’administration du 19 juin, j’ai demandé si, au point appareillage et outillage dans les prévisions budgétaires d’investissement de 74 000 $, il y avait une somme de 12 000 $ qui avait été prévue pour une station de production multimédia réclamée depuis trois (3) ans par le programme d’Arts et Lettres. Le Directeur des études a répondu: Non, mais on essaie de trouver des ressources. Cette réponse montre que la question était pertinente et que la demande du programme d’Arts et Lettres était légitime.
Or, cette réponse négative prouve que vous, la Directrice générale, n’avez pas tenu l’engagement que vous avez pris devant trois de mes collègues à l’automne 2000, lors de l’accueil du personnel. Mes collègues vous ont expliqué que le collège avait besoin, de toute urgence, de deux (2) stations de production multimédia. Ils vous ont dit que cela existait dans tous les collèges du réseau. Ils ont affirmé que les élèves d’ici ont droit au même service que les autres.
Vous vous êtes montrée d’accord et comme directrice générale vous avez fait la promesse d’investir la somme nécessaire à l’acquisition d’au moins une station de production multimédia pour l’automne 2001 Or, la présentation des prévisions budgétaires pour 2001-2002 prouve que vous n’avez pas tenu votre engagement pris lors de l’accueil du personnel d’août 2000 devant trois (3) témoins responsables très engagés dans le développement du programme d’Arts et Lettres.
A la lumière des circonstances que je viens de décrire, j’affirme que mon seul souhait est que vous respectiez votre engagement et que vous investissiez 12 000 $ pour une station de production multimédia pour l’automne 2001. Ma seule préoccupation est l’intérêt des élèves.
c.c. Aux 19 personnes présentes au C.A. du 19 juin comme membres du C.A. ou comme observateurs; aux avocats; au Syndicat;  au programme d’Arts et Lettres.

8 août 2001: le huissier remet au Littéraire, à son domicile, pendant les vacances, une requête en diffamation datée du 6 août, pour atteinte à la réputation et dommages de 170,000 $ au nom de la Directrice générale et du Cégep  pour avoir tenu le 19 juin 2001 des propos méprisants, mensongers et hautement diffamatoires. La requête sera présentée devant un juge de la Cour supérieure le 21 août 2001 au Palais de justice. Notez bien que la Directrice générale avait entre les mains toutes les précisions du mot à mot de la question qui avait été posée et le contexte qui était l’accueil du personnel (avec vin) et non pas une réunion du département de français. Malgré ces précisions, la poursuite a  été faite.

D O C U M E N T  22: requête en diffamation de 170,000 $ déposée en Cour supérieure

Cour Supérieure (Chambre civile)
Par huissier
le 6 août 2001
Directrice générale et Cégep, requérantes
c. le Littéraire,  intimé
Requête en diffamation, atteinte à la réputation et dommages (art. 762 du C.p.c.)
Le 19 juin 2001, alors que la requérante et l’intimé siégeaient à une assemblée régulière du Conseil d’administration du Cégep , ce dernier a tenu à l’endroit de la requérante, des propos méprisants, mensongers et hautement diffamatoires (...)
En effet, l’intimé s’est adressé à la directrice générale en utilisant des propos laissant clairement entendre que, de façon courante, elle travaillait en boisson.
La requérante est en droit de réclamer de l’intimé la somme de 100,000 $ représentant les dommages qu’elle a subis par la faute de l’intimé (...).
La co-requérante, le Cégep, réclame de l’intimé la somme de 50 000$ pour atteinte à la réputation, majorée de 20 000 $ pour dommages exemplaires et punitifs.
(...) Le TOUT avec dépens. Procureurs des requérantes.

Commentaire:
Le TOUT avec dépens veut dire que le Littéraire (ou le syndicat) devrait payer les frais d'avocat de la directrice.

10 août 2001: lettre informant l’enseignant que le Conseil de discipline étudiera son cas. Il refusera de passer devant ce tribunal formé des amis de la Directrice générale. Il enverra plutôt sa lettre de démission forcée. L’ostracisme continue. C’est une victoire pour la Directrice générale qui n’aura plus à répondre à ses questions et à endurer ses ajouts à l’ordre du jour qui donnaient l’occasion aux membres externes du C.A. d’entendre un autre son de cloche et de prendre conscience des problèmes nombreux créés par les décisions prises par la directrice générale et surtout par l’autoritarisme de son style de gestion.

D O C U M E N T  23: intervention très importante des 12 coordonnateurs de département contre les poursuites

Le 29 août 2001
Au président du Conseil d’administration et aux membres du CA
A la directrice générale; au directeur des études
Mesdames, messieurs,
Nous coordonnateurs et coordonnatrices de département, nous sommes réuni(e)s jeudi, le 23 août 2001, à 10h30 en la salle de conférence A-1207 du Collège. Nous avons adopté à l’unanimité la résolution suivante:
L’assemblée des coordonnateurs et coordonnatrices de département dénonce le type de gestion par judiciarisation des relations de travail au collège. En conséquence, l’assemblée des coordonnateurs et coordonnatrices de département demande au Conseil d’administration de prendre les mesures nécessaires afin de mettre un terme à l’utilisation des moyens juridiques dans la gestion du Collège.
Espérant que vous saurez prêter une oreille attentive à la présente demande, et cela dans le meilleur intérêt du Collège, veuillez recevoir, mesdames, messieurs, l’expression de nos sentiments les plus respectueux.
Michel C., Français; Jean-Michel L., Informatique, Gaétan D., Sciences humaines; Daniel O., Electronique industrielle; Michel D., Génie mécanique; Martine P., Techniques de Bureautique; Robert G., Education physique; France P.-C., Soins infirmiers; Pierre G., Mathématiques; Pierre S., Philosophie; Pierre G., Langues modernes; Daniel T., Sciences de la nature

 D O C U M E N T  24: lettre de démission du Littéraire comme membre du Conseil d'administration du collège

Le 10 octobre 2001
J’aime qu’on s’exprime courageusement, que les mots aillent où va la pensée. (Montaigne)

Au président du Conseil d’administration.
Au Conseil d’administration du 19 juin 2001, j’ai appris le refus de l’administration de financer au coût d’environ 15 000 $ deux ordinateurs pour faire du multimédia, indispensables pour les enseignants et les élèves d’Arts et Lettres. Cette décision est une erreur et a été prise même s’il y a plus de 600 000 $ dans la réserve accumulée du Collège. Ce service direct aux élèves, essentiel pour garder notre clientèle, n’est pas la priorité de cette administration qui sous-finance les programmes de Sciences humaines, de Sciences de la nature et d’Arts et Lettres, et qui, pourtant, ne se gêne pas pour dépenser des fonds publics de la façon que l’on sait en frais d’avocat.
Pour cette administration, la fin justifie les moyens comme on l’a vu dans la menace d’aller en appel d’offres dans le dossier de la cafétéria et comme on le voit dans la judiciarisation des relations de travail dénoncée à l’unanimité par les 12 coordonnateurs de départements. Ce qui est grave, c’est qu’on n’a pas l’air de se rendre compte que ces méthodes d’intimidation pourrissent notre climat de travail.
Pendant quatre ans, en collaboration avec mon confrère l’Ingénieur, j’ai défendu des valeurs auxquelles je crois qui sont l’amélioration de la relation professeur-élève (ce qui suppose qu’on ne cherche pas constamment à diminuer les ressources à l’enseignement), le respect de tous les personnels, l’équité dans la répartition des ressources, la liberté d’expression, le droit à une l’information complète sur les aspects financiers des décisions.
Malgré les beaux grands principes formulés dans le projet éducatif du Collège, j’aurais de nombreux exemples à vous donner qui montrent que ces valeurs sont encore un horizon lointain pour l’administration actuelle.
Je démissionne comme membre du Conseil d’administration que vous co-présidez avec la directrice générale (...). Le Littéraire, Ph.D.
c.c. membres du CA; tous les enseignants; exécutif du Syndicat; DRH

18 octobre 2001: le syndicat ayant demandé une médiation, rencontre à Québec du groupe des Quatre: l’Irlandais de l’exécutif, le président de la Fédération (la FAC), la Directrice des ressources humaines et Gilles Pouliot, du Ministère de l’Education. Cette médiation sera une perte de temps et ne donnera rien.

21 octobre 2001: contestation amendée déposée en Cour supérieure par l’enseignant poursuivi disant que la requérante a diffusé des propos que l’intimé n’avait pas tenus et que cette dernière est la seule responsable de la diffusion de propos erronés. Une question: comment fait-on pour retirer des propos qu’on n’a pas tenus? Si vous dites: je n’ai pas dit cela,  vous vous trouvez à diffuser ce que vous prétendez ne pas avoir dit et qui est jugé diffamatoire. C'est impossible de se défendre. Vous êtes donc coincé et la guerre des nerfs continue.

D O C U M E N T  25: contestation de l’enseignant déposée en Cour supérieure

Cour supérieure
Contestation de l’intimé
le 23 octobre 2001 (...)
12- Lors de la réunion du Conseil d’administration tenue le 19 juin 2001, l’intimé n’a fait que renouveler à la requérante, l’engagement qu’elle avait pris lors de l’accueil du personnel à l’automne 2000;
13- Durant la séance du Conseil d’administration, l’intimé n’a jamais traité la requérante, “d’alcoolique”; (...)
18. Lors de l’assemblée du Conseil d’administration du 19 juin 2001, environ trois (3) personnes autres que les membres du Conseil d’administration étaient présentes, soit des représentants du Syndicat des enseignants;
19. L’intimé n’a aucunement nui à la réputation, à l’intégrité et à l’honneur de la requérante;
20. Par la présente poursuite, la requérante a diffusé des propos que l’intimé n’avait pas tenus et cette dernière est la seule responsable de la diffusion de propos erronés;
21. La réclamation des requérantes est abusive et grossièrement exagérée;
22. Le Cégep n’a droit à aucune somme pour atteinte à la réputation de l’un de ses cadres, ce dernier n’étant aucunement visé dans les propos contestés et qu’auraient tenus l’intimé;
23. En conséquence, la présente requête en diffamation est abusive et disproportionnée tant à l’égard du droit d’action que des montants réclamés, le tout considérant les circonstances de la présente affaire
24- La présente contestation est bien fondée en faits et en droit.
Par ces motifs, plaise à la cour:
Accueillir la présente contestation;
Rejeter la requête en diffamation des requérantes;
Le TOUT avec dépens.
Jacques L., le 23 octobre 2001
Procureur de l’intimé

22 octobre 2001: grief plaidé devant l’arbitre Gilles Lavoie sur l’interception du courrier syndical du Complément de l’Info-CA par les quatre membres de la Régie avant que les destinataires ne l’aient reçu et le droit à l’usage des casiers des enseignants pour communiquer de l’information syndicale sans contrôle du contenu par l’administration. L’Ebéniste joue un rôle décisif en trouvant dans les dossiers syndicaux, avec l’aide de Denise G.,  la responsable de la documentation, une entente qui avait été signée par les parties sur le droit à l’usage des casiers des enseignants par le syndicat.

29 octobre 2001: seconde rencontre du groupe des Quatre. La partie patronale accepte d’aller en médiation mais refuse la demande du Syndicat de déjudiciariser les relations de travail en retirant les poursuites. Un de nos espions agent-double nous apprend que la Directrice générale lui a dit: Tant que Le Littéraire n’aura pas pris sa retraite, les poursuites ne seront pas retirées. Phrase extrêmement révélatrice qui va au fond des choses de ce que Montaigne appelle une guerre intestine. Quelques enseignants ont ainsi joué un rôle ambigu mais utile. Montaigne écrit: En matière de guerres intestines, votre valet peut être du parti que vous craignez.

30 octobre 2001: l’assemblée générale des enseignants, à l’unanimité, dénonce le manque de crédibilité du processus d’évaluation de la Directrice générale. Le processus a été accéléré afin de court-circuiter notre démarche d’évaluation car nous n’aurons pas le temps de compiler et d’analyser les réponses des enseignants à trois longs questionnaires avant la décision de renouveler son mandat pour cinq ans.

31 octobre 2001: au Palais de justice, interrogatoires, par les avocats, de la Directrice Générale et du Littéraire, vice-président du syndicat, précédant le procès, où chacun donne sa version des paroles prononcées au Conseil d’administration du 19 juin. Les deux versions sont différentes l’une de l’autre. Elles ne peuvent donc pas être vraies toutes les deux. La seule chose qui est vraie, c’est que les deux versions sont différentes.  La Directrice générale n’a pas tenu compte de la lettre du début de juillet 2001 qui donnait toutes les précisions. Une sténo prend tout en note et nous avons la retranscription mot à mot des témoignages.
La requérante soutient que l’enseignant se référait à une réunion de département. Première erreur: il se référait à un accueil du personnel avec vin. Cinq témoins pourraient le dire qui étaient avertis de la question qui serait posée et qui étaient présents comme observateurs à la réunion du Conseil. De plus, le coordonnateur du programme d’Arts et Lettres et le coordonnateur du département de français, qui avaient décrit au Littéraire en détail la scène de la promesse faite d’acheter des ordinateurs lors de l’accueil du personnel de l’automne 2000 savaient que la question serait posée au Conseil d’administration du 19 juin. Un accueil du personnel et une réunion de département, ce n’est pas la même chose. On ne sert pas de boisson pendant les réunions de département. 
Deuxièmement, il y a eu une confusion entre réunion de programme et réunion de département. Les besoins en équipement du programme d’Arts et Lettres ne sont pas discutés en réunion de département mais en réunion de programme. C'est un détail qui touchera les émules de Colombo, d'Hercule Poirot et de Miss Marple. Ensuite, il y a une autre erreur à propos de la boisson. La directrice a prétendu que l’enseignant avait dit: Cette fois-là, vous étiez à jeun ce qui a donné l’occasion à son avocat de prétendre que l’enseignant avait laissé entendre que sa cliente était habituellement paquetée dans l’exercice de ses fonctions. Or, l’enseignant n’a jamais dit cela et, en plus, ne l’a jamais pensé. Ainsi donc l’accusation de diffamation est basée, comme le dit notre contestation, sur des propos que l’intimé n’avait pas tenus. Il n’a pas dit: Cette fois-là. L’accusation est donc sans fondement.

6 novembre 2001: dans un aide-mémoire confidentiel intitulé: pourquoi ça ne va pas bien au cégep, il est question du problème de la cafétéria que la Direction a voulu privatiser et des relations tendues avec les employés de soutien. Un bilan est fait des gestes hostiles de la Directrice générale contre chacun des quatre membres de l’exécutif du syndicat des enseignants depuis son arrivée au collège en mai 1997. Ce texte-bilan restera confidentiel sauf pour quelques enseignants triés sur le volet. Le Littéraire ayant oublié une copie de ce document sur le photocopieur, une rumeur a couru que la Directrice l'avait obtenu et l'avait lu. Rencontrée par hasard dans un corridor, la Directrice a dit, furieuse, au Littéraire: Vous voulez détruire le collège! On peut en déduire qu’elle l’avait lu.

8 novembre 2001: l’exécutif du syndicat informe les trois membres du Comité d’évaluation des mandats du conseil d’administration que 70% des enseignants sont contre le renouvellement de mandat de la Directrice générale. A cause de l’ampleur de la consultation des enseignants, le rapport d’évaluation détaillé n’est pas prêt.

15 novembre 2001: sans attendre le dépôt du rapport d’évaluation des enseignants qui explique en détail les raisons justifiant le non-renouvellement de mandat de la Directrice générale, le Conseil d’administration procède au renouvellement de mandat de la Directrice générale pour cinq ans jusqu’en 2006. On est le 15 novembre 2001 et son mandat se terminait le 30 juin 2002. Où était l’urgence? La Directrice générale triomphe. Toutefois, les administrateurs lui demandent de porter une attention prioritaire à la qualité du climat de travail qui est très mauvais à cause de la judiciarisation des relations de travail et de son style autoritaire de gestion.

15 novembre 2001: l’arbitre Gilles Lavoie donne raison au syndicat. L’interception par le Collège du Complément à l’info-CA est illégale parce que contraire à notre convention collective. Gilles Lavoie juge que le Syndicat a le droit de faire distribuer tout document aux enseignants (...) dans les cases de ses membres (...) et ce, sans que l’employeur n’intervienne pour vérifier le contenu de telles communications ou s’arroge le droit de refuser telle distribution. C’est une belle victoire syndicale contre la volonté patronale de censure et de contrôle de l’information. Remarquez qu’il a fallu faire un grief et le gagner pour avoir le droit d’utiliser les casiers des enseignants comme cela se fait dans tous les collèges sans problème.

21 novembre 2001: au tribunal du Travail à Montréal, devant la commissaire Louise Verdone, la Directrice générale et la Directrice des ressources humaines répondent aux questions pointues de notre avocat et de l’avocat de la Fédération des cégeps sur les différentes versions de la politique institutionnelle d'évaluation des apprentissages. En vertu du Code du Travail, le Collège est accusé par le Syndicat de représailles et d’antisyndicalisme, entre autres à cause de la poursuite de $80,000. Chacun des quatre membres de l’exécutif réclame 5,000$ pour atteinte à ses droits pour un total de 20,000 $.

23 novembre 2001: lettre à tout le personnel où la Directrice générale se réjouit d’avoir obtenu un second mandat de 5 ans. Elle parle de bonne volonté, de bonne foi et de goût du bonheur. Tout en continuant à poursuivre en Cour supérieure quatre enseignants élus qui sont appuyés par des résolutions unanimes de l’Assemblée syndicale qui réclament le retrait des poursuites, triomphaliste, elle nous demande d’avoir le goût de travailler ensemble au développement de notre Collège. A nos yeux, et aux yeux de la très grande majorité du personnel, ces belles paroles écrites avec honneur, dignité et vaillance n’ont aucune crédibilité.

D O C U M E N T  26: la directrice générale jubile et veut partager sa joie avec tout le personnel

Le 23 novembre 2001 (extraits)

A tout le personnel
Objet: Un second mandat de cinq ans à la direction du Collège
C’est avec beaucoup de gratitude que je viens vous remercier pour la confiance qui m’est témoignée par la décision unanime des membres du Conseil d’administration de me reconduire dans mes fonctions à la direction générale du Collège.
Le Conseil a salué le bilan très positif du précédent mandat. (...) Maintenant, nous allons devoir relever d’autres défis exigeants pour demeurer l’institution de grande qualité que nous sommes et continuer de bien servir notre population. Pour ce faire, les membres m’ont indiqué de travailler prioritairement à l’amélioration du climat de travail au Collège. (...) L’amélioration du climat ne pourra se réaliser sans la bonne volonté de tous d’avoir le goût du bonheur d’accomplir chaque jour la plus belle des missions qui soit, d’avoir le goût de travailler ensemble au développement de notre collège et d’avoir une attitude de bonne foi dans la recherche de solutions aux problèmes quotidiens que nous rencontrons. En même temps, je crois bon de nous rappeler le bon vieux dicton qui dit quand on veut, on peut et, je crois fermement que nous allons y arriver parce que nous partageons le même objectif: la meilleure formation et la réussite de nos jeunes. (...)
Avec dignité, honneur et vaillance!
Votre directrice générale (Françoise R.)

7 décembre 2001: vol. 1, numéro 1; premier numéro du Huissier, bulletin d’information du Syndicat des enseignants. Information sur la victoire syndicale sur la liberté d’information et l’utilisation des casiers des enseignants; annonce du boycott du souper de Noël; on souligne que l’administration a reconnu son erreur quant à la règle du 70-50% pour les examens de reprise; de plus, dès janvier 2002, le programme d’Arts et Lettres aura les ordinateurs dont il avait un urgent besoin. Le syndicat se dit heureux d’avoir contribué au développement du programme d’Arts et Lettres dont les leaders ont dû passer, bizarrement, devant le Conseil d’administration de la Fondation pour obtenir du financement. La Fondation finança la moitié des coûts. Devant la description du travail à la mitaine que devait faire le Grammairien en création-vidéo, un membre de la Fondation compara la situation à l’Armée canadienne et offrit de financer au complet l’achat des ordinateurs au grand déplaisir de la Directrice générale qui a mal paru, encore une fois, et qui en fit le reproche aux deux enseignants contraints de justifier devant la Fondation des demandes qui répondent à des besoins essentiels pour des ordinateurs dont les élèves de tous les autres collèges peuvent bénéficier. Cette dernière remarque sur les services offerts ailleurs du coordonnateur du programme d’Arts et Lettres fit rougir de colère la directrice.

13 décembre 2001; au Palais de justice, deux requêtes en irrecevabilité sont présentées par notre avocat devant un juge de la Cour supérieure afin que les deux poursuites soient déclarées irrecevables parce qu’il y avait un autre recours approprié et/ou parce qu’elles sont frivoles et sans fondement.

14 janvier 2002: Dans le numéro 2 du bulletin d’information syndicale: Le Huissier: présentation en douze pages du rapport sur l’évaluation du premier mandat de la directrice générale envoyé à tous les enseignants. Le Conseil d’administration ayant décidé de maintenir la Directrice dans ses fonctions pour les cinq prochaines années, le rapport se situe dans une perspective d’évaluation formative et formule les points à améliorer. Il compile les réponses des enseignants aux trois questionnaires et leurs commentaires parfois cinglants qui expliquent pourquoi 70% des 55 répondants se sont prononcés contre le renouvellement de mandat pour cinq ans sans condition. Ce numéro du Huissier met la Directrice générale hors d’elle comme en témoigne le Communiqué de la Direction du 28 janvier 2002 où elle exprime sa colère au point de commettre deux erreurs graves.

18 janvier 2002: Le Huissier, numéro 3. Version synthèse en trois pages du rapport d’évaluation envoyée à tout le personnel et aux membres du Conseil d’administration, conformément au mandat confié à l’exécutif du syndicat par les 50 membres présents à l’Assemblée générale du 24 mai 2001. A cette occasion, tous les employés et administrateurs du collège ont aussi reçu le numéro 1 du Huissier daté du 7 décembre 2001.
Les membres du Conseil d’administration ont donc pris connaissance d’une évaluation sérieuse de la Directrice générale APRES avoir renouvelé son mandat pour cinq ans suite à des manoeuvres de la même directrice pour accélérer le processus. Insultés par le mépris dont ils faisaient l’objet, les enseignants n’ont eu d’autre choix que de rendre publique leur évaluation qu’ils avaient faite avec beaucoup de conscience professionnelle puisque les structures normales étaient manipulées et contrôlées par la directrice générale.

D O C U M E N T  27: extraits du rapport d’évaluation de la directrice générale par les enseignants

Le Huissier, vol. 1, numéro 3, 18 janvier 2002 (extraits)
Présentation du rapport sur l’évaluation du premier mandat de la directrice générale
A la lecture des résultats obtenus, on peut conclure que les enseignants, à 70%, sont manifestement insatisfaits de la prestation de la directrice générale.
(...) Questionnaire numéro 3: Fonctions administratives et relationnelles
Les réponses obtenues dans ce troisième questionnaire révèlent un malaise quant aux relations de travail entretenues par la directrice générale avec le corps professoral. Le style de gestion qu’elle préconise déplaît à la grande majorité des 55 répondants. Les réponses obtenues révèlent un style de gestion plus autocratique que démocratique, qu’il n’y a que peu de place pour les discussions ou les négociations, qu’elle est incapable de gérer les conflits. Une très forte majorité considère que les poursuites judiciaires sont inadmissibles. Son style de gestion ne correspond pas du tout à ce que les enseignantes et les enseignants attendent d’une directrice générale.
Points à améliorer:
* améliorer les relations de travail avec les professeurs ainsi que les autres personnels (respect, négociations, discussions, honnêteté, souplesse)
* promouvoir la transparence dans toutes les décisions et dans l’information diffusée;
* créer un climat d’appartenance (cela commence par l’amélioration des relations de travail)
* retrait immédiat des poursuites contre le Syndicat et contre le représentant des enseignants au Conseil d’administration du Collège.

28 janvier 2002: communiqué de La Direction à tous les membres du personnel enseignant faisant part du résultat des requêtes en irrecevabilité présentées par votre Syndicat à l’encontre de nos requêtes en diffamation.

D O C U M E N T  28: réaction de La Direction au Huissier du 14 janvier 2002

Communiqué: A tous les membres du personnel enseignant

28 janvier 2002
Nous profitons de ce communiqué pour vous faire part que nous déplorons que votre exécutif syndical continue la publication d’écrits qui enfreignent, selon notre interprétation, les notions de confidentialité, de respect de renseignements personnels et qui sont mensongers à plusieurs égards.
En effet, selon l’éthique la plus minimale, l’évaluation d’une personne doit se discuter à l’intérieur d’un processus très confidentiel. Que diriez-vous si le Collège dévoilait les résultats de l’évaluation d’un enseignant à l’ensemble des étudiants, des enseignants et des membres du Conseil d’administration? (...)
Par ailleurs, si quelqu’un d’entre vous ressent le besoin d’avoir des informations supplémentaires ou des réponses à leur questionnement, nous vous rappelons que notre porte est grande ouverte pour vous recevoir individuellement ou collectivement.
La Direction

29 janvier 2002: Le Huissier, numéro 4. Nos membres sont informés que tous les employés du collège, y compris les membres du Conseil d’administration, ont reçu la version synthèse du rapport d’évaluation expurgée des commentaires parfois cinglants des enseignants ainsi que le numéro 1 du Huissier.

Premier février 2002: la médiateure rencontre les deux parties au collège et explique le fonctionnement d’une médiation. Echéancier des autres rencontres. Cette médiation ne donnera rien. Ce fut une perte de temps et d'énergie. La médiateure fut dépassée par l’ampleur du problème.

7 février 2002: Le Huissier, numéro 6; Sondage-éclair. Consultation des membres du syndicat sur l’opportunité de prendre une action en justice suite au Communiqué de La Direction en date du 28 janvier 2002 où, après nous avoir traités de diffamateurs avant que la chose ne soit jugée, elle nous diffame en nous traitant de menteurs.

12 février 2002: publicité payée dans le journal local par le Collège en page 2 du journal local. Est publiée in extenso sur une colonne qui occupe le tiers d’une page la liste de tous les noms des enseignants et enseignantes du collège avec, en grosses lettres: MERCI à nos enseignantes et à nos enseignants pour l’excellent travail réalisé à cause d’une augmentation du taux de réussite de 9.4% à l’automne 2001. C’est une tentative (ratée) d’influencer le vote des enseignants sur l’opportunité de prendre une action en justice contre La Direction.

27 février 2002: grief syndical réclamant du Collège la somme de 35,000 $ pour atteinte au droit fondamental de représentation du syndicat suite au Communiqué du 28 janvier où La Direction a un comportement abusif en niant à toutes fins pratiques la clause 2-2.07 reconnaissant expressément le syndicat comme représentant exclusif des enseignants. Ce 35,000 $ s’additionne aux 20,000 $ de la plainte au Tribunal du travail. Tout cela pèsera dans la balance qui nous mènera  à un règlement hors cour.

28 février 2002: selon les résultats de notre sondage-éclair, une majorité des membres qui se sont exprimés sont favorables à une réplique du Syndicat à la publication du Communiqué de La Direction du 28 janvier 2002. Le Syndicat fait parvenir le 28 février 2002, par huissier, aux cinq membres de la Direction, une mise en demeure de se rétracter des attaques contre l’exécutif du syndicat qui sont injustifiées, diffamatoires et inacceptables. La Direction est mise en demeure de présenter des excuses écrites, dans les dix jours, aux quatre membres de l’exécutif du syndicat des enseignants. A défaut de vous conformer à la présente dans les délais qui y sont mentionnés, nous avons mandat d’entreprendre contre vous tous les recours judiciaires nécessaires au respect des droits du Syndicat et des membres de son exécutif. Un huissier a remis cette mise en demeure au président du Conseil d’administration; à la directrice générale; au directeur des études, au directeur des ressources matérielles et à la directrice des ressources humaines. Le Huissier, numéro 9 du premier mars, informe les membres du grief et des mises en demeure.
Le Syndicat a un an pour décider s’il poursuivra la Direction. Le rapport de forces s’améliore. C’est une épée de Damoclès au-dessus de la tête de la Direction. Les recours judiciaires, c'est un petit jeu qui se joue à deux.

D O C U M E N T  29: Mise en demeure du syndicat contre la Direction, le 28 février 2002.

Par huissier
Destinataires : Président du CA et les quatre membres de La Direction: la Directrice générale; le Directeur des études; le Directeur des ressources matérielles; la Directrice des ressources humaines.
Objet: Syndicat des enseignants du cégep c. vous-même (...)
Dans le communiqué du 28 janvier 2002, vous alléguez que l’exécutif syndical continue la publication d’écrits (...) qui sont mensongers. De telles affirmations sont injustifiées, diffamatoires et inacceptables. Le Syndicat ne saurait tolérer d’attaque aussi indue à l’endroit de ses officiers syndicaux. (...)
Conséquemment, vous êtes mis en demeure de vous rétracter de ces affirmations par écrit auprès de l’ensemble des enseignants du collège, et ce, dans les dix (10) jours de la réception de la présente. De plus, vous êtes également mis en demeure de présenter, dans le même délai, vos excuses écrites à chacun des quatre membres de l’exécutif du syndicat, à l’effet que ces derniers auraient publié des écrits qui sont mensongers. Vous les traitez aussi de diffamateurs bien qu’aucun juge ne vous ait donné raison.  A défaut de vous conformer à la présente dans les délais qui y sont mentionnés, nous avons mandat d’entreprendre contre vous tous les recours judiciaires nécessaires au respect des droits du Syndicat et des membres de son exécutif, et ce sans autre avis ni délai.
Veuillez donc vous gouverner en conséquence.
par l’avocat du syndicat  pièce jointe.: Communiqué du 28 janvier 2002

D O C U M E N T  30: Grief du 27 février 2002 envoyé en arbitrage le 21 mars 2002

Exposé du grief:
Le Collège par son communiqué du 28 janvier 2002 porte atteinte directement et sciemment à l’exercice du droit de représentation du Syndicat. Le contenu du communiqué brime l’exercice du droit d’association, droit protégé par la Charte canadienne des droits et libertés. Par ses écrits, le Collège s’ingère dans les affaires syndicales; ce comportement est abusif et discriminatoire. En agissant ainsi, le Collège manque à ses obligations légales et conventionnelles.
Correctif requis: Que le Collège cesse tout comportement abusif à l’égard de la représentation syndicale. Que le Collège s’engage à respecter la convention collective particulièrement la clause 2-2.07 reconnaissant expressément le syndicat comme représentant exclusif des enseignants. Que le Collège verse au Syndicat la somme de 25 000 $ à titre de dommages exemplaires pour atteinte à un droit fondamental et la somme de 10 000 $ à titre de dommage-intérêt pour le préjudice subi. Les sommes portent intérêt au taux légal. Antoine G-M (le Littéraire), agent de grief

Premier mars et 4 mars 2002: La médiateure, Mme Richard rencontre la partie syndicale puis la partie patronale.

7 mars 2002: Mme Richard rencontre les deux parties. A la demande de la partie patronale qui veut prouver que l’exécutif du syndicat est de mauvaise foi, la médiateure veut rencontrer 40 enseignants. La partie syndicale pose une condition: le retrait des deux poursuites de 80,000 $ et 170,000 $ et n’est pas d’accord avec l’idée que la médiateure contourne l’exécutif en rencontrant 40 enseignants. Suite au refus de La Direction de retirer les poursuites et au grave désaccord sur le processus de la médiation, Mme Richard se retirera du dossier. Le 11 mars, La Direction enverra à tout le monde un communiqué: la Médiation n'aura pas lieu. Cette médiation, ce fut une totale perte de temps et d’énergie. Mais il fallait passer par là pour montrer notre bonne foi.

19-20 mars 2002: suite des travaux devant la Commissaire du Tribunal du travail, madame Louise Verdone.

23 mai 2002: rencontre entre les quatre membres de la Direction et les quatre membres de l’exécutif du Syndicat. S'adressant à la Directrice, après avoir exprimé ses regrets devant les malentendus résultant des propos échangés au Conseil d’administration du 19 juin 2001 même si rien ne l’obligeait à le faire, ce qui équivaut pratiquement à des excuses, le vice-président du syndicat le Littéraire affirme sans détours que la version de la directrice du 31 octobre 2001 comporte trois erreurs graves (voir 31 octobre 2001: cette fois-là n’a jamais été dit; accueil du personnel et non réunion de département;  réunion du comité du programme et non réunion de département); sa poursuite est donc sans fondement et elle devrait la retirer de toute urgence. Elle écoute en silence et on sent qu’elle est ébranlée. Le Littéraire en profite pour répéter que dans l’exercice de ses fonctions, la directrice a toujours été en pleine possession de ses moyens et qu’il n’a jamais pensé ni dit le contraire. Il lui demande de répandre dans toute la communauté collégiale et dans toute la région les propos qu’il vient de tenir devant sept témoins et non des moindres.

23 mai 2002: Projet de règlement du conflit adopté par l’Assemblée générale des enseignants.

15 août 2002: Le Huissier, vol. 2, numéro 1.

Le Collège a refusé de négocier avec le Syndicat sur la base du projet de règlement adopté par l’Assemblée générale; la réunion du 12 août n’a pas eu lieu. “En conséquence, si le Collège maintient son refus de négocier avec le Syndicat (...) et de rechercher activement un règlement à l’amiable; voici la chronologie juridique de l’automne 2002:
16-17-18-19 septembre: suite des auditions devant la commissaire du Travail, Louise Verdone.
4 novembre 2002: procès Directeur des études vs les quatre membres de l’exécutif et le Syndicat.
2 décembre 2002: procès Directrice générale et Cégep vs Le Littéraire
(28 janvier 2003: date limite pour que le Syndicat puisse déposer une requête en diffamation contre les quatre membres de la Direction et le Cégep.) Remarquez comment est formulée la poursuite du Directeur des études: le collège ne fait plus partie de la poursuite suite à une décision d'un juge.

4 septembre 2002: Le Huissier, vol. 2, numéro 2. Au début de la session d’automne, lettre ouverte du syndicat à la directrice générale envoyée à nos membres, aux élèves, aux professionnels, au soutien, aux cadres et aux membres du Conseil d’administration. Nous informons la directrice générale qu’aucun plan stratégique ne pourra être appliqué tant qu’un règlement à l’amiable ne sera pas survenu impliquant le retrait sans condition des deux poursuites judiciaires pour éviter une lourde perte de temps, d’énergie et d’argent.

Le 4 septembre 2002, Le Littéraire reçoit une lettre du Directeur des études qui lui demande de respecter son plan de cours, de donner des cours magistraux et de ne pas attaquer l’administration en classe. Cette lettre n’a aucun statut: il ne s’agit pas d’une lettre de doléances au sens de la convention collective au chapitre des mesures disciplinaires. C’était un avertissement faisant partie d’une stratégie ou d’un complot comme on devait l’apprendre un mois plus tard.

9 octobre 2002: à 14h30, visite surprise de deux cadres féminines pendant une classe de français du Littéraire qui est vice-président du syndicat. Pendant que l’enseignant proteste dans le bureau du Directeur des études en présence de l’Ebéniste, les élèves remplissent un questionnaire qui pose, entre autres, les questions suivantes. Est-ce que votre professeur vous respecte comme étudiant ou étudiante? Est-ce qu’il suit son plan de cours? Est-ce qu’il attaque l’administration, qui attaque-t-il et que dit-il? Est-ce qu’il donne des cours magistraux? Ce questionnaire doit être passé à deux autres groupes d’élèves le lendemain matin à huit heures et neuf heures et cinquante. Les élèves protestent et certains tiennent des propos virulents contre les deux cadres qui obéissent aux ordres (une des deux cadres quittera ses fonctions et le collège l’année suivante...).

10 octobre 2002: Après une nuit agitée pratiquement sans sommeil, le lendemain matin à 7h45, l’enseignant attend la visite des deux cadres dans sa classe. Une des deux cadres l’informe que le Directeur des études veut lui parler de toute urgence et que l’opération est annulée. Dans son bureau, le Directeur dit à l’enseignant que les réponses des élèves au questionnaire lui ont permis de conclure que la plainte faite contre lui était sans fondement mais qu’il se devait de faire enquête pour en avoir le coeur net. Il s’excuse des inconvénients causés. Par la nature des questions, on voit ce que l’administration cherchait à savoir. Le prétexte à la plainte serait un incident survenu dans une classe la semaine d’avant. Comme l’enseignant commençait son cours un après-midi, des ouvriers faisaient un bruit infernal sur le toit du cégep: ils étaient en train d’installer un système de ventilation. Après les bruits provenant du sous-sol qui avaient perturbé sa classe la semaine précédente, cela dépassait les limites de l’acceptable. Il fit signer une pétition déclarant que des bruits l’empêchaient de donner un cours normal et, en regardant la feuille, il vit les noms de deux chanteuses connues, Alanis Morrissette et Shania Twain. Il apostropha les deux petites comiques qui n’avaient pas signé de leur nom propre la pétition; il fit une colère en disant: on vous demande un petit service et certaines cervelles d’oiseaux en profitent pour niaiser. Ces élèves, déjà faibles, ont eu peur de couler, en ont parlé à leur mère qui a appelé l’administration qui en a profité, trois semaines avant le premier procès. La plainte, comme d’habitude, est restée anonyme. Ce prétexte a permis à l’administration d’aller à la pêche en faisant remplir aux élèves un questionnaire dans le but de trouver des choses à reprocher à l’enseignant. C’est la quatrième action de harcèlement et la plus grave après, bien entendu, les poursuites. Rappelons les trois autres: la convocation du président du syndicat en août 1997; la visite de l’Adjointe dans une classe de bureautique avec un questionnaire d’évaluation trois mois après la fin des cours dans cette classe; l’espionnage de la même Adjointe par rapport à la présence de l’enseignant en classe. Notons aussi la tentative ratée d’utilisation des secrétaires pour faire de la délation.

11 octobre 2002: à 16 heures, rencontre historique entre le Littéraire et le Directeur des études au Centre de V. Le Directeur des études, fort aimable, fait visiter les lieux qui sont neufs. L’enseignant lui demande une copie du questionnaire qui a été passé aux élèves. Le Directeur lui donne le questionnaire et lui dit: Après avoir compilé les réponses, je peux dire que vos élèves trouvent que vous êtes un professeur compétent et dynamique; vos élèves vous aiment.  L’enseignant lui demande de mettre cela par écrit, ce que le directeur des études fera d’autant plus volontiers qu’il avait déjà entrepris, en secret, des démarches pour quitter ses fonctions au collège Germaine-Guèvremont. La directrice générale ne le savait pas, il ne le lui avait pas dit et cela est très instructif sur la nature de leur relation non amicale de dominante-dominé comme administrateurs. Il sera nommé Directeur des études dans un collège où il avait enseigné la philosophie pendant vingt ans. Notez bien que notre texte du 24 janvier 2001 la double incompétence était censé avoir détruit sa réputation... Devant la mauvaise humeur de l’enseignant, le hors-cadre tente de le calmer en lui disant d’oublier l’incident.  L’enseignant en profite pour lui demander de retirer sa poursuite en lui disant que son témoignage devant la Commissaire Louise Verdone était vraiment exagéré surtout quand il a soutenu que la civilisation occidentale était menacée parce qu’on avait attaqué sa réputation. L’enseignant lui dit: Vous avez commis une erreur avec la règle du 70-50% appliquée à l’examen de reprise et nous l’avons écrit. Nous n’avons jamais attaqué votre personne mais nous avons souligné une lacune dans l’exercice de votre fonction. D’ailleurs, vous avez corrigé l’erreur. Je reconnais que vous n’étiez pas obligé d’instaurer des examens de reprise avec des professeurs payés au taux horaire. Après cette rencontre somme toute civilisée, Le Littéraire a cru qu’il serait possible que les poursuites soient retirées. Il avait raison. Le Syndicaliste en doutait: il croyait que la Reine F. Première irait jusqu’au bout.

30  O C T O B R E  2002: après discussions entre les avocats, la Direction, la Fédération autonome du collégial et l’exécutif du syndicat, les parties signent enfin un RÈGLEMENT hors cour qui implique, d’une part, le retrait des poursuites du Directeur des études et de la Directrice générale et, d’autre part, le retrait des griefs, de la plainte au Tribunal du travail et de la menace de poursuites pour diffamation contre la Direction de la part des quatre membres de l’exécutif du syndicat. Les membres de la partie syndicale refusent de serrer la main de la directrice, de l’avocate de service et de l’avocat local.  La partie syndicale sable le champagne.  Mais le conflit n’est pas terminé car les warriors du syndicat restent des warriors et entreprennent la rédaction d’un document synthèse sur le conflit.

D O C U M E N T  31: lettre sur la visite de deux cadres dans une classe du Littéraire

Jeudi, le 7 novembre 2002
A la Directrice générale; au Directeur des études; à la Directrice des Ressources Humaines

Mercredi, le 9 octobre 2002, à 14h30, deux cadres ont interrompu mon cours de français (601-101, de 13h30 à 15h15) dans une classe de trente (30) élèves et m’ont invité à me rendre au bureau du Directeur des études. En présence de l’Ebéniste, le Directeur des études m’a dit que des commentaires lui avaient été faits sur mes cours qui étaient suffisamment graves pour justifier l’intervention dans mes classes cet après-midi aussi bien que le lendemain dans mes deux autres groupes de 601-101 que je devais rencontrer de 8h à 11h35. Il faut noter que je n’ai pas reçu d’avis préalable. Information prise, après une courte présentation justifiant leur démarche, les deux cadres féminines ont fait remplir un questionnaire à mes élèves pour une évaluation pouvant conduire à des mesures disciplinaires puisque, selon l’administration, la gravité de la plainte justifiait une intervention immédiate dans mes trois groupes. Avec l’aide de mes élèves, j’ai reconstitué assez vite le questionnaire; je sais donc de quoi il retourne. Cette histoire de plainte anonyme à propos d’une pétition que j’ai fait signer contre les bruits de construction qui ont nui à mon enseignement à plusieurs reprises cet automne a tout l’air d’un prétexte pour s’informer sur ma pédagogie ou sur mon attitude devant l’administration pour confirmer les allégations contenues dans votre lettre du 4 septembre 2002. De plus et surtout, le contexte des poursuites en Cour supérieure et de la plainte devant la Commissaire du Travail sème le doute quant aux buts réels poursuivis par la Direction.
Le droit de gérance existe mais est-ce qu’il justifiait une telle intervention? Je ne crois pas.
Le lendemain matin, jeudi, le 10 octobre, à 7h50, après une nuit blanche,  j’ai rencontré une de deux cadres pour lui demander à quelle heure elle passerait dans ma classe. Elle me dit que tout était annulé et qu’il fallait voir le Directeur des études qui me cherchait pour des explications. Dans son bureau, le Directeur m’a dit qu’il était arrivé à la conclusion que les accusations portées contre moi étaient sans fondement et qu’il regrettait de m’avoir dérangé et d’avoir dérangé mes élèves. Comme je voulais annuler la rencontre qui devait avoir lieu le vendredi à 16 heures à V., il insista pour me rencontrer quand même car nous avions à discuter de la demande syndicale que lui et la Directrice générale retirent leur poursuite en Cour supérieure.
Lors d’une rencontre au Centre de V., comme je demandais au Directeur une copie du questionnaire que mes élèves ont rempli, il m’a répondu que c’était dans l’intérêt de tout le monde d’oublier cet incident. Et il ajouta: Vous êtes un professeur compétent et dynamique. Vos élèves vous aiment. Ensuite, nous avons discuté pendant une heure du retrait de sa poursuite et de celle de la Directrice générale. Le Directeur des études envisageait de retirer sa poursuite, ce qui était une bonne nouvelle.
L’intervention de deux cadres dans ma classe n’est pas un fait anodin et est maintenant connue de tout le monde dans le collège et même au-delà. C’est la première fois dans l’histoire du cégep fondé en 1968 qu’un tel événement se produit. Ma réputation a été ternie. Conséquemment, je demande au Collège de réparer le tort qui m’a été fait et de rendre public auprès de tous le jugement positif que le Directeur des études a posé sur mon enseignement lors de la rencontre du 11 octobre à Varennes. Vous devez rendre public ce jugement favorable pour rétablir ma réputation comme enseignant et cela, le plus rapidement possible. Je crois que j’y ai droit. Il n’y a aucune raison pour que le dénouement de cette affaire reste confidentiel.
Je demande qu’une lettre signée par la Directrice générale qui est la principale responsable, par la Directrice des ressources humaines et le Directeur des études réaffirme que je suis un professeur compétent et dynamique qui jouit de l’estime de ses élèves; une lettre où vous reconnaissez que votre intervention a pu m’être préjudiciable. Je demande que cette lettre soit envoyée à tout le personnel et à tous mes élèves. Puisque vous êtes des spécialistes dans la protection de la réputation des personnes, je suis sûr que vous serez sensible à ma demande.
A cause du précédent que l’intervention du 9 octobre constitue, il n’est pas question d’oublier cet incident. Je vous prie d’agir avant le 15 novembre à défaut de quoi je verrai quelles seront les suites à donner. A cause du règlement hors-cour du 31 octobre et du protocole que nous venons de signer, je vous donne la chance d’agir avec équité à mon endroit. Je suis disponible pour une rencontre avec le Directeur des études pour en arriver à une lettre satisfaisante qui rétablira ma réputation.
Le Littéraire
témoin: l’Irlandais c.c. président du syndicat; coordonnateur de français

D O C U M E N T  32: lettre d'excuses du Directeur des études suite à la visite surprise de deux cadres féminines dans la classe du Littéraire. Le Directeur  fait l'éloge de l’enseignant au grand mécontentement de la Directrice générale qui se considère trahie.

Le 13 décembre 2002
M. le Littéraire
Monsieur,
La présente fait suite à votre lettre du 7 novembre dernier et à notre entretien du 28 novembre, en rapport avec la visite d’un de vos groupes d’étudiants le 9 octobre 2002.
Comme je vous l’ai mentionné le 9 octobre, cette rencontre de vos étudiantes et de vos étudiants visait à valider des commentaires qui nous avaient été rapportés et dont la nature, s’ils étaient confirmés, pouvait éventuellement conduire à des mesures disciplinaires. Reconnaissant que cette action allait déranger le déroulement normal de vos activités d’enseignement, je vous en ai alors présenté mes excuses et demandé votre collaboration, compte tenu du fait que je n’avais d’autre moyen de m’assurer que vous puissiez recevoir un traitement juste et équitable en rapport avec ces commentaires.
Fort heureusement, la rencontre du premier groupe d'étudiants nous a permis, de façon suffisamment explicite, de conclure que les dits commentaires n’étaient pas fondés. Aussi nous sommes-nous empressés d’annuler les rencontres qui étaient prévues auprès des autres groupes et de vous en aviser. Cette rencontre nous a par ailleurs permis de constater que vous jouissez de l’estime de vos étudiantes et de vos étudiants, qui ont notamment affirmé que vous êtes un enseignant compétent et dynamique, qui sait rendre l’apprentissage de la littérature intéressant.
Je vous remercie de la collaboration que vous avez démontrée à cette occasion et vous réitère une fois de plus mes excuses pour avoir dû déranger le déroulement normal de vos activités d’enseignement et pour les inconvénients que cela a pu vous causer.
Recevez, Monsieur, l’expression de mes sentiments les plus distingués.
Le Directeur des études (Christian M.)

Commentaire: Le Littéraire remercie le Directeur des études pour son honnêteté et sa droiture. On ne saura jamais quels commentaires avaient été rapportés et dont la nature, s’ils étaient confirmés, pouvait éventuellement conduire à des mesures disciplinaires.

décembre 2002: après avoir été vice-président à l’information, maintenant responsable de l’application de la convention collective et agent de griefs ( le Politique étant président du syndicat), après une lutte perdue pour qu’un jeune professeur de micro-édition et hypermédia ne soit pas congédié, le Littéraire s’oppose en vain aux refus de priorité envoyés à deux jeunes enseignantes, une en Soins infirmiers et l’autre en Chimie (sciences de la nature). Un refus de priorité est l’équivalent d’un congédiement. C’est l’administration qui prend la décision d’un refus de priorité, mais dans les trois cas précités, les enseignant(e)s des départements concernés, pour des raisons différentes, ont collaboré avec l’administration. L’exécutif du syndicat ayant défendu les jeunes enseignants (un homme et deux femmes) comme c’était son devoir de le faire, l'exécutif et le Littéraire en particulier, s’est rendu impopulaire auprès des membres des départements concernés et s’est même fait quelques ennemis. C’est ce que souhaitait la Directrice des ressources humaines. Poussé par ses amis de l’administration, Amable Beausapin décida de former une équipe syndicale comme le lui a suggéré Grandpied dans leur rencontre hebdomadaire à l’Université (brasserie ainsi nommée parce que les grands esprits et/ou les grandes gueules s’y réunissent). Il était assuré de l’appui des amis de la Directrice générale, profiteurs du double emploi qui ont refusé pendant trois ans de respecter les boycotts, des amateurs de refus de priorité et des partisans de la restructuration salariale. Ce serait suffisant pour assurer la victoire de cette nouvelle équipe syndicale comme prix de consolation pour la Directrice générale pratiquement forcée de prendre sa retraite.

4 février 2003: dans le contexte de l’équité salariale et d’une restructuration salariale (l’échelle unique) qui donne des augmentations salariales aux moins scolarisées, le Ministère veut augmenter la charge de 173 heures par année soit cinq heures par semaine comme au primaire et au secondaire. L’Assemblée générale, en opposition aux 173 heures, vote à l’unanimité le boycott de toutes les activités qui ne sont pas obligatoires en vertu de la convention collective.

25 février 2003: Le Huissier vol. 2, numéro 3. La vie syndicale après le retrait des poursuites en Cour supérieure.

Ce bulletin d’information est envoyé à tous les membres de notre collège, à tous les syndicats de la Fédération , aux directeurs généraux et aux directeurs des études de tous les cégeps. En résumé, nous disons qu’avant d’aller plus loin, il faut comprendre ce qui s’est réellement passé, de la mise en demeure du 31 janvier 2001 au règlement hors cour du 30 octobre 2002 qui a conduit au retrait des poursuites de 80,000 $ et 170,000 $. Le Huissier du 25 février contient la citation suivante des Essais, livre 3, chapitre VIII: L’obstination et une façon de débattre têtue et impérieuse pleine d’opiniâtreté est la plus sûre preuve d’incivilité et d’inimitié. Si elle se rabaisse à la conférence commune et qu’on lui présente autre chose qu’approbation et révérence, elle vous assomme de son autorité. Ce sera encore une fois, en partie, la faute à Montaigne si la Directrice générale voudra de nouveau nous poursuivre en Cour supérieure pour, selon elle, ne pas avoir respecté l’entente hors cour en continuant de l’attaquer. Nous avons expliqué que, selon nous, c’est son évaluation négative par les enseignants qui a joué un rôle capital dans sa décision de se servir des Tribunaux. Cette explication qui était plutôt vraie fut jugée par elle inacceptable. Nos commentaires sur le roulement du personnel cadre étaient aussi difficiles à avaler. Quant à l’incivilité, quelle insulte pour cette spécialiste des bonnes manières et du décorum! Et ne parlons pas d’inimitié, puisque cela a commencé dès 1997 par son attitude hostile devant le vice-président de la Fédération et devant le Littéraire. (Il est vrai que cette inimitié entre une membre de la clique libérale remontait à beaucoup plus loin.)

DOCUMENT 33: synthèse du conflit

Après l’entente hors cour, le 25 février 2003,  le Syndicat des enseignantes et des enseignants  a publié un numéro du Huissier qui faisait une synthèse du conflit et s’intitulait: La vie syndicale après le retrait des poursuites.

Ce n’est pas victoire, si elle ne met fin à la guerre. (Montaigne, 1, 47)

La vie syndicale après le retrait des poursuites en Cour supérieure

En signant un règlement hors cour le 30 octobre 2002 qui a conduit au retrait des poursuites de 80 000 $ et de 170 000 $ intentées par le Directeur des études et la Directrice générale contre les membres de l’Exécutif syndical, personnellement, pour diffamation et atteinte à la réputation, l’Exécutif du Syndicat a évité deux procès qui devaient débuter les deux semaines suivantes et qui, selon toute vraisemblance, se seraient éternisés durant de longs mois sinon quelques années. Mais avant d’aller plus loin, il faut comprendre ce qui s’est réellement passé.

Dire que tout aurait pu être réglé en 30 minutes...

Allons à l’essentiel. Le 31 janvier 2001, le Syndicat a reçu une mise en demeure de se rétracter et de s’excuser pour les propos utilisés pour dénoncer l’impéritie de la Direction des études dans la gestion d’un aspect du plan de réussite: l’examen de reprise et la double sanction. Or, on aurait pu régler cette question en trente minutes. Si le Directeur des études avait convoqué l’Exécutif pour se plaindre de nos propos tout en admettant qu’il avait fait une erreur (erreur qu’il a corrigée quelques mois plus tard) et nous avait proposé une déclaration conjointe dans ce sens, nous aurions accepté et le problème aurait été réglé. Cela aurait été la façon normale de procéder, c’est-à-dire la seule véritable façon de faire de vraies relations de travail où les torts ne sont pas toujours du côté syndical.

Pour éviter de faire face à la critique: des lettres d’avocats

Il faut alors se demander pourquoi la Direction a plutôt choisi de tenter de faire des relations de travail en nous envoyant une lettre d’avocat. La réponse est simple. Après avoir lu l’évaluation que l’Exécutif avait eu le mandat de faire du Directeur des études, évaluation où de nombreux reproches étaient imputés à la Directrice générale, cette dernière a voulu empêcher le Syndicat de l’évaluer librement. Habituée à s’auto-évaluer favorablement, elle a vu là ce qu’elle a interprété comme un danger pour elle-même et pour son image. La liberté d’expression et la liberté d’opinion syndicales lui apparaissaient alors et comme toujours, menaçantes. Or, le moyen que la Directrice générale a trouvé pour empêcher le Syndicat de s’exprimer librement a été de tenter de lui faire peur et de l’intimider en le menaçant de poursuites en Cour supérieure. (...)

Une première dans le monde des collèges: des officiers syndicaux poursuivis personnellement pour diffamation

C’est donc ce contexte de l’évaluation des hors-cadres (Directeur des études et Directrice générale) par les enseignants qui explique mais sans les justifier les poursuites en Cour supérieure. Le Conseil d’administration nous a demandé notre avis à propos du renouvellement de mandat du Directeur des études et le la Directrice générale et ces hors-cadres n’ont pas accepté la liberté de jugement et d’opinion des enseignants qui, dans les deux cas, se sont prononcés négativement. Ces évaluations critiques, les membres de l’Exécutif du syndicat ont été obligés d’en payer le prix personnellement par des poursuites au Civil. De plus, ce sont tous les enseignants qui, solidaires de leur Exécutif, ont dû endurer un climat de travail malsain.

Le roulement du personnel-cadre: une saine philosophie de gestion?

Même après le retrait des poursuites, le climat de travail est resté à ce point malsain que des membres de la Direction se cherchent un emploi ailleurs et que le Directeur des études vient d’en trouver un dans un autre collège où il s’en va, comme il l’a écrit dans sa lettre d’adieu, avec une grande joie. Ne peut-on pas et ne doit-on pas se poser des questions sur le fonctionnement d’une directrice générale qui a perdu une directrice des ressources humaines , trois adjoints au directeur des études, un directeur des études et dont le directeur des ressources financières, de l’international et de la formation continue, lui aussi, s’interroge sur son avenir ici? Comment expliquer ce roulement de personnel-cadre? Est-ce normal! Ne serait-il pas permis de croire que ce n’est pas seulement le Syndicat qui a de la difficulté à travailler avec la directrice générale? En y réfléchissant bien, un commencement d’explication se trouve sans doute, encore une fois, dans la sagesse de Montaigne:  L’obstination et une façon de débattre têtue et impérieuse pleine d’opiniâtreté est la plus sûre preuve d’incivilité et d’inimitié. Si elle se rabaisse à la conférence commune et qu’on lui présente autre chose qu’approbation et révérence, elle vous assomme de son autorité. ( Essais, Livre 3, chapitre VIII)

La facture

C’est dans ce contexte que la Direction n’a pas hésité à utiliser des fonds publics. Selon notre estimation environ 50,000 $ auront été gaspillés en frais d’avocat. Nous avons le mandat de passer par la Commission d’accès à l’information pour le savoir et quand nous le saurons nous le ferons savoir à nos membres et au grand public qui paie des taxes.

Les leçons de cette saga judiciaire

Nous pensons que le Syndicat a le droit et le devoir de critiquer les décisions des administrateurs et d’exprimer ses positions et opinions et ce, tant auprès des membres que publiquement.
Que cela soit bien clair: nous ne croyons pas que les propos qui nous ont été reprochés étaient diffamatoires et portaient atteinte à la réputation des personnes qui ont intenté des poursuites en Cour supérieure. (....)
Dans tout ce conflit, les hors-cadres ont refusé de faire une distinction entre leur fonction et leur personne. Selon nous, c’est une erreur grave.
Nous pensons que le recours aux tribunaux a été un abus de pouvoir et que les sommes d’argent dépensées par le Collège dans le cadre de ces poursuites en Cour supérieure auraient pu servir à répondre à des besoins essentiels de l’enseignement.

A la défense de nos libertés fondamentales

Nous continuons de croire que les énergies et les sommes investies par le Syndicat pour se protéger des attaques patronales l’ont été à juste titre pour la défense de nos libertés syndicales fondamentales.  (...) Nous avons démontré que le recours à la Cour supérieure ne relève pas d’une philosophie de gestion acceptable dans le milieu de l’éducation, pas plus que dans tout autre organisme public ou parapublic.

Nos boycotts: une stratégie peu coûteuse et extrêmement efficace et qui, surtout, fait très mal à la Direction générale

Nous sommes sûrs que c’est grâce à l’appui solide de nos membres si les poursuites ont été retirées.  Les boycotts se sont avérés une stratégie peu coûteuse mais très efficace. Ensemble, nous avons fait comprendre à nos administrateurs que sans l’implication et la participation bénévole des enseignants, un collège ne saurait être pleinement un Collège. Nous avons fait la preuve que la résistance pacifique est un moyen d’action syndicale efficace qui, à moyen et à long termes, nous permet de nous faire respecter. (...) (Fin)

Ce numéro du Huissier fut envoyé à  tous les membres du syndicat des enseignants; à l’Association générale des étudiants; aux  syndicats des professionnels et des employés de soutien; aux cadres; aux membres de la Direction du Collège et du Conseil d’administration à la Fédération et aux syndicats de la Fédération; aux  dg et aux dé des collèges de la Fédération

27 MARS 2003: en réplique au Huissier du 25 février, lors d’une réunion du Conseil d’administration, la résolution suivante est adoptée.

Document 34

Le Conseil d’administration:
- réitère sa confiance envers la direction du Collège;
- blâme la conduite des membres de l’exécutif du syndicat des enseignants;
- exige que les membres de l’exécutif du syndicat des enseignants respectent leurs engagements et cessent tout harcèlement envers la direction du collège et ses administrateurs;
- prenne les mesures nécessaires, incluant au besoin de nouvelles procédures judiciaires. afin de donner les suites à la présente résolution;
- transmette cette résolution à tous ceux qui ont reçu Le Huissier du 25 février 2003.

Comme nous en ont informés des membres du Conseil d’administration, la résolution originelle qui a été modifiée puis confisquée demandait que l’Exécutif du Collège prenne immédiatement, le plus vite possible puisqu’il y avait urgence d’agir, de nouvelles procédures judiciaires afin de donner suite à la présente résolution. A cause du Huissier du 25 février, la Directrice générale voulait donc nous poursuivre de nouveau. La preuve se trouve dans les considérants qui n’ont pas été modifiés tout le débat portant sur la décision de donner à l’Exécutif le mandat d’intenter immédiatement ou non de nouvelles poursuites judiciaires. La représentante du personnel de soutien, la Courageuse, s’est opposée fermement à la proposition d’intenter immédiatement des poursuites contre les auteurs du Huissier et contre l’idée même de nouvelles poursuites. Comme il fallait l’unanimité, le débat a eu lieu, long et pénible, des pressions indues étant faites sur la représentante du personnel de soutien qui, le soir même après la réunion du CA, étranglée par l’émotion,  était incapable d’en faire le récit suite au climat de terreur qu’elle venait de vivre. La Courageuse mérite son surnom, notre admiration et nos remerciements. C’est grâce à elle si Le Politique, Le Littéraire, l’Irlandais et l’Ebéniste n’ont pas été poursuivis  pour une troisième fois.

Voici les principaux considérants.

Considérant que l’exécutif du Syndicat des enseignants a diffusé le bulletin Le Huissier, daté du 25 février 2003, aux membres de la communauté collégiale ainsi qu’à tous les directeurs des études et directeurs généraux des collèges dont les syndicats sont affiliés à la Fédération;
Considérant que le contenu de ce bulletin est diffamatoire envers la direction du Collège et qu’il nuit considérablement au Collège et aux membres de son personnel; (...)
Considérant la mauvaise foi et l’intention manifeste des membres de l’exécutif du syndicat de ne pas respecter les engagements pris et diffusés publiquement dans le cadre du règlement hors cour déposé en Cour supérieure afin de réparer les torts causés aux membres de la direction du Collège;
Considérant le droit inaliénable de toute personne à sa dignité, à son honneur, à son intégrité et à sa réputation;
Considérant l’urgence d’agir afin que cesse cette conduite destructrice et inacceptable qui est hautement nuisible au Collège ainsi qu’aux membres de son personnel.

En lisant ces considérants, on reconnaît l’expertise de l’avocate directrice des ressources humaines dans le choix des mots devant conduire logiquement à une autre poursuite immédiate contre les quatre membres de l’exécutif du Syndicat. Selon elle, le contenu de ce bulletin syndical est diffamatoire; cette conduite est destructrice et inacceptable et hautement nuisible. Ces considérants démontrent hors de tout doute l’intention ferme d’intenter immédiatement une poursuite pour diffamation considérant l’urgence d’agir. Mais le Conseil d’administration principalement grâce au courage de la représentante du personnel de soutien en a jugé autrement et a modifié la résolution. Pour intenter de nouvelles poursuites judiciaires, il faudrait de nouveau passer devant l’ensemble des 14 personnes du Conseil d’administration: l’Exécutif de cinq personnes contrôlé par la Directrice générale ne pourra donc pas décider seul d’intenter des poursuites contre le Syndicat comme c’était sa ferme intention.

Ce qui avait été voté voulait dire ceci: si les membres de l’exécutif du syndicat respectent leurs engagements et cessent tout harcèlement envers la direction du collège, il n’y aura nul besoin de nouvelles procédures judiciaires. Tel est le sens de la résolution comme nous l’a expliqué au téléphone un professeur de génie mécanique (Michel D.) et représentant des enseignants. N’ayant pas obtenu ce qu’elle voulait, la Directrice générale considéra que le Conseil l’avait désavoué et même trahie.  Voyant que les quatre membres de l'exécutif du syndicat s’en tiraient à si bon compte, elle se sentit trahie comme elle s’était sentie trahie par le Directeur des études et elle commença à penser à la retraite et à sa prime de départ dans les six chiffres.

25 avril 2003: Le Huissier, vol. 2, numéro 5: Le Syndicat informe ses membres qu’il n’est pas d’accord avec de nombreux éléments de la résolution votée par le C.A. mais qu’il n’exercera pas son droit de réplique quant aux considérants et à la résolution du 27 mars. Nous exprimons notre volonté de contribuer à améliorer le climat de travail au nom de l’intérêt général , sans renoncer aux obligations, aux devoirs et aux droits que nous confèrent notre convention collective et notre solidarité avec les syndicats de la Fédération autonome du collégial. Avec diplomatie, voyant le danger, nous déclarons que, tout comme les membres du Conseil d’administration, nous souhaitons tourner la page.

D O C U M E N T  35:  Hommage à la Courageuse (Lise Latraverse) à l’occasion de sa retraite pour la remercier d'avoir empêché une troisième poursuite contre le Syndicat des enseignants suite à la publication du Huissier du 25 février 2003 intitulé: La vie syndicale après le retrait des poursuites en Cour supérieure.  Les péripéties de la réunion du Conseil d’administration  sont décrites dans le chapitre C’est la faute à Montaigne.

Une proposition a été votée à l’unanimité avec une abstention, celle de la Courageuse qui, en conscience, ne pouvait absolument pas voter pour une proposition qui ouvrait la porte à d’autres poursuites en Cour supérieure à même des fonds publics. Elle voulait voter contre mais les pressions furent si fortes et les arguments si insidieux qu’elle dut y renoncer à son corps défendant. Son abstention permettait de dire que la proposition avait été adoptée à l’unanimité selon la conception très particulière de la démocratie qui sévit à ce collège depuis mai 1997 soit depuis l’An I. Seule cette deuxième proposition qui excluait une poursuite immédiate enclenchée par l’Exécutif du Collège est apparue au procès-verbal et non la première pourtant dûment présentée et votée, ce qui est une irrégularité, c’est le moins qu’on puisse dire.
Le message sur la carte accompagnant le cadeau se lisait comme suit:
Chère Lise, grâce en bonne partie à tes interventions courageuses, les menaces de nouvelles poursuites judiciaires contre l’exécutif du syndicat des enseignants ont été rejetées par le Conseil d’administration du 27 mars 2003. Avec une conviction et un sens du bien commun remarquables, tu as lutté pour affirmer ta liberté de conscience et ta liberté d’expression et tu as contribué à faire échouer une troisième tentative d’utiliser les tribunaux à des fins antisyndicales.
Le 27 mars 2003, la modeste et digne employée a remporté la victoire contre l’élite locale. Pour ton engagement de presque trente ans, pour ton dévouement, ta droiture et ton intégrité, au nom de tous les enseignants, c’est avec une vive émotion que nous t’exprimons notre respect, notre admiration et notre reconnaissance.

Le Littéraire, au nom de l’exécutif du syndicat des enseignants, avril 2003.

mai 2003: formée par Amable Beausapin,  l’équipe que la Directrice appuyait est élue à l’exécutif du syndicat des enseignants. Le Syndicaliste est battu 43 à 36. Le taux de participation est exceptionnel:  80% des enseignants sont venus voter.   Amable triomphe: il est élu vice-président, responsable de l’application de la convention collective des enseignants lui qui connaît plutôt la convention collective du personnel de soutien. Mais quand on sait tout d’avance... Ces élections ont vu les habitués de l’Université (brasserie fréquentée chaque vendredi soir par les cerveaux de la région) prendre le pouvoir. C’est un prix de consolation qui arrive trop tard pour la Directrice générale qui s’est sentie trahie par le Conseil d’administration qui pendant sept ans mangeait dans sa main. Le pouvoir de Sa Majesté a été mortellement affaibli par le refus du Conseil d’administration du 27 mars 2003 de poursuivre  pour la troisième fois l'exécutif du syndicat des enseignants.
Cette nouvelle équipe syndicale  sera là deux ans jusqu’à ce qu’Amable Beausapin se retire après avoir été mis en disponibilité avec un salaire de 80% d’assuré. Comme quoi sa vocation syndicale n’était pas très profonde ni son programme de mobilisation des jeunes très sérieux. Cet objectif (laisser la place aux jeunes) n’avait été l’occasion que d’un exercice de rhétorique vide devant une assemblée générale médusée par son culot.  Il n’était pas question pour lui de faire du bénévolat.  Son passage du statut de personnel de soutien au statut d’enseignant malgré l’opposition légitime de l’Ingénieur a soulevé bien des questions.  Après un congé sans solde à l'hiver 2008,  Amable  a pris sa retraite. Qu’il continue de se reposer en méditant sur ses exploits dont le principal est d’être passé grâce à la complaisance de l’Administration (donnant-donnant)  de technicien à enseignant sans, à notre connaissance, avoir suivi de cours de perfectionnement, avec tous les avantages monétaires qui découlent de ce changement de statut.

mai 2003: départ pour la retraite de l’Avocate de service.  Rencontrée par hasard dans un restaurant non loin du collège, l’ex-directrice des ressources humaines, les lèvres pincées, les cheveux en bataille, l’air dépité comme d’habitude,  fit au Littéraire le coup du mauvais oeil. Il la regarda droit dans les yeux avec un léger sourire et demeura imperturbable. Le Ton n’était pas de bonne humeur encore une fois. Ce ne doit pas être drôle d’être constamment frustrée comme ça.
 18 mai 2004: sélection d’une nouvelle directrice générale; malgré une situation financière déficitaire, elle réussira à équilibrer le budget et à rétablir le climat de travail.

juin 2004; après une année d’affrontements sur l'augmentation de la tâche des enseignants de 5 heures par semaine rattachée à la restructuration salariale (les 173 heures) et sur les 15 orientations de la Fédération des cégeps sur la réforme des collèges, la Directrice générale prend sa retraite deux ans avant la fin de son mandat  et emporte avec elle sa prime (légale) de séparation (de 143,000$, dit-on) et son rêve de faire du collège  une sorte d’institution post-secondaire privée où on aurait pu remplacer un cours de formation générale obligatoire en français ou en philosophie par un cours en environnement obligatoire (pour rentabiliser un programme en manque d’élèves), où la convention collective aurait été négociée localement et où toutes les marges de manoeuvre imaginables auraient été données dans l’administration des budgets surtout celui réservé aux ressources à l’enseignement. Pendant cette dernière année, la grande majorité des enseignants ont continué les boycotts  pour s’opposer à l’augmentation de la tâche de cinq heures par semaine (les 173 heures) mais surtout pour s’opposer à la réforme des collèges du ministre apprenti-sorcier Pierre Reid qui, entre autres, aurait élargi le concept de formation générale pour y inclure des cours de sciences humaines ou même d’environnement tout en faisant passer les cours obligatoires de philosophie de trois à deux et de français de quatre à trois, ce qui pourrait arriver un jour prochain puisqu’on a déjà enlevé un cours d’éducation physique pour le remplacer par un cours d’anglais.


15 juin 2005 : ayant été enseignant pendant 40 ans, de 1965 à 2005, dont 36 ans au collège Germaine-Guèvremont, au moment qu’il a lui-même choisi, le Littéraire prend sa retraite et devient écrivain à temps plein. Il a été ému en entendant un choeur d’enfants chanter à la fin d’un épisode touchant de Virginie de Fabienne Larouche au moment où Jean-Claude Lauzon s’en va: Adieu monsieur le professeur; on ne vous oubliera jamais. Il espère avoir fait aimer la littérature française et québécoise,  la langue française. Il a essayé de donner le sens de l’humour, de la désinvolture, de la liberté et de l’engagement en faveur d’un Québec indépendant à quelques-uns des sept mille élèves que la Providence, le hasard ou la Fortune comme dirait Montaigne a placés sur sa route.



dixième cahier

la fin du règne de Françoise première sur la région

Voici le courriel que le Littéraire a reçu de l’Ingénieur, le 5 juin 2008:
Bonjour. Juste pour dire que le journal local nous informe cette semaine que le CLD (Centre local de développement) avait élu un nouveau président qui remplace Sa Majesté qui détenait ce poste depuis huit ans.  C’est la fin du règne de F. Première sur notre région.

Par ailleurs, Sa Majesté  fut  absente à la fête du 40è anniversaire de la fondation du collège à laquelle elle fut invitée par un téléphone personnel de l’actuelle directrice. Elle attendait de la visite ce jour-là. Le 3 septembre 2008, le collège publia un album de souvenirs qui fut lancé à l’occasion de cette Fête du 40è anniversaire du collège.  En quarante ans, trois  personnes ont occupé le poste de directeur ou de directrice générale. Devant environ cent vingt-cinq personnes réunies dans l’auditorium, alors que la mention des noms des deux autres directeurs fut applaudie chaleureusement, pendant la présentation d’un diaporama, la mention du nom de celle qui était absente et qui fut directrice générale de 1997 à 2004 fut accueillie par un grand silence: pas le moindre applaudissement ne fut entendu. 

Faisons une pause pour réfléchir à la signification politique de ce silence. 

Une voix accompagnant le diaporama a fait une transition entre le premier directeur général (29 ans) et la deuxième directrice générale (7 ans) en disant: Du cinéma muet à la guerre des étoiles qui voulait souligner les achats d’ordinateurs de la  directrice et la salle de vidéo-conférence qu’elle fit construire.  C’est la seule allusion au long conflit dont traite ce livre puisque l’album de souvenirs n’en parle pas. Et c’est sans doute une allusion involontaire et humoristique que d’appeler son règne la guerre des étoiles où le mot clef est guerre. Le silence accompagnant la mention de son nom est un signe de la fin du règne de Françoise Première sur la région.


nouvelles récentes

en 2008-2009

En mai 2008, au comité des relations du travail (CRT), la partie syndicale et la partie patronale ont signé une entente après plusieurs années de mésentente et ont sablé le champagne.  Avec un ajout de 125 étudiantes inscrites dans un nouveau programme d’éducation spécialisée et un minimum d’inscriptions dans des programmes de techniques, le collège atteint une clientèle acceptable. La fusion avec un autre collège est donc écartée. Comme plusieurs enseignants ont pris leur retraite ou ont quitté leur poste pour s’en aller dans un autre collège, ils n’y a plus de mises en disponibilité avec l’obligation de payer 80% du salaire quelle que soit la tache à accomplir.  Alors l’administration est contente, elle est bien vue par le Ministère et elle a sorti le champagne. C’est enfin la paix sociale. Le collège accueillera 924  élèves comparativement à 810 l’an dernier. Lors d’une entrevue au journal local en août 2008 la nouvelle directrice générale a fait la déclaration suivante:
Je suis très contente de constater qu’enfin, tous nos efforts investis pour attirer de nouveaux élèves commencent à vraiment porter fruits. Pour une quatrième année de suite, nous présentons un budget équilibré et le climat de travail est bon. Nous sommes bien en selle pour entreprendre une très belle année scolaire. La confiance règne entre la direction et le personnel.


en 2009-2010

Dans le journal local, édition du 18 août 2009, est paru l'article suivant:

Avec 1025 élèves inscrits

Le Cégep retrouve sa popularité

Pour la première fois depuis une dizaine d’années, plus de 1 000 élèves sont inscrits pour une session de cours au Cégep. Ils seront en fait 1 025 à faire leur rentrée en classe, le lundi 24 août.  C’est 143 élèves de plus qu’en 2008 alors que 882 élèves avaient choisi notre collège comme maison d’enseignement. Une situation qui plaît bien évidemment à la directrice générale du collège confiante depuis toujours en l’avenir du cégep.

«À mon arrivée au collège en 2004, il n’y avait que 780 élèves d’inscrits à la session Automne. Nous nous sommes relevés les manches et avons travaillé à redresser la situation en recrutant les élèves un à un. Nous voilà, pour la première fois depuis plusieurs années, au-dessus de la barre des 1,000 inscriptions. Cette année, nous compterons aussi 550 nouveaux admis par rapport à 492 l’an dernier. C’est une soixantaine de nouveaux admis de plus. C’est considérable. De plus, la création du nouveau programme en éducation spécialisée nous permet cet automne d’accueillir 200 élèves. Sans oublier la vingtaine de joueurs de hockey inscrits au programme du nouveau Club de hockey.  Il faut poursuivre avec la même vision et la même philosophie».

«Nous sommes en droit de s’attendre à connaître une belle année scolaire.  Plusieurs programmes connaissent de belles hausses de clientèle. C’est le cas pour bureautique avec 18 nouvelles admissions alors qu’il en compte habituellement sept ou huit, environnement-sécurité au travail (19) et arts et lettres (34).»


Et les crapauds chantent la liberté.  (Félix Leclerc)

J’entends les cris de l’engoulevent, j’observe son vol lointain dans le ciel d’un soir d’été, les lumières s’allument sur le parc Robin, il est temps de mettre fin aux jeux, balançoire et château de sable et de rentrer à la maison de mes grands-parents italiens, où le vin fermente dans deux gros barils, ma petite main droite serrée dans la douce main gauche de ma mère. J’ai quatre ans et je suis heureux. Je suis conscient du temps qui passe et un peu inquiet du cri rauque de l’engoulevent  dans le soir qui tombe. J’ai peur des poules en liberté chez mon cousin Marcel Trifiro qui joue de l’accordéon. En croquant une carotte, je regarde de la galerie du deuxième étage, sur la rue St-Catherine, la boule illuminée et fascinante sur le toit de la pharmacie Montréal qui tourne sans cesse. Antonio, mon grand-père piémontais, chapeau sur la tête, comme chaque jour, lit son journal et ça sent bon, ma grand-mère sicilienne Teresa Guastella fait sa sauce spaghetti avec des pourpettes.
                                                          
épilogue

En lisant Les Illusions perdues, roman d’Honoré de Balzac où abondent les portraits de personnages, il est venu deux idées à l’auteur qu’il croit opportun de partager avec le lecteur en guise d’épilogue. Notons ces deux définitions du petit Robert du mot épilogue: remarque exposant des faits postérieurs à l’action et destinée à en compléter le sens; dénouement (d’une affaire longue, embrouillée).

La première remarque est un retour sur une citation de Montaigne que nous avons choisie dans un moment de colère: la méthode de harcèlement de notre adversaire, est un vrai témoignage de l’humaine imbécilité, pour dire que ce que nous avons appelé avec une certaine grandiloquence de la pensée unique ou du fanatisme est peut-être, plus simplement, ce que Balzac appelait de la bêtise en décrivant une grande dame de province, madame de Bargeton qu’il qualifiait aussi ironiquement de reine et de souveraine. Quand il n’était pas d’accord avec le comportement provincial de madame de Bargeton, Balzac, exaspéré, parlait de sa bêtise. Il nous est arrivé de le penser à propos de notre adversaire. A l’époque où existait une aristocratie, entre hommes, un duel lavait une offense. De nos jours, quand on se croit victime d’une insulte ou qu’on se sent menacé dans sa fonction ou qu’on veut exercer une vengeance politique et qu’on est une grande dame qui fait partie de la hautepéteuterie de sa petite ville, on appelle son avocat surtout quand on sait qu’on n’aura pas à en assumer personnellement les frais. C’est une caractéristique d’une certaine classe sociale. Ce n’est pas brillant mais ce n’est pas nécessairement de la bêtise. Ça dépend du point de vue.  Balzac aurait dit de cette bourgeoise infatuée qu’en femme exagérée, elle exagérait la valeur de sa personne. Jane Austen aurait écrit qu’elle avait beaucoup d’admiration pour sa personne. Elle aurait dit aussi qu'en femme accomplie, rien ne devait lui résister. Dans Pride and Prejudice, Lady Catherine de Bourgh qui est aussi une dominatrice, subit la défaite: sa fille ne marie pas Mr. Darcy. 

Deuxième remarque de conséquence du point de vue des rapports entre les mots et la réalité. La distance dans l’espace et l’éloignement dans le temps nous ont donné cette étrange impression que le portrait que nous avons tracé de la directrice a créé un personnage fictif assez séduisant qui s’est exprimé dans des Confidences. Comment ne pas être séduit par une femme mûre qui reconnaît en partie ses torts et qui ne menace plus de nous poursuivre. Même si c’est un personnage fictif qui est certainement différent de l’original. Toutes les parties du livre mettent en scène des personnages que l’absence de noms propres a rendus presque fictifs (ce qui ne veut pas dire qu’ils ne nous parlent pas de la réalité) et dont le présent est si loin de ce passé pourtant récent qu’ils en sont devenus comme les acteurs d’une pantomime dont on cherche le sens dans la tristesse du souvenir de nos amis aujourd’hui disparus.

Vieux-Longueuil, décembre 2004 -vingt et un mars 2008

Le voyageur de Charlevoix ayant mis le point final à son livre, après 40 ans d’enseignement dont 36 au même collège et cinq ans de réflexion et d’écriture, s’est senti désinstitutionnalisé, c’est-à-dire, libre comme les prisonniers sortis de prison du film The Shawshank Redemption, libre du poids de certains éléments hostiles d'une région et libre d'aimer cette région à travers des amis contemporain(e)s et à travers l'affection qu'il porte au père Didace et aux deux romans qui n'en sont qu'un, si riches en humanité, de Germaine Guèvremont: Le Survenant et Marie-Didace.

post-face

Conversation entre l'Irlandais et le Littéraire

L'Irlandais Pierre G.: Elle a réagi  fortement ce soir-là au Conseil d'administration du 19 juin 2001.

Le Littéraire: Elle était énervée à cause de la proposition de me suspendre du Conseil. Quand  je l’ai  accusée  de ne pas avoir tenu une promesse d'acheter des ordinateurs pour Arts et Lettres,  elle a vu rouge. Le rouge, c’est  sa couleur préférée.  La fumée lui sortait par les oreilles.

G. Sans doute mais à froid, pour le procès, pourquoi ont-ils inventé des mots que tu n'as pas dits? Je sais ce que tu as dit, j'étais là le soir de la réunion. Mais tu as quand même fait une erreur.

L. Nous étions en guerre. Il s'agissait de prendre l'autre en défaut pour le traîner en Cour supérieure et au diable l’éthique. C’est au moment de cette fabrication que j’ai commencé à les haïr. C’était un mensonge pur et simple. Je n'ai jamais dit: Cette fois-là, vous étiez à jeun.

G.  Bien sûr, mais comment ça se fait que tu as dit: Et vous étiez à jeun! Comme  si cette promesse qu'elle avait faite à jeun était une promesse d'ivrogne.

L. les mots à jeun m'ont échappé. Une situation très émotive peut faire perdre le contrôle des paroles que l'on dit. C’est l’inconscient qui se met à parler.  C’est dangereux. C'est ce qui m'est arrivé. A ce moment-là, on retire les paroles et on s'excuse. C'est ce que j'ai fait. Je n'ai jamais pensé qu'elle traduirait mes propos par l'expression pourtant courante de promesse d'ivrogne. Jamais un instant. Non seulement j'ai perdu le contrôle de ce que je disais mais, en plus, j'ai perdu le contrôle de l'interprétation que l'on pouvait en donner.

G. Tu as  sans doute touché un point sensible car, comme disent les Anglais, "she overreacted".

L. J'ai eu une image qui me choquait: pendant que je parlais, je la voyais à l'accueil du personnel ou au party de Noël, le verre de vin à la main, tout sourire mielleux comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.  Cela a sorti tout seul. Ça m'a échappé. C'est très rare que des choses comme ça m'arrivent. J'ai été le premier surpris. C'était involontaire. Dans mes cours, il m'arrive souvent d'improviser mais ce sont des improvisations préparées depuis trente ans. Une femme qui fait beaucoup de social a l'habitude de lever le coude. Y a rien là. N'en faisons pas une maladie!  Moi aussi, j'aime bien lever le coude. La preuve, ce soir alors que nous faisons une dégustation de toutes les bières que nous aimons. Pas besoin de ton lourd collègue toujours de mauvaise humeur Alain R. pour organiser ça.

G. Ce soir-là de juin 2001, au Conseil, la tension était à couper au couteau.

L. De toutes façons, au royaume des tire-bouchons, est-ce que cela avait tellement d'importance? C'était un prétexte pour me planter. J'ai fait une erreur. Elle en a profité. Point à la ligne, comme dirait le professeur de physique Bernard L., dit Einstein. Il disait aussi: en sus et elle avait le gros orteil trop sensible. J'aimais bien Bernard, je m'en rends compte maintenant qu'il a pris sa retraite.   Il était trop sensible, soupe au lait qu'on disait. C'était un type brillant.

G. L'inconscient, c'est un terrain glissant. Tu n'es pas Freud ni Dostoievski.

L. Non et elle n'est pas Carson Mac Cullers ni Lady Catherine de Bourgh.

G. The Heart is a Lonely Hunter.

L. Le coeur est un chasseur solitaire. Ce qu'on pense d'elle, est-ce si important? Montaigne écrit: Je ne présume les vices qu'après les avoir vus.  Je n'ai rien vu. Et si j'avais vu quelque chose, je n'aurais pas joué avec ça. 

G. De toutes façons, comme le dit ta femme, tu es un auditif: tu ne vois jamais rien. L'humeur ambitieuse de la reine lui faisait trouver une grande douceur à régner. C'était drôle cette citation de Madame de Lafayette. Comme celle du singe qui monte dans l’arbre et qui montre son cul, une métaphore agressive contre le pouvoir et celles qui essaient de dominer les autres.

L. Après trente ans d'un régime terne, lors de son premier discours devant le personnel à l'automne 1997, il y avait une certaine lourdeur et beaucoup de scepticisme. La pâte ne levait pas malgré son éloquence, sa prestance, son chic, son élégance et son charme de femme mûre. Je te le dis, j'ai éprouvé un drôle de sentiment en la voyant se débattre contre l'apathie, l’indifférence: j'ai ressenti comme de la pitié, je ne trouve pas d'autre mot. J'ai failli courir à sa rescousse. Tu sais comme j'ai de la difficulté à rester passif dans une assemblée quelle qu'elle soit. Un peu plus et je lui disais publiquement: En mon nom personnel, je vous souhaite la bienvenue parmi nous  madame et je vous dis bonne chance! Mais, de quel droit aurais-je pu parler au nom de tout le monde. Et, après l'épisode choquant du rejet de notre ami le Syndicaliste, au poste de Directeur des ressources humaines, j'ai décidé de ne pas intervenir ni de l'appuyer. Je suis resté passif. Ce fut ensuite un engrenage.

G. Une femme accédait au pouvoir après trente ans de prudence et d'économies. Nous aurions pu être bien disposés à son égard et lui donner la chance au coureur.

L. En effet, nous étions prêts à le faire mais elle se comporta dès le début comme une adversaire. Car c’est toujours une aigreur tyrannique de ne pouvoir souffrir une forme diverse de la sienne. (Montaigne) Une fois, après un conseil d'administration, elle m'a invité avec d'autres membres du Conseil, à un goûter. J'ai refusé. J'aurais pu dire oui et faire la paix avec  elle. Mais j'ai refusé de fraterniser; j'ai préféré garder mes distances.

G. Faire la paix avec elle à la russe, comme dans Dostoievski. Le regrettes-tu? On dirait que oui.

L. Elle a choisi  l'affrontement. Le chant des sirènes ne nous a pas endormis. Nous avons résisté à celle que Baudelaire appelle, après Homère,  la Circé tyrannique aux dangereux parfums. J'avais des raisons politiques aussi.

G. Le regrettes-tu? Tu faiblis mon frère. Ressaisis-toi. Une Sluman dorée, une Labatt 50, une Stella d'Artois, une Corona, une Moretti, une Jubilator de Schultz, une bière de Boston, une Guinness, une Harp même partagées, avec des croustilles Lays, c'est assez de dégustations pour ce soir. Allons chez Four à bois Gimaro manger une bonne pizza pâte mince croustillante.

L. Nous avons refusé de nous laisser séduire. Les féministes de la Fédération syndicale avaient raison.  Admettons-le: nous sommes des machos et des misogynes. Surtout toi, l'Irlandais.

G. I'll drink to that, personne n'a jamais douté de ma virilité. J'ai arrêté de compter après 25. Une dernière demi-bière!

L. Tu te vantes!  As-tu vraiment fait le décompte et te souviens-tu au moins des prénoms?

Santé Philaminte! Nous aimons votre parfum Cèlimène. Vous auriez trouvé une grande douceur à régner. Et, majesté, nous aurions pu être vos hommes-lige. Dans tout rebelle, n’y a-t-il pas un soumis qui sommeille et qui veut la sainte paix. Nous aurons pu, un genoux à terre, déposer notre épée sur les cuisses de sa Majesté.

G. Qui a de  belles jambes! Tu es un peu gris toi l'homme fidèle. Es-tu saoul? Tu regrettes quoi au juste! Avions-nous le  choix. Nous avons préféré être des warriors.  C'était notre destin.

L. Préféré? Oublies-tu qu’elle t’a traité de cancer! Oublies-tu qu’elle a dit plusieurs fois que nous voulions détruire le collège! Que nous étions des mécréants. Nous n'avions pas le choix. On ne pouvait pas accepter la privatisation de la cafétéria ni le détournement de ressources réservées à l'enseignement. Tout ce qui est arrivé est de ta faute avec ton fameux tableau sur l'examen de reprise inaccessible. Et c'est toi qui as écrit dans le rapport d'évaluation du directeur des études: il faisait la belle devant sa souveraine.  Elle avait quand même de la prestance.

G. Tu veux parler de son apparence bourgeoise de femme mûre! 

L. Comme écrivait Montaigne: Il la faut juger par elle-même, non par ses atours.  Quand même, nous avons raté une belle occasion de fraterniser! Santé, l'Irlandais!

G. Le coup de foudre n'a pas eu lieu. Santé, le fin lettré!

L. Pourtant, nous n'avons qu'une vie à vivre... Vive Montaigne et Molière!  Vive la littérature!  A bas les bourgeoises prétentieuses, les arrivistes parvenues et leurs amis. A bas les tenants du statu quo.  La complaisance et l'autosatisfaction, c'est insupportable.

G. La bière fait son effet. Nous avons tenu tête. Et nous avons gagné. A bas la clique libérale.

L. La roue tourne comme disait Tchékhov; je suis sorti de la roue. Levons nos verres à la lutte que nous avons menée et au regret de ce qui aurait pu être.

G. Levons nos verres à l'amitié! Levons nos verres à la solidarité! Levons nos verres à la résilience.

L. Levons nos verres à nos deux amis disparus. A Lise Latraverse! O proud Death!

G. A Daniel Lussier!

L. Now cracks a noble heart. Good-night, sweet prince,
    And fligths of angels sing thee to thy rest!
   
    Voilà que se brise un noble coeur. Bonne nuit, aimable prince,
    Et que des vols d’anges bercent par leurs chants ton sommeil. (Hamlet)

G. The rest is silence.

L.  Et le reste est silence.    

( 31 mars 2008)


onzième cahier

Appendice

Lettres de réactions et répliques du Littéraire (ceci est de la fiction)

J’ai envoyé mon manuscrit en Word et en TextEdit par courriel à différentes personnes impliquées dans le conflit pour connaître leur opinion.  Voici leurs réactions et mes réponses.
Lettre de l’ex-directrice
Monsieur l’écrivain et ex-professeur de littérature
J’ai reçu votre manuscrit sous forme électronique que j’ai lu avec attention.  En général, vous me traitez avec délicatesse malgré quelques crispations. J’en conclus que les poursuites et  la retraite ont produit chez vous le meilleur effet et je m’en félicite. On voit que le temps vous a mûri. A l’époque de notre guérilla, vous étiez plus coriace et moins équilibré en un mot, plus adolescent. Le portrait de moi que vous tracez en me faisant écrire des Confidences est assez réussi et je pourrais en être flattée. En me (vous) lisant, on comprendra mes motivations et certains pourraient même en venir à me donner raison. Il est vrai que j'ai compris: Promesse d'ivrogne quand j'ai entendu l'expression à jeun. J'admets qu'il est possible que vous n'ayez jamais dit: Cette fois-là vous étiez à jeun.
Si j’avais à me plaindre, je vous reprocherais une insinuation sur ma possible bêtise qui me rapprocherait de Madame de Bargeton, un personnage créé par Balzac. Vous avez toujours eu une façon d'insulter par insinuation et références littéraires qui est fort déplaisante.  M'a aussi beaucoup déplu  la signification politique que vous avez décelée derrière l’absence d’applaudissements lors de la mention de mon nom lors de la fête du 40è anniversaire du collège. Ce silence exprime selon moi une certaine déception du fait que je n’étais pas présente. Mes nombreux amis qui étaient sur place ne m’ont certes pas reniée à cette occasion. Penser autrement est absurde. Si j'avais été là, j'aurais été applaudie. Venant d’une personne qui a évité systématiquement de participer à ce genre d’événements et qui m'a toujours reproché ma prétendue mondanité,  ce commentaire frôle l’indécence.
Je vous sais gré d’avoir rétabli la vérité par rapport à tout ce qui touche la monumentale indélicatesse qui a rendu célèbre votre passage au conseil d’administration de notre collège.  Ma réputation s’en trouve rétablie et restaurée. Mais pas nécessairement la vôtre malgré tout le mal que vous vous donnez pour passer pour un enfant de choeur persécuté. Je n’ai jamais nié vos qualités de professeur quand vous vous donniez la peine d’enseigner car, on le sait, les luttes syndicales ou politiques et vos études de doctorat ainsi que le voyagement de 150km chaque jour de cours pendant 36 ans ont pris beaucoup de votre énergie. Vous le savez mieux que moi, votre carrière d’enseignant a eu des hauts et des bas. La réforme de l’enseignement du français vous a imposé une discipline dont vous aviez bien besoin.  Votre cours d’analyse littéraire a été apprécié pendant plus de dix ans: faire aimer des poèmes de François Villon; faire comprendre la Princesse de Clèves et le Misanthrope, initier à la lecture des Essais de Montaigne; faire pleurer des jeunes à la lecture de La dernière confession du père Didace et du Testament politique de De Lorimier, c'est digne d'éloges.  Tout en se payant la tête des membres de l’administration.
Vous le savez, j’aime Montaigne et ce n’est pas par snobisme que je l’affirme. On peut  être professeur de chimie et aimer la grande littérature et l’heure de s’enivrer (de poésie) de Baudelaire. L’usage que vous faites des citations de Montaigne m’a épaté même si la plupart d’entre elles servent à me dénigrer. C’est viscéral chez vous: comme Chateaubriand, une blessure une fois subie, vous ne pardonnez jamais à celle qui en est la cause.
Quant à vos prétentions sur des abus de pouvoir ou du harcèlement que vous auriez subis, je laisse au lecteur le soin de juger si une administration qui se fait traiter publiquement d’incompétente et de manquer de jugement a le droit de se défendre. J'avoue que vous avez semé le doute dans mon esprit à propos de la fameuse phrase qui vous incriminait. Votre démonstration est convaincante et difficile à contourner. Votre femme qui aime lire des romans policiers doit être fière de vous, même si j'ai entendu dire qu'elle est tannée d'entendre parler de moi. Attention au ménage à trois. 
Nous étions en guerre, vous avez raison de le dire. C'est vrai que c'est moi qui ai commencé. Je savais que vous seriez contre moi alors je suis dès le début passée à l'attaque. Il y a vraiment eu une plainte contre vous et je n'étais pas obligée d'engager le Syndicaliste.  De cette guerre, je reconnais que votre essai rend compte avec une relative honnêteté d’où il se dégage que ce fut pratiquement un match nul où personne n’a pu vraiment crier victoire. Vous avez quand même été battus aux élections syndicales et votre défaite a aussi une signification même si vous vous évertuez à en minimiser la portée.
Malgré la somatisation de vos anxiétés, en écrivant ce livre, vous vous êtes bien amusé, semble-t-il. Serez-vous surpris si je vous dis que vous avez droit au bonheur et les membres de votre famille aussi. Il y a en moi une capacité de générosité qui s’exprime en ce moment comme il y avait, en moi, une capacité de dominer que vous saviez si bien contrarier.  En ce mois d’août où l’été vient d’arriver, je vous souhaite une retraite enfin allégée de tous ces conflits qui relèvent du passé. Je vous invite à perdre du poids, à faire du sport, à voyager, à partager l’amitié de vos proches,  et à continuer à participer au site Vigile.net où j’ai eu l’occasion sinon le plaisir de lire vos analyses politiques qui sont, en général, toujours aussi loin de mes opinions. J’admets que vous écrivez bien.  Récemment, vous avez eu le bon jugement de ne pas m’attaquer à propos des Fiers car, comme présidente du Fier de ma région, je suis irréprochable. A moins que vous vous mettiez  à attaquer le capitalisme comme tel et les politiques de développement régional du gouvernement Charest.
Maintenant que vous avez vidé votre sac à malices à propos de vos sept dernières années d’enseignement et de syndicalisme et à propos des traumatismes que vous auriez vécus entre mon arrivée au collège et ma démission, ne pensez-vous pas que ce serait une bonne idée de passer à autre chose. J’espère que votre prostate s’assouplit, je le dis sans être sarcastique comme les deux infirmières que vous citez. A propos des petites madame, vous êtes de mauvaise foi d'autant plus que rien ne prouve que ces sept employées auraient perdu leur emploi par la privatisation. Mais oublions ces broutilles.
Je ne vous remercie pas de tenter de me rendre célèbre. Je n’en ai pas besoin.
Quand allez-vous cesser de vous distancer de notre classe sociale par fidélité mal comprise à votre enfance et à votre jeunesse vécue dans le bas de la ville à Montréal où vous n’avez manqué de rien malgré votre relative pauvreté?  Avec votre Honda Accord flambant neuve, votre femme propriétaire de votre maison, votre absence de dettes, vos investissements et votre pension respectable, vos quatre enfants qui ont des emplois bien payés,  qu’est-ce qui vous différencie de nous? Vous me direz que tout ce que vous avez est mérité. Sans doute. Vous êtes, comme nous, un petit-bourgeois sinon un bourgeois.  Cessez donc vos allusions malveillantes à la BMW de mon amie l’avocate qui s’épanouit dans sa belle maison le long du Richelieu. C’est de la coquetterie de votre part. A moins que vous ne soyez devenu membre de Québec Solidaire comme l’Ingénieur. Mais ça ne changerait rien à votre situation de privilégié. Avec Québec solidaire, vous seriez politiquement dans une situation aussi désespérée que la candidate des libéraux fédéraux de notre comté qui a toujours été prête à tout pour se faire voir et être en vedette.
Vous auriez dû accepter mon invitation après un Conseil d’administration à partager un goûter accompagné d’un verre de bon vin. Votre refus de fraterniser avec moi alors que tout était possible est votre plus grande erreur. L’admettez-vous en ce moment? Aviez-vous peur de moi? Malgré nos différences, n’auriez-vous pas préféré qu’on soit amis? N’est-ce pas ce qu’à mots couverts laisse entendre votre dialogue avec l’Irlandais que j’en profite pour saluer! De la haine à l'amitié, le chemin n'est pas si long! N'avez-vous pas une certaine admiration pour moi qui ai eu le courage de vous combattre!  Hélas,  je ne corresponds pas à votre type de femme. Je n'ai malheureusement pas ces qualités que les hommes recherchent souvent chez les femmes, la douceur, la générosité, l'humour.  Vous pensez que je n'ai pas le sens de l'humour. Vous vous trompez.  Je suis une panthère.
Toujours, avec dignité, honneur et vaillance,
Soyez sage! A votre santé!
L'ex-directrice retraitée,
Ste-Anne-de-Sorel, jeudi, le 8 octobre 2009

Réplique du Littéraire
Majesté,
Je vois que votre volonté de séduire reste intacte. Vous me semblez en grande forme ce qui veut dire que la lutte qui nous a  occupés pendant sept ans n'a  eu sur vous aucune espèce d'influence  permanente fâcheuse comme vous vous étiez préparée à le faire croire au juge si le procès avait eu lieu.   Et votre réputation n'a pas du tout été entachée par les propos que j'aurais tenus et que vous avez en partie inventés. Vous aussi vous avez du talent pour la fiction. J'espère que vous pouvez prendre un verre de vin sans être traumatisée. Sur la signification politique du silence à la mention de votre nom lors du 40è anniversaire du collège, mes amis qui étaient présents sont formels. Ce n'est pas pour rien que vous avez préféré être absente. Vous avez senti le danger. Peut-être a-t-on tort, mais on ne semble pas apprécier votre oeuvre tant que ça et vous êtes très loin de faire l'unanimité, cette unanimité que vous avez cherché en vain pendant sept ans de la part des membres du Conseil d'administration.
Moi aussi je vous souhaite d’être heureuse ainsi que vos proches même si je dois faire un effort pour formuler ce souhait. Vous avez  raison de puiser dans le fond de générosité qui existe en chacun de nous et qui aspire à s’exprimer.
Je ne ferai jamais partie de ce que les bleuets appellent la hautepéteuterie d’aucune ville. Ce serait contre ma nature. Ne comptez pas sur moi pour me considérer comme un parvenu satisfait de l'ordre établi.  Je ne suis pas un bourgeois et je ne le serai jamais. Je viens d'un quartier populaire de la ville de Montréal et j'en suis fier. Il ne faut pas confondre bourgeoisie et réussite. Ma réussite ne fait pas de moi un bourgeois. Encore une fois, vos idées sont confuses: vous mêlez tout pour avoir le dernier mot. Votre monde n'est pas le mien. Vous êtes trop satisfaite de ce que vous êtes et de la société dans laquelle vous vivez. Je ne peux absolument accepter cette  complaisance et cette déplorable autosatisfaction.
Merci de vos bons voeux que je crois sincères puisqu’ils sont désintéressés.
A notre santé! 
Malgré vos gros  défauts, vous êtes quand même une femme fascinante. Tenez-vous toujours autant au décorum? Par curiosité, je suis allé voir le mot panthère dans le dictionnaire Robert. Au sens figuré, une panthère est une femme emportée, violente. Paul Léautaud, que je vous recommande, appelait sa maîtresse: la panthère. Il écrivait aussi dans son journal: le fléau.  C'est ainsi que je vous appelle quand je parle de vous. Oui, ça m'arrive encore de parler de vous. Ma femme m'apostrophe parfois en me disant que je suis une vraie plaie d'Egypte. Vous, vous êtes le fléau. Pour toujours.
Le Littéraire, Longueuil, mardi, le 13 octobre 2009, lundi, le 8 mars 2010.

Lettre de l’avocat local
Monsieur, j’accuse réception de votre oeuvre.  De ma maison des Cantons de l’Est, que j’ai fait construire en partie avec les émoluments provenant de votre affaire, je vous réponds que je ne vous lirai pas. Après avoir traité une affaire, je passe à la suivante.  J’ai depuis longtemps perdu le goût des actes gratuits. De plus, je connais la mauvaise opinion que vous avez de moi et je ne suis pas masochiste.  J'ai été l'avocat de votre adversaire et je n'avais pas de cadeau à vous faire.
Comme, lors de l’entente hors cour, vous avez refusé de me serrer la main car vous vous  croyiez en possession exclusive du désintéressement et de la vérité, je ne vous présente  pas de salutations. Je regrette seulement de ne pas avoir insisté pour inscrire une clause de confidentialité dans l’entente que nous avons signée et que vous n’avez pas respectée en continuant votre harcèlement contre la directrice.
J’aurais bien aimé qu’il y ait un procès devant un juge. Je suis certain que vous auriez eu la leçon de votre vie. Je vous aurais fait payer très cher votre insolence et votre arrogance.
Je vous aurais donné de bonnes raisons de jouer à la victime. C'est mon seul regret. Je n'ai pour vous aucune considération. Vous vous en êtes tiré à bon compte. J'espère que vous en êtes conscient.
L’avocat dit local.
Au Carré royal, le 10 août 2009

Réplique du Littéraire
Monsieur l’Eloquent
Toujours aussi belliqueux. Pourquoi le prendre aussi personnel! Demandez à vos ex-comparses et toujours amies de vous indiquer les passages qui vous concernent dans mon oeuvre, comme vous le dites avec ironie. Vous aurez la leçon de votre vie car je ne vous épargne pas. On se souvient de vos injures et de vos vomissements. Ayez un peu de respect pour l’humble travailleur de la plume  et l'humble enseignant que je suis.
Vous êtes un être que je  trouve fondamentalement antipathique. Je comprends votre déception de ne pas avoir eu l’occasion, devant un juge complaisant, de montrer votre mauvaise foi et votre capacité infinie de démagogie.  
Comme exercice de style, j’ai imaginé le procès dont vous rêviez mais qui n’a pas eu lieu. Vous en dites des vertes et des pas mûres et vous gagnez. Dans mon cauchemar, je paie vos frais fort élevés (100,00 $ et des amendes de 80,000 $ et 170,000 $  pour diffamation et atteinte à la réputation.  
Dommage pour vous que vous n’ayez pas eu l’occasion de montrer vos immenses talents comme quand vous avez conçu le cette fois-là incriminant mais malheureusement faux. Avez-vous digéré notre refus de votre demande de deux fois 10,000 $ pour fermer les deux dossiers que vous n’aviez pas réussi à relier? Je vois encore le juge qui vous regarde  avec condescendance devant votre tentative de ne faire qu'une seule poursuite sur mon dos pour que je passe pour le Diffamateur patenté. Je revois  le retrait piteux de votre demande de fusion des deux causes pour éviter un  refus officiel du juge et son inscription dans le dossier. J'espère qu'aujourd'hui, vous vous amusez en pensant à cette demande complètement farfelue qui démontrait toutefois hors de tout doute raisonnable qui était l'ennemi que vous visiez par dessus tout et en tout temps au nom de vos clientes belliqueuses dont vous avez été le complice consentant et bien payé.
Je n'ai pour vous aucune espèce d'estime et c'est pourquoi, je persiste à ne pas vous serrer la main.
Vieux-Longueuil, le 10 août 2009

Lettre de l’Adjointe au directeur des études
Mon cher Robert
Si tu savais comme je suis loin de tout ce bruit. Tu présentes ta version des choses. A cause de votre action, j’ai perdu le poste de directrice des études que mes qualités m’auraient mérité. C’est un des dommages collatéraux de la guerre que vous avez menée.
Si tu savais le nombre de plaintes que j’ai reçues contre  toi, tu te trouverais chanceux que je ne sois pas intervenue plus souvent. Tu savais te défendre et te servir habilement du syndicat. Mais, dans le fond, tu es incapable de respecter l’autorité. Et s'il y a quelqu'un qui sait qu'il n'était pas sans reproches, c'est bien toi. Il t'est arrivé d'en prendre pas mal large avec tes obligations d'enseignant.
Tu es une des causes du fait que j’ai quitté le collège pour aller exercer des fonctions de cadre ailleurs. Je me souviens pour en rire d’une réunion du Comité des relations du travail où tes sourcils relevés m’ont fait te comparer au diable avec ses cornes. Oui, pour moi, tu as été pire que le diable.
Pour des raisons politiques, tu as choisi d’être un adversaire redoutable au lieu d’un collaborateur fiable. Je n’ai jamais vu quelqu’un aimer autant la chicane. Tu aurais dû aller plus souvent frapper des balles de golf au lieu de passer tes frustrations sur notre dos.
Ne serais-tu pas un peu misogyne.
L'ex-Adjointe retraitée
Greenfield Park, le 10 août 2009

Réplique du Littéraire
Ma chère Louise,
Si tu t’étais présentée au comité de sélection, tu aurais probablement été choisie directrice des études. Mais tu as projeté sur nous ton hostilité  et tu as mal interprété notre opposition à ce que tu sois nommée directement par la Directrice générale sans passer par un comité de sélection. Tu as cru que nous étions contre toi à cause de ton espionnage et de ta tentative ratée de passer un questionnaire d'évaluation. C’est un de ces malentendus qui surviennent dans des situations de conflit. Si tu avais été directrice des études, il n’y aurait pas eu de poursuites. Nous aurions continué de n’être pas d’accord sur certains dossiers comme la privatisation de la cafétéria par exemple mais sans drame.
Ne penses-tu pas que tu exagères un peu avec tes histoires de plaintes! On peut ne pas être libéral sans se faire accuser d’être le diable en personne. En me levant le matin, en me regardant dans le miroir et en voyant mes sourcils relevés, je ne peux m’empêcher de penser à toi et à ce fameux CRT: je me débarrasse vite de mes cornes avec de l’eau froide.
Tu m’as espionné. Tu as posé des gestes de harcèlement. Tu as obéi avec zèle à la directrice générale et tu as posé des gestes non éthiques. Et, admets-le, tu étais motivée politiquement. Libérale un jour, libérale toujours.
Ton message aux élèves en début d’année était du niveau de la cinquième année du primaire. Tu te souviens de ton cahier d’écolier? Au fond, tu n’aurais jamais dû quitter le département de Soins infirmiers où tu étais à ta place. Le principe de Peter, tu connais? D’ailleurs, je l’ai dit et écrit: la plupart des cadres du collège auraient eu besoin d’un stage de formation en gestion à l’Ecole des Hautes Etudes commerciales. Et quand j'entends parler des erreurs de l'actuel directeur des ressources humaines, je me dis que cette remarque est toujours pertinente.
Je n’oublierai jamais ce ton autoritaire et méprisant de boss que je t’ai vu prendre à l’égard d’un employé de soutien qui travaillait comme magasinier au gymnase à propos de son horaire. Je t’ai alors vue telle que tu étais et je n’ai pas aimé ce que j’ai vu.
Le Littéraire, le 10 août 2009

L’Avocate de service, ex-directrice des ressources humaines, madame béèmdoublevé
Monsieur
L’amabilité que vous avez eue de m’affubler du surnom de pète-sec m’autorise à vous dire que vous êtes l’homme le plus désagréable que j’ai rencontré de toute ma vie.
Quand je n’aurai rien à faire, je jetterai un coup d’oeil sur vos élucubrations mais, pour le moment, je ne vous permettrai pas de venir  troubler mon repos à la fin d’un été suffisamment décevant.
Dans le conflit qui semble vous obséder, j’ai joué consciencieusement mon rôle d’avocate et je suis très contente de vous avoir fait passer quelques mauvais quart d’heures dans l’espoir d’obtenir de vous un peu de respect sinon de considération.
Je ne vous ferai pas le plaisir de vous dire que je vous déteste ainsi que vos pareils du syndicat qui avez tout fait pour me rendre difficile l’exercice de ma fonction. Vous aurez réussi le tour de force de rendre antipathique pour moi de nombreux écrivains dont vous vous êtes servis pour nous faire choquer.
Je suis fière d’être restée fidèle jusqu’au bout aux engagements que j’avais pris en acceptant le poste de directrice du personnel devant un syndicat des enseignants systématiquement hostile et malfaisant. La Directrice générale mérite toute mon admiration pour sa ténacité, sa compétence, son bon jugement, sa générosité et ses réalisations que vous avez toujours été trop mesquin pour  reconnaître.
Je n’en dirais pas autant de vous qui, pendant sept ans,  n’avez rien fait de constructif.
le 10  août 2009

Réplique du Littéraire
Madame
Vous avez parfois manqué de droiture. Vous avez été parfois exécrable. Vous avez été engagée comme avocate afin de poursuivre le syndicat des enseignants. C’est ce que vous avez fait. Vos amis vous ont félicité pour votre beau travail.
Moi, je ne vous  félicite pas.  Vous avez déshonoré la profession d'avocate mettant  vos (relatives) compétences au service d'une mauvaise cause.  Vous devriez avoir honte.
le 10 août 2009

Le Président du Conseil d’administration  dit le Chasseur
Mon cher Littéraire,
J’ai bien reçu  ton  manuscrit. Je l’ai parcouru en cherchant les passages où tu parlais de moi. Je me souviens d’une lettre où je terminais en écrivant: Sachez que je déplore cette  situation.
Après toutes ces années, cela exprime bien ma position. Comme je n’éprouvais aucune hostilité particulière à ton endroit, sache que vos actions dites syndicales m’ont singulièrement compliqué la vie comme président du Conseil d’administration.
J’apprécie votre humour quand vous parlez du chasseur qui aurait pu aller tirer sur le chevreuil qui se promenait librement dans les rues de LaSalle.  Mais me déranger pendant mes vacances de chasse dans la région de Lanaudière, c’était du plus mauvais goût.
Maintenant que tu as fini d’écrire sur notre conflit, prends-en une bonne à ma santé. J’ai bien apprécié les extraits sur la vie à Ste-Anne-de-Sorel dans l’ancien temps.
Salutations amicales,
le Chasseur, 10 août  2009

Réplique du Littéraire
Monsieur le Chasseur
Désolé d’avoir alourdi votre tâche de président du Conseil d’administration. Je vous souhaite de nombreux et fructueux  voyages de chasse non perturbés dans Lanaudière.  Merci pour le rôle pacificateur que vous avez joué. Et bonne chance dans vos affaires.
le 10 août 2009

Le Directeur des études dit l’ex-Soumis
Cher ami,
J’ai lu votre livre avec le plus vif intérêt. La description que vous faites de mon rôle et de son évolution est remarquablement juste et je vous en remercie.
La description  que vous avez imaginée du débat qui  aurait eu lieu sur la nécessité de retirer les poursuites est  criante de vérité et démontre que, si vous vous en donniez la peine, vous pourriez vous lancer dans la fiction.
J’ai apprécié toutes les considérations théoriques sur la démocratie, la liberté de parole, les poursuites-baïllons,  la solidarité et un sain exercice de l’autorité. Vos citations sont toujours appropriées et pertinentes.  Ce Montaigne, quel écrivain et quel penseur! J’ai commencé à lire la biographie de Lacouture: Montaigne à cheval. Quelle merveilleuse lecture de vacances.
J’ai beaucoup appris de mon passage au collège et ça me sert à bien exercer mes fonctions de directeur général dans un autre collège plus gros.
J’ai constaté qu'il n'y a  aucune rancune  de votre part  à mon endroit. Le contraire m’aurait fait de la peine.
Mes salutations les meilleures
Trois-Rivières, le 10 août 2009
Réplique du Littéraire
Cher hors-cadre
Votre lettre m’a fait plaisir. Je sais que vous avez vécu des moments difficiles devant l'autoritarisme et les stratégies belliqueuses de votre supérieure. Je vous serre la main. J'espère que vous éprouvez des satisfactions dans l'exercice de vos fonctions de directeur général.
le 10 août 2009


Changez tout   (chanson de Michel Jonasz)  (sur Youtube)
Je veux aller où l'air est plus doux,
Où la colombe vole en-dessous
Où le printemps entre un jour comme un fou
Vous saisit au revers
Au détour d'un chemin vert
Et vous dit : "ça va pas comme ça.

Changez tout, changez tout
Vot'monde ne tient pas debout
Changez tout, changez tout, changez tout".

Je veux aller dans l'après-midi
D'un jour où rien n'est interdit,
Où le bonheur, sans faire de comédie
Vous salue sans manières
Et vous parle à coeur ouvert
Et vous dit "qu'est-c'que t'as bien fait
D'changer tout, changer tout.
Pour une vie qui vaille le coup,
Changez tout, changez tout, changez tout".


Et les crapauds chantent la liberté.  (Félix Leclerc)

J’entends les cris de l’engoulevent, j’observe son vol lointain dans le ciel d’un soir d’été, les lumières s’allument sur le parc Robin, il est temps de mettre fin aux jeux, balançoire et château de sable et de rentrer à la maison de mes grands-parents italiens, où le vin fermente dans deux gros barils, ma petite main droite serrée dans la douce main gauche de ma mère. J’ai quatre ans et je suis heureux. Je suis conscient du temps qui passe et un peu inquiet du cri rauque de l’engoulevent  dans le soir qui tombe. J’ai peur des poules en liberté chez mon cousin Marcel Trifiro qui joue de l’accordéon. En croquant une carotte, je regarde de la galerie du deuxième étage, sur la rue St-Catherine, la boule illuminée et fascinante sur le toit de la pharmacie Montréal qui tourne sans cesse. Antonio, mon grand-père piémontais, chapeau sur la tête, comme chaque jour, lit son journal et ça sent bon, ma grand-mère sicilienne Teresa Guastella fait sa sauce spaghetti avec des pourpettes.
                                                   
Critique parue dans le journal local


Enfin disponible sur internet: la gibelotte et autres essais de Robert B.-G.


Au moment de prendre sa retraite en juin 2005, l'auteur m'avait informée qu'il avait commencé d'écrire un livre sur la saga judiciaire qu'il avait vécue et, en général, sur les sept années de pouvoir de l'actuelle présidente du Fier de notre région. Cinq ans plus tard vient de paraître sous forme électronique le fameux livre que nous attendions mais que nous n'espérions plus. Une rumeur avait circulé disant que les risques de poursuites étaient si grands, si l'histoire était racontée de manière partisane et virulente, que l'enseignant à la retraite risquerait de perdre sa tranquillité durement acquise après trente-six ans à notre collège. Nombre de ses amis y compris nous-même l'avions averti de ce danger au risque de le voir renoncer à son projet.

Or, à notre grande surprise, l'auteur a écrit un ouvrage équilibré où les deux points de vue,  celui de l'ex-directrice et celui du syndicat, sont expliqués honnêtement. Outre sa qualité d'écriture (l'auteur en est à son sixième livre et a écrit plus de 200 textes politiques publiés sur le site Vigile.net en Tribune libre), ce qui frappe le lecteur qui connaît les frustrations de l'auteur et son agressivité, c'est le contrôle qu'il a exercé sur lui-même  afin d'éviter les diatribes vengeresses ou les excès de langage qui sont les tentations normales du polémiste qui est victime de coups bas et de mesquineries. Il s'est rappelé ce que disait Talleyrand: Tout ce qui est excessif est sans portée.

L'auteur a donné la parole à son adversaire dans un des chapitres les plus intéressants du livre: les Confidences d'une femme trahie. La Directrice générale  raconte toute l'histoire telle  qu'elle l'a vécue chronologiquement avec ses réactions émotives et ses décisions stratégiques à chacune des péripéties d'un affrontement qui a duré sept ans.  On fait la découverte d'une femme dynamique pleine de projets mais dont plusieurs ont été contrecarrés par le syndicat des enseignants. Sa crainte de ne pas voir son mandat renouvelé pour cinq autres années en a fait un être tourmenté et agressif qui est allé jusqu'à avoir recours au moyen extrême de la poursuite en diffamation deux fois plutôt qu'une. On apprend que cette démarche a coûté 48,900 $ au collège en frais d'avocat. C'est énorme pour un petit collège comme le nôtre.  La directrice qui écrit ses confidences réussit à attirer notre sympathie mais pas au point de nous faire accepter la coûteuse judiciarisation des relations de travail ou de nous faire approuver les nombreuses actions de harcèlement perpétrées contre l'auteur.

En effet, la gibelotte et autres essais, nous apprend des choses que nous ne savions pas qui font  comprendre que l'enseignant a vécu sept années parmi les rocs occultes et parmi l'hostilité comme il le dit lui-même en citant Gaston Miron. Il a raison de qualifier de harcèlement  les nombreuses actions posées par la Direction et les cadres dont l'objectif était de le déstabiliser et de l'empêcher d'exercer normalement son métier d'enseignant. Tout  ça parce qu'il n'était pas d'accord avec les valeurs libérales défendues par la directrice et avec son style autoritaire.  Sans oublier les deux poursuites, la plus condamnable de ces interventions fut l'invasion de sa classe de français au début d'un après-midi, sans avertissement,  par deux cadres féminines qui l'ont sorti de sa classe et envoyé dans le bureau du Directeur des études pendant qu'elles passaient un questionnaire piégé d'évaluation dans le but de lui faire des reproches sur son enseignement, deux semaines avant les procès pour diffamation. Il n'y a pas de professeur qui est irréprochable. Ce qu'il y a d'extraordinaire,  c'est que les élèves, conscients de la manoeuvre, non seulement évitèrent de faire le moindre reproche à leur professeur, mais en plus firent son éloge si bien que le Directeur des études dut renoncer au projet de la Direction de passer le questionnaire d'évaluation dans deux autres classes. Devant l'échec de cette opération harcelante, le Directeur des études, avant de nous quitter pour un autre collège, a cru de son devoir d'écrire une lettre soulignant que l'enseignant visé était dynamique et grandement  apprécié de ses élèves parce qu'il savait rendre intéressante la lecture de chefs-d'oeuvre de la littérature française et québécoise.  Cela nous le savions après plus de trente ans d'enseignement chez nous.

Devant la description de cet épisode de la guerre de sept ans, il est difficile de ne pas prendre parti et on comprend pourquoi l'auteur tenait tant à raconter son histoire. Nous ne nous prononcerons pas sur la thèse de l'auteur qui prétend que le long conflit qui l'a opposé à la directrice n'est qu'un épisode vécu au niveau régional de la lutte entre libéraux et indépendantistes qui marque les quarante dernières années de notre vie politique. Mais c'est probablement vrai.  Nos informations sont à l'effet que la directrice avait l'appui de ses amis  hommes d'affaires qui l'encourageaient à être répressive. Il est difficile de saisir l'influence qu'un professeur peut avoir sur ses élèves ou les conséquences des écrits politiques d'un auteur sur une région mais toujours est-il que notre comté est solidement aux mains de députés du Bloc québécois et du Parti québécois. Pendant 36 ans, notre auteur a attaqué et combattu par la parole et par ses écrits, les fédéralistes libéraux qui viennent de perdre le pouvoir municipal le premier novembre 2009. 

Les surnoms qu'il donne aux acteurs sont désopilants. Ainsi, on rit quand il appelle la directrice, la Reine du décorum et son bureau, le Carré royal tout près duquel se trouvent les bureaux de l'avocat local (celui du 48,900 $ d'honoraires...) comparé à un orateur du sorti des Belles histoires des pays d'en haut quand il a réclamé à grands cris devant le Juge que cessent ces injures et ces vomissements. On sourit quand il donne comme surnom  à l'avocate de service, Béèmdoublevé ou le Ton pète-sec qui correspondent bien à sa personnalité et aussi, l'Adjointe surnommée  Kaka Fala qui transpose la question: Qu'est-ce qu'elle fait là? que posèrent les élèves de bureautique quand elle est arrivée avec un questionnaire d'évaluation du Littéraire (c'est le surnom de l'auteur) comme un cheveu sur la soupe trois mois après la fin des cours. Et l'adjoint au Directeur des études appelé Grandpied dans les plats, le Directeur des études dit le Soumis et le technicien surnommé Amable en référence au personnage du même nom des romans de Germaine Guèvremont. Voilà de la satire de bon aloi. L'auteur perd sa sérénité toutefois quand il décrit sous la rubrique Réputation du chapitre  Remarques sur le vocabulaire, les personnages et les circonstances l'hypocrisie de certains membres de son département, leur dénigrement, la soumission des femmes au mâle dominant et leurs petits complots imbéciles. S'il y a quelque chose d'insupportable pour lui, c'est l'hypocrisie.

J'ai été impressionnée par l'intensité qui se dégage du chapitre Chronologie et documents où on peut suivre l'histoire pas à pas et lire les documents qui décrivent des faits indiscutables. Il faut savoir gré à l'auteur d'avoir pris la peine de recopier tous ces documents. Il s'agir d'un travail de moine. Il s'en dégage un tableau extrêmement révélateur où on reconnaît le style incisif et précis du co-auteur des textes syndicaux surnommé l'Irlandais que nous avons eu le plaisir d'avoir comme collaborateur culturel pendant plusieurs années.

L'auteur fait la démonstration que les poursuites contre lui et contre le syndicat étaient des SLAPP, des poursuites-bâillons qui viennent de faire l'objet d'une loi adoptée par l'Assemblée nationale du Québec. Nous savions que l'auteur était un homme cultivé qui a passé sa vie à lire et à étudier comme le prouve son doctorat de l'Université Laval obtenu en 1987 à l'âge de 50 ans.  C'est un véritable régal de le voir intégrer à ses propos des citations de grands écrivains parmi lesquels se  trouve  Michel de Montaigne, l'auteur des Essais. C'est un véritable tour de force que de voir des pensées d'un écrivain du seizième siècle associées intimement et pertinemment à un conflit qui se passe à la fin du vingtième siècle dans une région du Québec. Nous avons apprécié les aires de repos qui nous ont rappelé les premiers livres des années soixante-dix contre les libéraux qui ne lui ont jamais pardonné ses attaques.

L'auteur se dit libéré par son livre et on le comprend. C'est un sentiment qu'il partage avec le lecteur. Quant à nous du Journal, qui avons aussi subi des menaces de poursuites,  ce livre qui fait l'éloge de notre impartialité, nous convainc si c'était nécessaire que nous devons continuer à fournir à notre région une information honnête, complète, crédible et objective.

Plusieurs indices nous prouvent que l'auteur a profondément aimé notre région en commençant par le titre la gibelotte et autres essais qui a pour fonction d'indiquer le lieu de l'action sans avoir à nommer le nom de notre collège. Les extraits du livre de Walter S. White nous rappellent le passé.  Par le nom fictif de collège Germaine-Guèvremont, il exprime son affection pour l'auteur du Survenant et de Marie-Didace tout en montrant son désaccord avec ceux qui se sont opposés au changement de nom du collège. 

Ce livre de forme variée nous rappelle les valeurs de culture,  de solidarité et de résilience que l'auteur a défendues pendant toute sa carrière d'enseignant et de militant indépendantiste. On comprend, après l'avoir lu, pourquoi il tenait tant à raconter son expérience. Ce témoignage  trace le portrait d'un être attachant et de ses amis, l'Irlandais, le Politique, l'Ebéniste et l'Ingénieur qui l'ont accompagné dans sa lutte: il nous rappelle le souvenir de  Lise Latraverse et de Daniel Lussier, à qui le livre est dédié et qui ont joué un rôle décisif dans la victoire syndicale.

la rédactrice-en-chef du journal local
26 novembre 2009- 10 mars 2010





                                                              -  30 -

résumé long
on veut les faits dit l'avocat 
Voici  l'histoire telle que nous l'avons racontée plusieurs fois pendant nos voyages de vacances devant des auditeurs intéressés et telle qu'elle apparaît dans la Chronologie et les documents. 
L'action se passe dans un petit collège public fictif de la Rive-Sud de Montréal à partir de 1997, moment de la nomination d'une nouvelle directrice générale. Pendant sept ans, on a assisté à un conflit entre un docteur en lettres dit le Littéraire et une gestionnaire dite la Reine. La chicane a commencé par le rejet disgracieux de l'ex-président du syndicat des enseignants dit le Syndicaliste au poste vacant de Directeur des ressources humaines. La mésentente a continué par le traitement grossier d'une plainte contre le Littéraire. Elle s'est aggravée par un désaccord autour de l'utilisation d'une réserve de 2.4 millions que le syndicat voulait affecter en partie à la création de trois nouvelles voies de sorties en électrotechnique, en assurances et en réseautique. Le syndicat s'est aussi opposé à la privatisation de la cafétéria avec laquelle la directrice s'était mise en tête de faire des revenus en s'emparant des machines distributrices de boissons et en augmentant le loyer. Nous avons défendu les sept employées de la cafétéria menacées de perdre leur emploi.  Sur l'utilisation du surplus de 2.4 millions pour les nouvelles voies de sorties et sur la privatisation de la cafétéria, la directrice a subi la défaite. Elle essaya aussi de détourner 4.2 enseignants temps complet (ETC) à d'autres fins que l'enseignement (par exemple, le financement du Centre de transfert des technologies) mais le Politique et le Littéraire s'y sont opposés efficacement. Il aurait fallu faire le travail de 82 enseignants avec 78 enseignants, donc il y aurait eu augmentation de la tâche pour tout le monde. Sur tous ces points, financement des voies de sorties,  la cafétéria,  les ressources à l'enseignement, le syndicat a gagné.
Après avoir augmenté les frais afférents payés par les étudiants, elle voulut continuer à couper nos salaires de 2.5% jusqu'en mai même après une entente nationale qui faisait cesser la coupure au premier janvier. Nous l'avons dénoncée et elle fit marche arrière. Elle essaya de nommer directement son adjointe préférée sans comité de sélection au poste de Directrice des études  et subit un autre échec. Pour elle-même,  elle voulait un renouvellement de mandat de cinq autres années et elle se sentit menacée par l'évaluation des enseignants même si elle contrôlait le Conseil d'administration. De fait, 70% des enseignants s'opposèrent en vain à son renouvellement de mandat. Devant l'opposition du syndicat des enseignants à ses projets, elle chercha une occasion de frapper fort et elle la trouva quand l'exécutif du syndicat traita par écrit le directeur des études de doublement incompétent et de manque de jugement à propos des examens de reprise qui faisaient partie de la politique d'évaluation du collège. L'exécutif du syndicat fut sommé par lettre d'avocat de s'excuser mais après l'avoir fait deux fois par écrit, il fut quand même poursuivi pour 80,000 $ pour diffamation et atteinte à la réputation par le directeur des études sous les ordres de la directrice générale.
Puis, lors d'une réunion du Conseil d'administration dont il faisait partie, le Littéraire posa une question sur un budget qui devait  être affecté à l'achat d'ordinateurs pour le programme d'Arts et Lettres; la directrice ayant fait la promesse d'acheter ces ordinateurs à trois enseignants du programme d'Arts et Lettres lors d'un accueil du personnel, le verre de vin à la main, le Littéraire reprocha à la directrice de ne pas respecter sa promesse et ajouta à la fin de son intervention: Et vous étiez à jeun! C"est comme s'il avait dit: promesse d'ivrogne! Il fut alors poursuivi par la Directrice (et le Collège) pour la somme de 170,000 $ pour avoir traité la directrice  d'alcoolique. Il était censé avoir dit: Cette fois-là, vous étiez à jeun, ce qu'il n'avait jamais dit.  Devant cette offensive patronale judiciaire aux méthodes douteuses, le syndicat répliqua par des boycotts de toutes les activités sociales et autres non obligatoires. Il répliqua aussi  par une plainte au Tribunal du travail, par la publication dans le Huissier du rapport détaillé d'évaluation par les enseignants de la Directrice générale,  par des griefs sur la tentative de la Directrice de passer par-dessus le syndicat et par une menace de poursuite contre La Direction qui nous avait traités de menteurs et de diffamateurs avant que la chose ne soit jugée. Après des lettres aux dossiers du Littéraire et du Politique, l'obligation de passer devant le Comité de discipline du CA et surtout un certain nombre de gestes de harcèlement qui perturbaient abusivement notre vie professionnelle d'enseignants, une entente hors Cour fut signée qui annulait les poursuites, les griefs et les plaintes. Alors, continuant le combat, le syndicat publia un texte expliquant ce qui s'était passé, l'envoya à tout le personnel et aux hors-cadres d'une quinzaine de collèges membres de la Fédération. Hors d'elle, la directrice voulut nous poursuivre pour une troisième fois et fut bloquée (enfin) par le Conseil d'administration. Après avoir fait dépenser au collège la coquette somme de 48,900 $ en frais d'avocat, elle prit sa retraite en 2004, deux ans avant la fin de son mandat et partit avec sa pension et une prime juteuse de séparation.
Le Littéraire prit sa retraite en juin 2005. En 2004, il avait commencé à écrire sur les événements survenus qui avaient occupé pas mal de son temps pendant les sept dernières années de sa carrière de 40 ans comme professeur de littérature au niveau post-secondaire. Ces événements lui ont servi de prétexte à écriture autobiographique.  Pour éviter le reproche que nous faisions à notre adversaire d'être partisane de la pensée unique, nous lui avons donné l'occasion d'exprimer son point de vue en long et en large en créant comme un personnage de roman dans les Confidences d'une femme trahie.
Au 2 septembre 2009, jour anniversaire de sa femme, l'auteur peut dire: mission accomplie. La vérité est sortie au grand jour et l'auteur a exercé son droit à la liberté d'expression, un droit qui a été menacé par les deux poursuites-bâillons, deux Slapps de 80,000 $ et 170,000 $ et par du harcèlement. Depuis ce temps, le Parlement de Québec a passé une loi contre le harcèlement psychologique et une loi contre les poursuites-bâillons (slapp), lois qui auraient pu s'appliquer à notre conflit si elles avaient existé, Ces deux lois sont la preuve que l'humanité progresse…du moins au Québec.
résumé court

La gibelotte et autres essais (Montaigne au collège Germaine-Guèvremont)  est un essai sur la démocratie (qui est le contraire de l’autocratie) et la liberté d'expression.  Des enseignants d'un collège (fictif) du Québec ont résisté à deux poursuites (réelles) de 80,000 $ et 170,000 $ pour diffamation et atteinte à la réputation lors d’un conflit qui a duré sept ans entre une directrice s’appuyant sur les élites locales et un professeur de littérature appuyé par son syndicat. La directrice faisant partie de la clique libérale a abusé de son pouvoir de multiples façons  par deux poursuites et par du harcèlement c’est-à-dire des attaques répétées pour éliminer un adversaire. Les Confidences d’une femme trahie racontent toute l’histoire du point de vue de la directrice qui est devenue comme un personnage de roman. On y apprend comment et par qui elle prétend avoir été trahie. Sa version est  plausible:  le lecteur croira peut-être qu’elle a eu raison de poursuivre les membres de l'exécutif du syndicat et son ennemi juré. Quand il aura lu les Remarques sur le vocabulaire, les personnages et les circonstances ainsi qu’une Chronologie et des documents, le lecteur changera d'idée. Et aussi en lisant C’est la faute à Montaigne qui explique comment le syndicat et l’enseignant particulièrement visé ont tenu tête aux poursuites et montré beaucoup de résilience. Ces récits sont suivis d’une conclusion qui explique l’échec d’une directrice qui ne voulait qu’une chose: la soumission du syndicat et l’humiliation de son adversaire et qui ne l’obtint pas. Tous les noms propres ont été enlevés et le collège n’est pas identifié nommément.  Cela a donné un docufiction de deux genres littéraires nouveaux: le SLAPP fiction et l’essai-hybride qui tendent à démontrer que le syndicat et l’enseignant ont subi deux SLAPPs, soit deux poursuites-bâillons. Ce récit autobiographique brave quelques interdits en combattant ce que Balzac appelle la bêtise et l’hypocrisie provinciales. Sur fond politique. Le ton de cet essai hybride s’inspire de Montaigne qui écrivait: Je ne fais rien sans gaieté.  Montaigne, le plus grand écrivain français du XVIè siècle, a été pour nous un véritable maître de résilience. L'auteur et ses amis ont réussi à sauvegarder la liberté syndicale dans leur collège et la liberté d’expression. Ce n'est pas si mal. Ça valait la peine de décrire cette  prouesse.


l’auteur

Né en 1938 à Montréal, l'auteur est marié à Marcelle Viger de Longueuil et père de quatre enfants, deux filles et deux garçons. Il a fait son cours classique en quatre ans et obtenu son Bac  en 1960. Il a ensuite entrepris des études en théologie au Grand Séminaire de Montréal où il a obtenu une Licence en théologie en 1964, puis une Maîtrise en lettres de l’Université de Montréal en 1972 et, enfin, en 1987, à l’Université Laval de Québec, un doctorat en lettres. Sa thèse a porté sur l'espace autobiographique de la fiction et doit beaucoup à Jean Marcel. 

Collaborateur à des revues et au journal Le Jour, il a publié cinq livres. Il a enseigné deux ans en anglais au Loyola College devenu Concordia University. Il a enseigné la littérature française et québécoise pendant 36 ans dans un collège public de la Rive-Sud de Montréal, où il a été coordonnateur du département de français à plusieurs reprises, membre de l’exécutif du syndicat des enseignants pendant une douzaine d’années et membre du Conseil d’administration du collège. Il bénéficie de ce que James Joyce appelle l’heure dorée de la retraite depuis juin 2005. La gibelotte et autres essais (Montaigne au collège Germaine-Guèvremont) est son sixième livre.

hors d'oeuvre

Sur une carte de souhaits Création Antoine décorée d'un magnifique papillon monarque, le bras droit de Sa Majesté, Claudette C., de sa belle écriture penchée, m'a souhaité une bonne retraite en des termes qui m'ont touché par leur gentillesse.  Les voici.


ce 13 juin 2005

Ecrire à un écrivain, quel défi me suis-je lancé!


Je viens vous souhaiter une retraite
qui vous procurera de beaux moments
avec ceux que vous aimez,
des voyages dans des repères
jusqu'ici introuvés.

Enfin, que ces temps nouveaux soient propices
à refaire votre santé,
à refaire de nouvelles amitiés,
à refaire "votre dictionnaire"
pour faire défiler les mots,
les tons, les rythmes,
pour réaliser ce projet
d'écriture que vous caressez!

Enfin, et surtout, des
temps nouveaux pour profiter de cette
Chère Liberté!

Bonne retraite
Monsieur B.
en toute sincérité!

Claudette C.

aire de repos

A qui prend la mer sans décider de son port de destination, le vent n'est jamais favorable.
(Montaigne)