vendredi 15 janvier 2016

La Gibelotte et autres essais (13 janvier 2016) 5


hors-texte 
La bourgeoise qui vient de raconter son expérience est un personnage fictif qui est sans doute différent de la personne réelle qui l’a inspiré et qui a servi de modèle.  On ne peut pas dire toutefois que certaines ressemblances sont le fruit du hasard mais l’auteur de cet ouvrage revendique une liberté  qui l’a autorisé à certaines inventions. (Le Littéraire)

aire de repos
Il ne faut pas dire tout ce qu’on pense, car ce serait sottise ; mais ce qu’on dit, il faut qu’il soit tel qu’on le pense, autrement, c’est méchanceté. (...) Or, de moi, j’aime mieux être importun et indiscret que flatteur et dissimulé. J’avoue qu’il se peut mêler quelque pointe de fierté et d’opiniâtreté à se tenir ainsi entier et découvert sans considération d’autrui. (...) Par quoi je m’abandonne à la naïveté et à toujours dire ce que je pense, laissant à la fortune d’en conduire l’événement. (...) Et quand personne ne me lira, ai-je perdu mon temps de m’être entretenu tant d’heures oisives à pensements si utiles ? (...) Si vous êtes couard et qu’on vous honore pour un vaillant homme, est-ce de vous qu’on parle ? On vous prend pour un autre. (...) Qui me louerait d’être bon pilote, d’être bien modeste, ou d’être bien chaste, je ne lui en devrais nul grand merci. Et pareillement, qui m’appellerait traître, voleur ou ivrogne, je me tiendrais aussi peu offensé, moi qui me vois et qui sais bien ce qui m’appartient. (Montaigne)
Le temps guérit les douleurs et les querelles, parce qu’on change, on n’est plus la même personne. Ni l’offensant, ni l’offensé, ne sont plus les mêmes. (Blaise Pascal, Pensées, 1662)
Les deux qualités lui sont naturelles, la politesse et la patience, jumelles du savoir-vivre. (Daniel Boulanger, Le ciel est aux petits porteurs, 2006)
Tu te voulais tranquille et de tout repos
ceint de clémence ainsi que le mélèze.
Mais le malheur ébranla ton cerveau
Et se délabre ton rêve.
(Gilbert Langevin)

intermède:  
Note 
* L’Editeur est un personnage fictif qui est le double de l’auteur. Il s’agit d’un artifice littéraire qui m’a été inspiré par Adolphe, le roman de Benjamin Constant. C’est le directeur des Editions du Renard  Roué qui dit je. (Le littéraire) 
***
Intermède: en vacances aux Eboulements 

Je parcourais la région de Charlevoix. Je me suis arrêté au gîte Le Nichouette dans le village des Eboulements. Le lendemain matin, à l'aube,  le cocorico d’un vrai coq se fit entendre au moins trois fois. Cette trompette du matin comme l'appelle Shakespeare me réveilla. Je m’éveillai avec gratitude, heureux d’être au monde. Chez Gilberte Tremblay,  l’eau du robinet, pure et fraîche, venait des montagnes, elle était froide, l’air était frais et tonifiant, la vue en plongée sur le fleuve Saint-Laurent qui scintillait au loin était belle, des vaches paisibles broutaient l’herbe dans la rosée, le soleil embellissait les fleurs, en particulier des pivoines d’un rouge éclatant comme celles qui s’épanouissent dans l’entrée de la maison de Victor-Lévy Beaulieu, à Trois-Pistoles, le long de la route 132.  Entre des coups de gueule et des livres, VLB est un être humain normal qui cultive des fleurs, élève des animaux, vit seul et habite une grande maison qui a fait l’objet d’une émission de Passion maisons.
Une odeur de bacon et de café envahit la cuisine en bois peint en blanc et vert pomme. Comme l’écrit VLB dans Les Grands-pères, un grand roman, cela était rassurant, ces choses quotidiennes, il y avait de la paix en elles, et de la bonté aussi. Je me suis dit qu’il y a des moments dans la vie où le bonheur est palpable. Dans le village des Eboulements, ce matin-là de la fin d’août de l’année 2006, dans la cuisine de ce Gîte du passant, nous avons touché au bonheur parce qu’il faisait beau, qu’un coq m’a réveillé, que l’eau était fraîche, qu’il y avait du soleil partout, que l’herbe sentait bon, que nous avions une vue panoramique splendide sur notre grand fleuve, que tout le monde était de bonne humeur et en santé et parlait français. C’était les vacances et nous étions chez nous en territoire familier, en bonne compagnie chez Gilberte Tremblay et son fils Félix, non loin du Vieux-Québec et de l’île d’Orléans de Félix Leclerc, dans notre pays natal.
Réveillé par l’air froid, après m’être rasé, j’ai imbibé mon visage d’eau glacée et j’ai bu deux verres de cette eau froide excellente en pensant à L’homme qui plantait des arbres de Jean Giono-Philippe Noiret-Frédéric Back et en relisant des passages soulignés du treizième chapitre du livre trois des Essais de Montaigne.
Nous sommes de grands fols. Il a passé sa vie en oisiveté, disons-nous : je n’ai rien fait aujourd’hui.- Quoi, avez-vous pas vécu ? C’est non seulement la plus fondamentale mais la plus illustre de vos occupations.
Notre grand et glorieux chef-d’oeuvre, c’est vivre à propos. Toutes autres choses, régner, thésauriser, bâtir, n’en sont qu’appendicules et adminicules pour le plus. Pour moi, donc, j’aime la vie. On fait tort à ce grand et tout-puissant donneur de refuser son don.
J'imagine que ce passage On fait tort à ce grand et tout-puissant donneur de refuser son don aurait déplu à VLB. Par son athéisme agressif, il s’empêche d’apprécier d’innombrables chefs-d’oeuvre écrits par des croyants. Saviez-vous que chaque soir avant de s’endormir, Montaigne récitait le Notre Père en latin.  Je me demande d’où vient cette idée fausse que Montaigne n’était pas croyant mais qu’il faisait semblant de l’être à cause du danger des guerres de religion.
En me réveillant, mon rêve m'est revenu: sur ma pierre tombale, on avait écrit: Vita mutatur non tollitur. La vie est transformée, elle n'est pas détruite. C'est ce que les textes sacrés disent lors de la messe des funérailles. Pas facile à imaginer mais si c'était vrai…
Le vent avait dû changer de bord, ça sentait maintenant le fumier et comme l'écrit VLB, quoi de plus apaisant que la senteur du fumier de vache. Attentif aux bruits et aux odeurs de la campagne et aussi aux quelques autos qui passaient bruyamment sur la rue principale, des éclats de voix et des rires m’invitèrent à quitter ma chambre aux rideaux verts et aux petites mouettes blanches suspendues. Assis à table, accompagné de son épouse  avec laquelle il avait des rapports évidents de complicité, le Littéraire dans la soixantaine avait une belle façon, mais paraissait soucieux malgré le matin lumineux et sa retraite prise en juin 2005 qui aurait pourtant dû le libérer de bien des tracas. Le Littéraire était en train d’écrire un livre, son sixième, c’est peu à côté des soixante-dix livres de VLB mais il est vrai que Bibi se répète : sa table en pommier, son stylo qu'il décapsule, tout un rituel,  sa mère, son père, ses frères et soeurs, la polio, les éditeurs fifis et les journalistes fifis, Judith, la mère de Judith, le pharmacien au cigare, l’Italien qui lui passe des livres, on connaît ses idiosyncrasies qui reviennent de livre en livre avec cet hyper réalisme. Il n’y a absolument rien d’érotique dans ses descriptions d’actes sexuels. J’ai lu une vingtaine de ses livres dont celui sur  James Joyce. VLB écrit chef-d’oeuvre au verso d’un livre dont il est l’auteur et l’éditeur. Certains de ses livres sont peut-être des chefs-d’oeuvre après tout mais est-ce à l'auteur de le dire. On n'est jamais mieux servi que par soi-même n'est-ce pas! Puisque Pierre Foglia écrit que VLB est le plus grand écrivain québécois vivant… et VLB écrit que Foglia est le plus grand chroniqueur. Renvoi d'ascenseur. Ce qui ne veut pas dire que c'est faux.
Dans notre conversation, j'appris que le Littéraire avait choisi la profession d’enseignant de collège. Cela  lui laissait pratiquement cinq mois de loisir et de liberté pour lire, écrire et surtout, pour avoir plus de trois mois de vacances pour faire du camping avec sa famille, sa femme et ses quatre enfants deux garçons, deux filles et le plus de temps possible pour jouer au golf, son sport préféré dans lequel il excellait; souvenir mémorable, il avait joué 70, moins deux, seul et seul au monde (deux fois les mêmes neuf trous) après la pluie un après-midi sur le parcours central du Golf municipal de Montréal avant que Jean Drapeau n’élimine ce magnifique terrain de golf. 
Aujourd’hui, au gîte Le Nichouette, en ce beau matin de la fin de l’été nous avons discuté de politique. Et de façon pointue.  En présence de son fils Félix, Gilberte Tremblay, notre aimable hôtesse septuagénaire s’était assise sur sa chaise berçante car le Littéraire n’en était pas à sa première visite et elle savait qu’un coup parti, il était difficile à arrêter surtout quand il parlait de politique. Après nous avoir servi un jus d’orange frais, du pain de blé entier rôti, deux oeufs au miroir et du bacon, elle en oublia d’insister pour que nous goûtions à ses produits authentiques du terroir, cretons, confitures maison, fromage Le Migneron et sirop d’érable pur offerts avec abondance sur la table de la cuisine d’une maison en bois où dominent le blanc et le vert pomme qui lui rappelait la grande cuisine aux cinq fenêtres de son enfance au deuxième étage du 4365 de la rue Brébeuf à Montréal, tout près de la rue Marie-Anne, dans le Plateau Mont-Royal, non loin du parc Lafontaine où il a passé son enfance et sa jeunesse. Copmme il nous l'a raconté.  Cette cuisine de son enfance retrouvée et la chaleur et la générosité de l’accueil expliquaient sans doute qu’il en était à sa septième visite chez Gilberte qui lui rappelait sa grand-mère Gervais qui l’avait pris chez elle de quatre à neuf ans avec son jeune frère parce que sa mère travaillait après les quatre premières années passées chez sa grand-mère italienne Teresa Guastella, sicilienne mariée à Antonio B. piémontais.
Après les élections du 29 avril 1970, Le Littéraire  avait fait l’éloge du style de René Lévesque dans un article publié dans Le Devoir en janvier 1971. Dès 1967 se développa une relation amicale entre le Littéraire et l’auteur d’Option Québec et fondateur du Mouvement Souveraineté-Association. Par la suite, malheureusement, cela se détériora. A la période des questions de l’Assemblée nationale, dit-il, il m’a traité de gérant d’estrade. Son attaché de presse Robert Mackay n’est plus là pour en témoigner, mais René Lévesque m’aimait bien. J’incarnais, à ses yeux, le nouveau militant, ni libéral, ni riniste, qui faisait la force du Parti québécois. Moi, j’avais pour lui un tel respect qu’une fois, sur la rue Christophe-Colomb, il vint me saluer alors que je travaillais dans un petit bureau à préparer une édition du programme officiel du Parti québécois : j’étais très concentré sur le travail de précision que je faisais mais il est arrivé à l’improviste et quand je l’ai vu, je me suis levé d’un bond, spontanément. Ce sont des détails qui ne mentent pas. Si je l’avais voulu, j’aurais pu travailler au bureau du premier ministre avec Yves Miron, professeur d'économie au collège d'Ahuntsic mais j’ai considéré que si je perdais ma liberté, je ne serais plus d’aucune utilité. Est-ce que Jacques Parizeau a tenu compte des conseils de Jean-François Lisée quand il a fait son discours sur l’argent et des votes ethniques le soir du référendum de 1995 ? Non. Alors ! Le rôle de conseiller vous place au coeur de l’action mais il a ses limites et c'est frustrant.
Tout de suite après le love in tenu à Montréal, le chanteur Claude Dubois aurait dû remplir le stade olympique comme il en avait le projet. Quant à Parizeau, le soir du 30 octobre 1995, il aurait dû dire : Les fédéralistes n’ont pas respecté la loi québécoise en dépensant deux fois plus que permis (love in et Option Canada) : je conteste les résultats : je ne les accepte pas et nous allons refaire un autre référendum où, cette fois-ci, les tenants du NON vont respecter les lois québécoises. Le OUI aurait gagné cette fois-là car de nombreux Québécois avaient regretté d’avoir voté NON. Il est vrai que le soir du référendum le livre de Robin Philpot, Le référendum volé n’avait pas encore été publié. Mais Parizeau en savait assez pour demander une enquête publique sur ce qui avait été fait d’illégal par les fédéralistes pour gagner par 52,000 votes sur plus de quatre millions de votes.
A l’époque, le Littéraire jugeait qu’un article publié dans Le Devoir était plus efficace pour exercer une certaine influence. Mais même là, dit-il, personne n’a pu empêcher Claude Morin d’imposer son étapisme néfaste parce que Lévesque était d’accord. Une semaine avant les élections du 29 octobre 1973, une carte de rappel disait : d’abord un bon gouvernement par une élection ; la souveraineté, plus tard, en 1975, par un référendum. Tous les problèmes des indépendantistes partent de là. En 1976, on a eu le bon gouvernement. En 2006, 30 ans plus tard, l’indépendance est encore à venir. La promesse du référendum en 1973 et 1976 avait pour but de prendre le pouvoir non de réaliser l’indépendance. René Lévesque était tellement obsédé par le référendum qu’il est tombé dans le piège que lui tendait Pierre ElliotTrudeau après la nuit des longs couteaux. On ne peut pas refaire l’histoire mais on doit en tirer des leçons. Il ne faudrait pas répéter les erreurs de Claude Morin. A bas le fétichisme référendaire comme le dit son beau-frère, président du syndicat des ingénieurs d'Hydro-Québec.
Comme on peut en juger, comme l'écrit Montaigne à propos de son père qui fut maire de Bordeaux, le Littéraire avait "l'âme cruellement agitée de cette tracasserie publique oubliant le doux air de sa maison et son ménage et sa santé" (Essais III,10) 
En mangeant du fromage Migneron avec des confitures maison aux petits fruits des champs et en buvant son deuxième café, comme personne n’était pressé et que 80% des hommes de plus de soixante-ans avaient un jour ou l’autre des problèmes de prostate, à l’invitation de sa femme qui cherchait à quitter le terrain de la politique et qui lui tendit la perche, le Littéraire ne se fit pas prier pour raconter avec force détails ses problèmes de santé, lui qui n’avait jamais été malade, problèmes dont il prit conscience quand, en urinant, il entendit le toc toc toc de trois petites pierres rondes et beiges tombant sans douleur dans les toilettes, le 16 mars 2005 vers neuf heures du soir, ce qui le mena, sur les conseils d’une infirmière d’Info-Santé rejointe par téléphone, à l’urgence de l’hôpital Pierre-Boucher de Longueuil jusqu’à deux heures du matin. Il raconta que le médecin de l’urgence, un petit vietnamien, après avoir tâté sa prostate dans la nuit, refusa de lui donner plus d’information prétextant que son doigt n’était pas assez long et que, de toutes façons, il lui fixerait un rendez-vous avec un urologue puisqu’ici, dit-il, on travaille en équipe. Il trouva une pharmacie ouverte à deux heures du matin boulevard Taschereau et il prit des antibiotiques pour se débarrasser d’une infection urinaire. Il en était là parce qu’il n’avait pas tenu compte de l’alerte (comme disait son ami Luc Charbonneau, grand joueur de hockey sur patinoire extérieure) du 13 juillet 2004 quand, en fin d’après-midi, après avoir réussi le seul trou d’un coup de sa longue carrière de golfeur, au quatrième trou de 156 verges du parcours Madeleine, avec un fer six Titleist DTR et une balle Top-Flite 1Hot XL qu’il conserve précieusement comme un trophée, en urinant dans la haie de cèdre à côté du vert du sixième trou du club de golf de Verchères, il vit la couleur rouge de son urine, la présence du sang étant causé sans doute par les pierres qui avaient accroché une veinule, ce qui l’inquiéta beaucoup car, à ce moment-là, il ignorait la cause de ce qui s’appelle savamment aujourd'hui une hématurie macroscopique. Il était comme la plupart des hommes qui négligent de se faire examiner par un médecin à moins d’y être forcé par un malaise persistant ou une douleur inquiétante. Plus tard, un scan devait lui apprendre qu’une quinzaine de pierres de forme ronde et lisse dont trois de 1.2 cm de diamètre (ce qui est plus gros qu’un noyau de cerise de France) s’étaient formées dans sa vessie à cause d’une hypertrophie béniqne de la prostate (HBP) et d’une alimentation trop riche en calcium provenant de fromages divers et des deux verres de lait qu’il prenait assez souvent avec un morceau de gâteau de la pâtisserie Rolland en regardant une émission de discussion sportive en fin de soirée. Une quinzaine de calculs dans la vessie, c’était une véritable carrière devait dire plus tard une infirmière taquine oui les infirmières sont parfois taquines.
Après un effort physique pour descendre un matelas du grenier, un matin ensoleillé très chaud de juillet 2005, comme c’est arrivé plusieurs fois à Michel de Montaigne mais dans l’uretère, ce qui est beaucoup plus douloureux, une de ces pierres se coinça dans l’urètre, l’empêcha d’uriner et nécessita une autre visite à l’urgence de l’hôpital Pierre-Boucher. Il fallut une intervention du Dr Jean-Louis Bourque qu’il avait rejoint par miracle le matin par téléphone à l’hôpital de Lasalle grâce à sa secrétaire Nathalie : celui-ci apprenant qu’une pierre était coincée dans l’urètre eut spontanément la réaction suivante : Soda ! dit avec empathie le très compétent mais très laconique docteur. Au début de l’après-midi, après avoir attendu quatre-vingt dix minutes (c’est long) en robe d’hôpital verte pâle ouverte par en arrière, dans un cubicule, assis sur un tabouret pendant l’heure du dîner, devant l’incapacité du médecin de garde qui zigonnait sans succès avec je ne sais quel instrument, l’urologue Bourque costumé quitta le bloc opératoire et descendit à l’urgence, ce qui est quand même inusité, accompagné d’une infirmière expérimentée et très jolie qui avait beaucoup d’aplomb, fit une piqure au glorieux organe, sortit le bistouri pour évacuer une pierre ronde de 1 cm. de diamètre coincée dans l’urètre qu’il déposa dans la main du patient à sa demande et utilisa une aiguille pour coudre des points de suture. Quand le patient se releva soulagé et content, il n’avait presque pas souffert mais, à sa grande surprise, il baignait dans son sang comme à la boucherie et il fallut plusieurs minutes à deux infirmières fraternelles pour le laver. Comme il venait de remercier le Dr Bourque pour son sens du timing et sa dextérité, la jolie infirmière lui dit : Vous êtes un homme solide, ce qui lui fit grand plaisir puisque c’est ce qu’il avait démontré au fond par son comportement assez cool dans les circonstances, mais avait-il le choix, lui que les Sulpiciens du Grand Séminaire de Montréal avaient déclaré douillet (pauvres Sulpiciens !) parce qu’après quarante minutes de sport (balle au mur, ballon balai ou balle molle selon la saison), il mettait une veste de laine pour écouter les élucubrations du Supérieur François Paradis pendant sa conférence spirituelle de début de soirée. Il faisait confiance aux soins de santé québécois et les services qu’il venait de recevoir le confortaient dans cette attitude, lui qui n’était pas allé à l’hôpital depuis l’accident subi dans les années quatre-vingt pendant une partie de balle molle au camping municipal de La Tuque où il avait fallu lui faire douze points de suture au-dessus de l’oeil droit suite au geste violent et imbécile de l’arrêt-court qui lui avait accroché les lunettes en le retirant au deuxième but parce qu’il se croyait en train de jouer le septième match de la série mondiale de baseball. Le lendemain, il était sur le terrain de balle mais sans ses lunettes. Pas mal pour un douillet.
La présence de ces calculs dans la vessie exigea l’intervention du même chirurgien compétent mais peu loquace, qui enleva habilement les quinze pierres par les voies naturelles lors d’une opération qui eut lieu à l’hôpital de Lachine, à 9 heures du matin, le 8 septembre 2005 : il conserve précieusement ces calculs qu’il est allé chercher au laboratoire de l’hôpital et qui font partie de son dossier qui contient des photocopies de presque tous les examens qu’il a subis. Avant cette opération réussie, à cause d’un taux de PSA (antigène spécifique de la prostate) relativement élevé (82) causé par l’infection urinaire, le médecin avait prescrit prudemment des examens de médecine nucléaire et un scan de l’abdomen, ce qui laissa croire au patient qu’il pouvait avoir un cancer de la prostate, ce qui lui coupa littéralement l’appétit. Il fallut attendre les résultats d’une biopsie, trois mois plus tard et trente livres en moins, pour entendre le spécialiste un peu étonné quand même et ravi, lui dire dans un bureau de l’hôpital Pierre-Boucher cette courte et magnifique phrase : Vous n’avez rien, en lui donnant amicalement une photocopie du rapport de biopsie qui disait, après une analyse de dix prélèvements de sa prostate : absence de néoplasie. Ce diagnostic fut confirmé par une analyse des fragments de prostate qu’il avait fallu couper pour permettre à trois grosses pierres de passer lors de l’intervention chirurgicale que l’homme de l’art avait qualifiée en disant : Cela a été dur car enlever des pierres de la vessie, ce n’est pas comme prendre des raisins dans un panier : certaines sont incrustées dans les parois. Après l’opération, l'infirmière de l'hôpital de Lachine manqua de jugement (elle l'avoua elle-même) en obéissant aveuglément au médecin qui lui avait dit de cesser le lavement de la vessie vers midi; la preuve,  un malencontreux caillot, noir et long comme un verre de terre, bloqua la sortie de la vessie, caillot que la coordonnatrice appelée de toute urgence siphonna au milieu de ses cris de douleur pendant qu’il serrait fortement la main de sa femme: rien ne lui avait été donné pour diminuer la douleur, l'appel téléphonique au médecin ayant tardé. Ce fut un épisode extrêmement déplaisant.   Il a fallu passer la nuit à l’hôpital pour nettoyer la vessie ensanglantée, à l’aide d’une sonde à triple voie et de quarante-deux sacs d’eau saline qu’il avait eu le loisir de compter pendant sa nuit sans sommeil agrémentée du bruit constant du liquide rougeâtre qui tombait dans une chaudière à côté de son lit. Deux nounounes aide-infirmières passèrent dans sa chambre vers trois heures du matin en conversant comme s'il n'avait pas été là. Vers midi, après avoir bu un grand verre d’eau, l’action pourtant si simple de pisser lui procura une divine joie pendant que sa femme était en route vers l’hôpital de Lachine pour venir le chercher. Il savait déjà, avant les révélations de l’ex-président de Radio-Canada Guy Fournier à une radio communautaire relayées par l’émission télévisée Tout le monde en parle, que tout exercice d’une fonction naturelle s’accompagne d’un plaisir. Nature a maternellement observé cela, écrit Montaigne, que les actions qu’elle nous a enjointes pour notre besoin nous fussent aussi voluptueuses, et nous y convie non seulement par la raison, mais aussi par l’appétit. (Essais, III,13) Si ce bavard vaniteux de Guy Fournier avait utilisé ce langage philosophique au lieu de tomber dans la scatologie, il serait resté président de Radio-Canada mais tant pis pour lui.
Ses recherches sur l’internet, ses lectures sur le sujet et son expérience propre lui apprirent que le taux de PSA n’était pas facile à interpréter. Un taux plus élevé que la normale qui est entre 2 et 4 ne veut pas dire nécessairement un cancer ; cela peut être causé par un adénome, ce qui est bénin. Il a appris récemment qu’une prostate pesant 100 grammes pouvait s’accompagner d’un taux de PSA de 15 nanogrammes ; avec une prostate comme la sienne pesant 128 grammes, il n’y avait donc pas lieu de s’inquiéter de son taux de PSA, se disait-il sans être absolument certain de sa conclusion. Les conseils et le support moral d’un professionnel de son collège, Pierre N. (le président de la coopérative qui administrait la cafétéria), furent extrêmement utiles car ce confrère dans la cinquantaine affecté d’un cancer de la prostate peu développé (même avec un taux bas de PSA) qui fut traité avec succès par radiothérapie à l’hôpital Notre-Dame de Montréal, ayant passé à travers toutes les étapes, avait une formule réconfortante qu’il était pratique de se répéter dans l’attente plus ou moins longue des divers examens, cystoscopie, médecine nucléaire, scan de l’abdomen, prises de sang, biopsie : C’est une affaire de rien !, ce qui, par autosuggestion, permettait de diminuer et même de dissiper les inévitables inquiétudes et même, les angoisses devant le sentiment cuisant de notre finitude  et la confirmation que nous vivons dans un monde imparfait et que nous sommes loin de tout contrôler. C'est une affaire de rien! C'est une affaire de rien! Merci Pierre Nadeau.
Deux médicaments complémentaires sans trop d’effets secondaires, le Xatral et l’Avodart, suffisent actuellement à rendre acceptables les effets de l’hypertrophie bénigne de la prostate sur les organes urinaires. Il n’y a pas trop de gêne comme disent les livres sur la prostate. Et sur les terrains de golf, il y a beaucoup d'arbres. Selon sa pharmacienne, férue de l’énergétique chinoise, les pierres dans la vessie sont la cristallisation d’émotions négatives, de l’insécurité, de la peur et une grosse prostate est la projection dans un organe masculin de ses difficultés à assumer son rôle d’homme devant la Directrice et peut-être même devant sa femme. Nous avons bien ri de cette théorie chinoise mais pas lui qui regardait par la fenêtre d’un air songeur car cette idée que ce qui se passe dans l’âme pouvait avoir des répercussions sur le corps lui paraissait juste. Après tout, influencé par Aristote et saint Thomas d’Aquin, il croyait qu’il y avait une union substantielle entre l’âme et le corps. Il y aurait eu somatisation du stress causé par les poursuites intentées par la directrice générale. De quoi alimenter sa colère et la justifier. La pharmacienne, avait aussi ajouté : ce sont des conséquences de la relation de l’enfant avec sa mère. Ce qu’elle avait accompagné de confidences sur sa relation traumatisante avec sa mère qui serait la cause d’un cancer de l’utérus qu’elle a soigné et guéri. On a conclu que comme tout le monde a eu une mère et un père imparfaits, tout le monde est plus ou moins malade avec beaucoup de complexes d’Oedipe et de complexes d’Electre non résolus. Cette conclusion nous rendit fort mélancoliques malgré l’atmosphère chaleureuse du déjeuner de Gilberte. Pour faire diversion, le Littéraire amena de l’eau à notre moulin en disant que sa femme (qui souriait) était une Germaine Faucon, elle gère, elle mène et il faut qu’on l’écoute. Il ajouta en prenant un air dépité de comédie que depuis plus de quarante ans, il était en perte d’autonomie. Tout le monde éclata de rire.
Dans un premier temps, de mars à novembre 2005, pendant neuf mois, ces problèmes de santé totalement imprévus l’avaient beaucoup contrarié et avaient mobilisé son attention au début de sa retraite prise en juin 2005 mais ne l’avaient pas empêché d’écrire. Au contraire, la fréquentation de l’urgence de l’hôpital Pierre-Boucher et de différents services, prises de sang, médecine nucléaire, scan de l’abdomen, de la clinique des urologues du boulevard Taschereau, à Longueuil, de la salle d’opération de l’hôpital de Lachine et de ses services annexes, du CLSC de Longueuil-Ouest et du laboratoire de pathologie de l’hôpital Charles-Lemoyne lui fit bénéficier de la bienveillance et des services complémentaires de personnes dévouées, médecins, secrétaires, infirmières et techniciens, techniciennes, consciencieuses et compétentes. ll faisait remarquer que les moments d’attente avant les différents examens ou rencontres avec le médecin étaient fort propices au travail sur soi et à la réflexion sur l’humanité souffrante gementes et flentes in hac lacrimarum valle, gémissant et pleurant dans cette vallée de larmes. Pauvre humanité ! disait le Survenant. Incidemment, nous dit-il, il est quand même extraordinaire que Michel de Montaigne, mon écrivain préféré, ait souffert de colique néphrétique : à au moins cinq reprises, une pierre provenant des reins se coinça dans son uretère (à ne pas confondre avec l’urètre), ce qui est plus douloureux et plus grave. Montaigne écrit :
Qui sait si Dieu voudra qu’il en advienne comme des corps qui se purgent et remettent en meilleur état par longues et grièves maladies, lesquelles leur rendent leur santé plus entière et plus nette que celle qu’elles leur avaient ôtée ? (Essais, III, 9)
Après avoir appris qu’il n’avait rien, c'est-à-dire qu'il n'avait pas le cancer de la prostate, il a vite retrouvé l’appétit et a repris, hélas !, une bonne partie des quinze kilos perdus. Cette expérience de la maladie et des services de santé québécois fut somme toute extrêmement positive et le stimula car elle exigea de lui un certain courage. Pendant qu'il attendait de pouvoir uriner après l'opération, il fut agacé par deux infirmières indélicates qui parlaient, à trente pieds,  de leur future fin de semaine comme s'il n'avait pas été là. Il aurait apprécié aussi que son médecin suive de plus près  à l'hôpital même les résultats de son opération et vienne le saluer mais c'est sans doute qu'il avait en tête l'image du médecin de campagne qu'il avait connu dans sa jeunesse à Rosemont alors qu'il prenait des pilules pour le coeur.  Par sa précision dans la description du traitement de sa maladie, il tenait à faire l’éloge des soins de santé au Québec. Je crois qu’il voulait aussi suggérer qu’il serait aussi précis dans la description du conflit qui avait occupé les sept dernières années de sa carrière d’enseignant. 
Vers la fin du copieux petit déjeuner, j’ai appris la raison de son air préoccupé : militant syndical, il était en train d’écrire sur le conflit du syndicat des enseignants avec la Direction de son collège. Il ne voulait pas en parler pour ne pas gâcher son séjour et le nôtre dans la région des beaux paysages de Baie St-Paul et de l’île aux Coudres et des peintres René Richard, Clarence Gagnon, Claude LeSauteur, Marc DeBlois et de sa femme Joan, une belle femme, (poterie) car c’était un sujet très prosaïque qui le rendait agressif : les mots lilliputien et ubuesque furent grommelés. En effet, il pensait à Jonathan Swift qu’il avait étudié au séminaire Marie-Médiatrice dans un cours de littérature anglaise avec Monsieur St-Germain et à Alfred Jarry dont il avait vu la pièce Ubu roi montée de façon magistrale par un collègue (le Grammairien) et il trouvait ses ennemies mesquines et grotesques. Ce qui l’enrageait, c’était le temps gaspillé à se défendre contre les attaques sournoises de ces harceleuses qui n’admettront jamais qu’elles étaient motivées politiquement mais qui l’étaient. Ne voulant absolument pas oublier ce passé récent, il tenait à partager l’expérience qu’il avait vécue et qui était restée inachevée. Apporter son témoignage était, pour lui, une nécessité pour en arriver, disait-il, à se désinstitutionnaliser comme les prisonniers dans le film The Shawshank Redemption après trente-six années passées au même collège. Pour piquer notre curiosité, quand même, il nous demanda si nous savions ce qu’était une SLAPP, une poursuite-bâillon, tactique juridique utilisée par des compagnies pour intimider, réduire au silence et acculer à la faillite des contestataires la plupart du temps écologistes, militant pour la protection de l’environnement et la défense de leur qualité de vie. Coïncidence, dit-il, la Directrice qui a intenté deux poursuites de 80,000 $ et de 170,000 $ pour atteinte à la réputation et diffamation contre le syndicat et contre moi justifiait toutes ses décisions en disant qu’elle faisait du développement et ne tolérait pas qu’on s’y oppose.
Dans la cuisine du Gîte du passant de Gilberte Tremblay, sur la rue Principale du village des Eboulements, en ce beau matin de la fin de l’été, le soleil entrait par la fenêtre et faisait une colonne de lumière où grouillaient des poussières dorées comme dans la cuisine dans Les Grands-pères de Victor-Lévy Beaulieu. Des odeurs de résine d’épinette s’infiltraient dans la maison. Pour alléger la conversation, Félix, le fils facétieux de Gilberte, demanda candidement, juste pour rire : Est-ce qu’il y a du sexe dans ton livre ? Le Littéraire répondit : S’il y en a, c’est subliminal. La scène la plus érotique est au début de l'histoire : je rencontre la directrice qui est une bourgeoise, une femme mûre un peu séductrice, bien habillée, maquillée, pomponnée et parfumée et, sans avertissement, je lui dis qu’elle a de belles jambes. L’attirance de la femme de pouvoir pour le directeur des ressources matérielles ou pour le président de la Fédération syndicale à la carrure d’athlète avec qui elle a flirté ouvertement aurait inspiré un romancier. Mais je ne suis pas romancier. J’écris des essais. Ma mère disait : Ça fait longtemps que tu t’essaies. Il est aussi question des charmes de la directrice auxquels un enseignant disciple d’Urantia aurait été sensible mais ça ne va pas plus loin. Je n’étais quand même pas pour en faire une Mae West, une femme fatale, fatale pour tous sauf pour les valeureux et incorruptibles militants syndicaux. Je vais envoyer mon manuscrit aux Editions Trois-Pistoles et on verra bien. Ça me donnera l’occasion d’entrer en contact avec Victor-Lévy Beaulieu qui est un écrivain que je n’ai pas tellement lu pendant mes études de Lettres. Ça ne m’intéressait pas toutes ces vulgarités.  Mais je me reprends. Je me suis amusé récemment à observer la technique de ses dialogues dans ses séries télévisées qui passent en reprise. Un personnage demande à savoir quelque chose; l’autre personnage dit : Non je ne te le dirai pas. Et ainsi de suite : Ça crée une tension dramatique. J’ai lu son livre sur Jacques Ferron. Les Grands-pères est un chef d’oeuvre. Comme dirait ce vieux rencontré dans le comté de Bellechasse : VLB est un chef-d’oeuvreux… comme le Survenant. Faisant son éloge, Jacques Ferron a dit que pendant tout le livre, on sentait une odeur de fumier.
Mais les habitants de Trois-Pistoles ne se reconnaissent pas dans ses téléromans. On n’est pas comme ça, disent-ils. On passe pas notre temps à nous chicaner et à éprouver de la haine. Il nous fait honte. C’est l’opinion du jardinier qui s’occupe du cimetière de St-Jean-de-Dieu. Raymonde, du Gîte du Presbytère de St-Eloi, a joué au bowling avec lui. Il pue m’a-t-elle dit brutalement. Quand il est venu manger ici, il a fumé sa pipe même si c’était défendu de fumer. Il ne respecte rien. Il se prend pour un autre. Je suis allé voir ses pièces de théâtre à Trois-Pistoles. C’était trop sérieux. C’était lourd comme ses téléromans. Moi, j’ai suivi des cours de Bible avec Mario Dumont. C’est un gars très intelligent et très propre de sa personne. Si Victor-Lévy Beaulieu se lance en politique contre Mario Dumont dans le comté de Rivière-du-loup, il va en manger une maudite. Mais il s’en fout. Tout ce qu’il veut, c’est de la publicité, c’est qu’on parle de lui ; il a peur qu’on l’oublie. Il est très fort en marketing. Sa menace de brûler son gros livre sur Papineau m’a bien fait rire. J’ai failli lui envoyer gratis une corde de bois. C’est quand même particulier un gars qui se réédite lui-même. Il ne veut surtout pas qu’on oublie son oeuvre.  Trudeau a fait beaucoup pour le français au Canada.
A la suite de cette dernière remarque plutôt inattendue qui avait pour but de le provoquer car elle savait qu’il était indépendantiste, le Littéraire lui a répondu : Pour une femme qui a un mari cultivateur et qui a un voisin qui répand du fumier, vous avez le nez pas mal fin. Vous ne voudriez quand même pas que  Victor-Lévy se mette de l’eau de toilette Armani ou Givenchy : vous diriez qu’il sent la guidoune et qu’il est une tapette. VLB est une sorte d’habitant bouseux : il a des animaux dans sa cuisine alors il sent le cultivateur. A part de ça, le tabac de sa pipe sent bon et c’est un non-fumeur qui vous le dit. Vous avez le droit d’aimer Mario Dumont. Mais c’est pas nécessaire de dénigrer ceux qui n’ont pas vos idées politiques. A propos du français au Canada et du rôle de Trudeau, l’historien Michel Brunet disait que les Canadiens-français hors Québec étaient (et sont) dans un processus accéléré d’assimilation. Les chiffres lui donnent malheureusement raison. En 2006, même après la loi 101, à l’ouest de la rue St-Laurent à Montréal, le français est menacé alors imaginez au Manitoba. Les gens du Bas-St-Laurent comme vous ne comprennent pas ça. Les gens de la ville de Québec non plus ne comprennent pas qu’on doit se battre à Montréal pour défendre le français. VLB est un écrivain, ce n’est pas un sociologue. Même si vous êtes une hôtesse dépareillée, je n’aime pas votre façon de bavasser contre lui. Vous avez un véritable écrivain qui demeure à quinze kilomètres de chez vous et vous n’êtes pas assez fine pour l’apprécier parce qu’il n’a pas les mêmes idées politiques que vous. VLB est conscient de la valeur de son oeuvre alors il se réédite lui-même. J’ai lu Les Grands-pères et Blanche forcée republiés aux Editions Trois-Pistoles, tome 8 et tome 12 des Oeuvres complètes imprimés sur Papier Rolland Tint : ce sont des livres très beaux. Si vous les lisiez, vous verriez VLB autrement. Ce sont les électeurs qui décident. Beaulieu est un p’tit gars de Trois-Pistoles, n’est-ce pas. Alors... Elle me jeta ce regard de mépris que lancent parfois les gens de la campagne aux gens de la ville quand ils parlent de sujets qu’ils ne connaissent pas. Son mari Yvon Pettigrew, cultivateur prospère qui a vendu sa ferme à ses deux fils dont on peut acheter les fraises au supermarché, me voyant contrarié, essaya d’atténuer les propos dénigreurs de sa femme mais dit quand même : J’ai joué au bowling avec lui ; j’ai essayé de lui parler simplement mais ça n’a pas été possible. Un homme comme lui, instruit, écrivain et éditeur, devrait être plus propre de sa personne et surtout plus avenant, moins sauvage…S'il veut faire honneur à Trois-Pistoles et bien nous représenter.
C’est à ce moment précis que j’ai dit au Littéraire que j’étais directeur des Editions du Renard Roué.
VLB est un ratoureux, dit le Littéraire. Il donne toutes les apparences de parler de lui et de faire de l'autobiographie mais je le soupçonne d'inventer. Ce pourrait être une forme de manipulation du lecteur qui frôle l'imposture. VLB serait-il un mythomane et à la limite un fumiste!  Je soupçonne que sa famille, ses frères, ses soeurs, sa mère, son père et son autobiographie en général sont des points de départ dont il fait ce qu’il veut selon les besoins d’une dramatisation exigée par le texte qu’il qualifie de roman. Il invente à partir de souvenirs. Ses romans, ce sont des mémoires. De toutes façons, j’ai l’intention de faire le tour de la Gaspésie et en passant, j’irai porter moi-même mon manuscrit aux Editions Trois-Pistoles, au 31 Route Nationale Est dans la paroisse Notre-Dame-Des-Neiges sur la route 132. J’en profiterai pour bavarder quelques instants avec le barbu au mouton noir et aux chiens aux noms pittoresques de Saint-Lucie, Numéro Deux, Micropuce, Bonhomme, Snoopy, Tifille et Bidou-Laloge. Il donne des noms à ses chiens comme Pierre Foglia donne des noms à ses huit chats. J’espère que, entre deux jappements de ses chiens, je pourrai placer un mot. Je ne prendrai pas de rendez-vous, je ne ferai que passer car il m’intimide un peu. Je ne crois pas que les luttes syndicales dont je parle dans mon livre l’intéressent. Il n’a jamais rien vécu de tel étant ce que j’appellerais un travailleur autonome depuis toujours et c’est ce qui fait sa force. Il n’a jamais eu à convaincre un éditeur : il se publie et se republie lui-même. A ce point de vue, je l’envie. C’est un cas unique. Il a conscience d’avoir fait une oeuvre. Je ne pense pas qu’il me publiera. Il n’appréciera pas que je souligne la foi chrétienne de Montaigne qui, comme je le disais, récitait son Pater Noster chaque soir avant de s’endormir. Il rejette violemment l’Eglise catholique et la religion chrétienne. Il se présente comme un athée.  Il n'apprécie pas aussi mon côté péquiste C’est un éditeur beaucoup plus idéologique qu’on pense. Par exemple, quand il dit qu'un curé de son enfance puait de la gueule, il ne fait pas du réalisme, il fait de l'idéologie anti-religion. Donc, je n'ai aucune chance d'être publié par un autodidacte qui se venge des docteurs en lettres à la retraite en ne les publiant pas.
Le Littéraire ajouta: Je lis Les Grands-pères dans la réédition de Trois-Pistoles : c’est un livre remarquable. A l’époque, je n’ai pas lu ses romans parce que la calligraphie Morial-Mort m’énervait et m’énerve encore : ça faisait misérabiliste. Le jouage de foufounes dans les ruelles, les scènes de sexe garrochées de Race de monde et les jeux de mots débiles m’avaient rebuté. Race de monde est une expression employée par Didace Beauchemin dans Le Survenant quand il est en colère. Une lecture en diagonale m’avait induit à penser que la queue et le minou répétés vingt fois étaient là pour choquer les petit-bourgeois et les intellectuels d’Outremont de même que l’utilisation d’un langage parlé déformant. Ecrire laitte au lieu de laid, c’est agaçant à la longue. Ça me tombe sur les nerfs. Je n’avais pas tort. Ce qu’il appelle lui-même de l’obscénité provocatrice, ça devient vite prévisible et fatigant. J’ai passé mon enfance et mon adolescence sur la rue Montcalm, autour du Parc Lafontaine et du marché St-Jacques au coin d’Amherst et Ontario, pas loin de l’Economusée qui était un bain public, je ne suis certainement pas prude et rien ne me choquait vraiment dans la prose de VLB. Certains de mes amis d’enfance ont fait de la prison en particulier un certain Dubuc qu’on appelait le blond sale  et qui m’avait donné des poux en se tiraillant avec moi. Parlant de poux et de misérabilisme, avec Une saison dans la vie d’Emmanuel de Marie-Claire Blais, j’en avais eu pour mon argent. J’ai quand même aimé Le Cassé de Jacques Renaud qui avait l’avantage d’être un livre court où j’ai retrouvé la langue de mon quartier du bas de la ville de Montréal. Après la lecture et l’étude des grands auteurs français catholiques au collège comme Claudel, Péguy et Bernanos, ce fut un choc. J’ai lu récemment plusieurs des livres de VLB dont Race de monde avec grand plaisir même si ses calembours et contrepèteries sont du sous-Ducharme qui ont pour fonction de jeter sur la pauvreté et la misère un écran de fumée de dérision. J’ai fait ma thèse de maîtrise sur la structure de l’Avalée des avalés de Réjean Ducharme où il y a une description magnifique d’une cueillette de cerises qui m’a rappelée mon enfance où on allait à Ville St-Michel qui était encore de la campagne en 1948 et, où, plus tard, en 1956, j’allais jouer au golf. Ça m’a tout l’air que l’oeuvre de VLB est une gigantesque psychanalyse sans fin remplie de cauchemars. C’est du délire, ce n’est pas moi qui le dit c’est Beaulieu lui-même. Au lieu de faire des free games, la machine à boules de chez Kent marque souvent TILT parce qu’elle a été trop bousculée. Il a ses tics de langage ; par-devers lui, au mitan de, mon fond de penouil, vert-pituite, là-dessus, apaisant, blanc-mange (le sperme…), de trop et pour rien qu’il emprunte à Sartre, ameuter le récit, tusuite, avalé qu’il emprunte à Ducharme, laitte qu’il aime beaucoup et Morial-Mort auquel il tient comme à la prunelle de ses yeux. Ce sont des coquetteries de langage et des automatismes. Je le répète, je suis en train de lire Les Grands-pères. Jacques Ferron a raison de faire l’éloge de ce roman qui est d’un réalisme puissant. En le lisant, on touche la mort du doigt. C’est dur. C’est troublant. Il m’est venu récemment une idée farfelue. VLB aimerait décrire des personnages placés dans des situations limites où ils perdent le contrôle parce que lui-même, il aime contrôler. Il serait un Germain Faucon. Je dis ça comme ça. Je le lis tardivement pour le plaisir et c’est un avantage comme quand j’ai découvert Montaigne à 40 ans, en lisant le chapitre De l’institution des enfants ; je me suis rendu compte que, sans le savoir, dans mon enseignement, j’appliquais les principes pédagogiques de l’auteur des Essais que je lis et relis sans me lasser. Dans Les Grands-pères, un passage m’a rappelé la forge tout près de chez ma grand-mère Gervais et les voitures du guenilloux, du laitier, du boulanger ou du vendeur de glace tirées par un cheval costaud et nonchalant à Montréal, sur la rue Brébeuf près de Marie-Anne en plein Plateau Mont-Royal dans les années quarante. (Je suis né en septembre 1938, sur la rue Sherbrooke, au coin d’Amherst, maison démolie) Voici le passage des Grands-pères : "Les enfants monteraient derrière lui, se cacheraient sous les peaux tandis que l’étalon, les pattes écartées, chierait patiemment, emplissant les yeux de Millien d’une beauté qui était la beauté des grosses crottes brunes faisant un tas fumant dans la neige." Toute mon enfance surgit dans cette odeur de crottin de cheval accompagnée pour moi de l’image des moineaux qui picorent. Je me demandais ce qui pouvait bien intéresser les moineaux dans ces grosses boules brunes qui, une fois gelées, nous servaient de balle pour jouer au hockey dans la rue entre les énormes bancs de neige de huit à dix pieds de haut qui nous servaient aussi d’igloos. VLB est stimulant par la liberté totale qu’il a par rapport à l’écriture. Je commence à bien le connaître et c’est un enrichissement. J’ai pensé à lui à St-Pascal de Kamouraska quand un colosse percheron fit ses besoins devant tout le monde sous une pluie battante juste avant d’aller tirer des blocs en ciment pendant un concours de tire de chevaux à l’exposition agricole du comté de Kamouraska. Scène épique. Parlant de crottes de cheval, ça me rappelle cet adage: early birds eat worms, the others follow the horse. Les oiseaux qui se lèvent tôt mangent des vers; les autres suivent le cheval, dit le Littéraire.
Je lui dis : Envoie-moi ton manuscrit quand tu auras fini, je pourrais être intéressé
Plusieurs mois après cette rencontre, j’ai reçu un manuscrit provenant du voyageur de Charlevoix et je l’ai lu. Cette histoire de poursuites et de conflits est vraie.  Elle réveillera des souvenirs que le temps avait commencé à effacer.  Est-ce que c'est utile? Sans doute mais chacun ne s’instruit qu’à ses dépens dans ce monde où certains ne vous croient pas si vous leur dites que le poêle est brûlant à moins de s’être brûlés eux-mêmes en y mettant la main comme ça arrive aux enfants.  Ce manuscrit raconte une histoire où s’expriment de façon véridique des passions humaines. L’ex-directrice a été punie de son caractère par son caractère même et par cette faiblesse qui s’en prend toujours aux autres de sa propre impuissance et qui ne voit pas que le mal n’est pas dans les alentours mais qu’il est en elle. (Adolphe, Benjamin Constant) Le mal était dans une volonté de domination ne pouvant se satisfaire que de la soumission des autres. D’où la conclusion du livre : De l’insoumission ou de la liberté.
Malheureusement pour Sa Majesté, les quatre membres de l’exécutif du syndicat et leurs principaux alliés mettaient beaucoup de fierté dans une insoumission et une résilience inspirées par le plus grand écrivain français du seizième siècle, Michel de Montaigne, auteur des Essais publiés en 1592, qui est souvent cité avec bonheur dans cet ouvrage. Lors de la première rencontre du Littéraire avec la directrice qui était un mélange des personnages de Molière, plus Philaminte, des Femmes savantes que Célimène, du Misanthrope, en août 1997, le glamour qui se montrait dans sa coiffure, ses vêtements, ses attitudes était à sa personne l’équivalent du décorum dans la vie sociale. Elle n’avait pas sa pareille, semble-t-il, pour aller chercher des dons pour la Fondation de son collège ou pour obtenir des investissements pour le Fier (Fonds d’investissement économique régional) de sa région. Ses confidences permettent de mieux comprendre les motivations de cette adversaire pugnace décrite par l’auteur à qui la lecture du Père Goriot et des Illusions perdues de Balzac ainsi que des livres de Victor-Lévy Beaulieu comme Je m’ennuie de Michèle Véroly ou La jument de la nuit a réveillé la veine fictive. Il s’est mis à sa place pour imaginer toute l’histoire à travers ses yeux. D’une certaine façon, il s’est fait son avocat. Ces pages sont écrites comme si la personne qui dit je était un personnage de roman. Il faut savoir que dans la vraie vie, elle n’était pas tellement romanesque, pas pour ses adversaires en tout cas, mais, à distance, elle l’est devenue. Les Confidences d’une femme trahie font un portrait de l’adversaire jusqu’à la rendre sympathique. Ce qui est un exploit.
A la fin du parcours, je constate que celui que la directrice a voulu faire passer pour le Grand Diffamateur et qui a pris sa retraite après quarante ans dans l’enseignement post-secondaire, propose à son ennemie non pas une réconciliation jugée impossible mais un cessez-le-feu et la fin des hostilités comme deux combattants s’accorderaient l’immunité sur le champ de bataille. Cette adversaire qui a essayé de rester au pouvoir alors que ses cinq acolytes sont partis un par un ne pourra se libérer de sa paranoïa tyrannique qu’après avoir accordé la liberté de parole qu’elle a jusqu’ici refusée à son opposant ; pour ce faire, elle résistera à la tentation judiciaire à laquelle elle a déjà succombé trois fois ; elle cessera d’être une quérulente, c’est-à-dire quelqu’un qui abuse des Tribunaux, et elle reconnaîtra que l’analyse de ses opposants est cohérente et légitime même si elle la croit incomplète, biaisée et même injuste ce qui est, de son point de vue, sans doute vrai car l’occasion ne nous sera pas donnée de lire ses Rapports annuels (cela aurait été fastidieux) qui décrivaient ses sept ans de réalisations qui étaient réelles. En publiant ce livre, un interdit est défié. Sa Majesté ayant eu l’occasion d’exprimer son point de vue dans ses Confidences puis d’encaisser une mercuriale dans le chapitre C’est la faute à Montaigne à l’occasion de la description de ce que Montaigne aurait appelé une guerre intestine, les deux protagonistes auront été libérés par la parole. Tout idéaliste qu’il soit, c’est le souhait que j’exprime.
Voilà pourquoi j'ai décidé de publier ce livre qui sera intitulé: La gibelotte et autres essais. Avec un sous-titre: deux poursuites-baillons. J'ai beaucoup apprécié l'annexe: Chronologie et documents qui montre bien ce qui s'est réellement passé. Et qui aide à voir comment cette matière historique a nourri la fiction où se manifeste l'ambition littéraire de l'auteur.
Le Directeur des Editions du Renard Roué.

(treize octobre 2007 - vingt-huit décembre 2008 - dix-sept août 2009 - huit septembre 2009 - quinze octobre 2009- deux mars 2010- onze septembre 2010- quatre novembre 2010-15 août 2011- 16 juin 2012- 15 octobre 2015-5 janvier 2016)

C'est  ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t'avertit dès l'entrée, que je ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique et privée : je n'y ai eu nulle considération de ton service, ni de ma gloire : mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein.  (…) Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre : ce n'est pas raison que tu emploies ton loisir en un sujet si frivole et si vain. 
(Essais, Montaigne, ce 12  juin 1580)


C'est la faute à Montaigne

In memoriam 
La Courageuse (Lise Latraverse) est morte en novembre 2003 à Sorel des suites d’un cancer. Le Syndicaliste (Daniel Lussier) est décédé le 7 septembre 2005 à Saint-Hyacinthe (St-Thomas d’Aquin) des suites d’une crise cardiaque.
Nos deux amis avaient moins de cinquante-sept ans. Nous dédions ces pages à leur mémoire.
***
Mise en marche du moteur avec un démarreur neuf
C’est elle qui gouverne, et d’un ton absolu
Elle dicte pour loi ce qu’elle a résolu.
Elle est par vos lâchetés souveraine sur tous
Son pouvoir n’est fondé que sur votre faiblesse.
(Molière, Les Femmes savantes, 1672)
Comme notre esprit se fortifie par la communication des esprits vigoureux et réglés, il ne se peut dire combien il perd et s’abâtardit par le continuel commerce et fréquentation que nous avons avec les esprits bas et maladifs.  ( Montaigne, Essais, III, 8)
O combien est heureux qui n’est contraint de feindre
Ce que la vérité le contraint de penser,
Et à qui le respect d’un qu’on n’ose offenser
Ne peut la liberté de sa plume contraindre.  (Joachim Du Bellay, 1558)
Je crois finalement qu’écrire fait partie de la liberté d’expression. On a le droit d’écrire comme on a le droit de parler. J’ai toujours aimé écrire, considérant cela comme un droit et non comme un métier.
(Jacques Ferron, octobre 1972)
Plus le singe monte haut dans l’arbre, plus il montre son cul. (Montaigne)
Et directrice générale, ce n’est pas très haut dans l’arbre. (Le Littéraire)

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"A bord ! A bord ! Le navire a chargé le vent sur son épaule de toile. Avant tout, sois véridique avec toi-même, d’où découlera, comme du jour la nuit, que tu ne seras faux pour personne." (Hamlet)
Affirmons de prime abord un fait capital et navrant. Nos adversaires avaient de l'argent certes mais ils manquaient singulièrement de ce qu'on appelle de la classe. Oui, ils n'avaient pas de classe. C'est ce qui caractérise les parvenus qui se complaisent dans leur statut et qui sont pleinement satisfaits du statu quo. Ils n'ont pas d'éthique puisque dans leurs actions malveillantes, la fin justifie les moyens. Nous les avons combattues, employons le féminin pluriel, puisque la  responsable de tout ce gâchis était une femme.  Employons le vocabulaire de Michel Foucault et affirmons que notre micro-résistance a vaincu  une sorte de micro-fascisme.  Nous avons évité que de faux témoignages conduisent à une parodie de la justice et à une erreur judiciaire.
La directrice a présenté sa version de l'affaire. A partir des mêmes faits, voici celle du Littéraire.
Tout a commencé, au printemps de 1997, peu après la nomination de la directrice, dans le stationnement en face d’un restaurant à dix minutes de marche du collège. En présence du Directeur des ressources humaines qui avait annoncé sa retraite, comme le Syndicaliste, ex-président du syndicat des enseignants de notre collège et vice-président de la Fédération autonome du collégial sortait du restaurant après un repas avec ses amis du syndicat, la directrice qui se dirigeait à pied vers le collège a fait volte-face et, à notre grande surprise, a marché plus de soixante pieds, (la distance du marbre au premier but à la balle-molle) pour venir lui donner l’accolade en lui suggérant de poser sa candidature au poste vacant. Il faut savoir qu’il hésitait à se présenter mais devant tant de chaleur, il décida de poser sa candidature. La suite des choses allait nous faire comprendre que c’était de la comédie car le Directeur des ressources humaines qui quittait ses fonctions souhaitait que le Syndicaliste lui succède. Le masque est tombé quand nous avons su que cet ex-Directeur avait été écarté du comité de sélection sous prétexte qu’il n’était pas objectif ayant un préjugé en faveur d’un des candidats. La candidature du Syndicaliste a été rejetée. La directrice générale a attendu au lendemain avant de lui téléphoner (notons cette petite cruauté) pour lui annoncer la mauvaise nouvelle en lui disant méchamment : Je vous ai traîné pendant tout le processus. Après avoir analysé ce comportement, du début jusqu’à la fin du processus, en particulier la description tripartite de la fonction qui allait comme un gant à la candidate de Thetford Mines qui a été choisie et le comité de sélection flottant ou bidon, nous avons vu qui était cette femme et, comme dirait Jacques Lemaire, l’ancien joueur émérite et ancien coach du Canadien, nous n’avons pas aimé ce que nous avons vu : une sorte de Machiavel au féminin.
Notre collègue et ami fut éliminé et humilié (pourquoi fallait-il l’humilier ?). C'est le premier geste de provocation. Une des premières initiatives de la directrice, en août 1997, au début de la session d’automne, a été de convoquer le président du syndicat, l’Ebéniste, pour tenter d'intimider le Littéraire à l’occasion d’une plainte d’une étudiante adulte. Dans son salon à Sainte-Anne-de-Sorel, ses amis libéraux en avaient fait un portrait négatif. Elle savait qu’il serait son principal opposant. Après l’avoir entendu déblatérer contre le Littéraire, n’entrant pas dans son jeu, le président du syndicat dit l’Ebéniste coupa court à ses prétentions et la décontenança en disant qu’il aurait souhaité que ses trois enfants l’aient comme professeur de français. Le Littéraire  a tout de suite exigé une rencontre avec la nouvelle directrice pour tirer les choses au clair.
Cette rencontre a eu lieu et commença abruptement. L’Ebéniste avait dit au Littéraire que la Directrice le trouvait vulgaire. Attaquant de front le sujet, le Littéraire, avec audace lança : Prenons l’exemple des Français. Ils aiment dire à propos d’une femme : elle a un beau cul. Ou bien : elle a un gros cul. Pour moi, c’est le comble de la vulgarité. Sa Majesté répéta d’un ton déplaisant que l’étudiante adulte qui avait porté plainte le trouvait vulgaire ; il voulut savoir ce qu’elle considérait comme vulgaire et lui tendit un piège à ourse dans lequel elle est tombée, en lui demandant si, dans la citation suivante, Montaigne était vulgaire : Voici la citation des Essais : Plus le singe monte haut dans l’arbre, plus il montre son cul. Est-ce que c’est vulgaire ? Elle lui répondit : Non, ce n’est pas vulgaire. Pourtant, fit-il remarquer, Montaigne utilise le mot cul et si moi j’utilisais le mot cul en votre présence, vous diriez que je suis vulgaire. Si vous dites que ce n’est pas vulgaire, c’est par snobisme ! Et il ajouta, cinglant, la réplique qu’il avait préparée : Soit dit en passant, directrice générale, ce n’est pas très haut dans l’arbre. Il est utile de savoir que Montaigne traitait d’égal à égal avec les princes de son temps et n’était guère impressionné par le pouvoir. D’où l’utilité de lire les Essais et de s’en inspirer. Il est vrai qu’il a réussi le tour de force d’être en bons termes autant avec les protestants qu’avec les catholiques pendant les guerres de religion et après le massacre de la St-Barthélémy et qu’il a servi d’intermédiaire dans des négociations. C’est un exploit que nous admirons mais qui a été hors de notre portée étant donné les circonstances.
Plutôt que de suivre les conseils de Dale Carnegie dans Comment se faire des amis pour réussir dans la vie que l’abbé Jules Desrosiers lui avait passé à quinze ans, le Littéraire a préféré marcher sur les traces de Cyrano de Bergerac empanaché d’indépendance et de franchise. Moi, dit Cyrano, c’est à l’intérieur que j’ai mes élégances. La citation de Montaigne, la directrice ne l’attendait pas et elle a tenté de camoufler le geste de harcèlement que constituait sa rencontre avec le président du syndicat en couvrant le Littéraire de compliments du genre vous êtes brillant, vous êtes généreux, on voit que vous êtes très cultivé, vous êtes dynamique, flatteries qui le laissèrent de glace et lui rappelèrent La Fontaine : Le flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. Comme dirait Séraphin Poudrier : Pas trop de fleurs, pas trop de fleurs. La saison est passée. Quand il refusa de participer à une session de formation donnée aux nouveaux élus au Conseil d’administration du collège, elle a bien vu qu’il lui serait impossible de le contrôler. Elle ne s’imaginait pas encore ce qui lui pendait au bout du nez. Lui non plus, d’ailleurs. Les compliments de la séduisante bourgeoise furent sans effet et elle s’en aperçut avec dépit.
Lors d’une deuxième rencontre, une semaine plus tard, pour lui remettre un chèque de 288 $ pour payer les frais d’un voyage à Québec, au printemps, au Comité provincial de français, comme coordonnateur de département, dépenses qu’avait refusé de payer le Directeur des études Rona ( qui a dû quitter son poste) elle a cité celui qu’elle a appelé ce cher Montaigne : Toute autre science est dommageable à celui qui n’a la science de la bonté. On le voit, chacun avait préparé sa citation. Il a alors compris son invitation à être ce bon gars que décrit Richard Desjardins dans une de ses chansons. Il n’en était évidemment pas question. Vulgaire ? N’était-ce pas une vacherie pour  le déstabiliser et l’empêcher d’être lui-même. Vous êtes fier dit le comte de Guiche. Vous l’avez remarqué, répond Cyrano.
Rien n’obligeait la directrice, certes, à choisir le Syndicaliste comme Directeur des ressources humaines. Et l’avenir a bien montré que ça n’aurait pas marché car elle aimait beaucoup trop les yes men, les cadres dociles et le Syndicaliste n’en était pas un. Mais tout est dans la manière. Quant à la convocation du président du syndicat pour critiquer le Littéraire, c’était un manque d’éthique professionnelle car elle aurait dû d’abord lui en parler. Dès le début de son mandat, au printemps et à l’automne 1997, elle a donc cherché le trouble. Comme on dit dans les analyses de l’action dans les romans, tels sont les deux événements déclencheurs d’un conflit où chacun des deux protagonistes a cru que l’autre voulait sa peau. Dans le récit qui va suivre, on vous épargnera le schéma actantiel de Greimas utilisé par des enseignant(e)s qui sentent le besoin d’imiter Thomas Diafoirus, ce personnage de Molière qui parlait latin pour passer pour un docteur en médecine. D’un côté, il y avait (les méchantes actantes) l’ex-professeure de chimie, directrice générale, l’avocate directrice des ressources humaines, l’ancien professeur de philosophie, directeur des études, l’ancienne professeure de Soins Infirmiers, Adjointe au Directeur des études, l’ancien professeur d’Informatique, adjoint à l’organisation scolaire, dit Grandpied le pas subtil, le tonitruant et perfide avocat local, certains membres du Conseil d’administration, Amable Beausapin, le technicien devenu professeur par la bande, certains enseignants en forte minorité qui ne respectaient pas les boycotts, qui étaient des money makers dans une situation de double emploi ou qui jouaient aux agents doubles qui se promenaient dans le collège comme des sous-marins soviétiques au moment de la guerre froide. Il y avait quelque chose de pourri au royaume du Danemark. De l’autre, il y avait (les bons actants) les quatre membres de l’exécutif du syndicat, le vice-président de la Fédération, (les adjuvants) les trois enseignants membres du Comité des relations du travail, en particulier la coordonnatrice du département de Soins infirmiers ; l’Ingénieur, l’autre enseignant membre du Conseil d’administration, l’avocat de la Fédération, les agents doubles qui jouaient sur tous les tableaux, qui faisaient surface et nous rapportaient les propos de la directrice générale, quelques enseignants militants syndicaux comme le coordonnateur du département d’informatique particulièrement lucide et ulcéré par l’International et l’Assemblée générale du syndicat des enseignants. Telles étaient les forces en présence dans une guérilla de tous les instants qui dura sept ans.
Pour porter un jugement sur l’ensemble des sept ans de l’exercice du pouvoir de cette directrice, la première chose qui frappe, c’est le roulement anormal du personnel cadre, roulement dont elle était en bonne partie responsable parce qu’elle demandait à ses collaborateurs de poser des gestes qui contrevenaient aux règles de l’éthique la plus élémentaire dans le but de nuire à ses adversaires et, en particulier, pour nuire au Littéraire. Il serait fort instructif de connaître les causes des départs de neuf cadres, soit un directeur des études, deux directrices des ressources humaines, un directeur des ressources matérielles, et, surtout, de cinq adjoint(e)s à la direction des études, dont certain(e)s ont refusé d’espionner le vice-président à l’information du syndicat local, le Littéraire, pour le déstabiliser à la suite de plaintes toujours anonymes qu’elles signalaient chaque semaine, elle ou son avocate, la directrice des ressources humaines, comme nous en a informé une adjointe qui a occupé ce poste pendant un an avant de revenir à l’enseignement de l’anglais. Au lieu d’intervenir, nous a-t-elle raconté, comme cette adjointe qui avait été directrice d’école primaire avant d’enseigner l’anglais exigeait de parler directement à la personne, parent ou élève qui, aurait porté plainte, elle n’en entendait plus parler. Après un an de refus d’intervenir, ne pouvant tolérer ce genre de procédé et ce genre de pression, et pour d’autres raisons aussi, elle quitta son poste de cadre et revint à l’enseignement de l’anglais. Après la convocation du président du syndicat, ces demandes d’intervention constituent la deuxième action objective de harcèlement selon la définition juridique de la loi sur le harcèlement qui s’applique depuis le 3 juin 2009 et en voici une troisième.
Les enseignantes du département de bureautique, qui n’ont pas spontanément tendance à s’opposer à l’administration, ont refusé carrément une demande de l'Adjointe Louise K. Cette Adjointe est conjointe du député libéral sous Robert Bourassa, devenue membre du comité patronal national de négociation dont le mandat était de ne pas négocier et qui a conduit au décret de 2005, et que la Directrice générale a voulu nommer directrice des études sans passer par un comité de sélection.  Les enseignantes de bureautique ont refusé que cette Adjointe passe un questionnaire d’évaluation aux anciennes élèves du Littéraire, trois mois après la fin des cours, après les vacances d’été, pour lui donner de la matière pour corriger l’erreur grossière que la directrice a faite en l’accusant de ne pas avoir respecté son contrat en bureautique. Pourquoi? Parce qu'il  a répondu non à sa demande que les sept signataires (dont il faisait partie), membres du Comité des relations du travail renoncent à ce que se rende au Conseil d’administration une lettre (voir document 8) dénonçant sa volonté de continuer à couper nos salaires de 2.5% jusqu’en avril même si une entente nationale avait eu lieu qui convenait que la coupure devait cesser dès le premier janvier.  Exiger ce genre d’intervention d’une adjointe contre un enseignant à cause de son action syndicale est un abus de pouvoir et un manque d’éthique. Dans ces circonstances, comme en d’autres situations, ses manoeuvres portaient atteinte à l’intégrité des adjoint(e)s puisqu’elle leur demandait d’utiliser leur fonction à des fins partisanes. L’Adjointe au Directeur des études n’a pas à faire de harcèlement contre un enseignant mais comme elle faisait partie de la clique libérale, elle était d’accord pour intervenir en bureautique. Mais pas deux autres cadres, un adjoint et une adjointe qui ont quitté leurs fonctions. Pas surprenant qu’il y ait eu un tel roulement de personnel à la fonction d’adjointe ou d’adjoint au directeur des études. Leur résistance aux pressions de la directrice générale les honore et prouve qu’il existe encore dans les administrations de collèges des cadres qui ont une conscience et des principes.
Peu à peu, nous avons compris que les affrontements que nous vivions se situaient dans un contexte idéologique plus large. En effet, à une réunion de la Fédération autonome des syndicats (FAC), à l’occasion d’un exposé de Pascale Dufour, professeure au Département de science politique de l’Université de Montréal, nous avons reconnu l’idéologie de la Directrice et celle de la Fédération des cégeps. Cette idéologie dite libérale place l’individu au coeur de la vie sociale, ce qui implique et là on la reconnaît, la marginalisation des acteurs collectifs comme les syndicats par la réingénierie, la sous-traitance, les consultations-bidon, l’utilisation abusive des consultants, les privatisations et une politique de décentralisation vers les régions mettant l’accent sur les acteurs socio-économiques dont elle fait partie, comme présidente du Conseil d’administration du Centre Local de Développement (CLD), ce qui indique que, malgré sa retraite (forcée) du collège, elle est toujours active. Elle a été la cheville ouvrière de la création d’un fonds d’investissement régional (FIER) de 5.1 millions dont 3.4 millions venant du gouvernement libéral qui sera administré par le CLD : elle espère pour elle-même un rendement de 10% pendant dix ans sur les 50,000 $ qu’elle a investis comme elle l’a déclaré candidement au journal local. Dans une société démocratique, rien n’interdit de critiquer, espérons-le, cette idéologie libérale censée respecter la liberté d’expression, une liberté brimée par les menaces de poursuites en diffamation comme le journal local l’a vécu après la publication d’une lettre ouverte écrite par un citoyen qui contestait la façon de dépenser la subvention de 21 millions donnée par le gouvernement du Parti québécois pour le développement économique de la région. Répétons-le, la présidente du Conseil d’administration du CLD de sa région vient d’investir 50,000 $ dans un Fonds d’investissement régional (FIER) soi-disant à risque où le 1,7 million investi par des hommes d’affaires de la région est complété par 3.4 millions d’Investissement-Québec (le gouvernement libéral investit 2 dollars pour chaque dollar régional : 400 millions ont été prévus à cette fin dans le budget du ministre des finances). Les 5.1 millions sont administrés par le CLD pour le développement économique de la région et la création d’emplois. Tout ce beau monde espère un rendement de 10% sur investissement pendant dix ans. Ces informations se trouvent dans le journal local. Rien de malhonnête là-dedans : seulement quelques petits conflits d’intérêt. C’est l’économie libérale en marche qui permet à certains de profiter du système tout en se donnant des airs de travailler pour le bien commun, ce qu’ils font probablement malgré tout mais sans s’oublier. (L’ex-directrice a démissionné du CLD et a été nommée présidente du FIER du Bas-Richelieu.)
Avec l’accession au pouvoir de la directrice générale en 1997, on voit cette idéologie libérale en pleine application. Pendant sa première année en 1997-1998, des modifications de l’organigramme ont eu pour effet d’augmenter la tâche du personnel de soutien et de confier à certains cadres des doubles ou des triples tâches pour lesquelles ils n’avaient pas nécessairement de compétence. Alors ce ne sont pas de vraies économies car les erreurs  se multiplient et le désordre s'ensuit. On pourrait donner des exemples d’erreurs et de négligences de cadres surchargés, erreurs et négligences qu’il était de notre devoir syndical de dénoncer, ce qui a exaspéré la directrice générale qui se voyait contestée dans sa façon d’étirer les tâches des cadres. Elle a échoué dans sa tentative à laquelle nous nous sommes opposés avec succès de confier la cafétéria en sous-traitance à une compagnie privée au détriment de la qualité alimentaire des repas avec le danger que les sept employées perdent leur emploi, employées qu’elle a appelées avec condescendance des petites madames lors d’une réunion organisée pour tout le personnel afin, croyions-nous, que les deux points de vue sur la cafétéria puissent être entendus. Lors de cette réunion, la Directrice a été la seule à parler et le représentant de la coopérative qui gérait très bien la cafétéria, a dû se contenter de distribuer un document exprimant sa position en arrière de l’auditorium. Cela en dit beaucoup sur sa conception de la démocratie. Qu’elle seule prenne la parole avec l’aide d’un powerpoint, cela dépassait tellement l’entendement que tout le monde a figé. Un seul point de vue avait droit de cité, le sien. On a vu qu’elle aimait donner des cours magistraux. Le représentant de la coopérative, qui était un professionnel, n’insista pas car, de toute évidence, elle refusait de participer à un débat. A cette occasion, réunis à l’auditorium, plus d’une centaine de membres du personnel, nous avons tous été trop polis en tolérant son monologue. Nous n’avons pas fait d’esclandre pour ne pas faire de diversion car nous savions que personne ne serait influencé par son exposé qui n’a eu aucun impact. La très forte majorité des membres du personnel ont continué à penser qu’elle n’avait pas d’affaire à privatiser la cafétéria qui était bien administrée et qui offrait d’excellents services alimentaires depuis 20 ans et à  des prix  raisonnables. Ce n'est pas par le dialogue (inexistant) que nous pouvions protéger les acquis mais par l'affrontement. Ce fut une lutte que le syndicat a gagnée : la cafétéria ne fut pas privatisée et les tentatives de la directrice de contrôler l’information sur ce sujet furent un échec. Elle aurait dû en tirer une leçon. 
Quand le stationnement a cessé d’être gratuit et que La Direction a multiplié les frais afférents payés par les élèves malgré les protestations de l’Etudiante, Lorraine Bourret, porte-parole de l’Association étudiante, on a qualifié son administration de mercantile, et l’Association étudiante a transformé le slogan l’étudiant, c’est important par l’étudiant, c’est payant, affiche qui a été saisie par le subtil Grandpied dans les plats, l’adjoint à l’organisation scolaire qui lui était tout dévoué dans l’espoir de devenir Directeur des études, ce qui n’arriva pas, heureusement. Cet adjoint de 6’ 4” serviable et aux multiples talents est aujourd’hui directeur des ressources humaines dans un gros collège de Montréal. Parlant de liberté d’expression, le syndicat a été obligé de faire un grief et de le gagner suite à la sentence de l’arbitre Gilles Lavoie pour avoir le droit de se servir des casiers des enseignants sans que l’administration puisse intercepter nos bulletins d’information comme elle l’a fait pour notre Complément à l’Info-CA qui faisait très mal parce qu’il décrivait en détail le fonctionnement ubuesque d'une réunion du Conseil d’administration sous sa direction à travers un exemple, le dossier de la cafétéria. Suite à l’évaluation négative que les enseignants ont faite de son premier mandat, elle a engagé une firme privée qui a échoué dans sa mission de redorer son image. Plus tard, au coût de 73,600$, une firme privée a fait une étude pour nous apprendre ce que nous savions déjà à savoir que la clientèle se trouvait à l’ouest du collège, du côté de Varennes.
Auteur des questionnaires détaillés et responsable du processus de son évaluation qui a conduit 70% des enseignants à ne pas recommander son renouvellement de mandat, l’exécutif syndical a dû subir son hostilité permanente. Par exemple, Grandpied a donné machiavéliquement au Littéraire une classe au rez-de-chaussée qui serait troublée par des bruits de construction qui provenaient de travaux dans le sous-sol pour le programme en environnement-santé-sécurité, ce qui, inévitablement, susciterait des sarcasmes de sa part et l’impossibilité de donner des cours magistraux, cours magistraux qu’une lettre non officielle du Directeur des études réclamait de lui ainsi qu’une injonction de cesser ses attaques contre l’administration. Un certain après-midi, il a reçu la visite inopinée de deux cadres féminines dans sa classe, sans avertissement, trois semaines avant les procès, avec un questionnaire à remplir par les élèves afin de prouver que le méchant syndicaliste ne respectait ni l’administration, ni ses élèves. Les élèves, perspicaces, déjà avertis que l’administration en voulait à leur professeur, à la vue des questions, comprirent le but de la démarche patronale et ne firent pas de réponses qui pourraient justifier une mesure disciplinaire, suspension ou autre, de l’administration contre lui. Cette solidarité étudiante en temps de crise fut fort appréciée par le professeur de français qui y a vu un effet bénéfique de son enseignement et confirma sa position de base dans la vie à savoir qu’il y a des avantages à s’adresser à l’intelligence des gens et à leur faire confiance, surtout les jeunes. Cet appui étudiant est un souvenir fort émouvant pour le Littéraire. Après la compilation des réponses de ses élèves, au grand déplaisir de la Directrice générale, le Directeur des études a écrit une lettre d’excuses à l’enseignant pour l’avoir dérangé et n’a pu s’empêcher de constater, par écrit, à la demande du Littéraire qui cherchait réparation pour l'injure, que ses élèves l’estimaient et considéraient qu’il était un professeur de littérature compétent et dynamique, ( message à certains collègues jaloux, envieux, hypocrites et sournois) ce qui était normal puisque par ses méthodes et son style d’enseignement, après avoir étudié les plus beaux poèmes de François Villon, il venait de leur faire comprendre et apprécier un roman difficile du XVIIè siècle, La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette et qu’il était en train d’analyser avec eux Le Misanthrope, de Molière, des classiques qui, comme par hasard, traitent du thème de la sincérité dans les relations hommes-femmes et dans la vie sociale. Cette lettre d’excuses accompagnée d’un jugement favorable sur son enseignement a été précédée d’une rencontre à Varennes où le Directeur des études lui fit faire, aimablement, le tour du propriétaire, ce qui le convainquit qu’au fond, bien que parfois obstiné, c’était un honnête homme et que le vrai problème, ce n’était pas lui. Cette visite de deux cadres dans sa classe, c’est la quatrième action de harcèlement contre le Littéraire, lui, le vice-président du syndicat, la plus grave, après la convocation du président du syndicat en août 97, les demandes répétées d’intervention et d’espionnage faites à une adjointe et la tentative ratée de l’Adjointe aux programmes de passer un questionnaire dans son ancienne classe de bureautique. Vous avez bien lu, la quatrième.
La Directrice avait aussi envoyé un professeur d’éducation physique devenu temporairement aide pédagogique dans sa classe de bureautique pour venir écornifler sous prétexte de vérifier la présence d’une élève en classe avec laquelle il s’entendait bien (et qui, soit dit en passant, était danseuse nue dans un club de nuit d’un petit village de la région et qui l’avertit qu’une étudiante adulte (une autre) parlait contre lui dans son dos pendant les pauses). Cet enseignant-espion a obtenu une prime de séparation d’une année de salaire quand il a pris sa retraite... Dans cette classe de bureautique dont le but était d’améliorer le français écrit, il avait donné un sujet d’examen final plutôt original. En voici le sujet : Vous êtes la secrétaire d’un grand éditeur de Montréal. Vous écrivez à Gallimard pour lui demander de publier en un seul volume le Survenant et Marie-Didace de Germaine Guèvremont. Vous justifiez votre demande en montrant que Marie-Didace est la suite du Survenant et en expliquant que les deux romans n’en font qu’un puisque ce sont les mêmes personnages et qu’après le départ du Survenant, on peut trouver une trentaine de références au dieu des routes dans Marie-Didace. A la mi-session, voici le sujet donné pour un autre travail. Le président de Cascades est en voyage en France. Pendant ce temps, Richard Desjardins sort son film L’erreur boréale. Comme secrétaire, vous écrivez un rapport sur le contenu de ce film pour que votre boss, de retour de voyage, sache quoi répondre aux questions des journalistes. Comme vous voyez, dans ce cours de français écrit, on était loin de l’étude des anglicismes ou du langage spécialisé que doit connaître toute bonne secrétaire.  Bien entendu, malgré l'intérêt des élèves, il ne donna ce cours qu’une seule fois. Le Grammairien (auteur d’une grammaire) prit sa succession. Celui-ci avait de la difficulté à obtenir l’attention de ses élèves plus d’une demi-heure. Une fois, exaspéré, il lança sa craie au visage d’une bavarde. Voyez à quelles situations tendues mènent les cours magistraux.  Remercions le Grammairien de cette confidence qui l'humanise…et qui nous a bien fait rire.
Revenons au Littéraire et à la visite non annoncée de deux cadres féminines que nous qualifions à juste titre de complot qui aurait pu aboutir à une suspension ou à une autre mesure disciplinaire. Cette mauvaise surprise  qui créait un milieu de travail néfaste se produisit pendant que les quatre membres de l’exécutif syndical devaient faire face aux tribunaux suite à des poursuites judiciaires de 80,000$ (le 15 mai 2001) pour diffamation à cause d’une lettre envoyée au cent membres du syndicat qui contenait une critique du directeur des études intitulée la double incompétence sur les examens de reprise et la politique d’évaluation du collège. (Six mois plus tard, le directeur des études faisait les modifications que nous avions demandées.) La poursuite a été précédée d’une mise en demeure qui prétendait que les mots manque de jugement, et doublement incompétent utilisés dans un texte envoyé à tous les enseignants le 24 janvier 2001 pour qualifier une décision du directeur des études sur les examens de reprise étaient diffamatoires et portaient atteinte à sa réputation. Dans cette mise en demeure datée du 31 janvier 2001, le Collège nous demandait de retirer ces propos et de nous excuser et nous donnait cinq jours ouvrables pour le faire. L’exécutif du syndicat a présenté des excuses et retiré les propos litigieux à deux reprises mais en vain car l’administration tenait à maintenir un rapport de forces par une poursuite aux frais des payeurs de taxes. C’est ce qu’on appelle une poursuite stratégique, une SLAPP, une poursuite-bâillon.
Cette poursuite fut suivie d’une autre de 170,000 $ (le 8 août 2001) pour diffamation à cause de propos que le Littéraire, vice-président du syndicat, aurait tenus comme membre du Conseil d’administration lors d’une réunion du Conseil du 19 juin 2001. A ce Conseil dont il était membre comme représentant des enseignants, le Littéraire avait devant lui une fiche qu’il a conservée, une fiche préparée minutieusement pour poser à la Directrice une question précise qui est, mot à mot, la suivante : Lors de l’accueil du personnel, l’automne dernier, devant trois de mes collègues, vous vous êtes engagée à acheter des ordinateurs pour faire du multi-média en Arts et Lettres. Or, il n’y a rien de prévu dans le budget du collège. Vous n’avez donc pas respecté votre engagement. C’est ce qui est écrit sur la fiche et c’est ce qu’il a lu. Il a ajouté ( ce qui n’était pas prévu et ce fut une erreur, évidemment) : vous étiez à jeun ! ce qui est, selon notre interprétation, un éloge indirect du vin puisque ça voulait dire que cet engagement qui répondait à un besoin urgent en Arts et Lettres, lors de l’accueil du personnel, la directrice générale ne l’avait pas pris dans l’enthousiasme que peuvent provoquer quelques verres de bon vin. Et que, par conséquent, elle devait le respecter. Ce n’est pas ce que la directrice a compris. La fumée lui sortant par les oreilles en plein Conseil d'administration devant plus de 25 personnes, courroucée, elle a demandé à l’enseignant de retirer ses propos ce qu’il a fait sur le champ tout en étant fort surpris de sa réaction. Plus tard, lors de l’interrogatoire pré-procès, au palais de justice de Sorel, le retrait des paroles mal interprétées a été qualifié par elle de frivole au sens juridique du terme : de toute évidence, l’avocat local avait donné des conseils. Lors de cet interrogatoire pré-procès soigneusement noté par une sténo et dont nous avons le texte intégral daté du 31 octobre 2001, elle a eu le culot de prétendre que le Littéraire avait dit : Cette fois-là, vous étiez à jeun en ajoutant curieusement et je le jure comme pour montrer qu’elle était consciente de la gravité de cette phrase et son caractère incriminant et elle dit que cette phrase était en relation avec une réunion de département. Selon elle, sa promesse d’acheter des ordinateurs aurait été faite dans une réunion du département de français et c’est en se référant à cette réunion de département qu’il aurait dit : Cette fois-là, vous étiez à jeun. Selon le Littéraire, cette fois-là, qu'il n'a jamais dit,  est à mettre au crédit du génie créateur et perfide du trio  Sa Majesté-l'avocat local  et  l'avocate béèmdoublevé.
Cette version des faits, on peut bien le dire, ça ne tient pas debout. En effet, si l’enseignant s’était référé à une réunion de département où il n’y a jamais de boisson, comment aurait-il pu parler de vin ? Ces faits font appel à la logique, à une logique implacable. Les amateurs de romans policiers et de logique auront compris pourquoi, plus tard, l’enseignant a osé affirmer dans une réunion des quatre membres de la Direction et des trois autres membres de l’exécutif syndical qui étaient présents lors du fameux Conseil d’administration du 19 juin 2001 que le témoignage de la directrice générale était une fabrication. Ce n’était pas la logique qui dominait dans son témoignage du 31 octobre. Nous savons que l’idée de fabrication implique quelque chose de volontaire. Mais à la réunion précitée, c’est ce que le Littéraire a dit devant sept témoins et non des moindres et l’exactitude exige que nous le rapportions tel quel. L’enseignant a pensé que la phrase incriminante : Cette fois-là, vous étiez à jeun a été inventée de toutes pièces par des gens que Louis-Ferdinand Céline aurait invectivés. Il fallait ajouter : cette fois-là, parce que ce qui avait été dit par l’enseignant au Conseil d’administration du 19 juin 2001 ne justifiait pas une poursuite en diffamation et un procès, c’est aussi simple que ça. Il a peut-être eu tort de penser cela mais il l’a pensé. Le Littéraire a signé un affidavit : Je n’ai pas dit cette fois-là. Et cinq témoins étaient prêts à le signer. Nous pourrions donner les noms de ces cinq enseignants présents au Conseil d’administration du 19 juin 2001 qui étaient prêts à jurer que le Littéraire n’avait jamais dit : cette fois-là. Les formulaires étaient prêts mais ces affidavits ne furent pas signés car entre temps, une entente hors cour a été signée. Si le procès avait eu lieu, pour que le Littéraire soit condamné pour diffamation, il aurait donc fallu de faux témoignages… qui aurait pu résulter en une erreur judiciaire.
De plus, le contexte n’était pas une réunion de département, comme la directrice générale l’a prétendu, mais un accueil du personnel au hot-dog comme avait dit avec mépris le Grammairien, au vin et à la bière. Comme l’enseignant craignait une erreur, il avait noté les circonstances précises de son intervention dans une lettre envoyée au début de juillet aux 19 membres présents  au Conseil d’administration du 19 juin 2001,  lettre remise en mains propres à la secrétaire de la directrice, pour éviter que sa mémoire ne soit défaillante. Malheureusement, elle n’a pas tenu compte des précisions contenues dans cette lettre que l’on peut lire dans les documents. De toutes façons, il était impossible que l’enseignant se réfère à une réunion du département de français car les questions regardant le programme d’Arts et Lettres ne sont pas discutées en département mais dans des réunions de programme. C'est un détail  capital que les amateurs d'Hercule Poirot ou de Columbo ou de Sherlock Holmes apprécieront.  Il est tout aussi impossible qu’il ait dit : Cette fois-là puisque cela supposerait qu’il pensait qu’habituellement, au jour le jour, la directrice n’était pas à jeun dans l’exercice de ses fonctions, ce qui est faux puisqu’il n’avait aucune raison de penser cela. et qu'il ne le pensait pas. Il lui a déjà dit en public, dans une rencontre précitée entre les quatre membres de la Direction du collège et les trois autres membres de l’exécutif du syndicat : pour nous, le témoignage de la directrice lors de l’interrogatoire pré-procès ne correspond pas à ce qui s’est dit. Il fallait qu’il y ait beaucoup d’émotivité dans l’air au Conseil d’administration du 19 juin 2001 pour qu’une référence au vin normalement consommé lors d’un accueil du personnel soit métamorphosée en attaque personnelle et en diffamation. Et, en effet, comme la directrice et ses complices avaient décidé lors de cette réunion d’exclure l’enseignant du Conseil d’administration (la preuve, on avait ajouté, le soir même, un point à l’ordre du jour : implication des membres du CA), la directrice générale était un peu agressive et fébrile. Mais, plus tard, à tête reposée, pendant les vacances, au moment de la rédaction de la poursuite en diffamation de 170,000 $, ça prenait beaucoup d’imagination (et de malice, de malveillance et de perversion) pour transformer un éloge du vin en insulte diffamatoire. Pendant ce temps, dans la région circulait cette rumeur que la directrice générale s’était fait insulter pendant une réunion du Conseil d’administration. Et par qui, pensez-vous ? Comme aurait bien dit Balzac, en province, une semblable aventure s’aggrave par la manière dont elle se raconte. Personne ne savait avec exactitude ce qui s’était vraiment dit mais les mémérages allaient bon train. Comme d’habitude, en province ou en région. Dans la poursuite, la somme d’argent réclamée était la conséquence du tort causé à la réputation de l’éminente éducatrice et femme d’affaires dans la région ; nous avons donc demandé que notre mise au point faite devant les quatre membres du Comité de direction reçoive la même publicité que les prétendus propos diffamatoires.  En vain. Une question : la déformation des propos de l’enseignant était-elle faite de bonne foi ? Les deux erreurs complémentaires qui l’incriminaient étaient-elles volontaires ou involontaires ? Est-ce possible que ces deux erreurs aient été involontaires ? Chacun peut avoir son opinion là-dessus et nous croyons que vous avez compris quelle est la nôtre. 
Remarquons encore une fois que la version de l’enseignant, qui est différente de celle de la directrice, est la même que cinq autres témoins qui étaient présents comme observateurs au Conseil d’administration du 19 juin 2001 et qui connaissaient d’avance la question sur les ordinateurs qui serait posée puisqu’ils en avaient parlé en détail en soupant chez St-Hubert, avant la réunion du Conseil d’administration. Nous insistons. Peu après le 19 juin 2001, elle a reçu en mains propres une lettre qui précisait toutes les circonstances de la question posée au Conseil d'administration. Elle l’a ignorée. Pourquoi ? Nous lui disons : Etes-vous prête, aujourd’hui, madame l’ex-directrice, à admettre que votre témoignage du 31 octobre 2001 contenait deux erreurs ? C’était, objectivement, des erreurs. Néanmoins, quant à nous, la conclusion est double et incontournable.
Première conclusion : pour justifier un procès en diffamation, on a été obligé de modifier les propos tenus (on a ajouté les mots Cette fois-là) et de changer la circonstance ( une réunion de département et non un accueil du personnel) à laquelle on se référait. 
Deuxième conclusion : si on se base sur ce qui a été dit et sur la référence à l’accueil du personnel, il n’y avait pas matière à procès. Que pensez-vous, madame, de cette logique implacable ? La prétention de votre avocat que l’enseignant a dit quelque chose qui laissait entendre que vous étiez toujours paquetée quand vous exerciez vos fonctions est absurde, grotesque, ridicule et sans fondement. L’enseignant membre du conseil d’administration n’a jamais pensé cela, ne pense pas cela, et, par ses paroles, il n’a jamais laissé entendre une telle fausseté. Que cela soit bien clair ; dans l’exercice de vos fonctions dont nous avons été témoin, vous avez toujours été en pleine possession de vos moyens. Voilà qui devrait vous rassurer. N’ayez aucun doute là-dessus. Ne peut-on pas dire qu’en retirant la poursuite, vous avez reconnu que vous vous étiez trompée. Que d’argent (50,000 $), de temps et d’énergie gaspillés ! Voilà ce que nous nous préparions à dire en cour devant le juge. C’est sans doute pour éviter d’avoir à faire face à ses contradictions que la Directrice a décidé de retirer sa poursuite. Le procès aurait contribué encore plus à défaire cette image de femme d’action irréprochable, dévouée et vertueuse qu’elle se donnait beaucoup de mal à construire.   
Le paradoxe, c’est que cette poursuite contre un enseignant de plus de trente ans d’expérience, essayiste qui a publié cinq livres, docteur en lettres de l'Université Laval, militant indépendantiste depuis 1965, membre du Conseil d’administration et vice-président du Syndicat des enseignants, cette poursuite basée sur des paroles qui n’ont pas été dites ainsi que l’autre poursuite contre l’exécutif du syndicat à cause d’une critique légitime du Directeur des études ont plus fait pour nuire à la crédibilité professionnelle de la directrice générale et du directeur des études que tout ce que nous avons dit et écrit en sept ans. Car il y avait cinq personnes fiables dont l’Infirmière, la coordonnatrice du département de Soins infirmiers qui a beaucoup de crédibilité, qui ont été témoins de ce qui s’est vraiment passé le 19 juin 2001 et qui n’ont pas manqué de rétablir les faits auprès de tous les membres du personnel, y compris, bien sûr, les enseignants qui voulaient savoir et qui finançaient notre avocat. Voilà pourquoi les propositions d’appui étaient adoptées à l’unanimité par les enseignants présents aux assemblées syndicales pendant les moments forts du conflit avec un taux de participation exceptionnel de plus de 80% et que plus de 90% des enseignants respectaient les boycotts. Car si les enseignants avaient cru que leur représentant au Conseil d’administration avait eu une conduite inappropriée, ils lui auraient demandé de démissionner, ce qu’ils n’ont pas fait ; au contraire, ils l’ont massivement appuyé. Et si le Littéraire avait tenu des propos diffamatoires, il se serait cru indigne de représenter les enseignants au Conseil d’administration du collège et il aurait démissionné de lui-même sans autre forme de cérémonie. Mais il ne pouvait accepter d’être accusé faussement. Il n’était pas question de se laisser diffamer. Il fut obligé de se défendre. Dans ces circonstances, il était malheureusement impossible d’adopter l’attitude conciliante de Montaigne.
Heureusement pour elle que la Directrice  a accepté qu'une entente hors cour soit signée.  Il est temps de faire ici une révélation. Seul le vice-président de la FAC Daniel Lussier était au courant. Le Littéraire avait vu plusieurs fois le film de Brian di Palma sorti en 1990 dont le scénario s'inspire du roman de Tom Wolfe intitulé The Bonfire of the vanities (1987) (le Bûcher des vanités) mettant en  vedette Tom Hanks, Melanie Griffith, Bruce Willis et Morgan Freeman dans le rôle du juge. Le juge s'adresse à la foule à la fin du procès et dit: La justice ne peut être rendue s'il y a de faux témoignages. Vivez avec honnêteté (décency) et respectez les principes que votre grand-mère vous a enseignés. Melanie Griffith, la maîtresse du trader de Wall Street Tom Hanks, a fait un faux témoignage. Elle a dit que c'était Tom Hanks qui était au volant de la Mercedes qui a gravement blessé un noir et qu'elle a voulu appeler la police. Or, c'était elle qui était au volant et c'était elle qui ne voulait pas appeler la police. Un enregistrement avait été fait de ses propos parce que le propriétaire voulait prouver que sa locataire n'habitait pas l'appartement et le sous-louait. Il avait fait installer un dispositif pour enregistrer les conversations. Ce film donna l'idée au Littéraire de placer un petit magnétophone dans sa serviette pour enregistrer les échanges controversés qui ne manqueraient pas d'avoir lieu pendant le fameux conseil d'administration du 19 juin 2001. Voici ce que l'enregistrement révèle. Le Littéraire a dit: Lors de l’accueil du personnel, l’automne dernier, devant trois de mes collègues, vous vous êtes engagée à acheter des ordinateurs pour faire du multi-média en Arts et Lettres. Or, il n’y a rien de prévu dans le budget du collège. Vous n’avez donc pas respecté votre engagement. Vous étiez à jeun ! Point d'exclamation. La directrice avait fait une Melanie Griffith d'elle-même. Pas de Cette fois-là et pas de réunion de département. S'il y avait eu un procès, on ne saura jamais si la Directrice qui avait suivi Théâtre 601 se serait évanouie…comme dans le film. On comprendra que la possession de cet enregistrement par le Littéraire contribua grandement à diminuer chez lui le stress qui accompagne des poursuites. 
Après ces poursuites qui nous déstabilisaient, après la publication d’un Huissier reproduisant le Rapport d’évaluation de la directrice générale, Sa Majesté a fait l’erreur de traiter les quatre membres de l’exécutif de menteurs dans un écrit daté du 28 janvier 2002, distribué à tout le personnel et signé : La Direction. Elle nous a diffamés en continuant à nous traiter de diffamateurs avant que la chose ne soit jugée ; elle nous a aussi diffamés en nous traitant de menteurs. Nous avons alors appliqué le grand principe du droit romain cité par le frère de l’Ebéniste qui est avocat lors de l’audition d’un grief : ce qui est bon pour minou et bon pour pitou et comme elle nous a insultés en prétendant que nous avions écrit des propos mensongers, cela lui a valu, à son tour, à elle, aux trois autres membres de la Direction ainsi qu’au président du Conseil d’administration, dit le Chasseur, une mise en demeure avec menace de poursuites du syndicat et le plaisir exquis d’une visite du huissier, un genre de visite qui, en région, ne passe pas inaperçue et qui fait jaser. Cette mise en demeure de se rétracter et de s’excuser ainsi que des griefs et un recours au Tribunal du travail pour anti-syndicalisme devaient peser lourd dans la balance quand elle et le directeur des études ont enfin décidé de retirer les deux poursuites lors d’un règlement hors cour signé par les parties le 30 octobre 2002.
Quand on essaie de comprendre ce qui a pu pousser la Reine du décorum à sortir l’artillerie lourde juridique, il faut nécessairement soulever le problème de son évaluation par le syndicat des enseignants. Vers la fin de son premier mandat, comme cela est prévu dans les règlements, le Conseil d’administration nous a demandé notre avis pour savoir si on devait lui donner un deuxième mandat de cinq ans. Même si elle contrôlait les principaux lieux de décision, les diverses étapes de son évaluation ont donné lieu à une guerre de relations publiques et déclenché chez elle des mécanismes psychologiques d’autodéfense étonnants. Personne n’aime être évalué surtout quand on pense que l’évaluateur est hostile. Les enseignants en savent quelque chose surtout les jeunes pendant leurs trois premières années avant d’obtenir leur permanence ce que François Legault a l'air d'ignorer. La perspective de son évaluation l’a tellement traumatisée que le jugement critique porté par les enseignants sur son premier mandat commencé en 1997 a fait d’elle une redoutable adversaire. Elle a alors décidé que les quatre membres de l’exécutif syndical étaient des ennemis à abattre. Nous étions des traîtres qui voulaient la chute de Sa Majesté. Elle nous a déclaré la guerre et nous n’avons pas eu le choix : nous sommes devenus de plus en plus des warriors, ce qui devait éventuellement et fatalement nous nuire politiquement comme elle le souhaitait car il était inévitable qu’un certain nombre de nos membres partisans du double emploi et des refus de priorité conduisant au congédiement de jeunes professeurs, par ailleurs amadoués par un coûteux programme de prêt d’ordinateurs fait aux enseignants  et frustrés du byecott des partys de Noël, du byecott des remises de diplômes ou du byecott d'autres activités sociales, choqués (avec raison) de ne pas bénéficier des nouvelles échelles de salaires accompagnant l’acceptation de cinq heures supplémentaires par semaine, il était inévitable, disions-nous, qu’ils nous rendent responsables du mauvais climat attendu que nous pouvions difficilement nous expliquer parce que pour se défendre contre des accusations de diffamation, à la fois en Cour supérieure et devant le Comité d’éthique du Conseil d’administration, vous êtes obligé de révéler des faits ou des propos qui apportent de l’eau au moulin de vos accusateurs sans parler du fameux sub judice. Si vous dites : On m’accuse d’avoir dit telle ou telle chose mais ce n’est pas ce que j’ai dit, vous répandez les propos qualifiés de diffamatoires et vous vous coulez. Nous pouvions rétablir les faits dans des conversations privées mais pas en public et par écrit. C’est très embêtant comme situation. Des poursuites en diffamation, ça trouble le cours normal de la vie sociale. Ça pousse au silence et à la peur. 
(Nous avons dû payer le prix de la lutte que nous avons menée : formé de gens qui n’ont pas été solidaires et qui n’ont pas respecté les boycotts, un nouvel exécutif syndical dont la Directrice a souhaité et encouragé l’élection a été élu après avoir exploité avec succès le malaise créé. Nous sommes donc devenus de simples soldats appelés les vieux par un démagogue, Amable Beausapin. Depuis lors, c’est le calme plat après la loi 142 de décembre 2005 imposant les conditions de travail aux 500,000 employés du secteur public et une situation difficile créée par une baisse de clientèle dans certains programmes techniques puisqu’on s’en va vers une clientèle d’environ 900 élèves alors que, dans les belles années, il y avait plus de 1200 élèves. Après deux ans, Amable le félon, mis en disponibilité, a quitté l’exécutif du syndicat des enseignants. Assuré de 80% de son salaire avec une petite tâche, pourquoi ferait-il du bénévolat syndical ? Sa vocation syndicale comme enseignant aura été de courte durée. Comme technicien en électro, il avait été plus tenace. Sa mission avait été de battre l’équipe syndicale qui avait donné tant de fil à retordre à son amie l’Avocate de service. Une fois sa mission accomplie, Amable Beausapin est retourné dans l’ombre d’où il n’aurait jamais dû sortir. Il a pris sa retraite en juin 2008. Qu’il continue à se reposer et à fréquenter l'Université, la taverne locale, pour rencontrer tous les vendredis ses semblables satisfaits du désordre établi.)
Ces poursuites en Cour supérieure étaient machiavéliques, si on tient compte de l’aspect financier avec les frais d’avocat, les nôtres et ceux de la partie adverse (avec dépens) si nous avions perdu et les menaces de grosses amendes puisque les poursuites visaient personnellement chacun des quatre membres de l’exécutif du syndicat. Même après le règlement hors cour, quand un membre de l’exécutif du syndicat, l’Irlandais pour ne pas le nommer, voulut faire un emprunt personnel à la banque, il constata qu’il restait des traces des poursuites dans son dossier de crédit. La Fédération autonome avait beau tout financer, cela mettait beaucoup de pression sur chacun de nous. Ce qui nous fait conclure qu’en théorie les enseignants ont le droit d’évaluer les hors-cadres, c’est-à-dire la directrice générale et le directeur des études, qui sont les personnes les plus puissantes d’un collège mais, qu’en pratique, c’est un exercice périlleux qui peut conduire à des représailles. Surtout quand on se permet d’être mordant comme dans le rapport confidentiel d’évaluation du directeur des études qui nous a poursuivis (ayant quitté notre collège, il a occupé le même poste dans un autre cégep, lui dont on avait supposément détruit la réputation et ruiné la crédibilité et, ensuite, il a été nommé directeur général d’un collège ; si nous ne l’avions pas diffamé, il serait aujourd’hui ministre de l’éducation), rapport confidentiel, disions-nous, qui a tout déclenché, où nous avons demandé selon une formule dont l’Irlandais était très fier qu’il cesse de faire la belle devant sa souveraine, donc qu’il cesse d’être une marionnette à qui la directrice générale coupait fréquemment la parole pendant les conseils d’administration, ce qui nous énervait beaucoup en tant que mâles, nous l’avouons pour faire plaisir aux féministes. Nous ne nous attendions pas à ce que cette  métaphore, faire la belle devant sa souveraine trouvée par l’Irlandais provoque une réaction aussi démesurée car, après tout, comme disait le maire Jean Drapeau suite au Vive le Québec libre du général De Gaulle en 1967, sur le balcon de l’hôtel de ville de Montréal, le mot chien n’a jamais mordu personne. Après avoir pris connaissance de notre rapport d’évaluation du Directeur des études qui l’attaquait directement, quand la directrice générale a appris que ce rapport avait été lu par l’Irlandais devant trente enseignants réunis en assemblée générale syndicale, elle a vu le danger et comme elle savait qu’elle serait évaluée à son tour, elle a redouté avec raison notre évaluation et elle a décidé de passer à l’offensive. Pour nous donner des armes, nous avons lu L’Art de la guerre du Chinois Sun Tzu rédigé au 4è siècle avant notre ère et cité dans le film Wall Street. Nous avons pris bonne note que, selon Sun Tzu, l’art de la guerre est fait de stratégie et de ruse et qu’il est basé sur la duperie et le mensonge.
Nos références à la royauté avec des citations en exergue des Huissiers, bulletin d’information syndicale ainsi nommé en référence aux visites des huissiers à nos domiciles respectifs, parfois à sept heures du matin, en plein été, ont provoqué chez elle une exaspération croissante. Par exemple, dans le premier numéro du Huissier, daté du 7 décembre 2001, on pouvait lire, en exergue, la citation suivante : L’humeur ambitieuse de la reine lui faisait trouver une grande douceur à régner écrit Madame de La Fayette au début de La Princesse de Clèves à propos de Catherine de Médicis. Cette ironie devait vite devenir, pour elle, insupportable. Pour répondre à l’exigence par mise en demeure donc par lettre d’avocat de retirer nos propos et de nous excuser, nous avons écrit une lettre datée du 26 mars 2001. Quand nous avons cité Montaigne, le vase déborda. Montaigne écrit dans le livre premier de ses Essais, au chapitre trois : Nous devons la sujétion et l’obéissance également à tous rois, car elle regarde leur office : mais l’estimation, non plus que l’affection, nous ne la devons qu’à leur vertu. Donnons à l’ordre politique de les souffrir patiemment indignes, de celer leurs vices, d’aider de notre recommandation leurs actions indifférentes pendant que leur autorité a besoin de notre appui. Ici, il ne fallait évidemment pas prendre le mot vices au pied de la lettre. Dans notre contexte, il ne s’agissait pas de se référer aux sept péchés capitaux du petit catéchisme mais plutôt à l’ensemble de son oeuvre, à la totalité des comportements que nous critiquions. Cette citation les enragea et leur fit rejeter notre lettre d’excuses et de rétractation. Nous n’étions pas sincères puisque nous continuions, à travers Montaigne, à les insulter en les traitant d’autorités indignes qui nous obligent à celer leurs vices et qui ne méritent pas notre estime et encore moins notre affection puisque nous doutons de leur vertu. C’était provocateur. Le mot chien n’a jamais mordu personne, bien sûr, mais il y a quand même des mots qui mis ensemble dans une phrase ne laissent pas indifférents même s’ils sont datés de 1592. Nous nous en sommes rendus compte devant le Tribunal du travail en voyant la réaction outrée de l’avocate de service béèmdoublevé quand elle revint sur cette citation de Montaigne et le sourire amusé de la juge  Louise Verdone.
De même, quand le représentant des enseignants a été chassé du Conseil d’administration suite à une plainte d’un des valets de la Directrice, la référence à Alcibiade, ostracisé d’Athènes, exaspéra car elle obligea à consulter un dictionnaire des noms propres comme le remplacement du mot incompétence (ce mot étant, paraît-il, diffamatoire) par le mot impéritie exigea l’usage du dictionnaire des noms communs. Lui et ses Grecs ! lança le défunt président du Conseil, honnête homme pacifique avant que le plus important agent d’assurances de la région André L. j'assure, je rassure ne déchire théâtralement en plein conseil d’administration notre bilan de sa première année qui prévoyait que la deuxième année se déroulerait sous les auspices de Mars et non de Vénus étant donné que, comme elle l’avait écrit elle-même, le coup de foudre était terminé, expression qui révélait qu’elle concevait ses rapports avec le personnel comme des rapports passionnels, ce qui explique bien des choses sur son comportement. Ce bilan de l’An I valut une lettre disciplinaire au dossier des deux auteurs, le Politique et le Littéraire, à ce moment-là membres du Comité des relations du travail, lettre disciplinaire qui fut retirée suite à un engagement (loufoque) de bonne conduite précédé de la démission du CA d’un des signataires (ce qui était l’effet recherché) comme membre du comité d’évaluation de la directrice générale. Ce comportement de Mère supérieure qui donne des leçons de respect et de politesse nous parut grotesque, anachronique, archaïque et en porte à faux. C’était comme si, avec maternalisme, elle nous prenait pour des adolescents délinquants alors que nous ne faisions qu’exercer un droit syndical normal à la critique. Mais nous étions dans l’anormal, la suite des choses allait le montrer.
Devant le refus de donner l’information sur le coût des poursuites, le syndicat des enseignants a été obligé de recourir à la Commission d’accès à l’information. Après le départ de la Directrice générale, pour éviter d’avoir à passer devant le Commissaire, la nouvelle Direction révéla qu’une somme de 48,900 $ a été versée par le Collège au bureau du tonitruant avocat local, dit Injures et vomissements pour payer pour ses bons services d'avocat qui a intenté deux poursuites judiciaires. Nous avons le détail de ces dépenses. A notre avis, c’était un véritable scandale de gaspiller ainsi des fonds publics alors qu’il y a tant de besoins criants à combler dans notre collège.
Par diversion, la directrice parlait de manque de respect chaque fois que nous n’étions pas d’accord avec elle comme si nous n’avions pas le droit de contester ses projets dits de développement qui ont mené à quatre programmes qui, selon la formule heureuse trouvée par un professeur d’informatique, cannibalisent d’autres programmes et qu’on doit subventionner, ce qui augmente la tâche des autres enseignants, parce que ces programmes manquent malheureusement de clientèle en assurances, en informatique, en bureautique et en environnement-santé et sécurité. A cause du mode de financement actuel, pour permettre des classes de 5-6 élèves dans des cours de ces programmes de techniques, des enseignants en sciences, en sciences humaines, en français, en philosophie accepteront-ils d’avoir des classes de plus de 35 élèves ? Les intentions étaient bonnes mais le résultat l’est moins. Ces nouveaux programmes, dans un contexte prévisible de baisse de clientèle, c’était du développement non durable. On peut en conclure que chaque fois que nous contestions ses décisions, c’était injuste d’essayer de nous faire passer pour des mécréants qui veulent détruire le collège comme elle l’a dit en plein Conseil d’administration avec un sens inégalé de la nuance. Quand on regarde la situation financière déficitaire qu’elle a laissée et les difficultés dans les quatre programmes précités, on voit bien que nous avions raison de contester. Pour nous, malgré les bonnes intentions, une formule résume bien ses sept années à la direction de notre collège : beaucoup de voile, pas beaucoup de gouvernail. En effet, on nous a informé que le centre de Varennes est un gouffre financier et que l’International, qui a donné l’occasion de voyages d’affaires coûteux et prestigieux, ce n’était pas rentable avec un déficit de 135,000$. D’ailleurs, le Conseil d’administration a aboli l’international. Au fond, faire de l’international en Côte d’Ivoire, en pleine guerre civile, ce n’était pas une bonne idée. C’est ce que nous lui avons rappelé malicieusement à voix basse en lui donnant l’accolade devant tout le monde lors d’une journée pédagogique à l’auditorium à la rentrée d'automne.
Rappelons que, quand la directrice générale est arrivée à notre collège en 1997, il y avait un solde de fonds, autrement dit, un surplus de $2.4 millions, ce qui est une somme considérable pour un petit collège. Ce bas de laine laissé par l’administration précédente et accumulé pendant trente ans en partie aux dépens de services auxquels les employés et les étudiants avaient droit, n’existe plus de telle sorte que la directrice générale nous a annoncé un déficit de 345,000$ pour 2004-2005. Ce déficit de 345,000$ reviendra en 2005-2006 à moins que des mesures drastiques ne soient prises. Ces mesures ont été prises et le budget actuel du collège ne compte pas de déficit grâce à la bonne administration de la nouvelle directrice générale Fabienne D. qui a économisé en fonctionnant pendant un certain temps sans directeur des ressources matérielles et sans directeur des études en dépression depuis plus d’un an parce que lui a été refusé un horaire spécial sur trois jours lui permettant d’aller à Québec chaque semaine rejoindre son épouse : cet horaire spécial obligeait à des réunions le soir et les employées ayant porté plainte, elles ont été entendues par la directrice générale.
Tel est votre héritage, madame l’ex-directrice : en sept ans, de 1997 à 2004, le collège est passé d’un surplus considérable de 2.4$ millions à une situation déficitaire. Votre prime (légale) de départ dans les six chiffres et dont le montant exact n’a pas été rendu public (ce serait 143,000 $) ; 60,000 $ d’obligations contractuelles lors du congédiement d’un adjoint qui a refusé de persécuter le Littéraire ; 80,000 $ pour une émission au Canal savoir que peu de jeunes regardent ; 73,600 $ pour une étude peu utile de marché ; 135,000 $ de déficit pour l’International ; un gros loyer pour un édifice à moitié vide à Varennes ; 48,900 $ de frais d’avocat : ce sont là des dépenses qui mènent à un déficit. Voilà votre bilan comme administrateure. Cela ne vous a pas dérangée de dépenser 48,900 $ de fonds publics en frais d’avocat pour qu’on comprenne bien que, comme le dit Philaminte, la despote des Femmes savantes de Molière, la contestation est ici superflue.
Le 17 décembre 2004, le Collège a reconnu vos états de services comme directrice générale pendant sept ans. Même s’il vous restait deux ans à faire, vous avez encaissé votre prime et vous êtes partie parce que vous saviez que votre administration a placé le Collège dans une situation financière difficile et parce que le Conseil d’administration ne vous a pas appuyée dans votre volonté de briser encore une fois le syndicat des enseignants en le poursuivant de nouveau, pour la troisième fois, parce qu’après une entente hors cour qui, selon vous, devait le réduire au silence, il avait osé écrire et publier son explication de ce qui s’était passé pendant la saga judiciaire dans L' Huissier du 25 février 2003. Cette explication, évidemment, ne vous a pas plu. Lors de ce Conseil d’administration, (dont le Littéraire et l’Ingénieur ne faisaient plus partie), votre recherche peu démocratique de l’unanimité s’est heurtée au courage et à la détermination de la représentante du personnel de soutien Lise Latraverse qui refusait qu’on parle de nouvelles poursuites contre l’exécutif du syndicat des enseignants. On a tenté de l’intimider et elle en a été traumatisée.
A notre connaissance, c’est la première fois dans l’histoire des collèges fondés en 1968, qu’on essaye de diriger un collège à coups de lettres d’avocats et de poursuites-bâillons (SLAPP) en gaspillant l’argent des contribuables, avec ce qui s’en suit, un climat de travail pourri, un malaise généralisé, une vie démocratique compromise et une tension continuelle imposée à des enseignants démocratiquement élus à la tête d’un syndicat. Car se servir de la Cour supérieure dénature les relations de travail et brime la liberté syndicale et la liberté d’expression. Ces poursuites judiciaires ont gâché ces sept années pendant lesquelles vous avez écrit une des pages les plus sombres de l’histoire de la vie collégiale au Québec. Au-delà de vos idiosyncrasies (comme disait le Dr Camille Laurin ; il ne s’agit pas d’une insulte mais des caractéristiques propres à une personne ou à une collectivité), nous avons analysé votre idéologie, cette idéologie libérale qui n’a pas fini de faire des dégâts dans la société québécoise parce qu’elle est opérante au sein du Parti libéral, de l’actuel gouvernement libéral du Québec, du Conseil du patronat, de la Fédération des cégeps et des auteurs du document Pour un Québec lucide qui inclut l’avocat Lucien Bouchard devenu négociateur patronal entre autres lors du conflit à la Société des Alcools du Québec, à 1,200 $ de l’heure et dont les interventions publiques sont un appui objectif au gouvernement provincial en place, un service en attire un autre. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Jean Charest sait utiliser les talents des anciens premiers ministres péquistes Lucien Bouchard et Pierre-Marc Johnson.
En défendant la liberté d’expression et la liberté syndicale et en ne nous laissant pas intimider par le recours abusif, disproportionné, inopportun et malveillant aux Tribunaux, nous avons vécu une belle expérience de solidarité entre nous et avec la Fédération autonome, son personnel, ses dirigeants, ses instances et ses services juridiques. En particulier, nous avons bien apprécié l’avocat syndical Jacques Lamoureux pour sa compétence et son humour et le Syndicaliste Daniel Lussier pour son appui politique et financier. Parlant d’humour, après son témoignage controversé du 31 octobre 2001 (celui du cette fois-là, vous étiez à jeun et je le jure), la Directrice, en sortant, a pris les mains de notre avocat en lui disant avec un trémolo dans la voix : Je ne suis plus capable de boire un verre de vin sans être traumatisée. A la sortie de la salle d’audiences, Maître Jacques Lamoureux nous a demandé si elle avait suivi le cours Théâtre 601. Sans doute, avons-nous répondu, et son avocat aussi. Il aurait fallu mettre sous les yeux de la directrice souffrante la phrase d’André Malraux qui dit  que dans la vie, il faut essayer de diminuer autant que possible la part de comédie.
Quand elle signa l'entente hors-cour avec le syndicat des enseignants, Sa Majesté savait qu'elle venait de renoncer à son trône. C'était en effet une abdication car elle avait besoin du judiciaire pour neutraliser son ennemi juré. Influencé par le film Robe noire et par sa lecture d'une vingtaine de livres de Victor-Lévy Beaulieu où s'exprimait une imagination débridée, le soir de l'entente hors cour,  le Littéraire fit un rêve. Il entra dans le Carré royal, le bureau de Sa majesté. D'autorité, il ordonna que le grand meuble en chêne soit libéré de son contenu. La reine, sidérée, prévoyant le pire, alla tirer les rideaux pour que personne ne soit témoin de la scène. Elle obéit, vida son bureau et prit les photos familiales. Elle vit son ennemi étendre sur ce bureau une catalogne aux vives couleurs. Puis le Littéraire mit les pieds sur la chaise en cuir, monta sur le bureau, s'assit sur la catalogne aux vives couleurs en croisant les jambes comme les Indiens sur le bord du feu. Il croisa les bras, signe qu'il avait gagné la guerre et d'un air joyeux montra qu'il jouissait de sa victoire en disant à la Reine ahurie: Vous avez de belles jambes mais ça ne suffit pas. J'ai dit.
Quand il se réveilla, il éprouva un étrange sentiment de satisfaction. Ce n'était pas tous les jours qu'il faisait de si beaux rêves.
Vieux-Longueuil, 3 décembre 2009, le 13 septembre 2010,  le 16 août 2011, 20 juin 2012, 17 octobre 2015, 7 janvier 2016.

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aire de repos
Le parler que j’aime, c’est un parler simple et naïf, tel sur le papier qu’à la bouche, un parler succulent et nerveux, court et serré, non tant délicat et peigné comme véhément et brusque.
(Montaigne)
Il n’est si homme de bien, qu’il mette à l’examen des lois toutes ses actions et pensées, qui ne soit pendable dix fois en sa vie, voire tel qu’il serait très grand dommage et très injuste de punir et de perdre.
( Montaigne, Essais, 3, III)
J’ai en horreur la servitude ; la liberté plaît à mon indépendance naturelle.
(Chateaubriand)
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Le récif de corail
Le soleil sous la mer, mystérieuse aurore,
Éclaire la forêt des coraux abyssins
Qui mêle, aux profondeurs de ses tièdes bassins,
La bête épanouie et la vivante flore.

Et tout ce que le sel ou l’iode colore,
Mousse, algue chevelue, anémones, oursins,
Couvre de pourpre sombre, en somptueux dessins,
Le fond vermiculé du pâle madrépore.

De sa splendide écaille éteignant les émaux,
Un grand poisson navigue à travers les rameaux ;
Dans l’ombre transparente indolemment il rôde ;
Et, brusquement, d’un coup de sa nageoire en feu
Il fait, par le cristal morne, immobile et bleu,
Courir un frisson d’or, de nacre et d’émeraude.
(José-Maria de Heredia (1842-1905)

interlude
un genre littéraire nouveau: le slapp fiction 
slapp: strategic lawsuit against popular participation ou poursuite-bâillon
Vous pouvez savoir ce que craint le plus votre ennemi en observant les moyens qu’il utilise pour vous faire peur. Vous pouvez juger un homme par le genre d’ennemis qu’il se fait autant que par ses amis. Le conflit dont parle ce livre a donné lieu à une solidarité dont je fus le principal bénéficiaire puisque j’étais le principal ennemi des femmes  au pouvoir dans notre collège. De cette solidarité et des dévouements qu’elle a inspirés, je suis reconnaissant.  
En écrivant, je me suis débarrassé une fois pour toutes des pesanteurs institutionnelles et régionales qui provoquent peurs, inhibitions, méfiances et hypocrisies accompagnées souvent de jalousie et d’envie. Je peux donner des exemples et mettre des noms (je le fais dans le livre) pour justifier cette énumération : peur, inhibition, méfiance, hypocrisie, jalousie et envie. L’impulsion littéraire et la liberté d’écrire pulvérisent la lourdeur ambiante répandue par les éteignoirs dans une région qui a la réputation d’en abriter plus qu’ailleurs. Je ne sais pas si cette réputation est vraiment méritée car il faudrait comparer. La comédie humaine est la même partout.  
Pourquoi le talent crée-t-il  des envieux ? Pourquoi est-on incapable d’admirer ce qui mérite de l’être ? Pourquoi certains notables sont-ils systématiquement hostiles au changement ? Pourquoi les personnalités fortes gênent-elles et pourquoi faut-il absolument les rabaisser ? Pourquoi quelqu’un qui raconte une prouesse provoque-t-il souvent le commentaire suivant : il vente ! Pourquoi donner tant de valeur à l’argent et à l’apparence ?
Ce ne sont peut-être que des préjugés. Est-ce que la bourgeoisie n’est pas la même partout, dans toutes les régions du Québec ? Probablement.
De toutes façons, en lisant ce livre, je souhaite que vous profitiez de l’occasion pour cesser d’être dans le drabe, le médiocre, le mesquin, le renfermé, l’esprit de clocher et  le méfiant, le mondain, le convenu et le mercantile. Profitez-en pour éliminer tout ce qui empêche de s'épanouir les forces créatrices, les élans de liberté et de générosité, le goût de parler vrai qui sommeillent en vous. Faisons mentir un philosophe allemand qui écrivait : Tout ce qui est profond avance masqué. Je n’avance pas masqué ou si peu. 
la minute de vérité 
Lors d’une entrevue pour le Quartier latin, journal étudiant de l’Université de Montréal dont le tirage à l’époque était de 10,000 exemplaires, à l’occasion de sa conférence remarquable intitulée Menaud ou l’impossible fête, alors que je l’interrogeais sur sa démarche, le critique André Brochu m’a dit : Vous n’avez pas de patience pour les textes longs et les travaux de longue haleine. Mais vous excellez dans les textes courts. Le professeur et écrivain André Brochu a sans doute raison d’autant plus qu’il a ajouté que comme polémiste, je ne renonçais jamais aux règles de la politesse sauf deux fois quand j’ai traité Jean-Ethier-Blais et Jean Basile de fédérastes (VLB aurait dit des fifs) puis quand j’ai vertement critiqué la position très réservée de Georges-André Vachon (un de mes meilleurs professeurs avec Louis Bazinet) sur la littérature québécoise. Je m’en excuse auprès de ces écrivains estimables et leur demande de m’accorder un pardon posthume.
Une promesse d’ivrogne

Il est nécessaire que je vous raconte un événement  pour comprendre mon évolution par rapport à un des événements centraux de ce livre. J'ai rencontré Lucille autour d’une table à un brunch du Bloc québécois à Boucherville un dimanche matin de septembre 2009.  Elle m’a demandé pourquoi j’avais été poursuivi pour diffamation. J’ai fait le récit de la réunion du Conseil d’administration du 19 juin 2001 qui m’a valu une poursuite de 170,000$. Je lui ai dit:  J’ai été accusé d’avoir traité la directrice d’alcoolique parce que j’ai dit l’équivalent de ceci en me référant à une promesse faite par la directrice lors de l’accueil du personnel de la rentrée d’automne 2000. J’ai dit : Vous n’avez pas tenu votre promesse d’acheter des ordinateurs pour le programme d’Arts et Lettres. Quand vous avez fait cette promesse, vous étiez à jeun point d’exclamation. Lucille a dit spontanément : Une promesse d’ivrogne, quoi ! C’était si simple : il fallait y penser.  
Grâce à Lucille, militante du Bloc, le tableau est maintenant complété. Une promesse d’ivrogne. Il a fallu attendre au dimanche 27 septembre 2009 pour comprendre ce qui était involontairement impliqué dans l’expression à jeun malencontreusement prononcée le 19 juin 2001. J’ai été malhabile et je n’avais aucunement l’intention d’insulter. Mais une chose est maintenant certaine : je ne peux pas blâmer la directrice qui a compris promesse à jeun comme promesse d'ivrogne.   Le temps est donc venu d'appliquer  les trois A qui ont été conseillés à Tiger Woods pris en flagrant délit d’inconduite : Admit, Apologize, Advance. Admets ton erreur, excuse-toi et passe à autre chose.  
Dans la vraie vie, la Directrice n’a pas écrit les Confidences d’une femme trahie. Ce chapitre capital pour comprendre sa psychologie et son point de vue est de la fiction. De même, la Note de l’éditeur.  Comme dans un roman, les personnages ont un nom fictif. Ainsi, l’auteur a un surnom, le Littéraire ; le professeur d’anglais se nomme l’Irlandais et la Directrice a un surnom approprié : Sa Majesté, la Reine. Il y a peu de noms propres dans cet essai. Béemdoublevé, Injures et vomissements ont toutefois des modèles réels. Dans plusieurs films, le cinéaste indique que les personnages et les événements racontés sont fictifs et que toute ressemblance avec des personnes réelles ou des événements réels est fortuite et le fruit du hasard.  Je ne peux pas en dire autant. Au contraire.
A propos de Réjeanne Padovani, Denys Arcand expliquait à René Homier-Roy que comme il était impossible de filmer directement dans un documentaire les bouncers de Padovani, constructeur d’autoroutes en ciment et en asphalte ou les policiers de la Police provinciale gardes du corps du ministre, il fallut se lancer dans une fiction mais une fiction qui rendrait compte de la réalité encore plus qu’un documentaire. Alors la remarque sur la ressemblance fortuite avec des personnes réelles n’est là que pour protéger le cinéaste et son producteur de poursuites par exemple, du maire de la plus grande ville du Québec amateur d’opéra et de fellations quoique sur ce dernier point qui illustre les services sexuels offerts par le grand bâtisseur... d’autoroutes, on puisse avoir des doutes surtout si on a gardé la naïveté de son enfance ce qui est mon cas vous l’aurez deviné.
Ce qui se rapporte à des poursuites ou à des procès inquiète et fait peur. Les avocats aiment faire peur. J’en ai fait l’expérience avec quelques éditeurs qui ont eu peur.  On pense qu’il y a des informations qui ne peuvent pas être rendues publiques et qui doivent rester confidentielles entre avocats. Si vous brisez la confidentialité, gare à vous. Il faut sortir de ce climat de terreur qui mène à une discrétion excessive ou, carrément, à de la censure et, conséquemment, au silence qui est une forme de complicité. Ce n’est pas parce qu’il y a eu une entente hors cour entre les belligérants qu’on est obligé de tout oublier et de se taire. Nous n’avons pas signé d’entente de confidentialité.
Alors, comme je le fais dans l'annexe: Chronologie et documents, j’ai le droit de publier toutes les lettres qui m’ont été personnellement adressées : mises en demeure, poursuites, lettres de réprimande à mon dossier, convocations devant le comité de discipline du Conseil d’administration, injonctions sur mon enseignement. J’ai le droit de publier ce qui a été envoyé par l’administration aux enseignants et que j’ai reçu comme tout le monde. Ce sont des documents publics. Vous pourrez les lire dans la Chronologie et documents.
J’ai évidemment le droit de publier les textes produits par le syndicat puisque j’en suis le co-auteur avec l’Irlandais. Les documents ne sont donc pas confidentiels. La plupart du temps, ils ont été cités dans L’Huissier, bulletin d’information syndicale et lus par des centaines de personnes ; les informations qu’ils contiennent ont parfois paru dans le journal local tiré à plus de 25,000 exemplaires distribués gratuitement dans chacun des foyers de la région sauf à partir du moment où il y a eu des poursuites où tout devenait sub judice. (C’était le but de l’opération poursuites : imposer le silence au journal local qui fonctionnait comme un journal indépendant qui donnait de l’information.) De nombreux faits sont connus, certains sont inédits, mais la synthèse est nouvelle et sans aucun doute instructive. Comme le dit Pascal (pas mon fils mais Blaise), j’ai mieux placé la balle dans la partie de balle au mur. J’affirme que le tableau est un original. Et il faut le regarder avec du recul pour le voir dans son ensemble et en apprécier chacune de ses parties. Chaque phrase doit être comprise dans sa relation à un ensemble et ne peut pas et ne doit pas être interprétée hors contexte. Ce serait malhonnête de sortir une phrase de son contexte. C’est l’ensemble qui est signifiant. Et l’ensemble est franc et honnête. Un ensemble que constitue une mosaïque.
J’ai abordé le conflit comme un journaliste qui fait un reportage et non pas comme une partie au litige puisque, plus de quatorze ans ans après l’entente hors cour signée le 30 octobre 2002, il y a prescription. Il n’y a plus de litige judiciaire et les principales vedettes de la saga judiciaire ont pris leur retraite ou ont changé de collège. La quérulence, c’est-à-dire l’idée de faire d’autres poursuites, est donc ridicule, hors de propos, preposterous comme on dit en anglais c’est-à-dire irrationnelle, absurde, déraisonnable. Puisqu’il y a documentaire et fiction, effet de réel et effet de fiction pourraient tenir le lecteur sur le qui-vive. J’ai écrit les Confidences d’une femme trahie comme un romancier qui invente un personnage. Il en est ainsi de la Note de l’éditeur ou des divers recours à la fiction.
Les citations sont importantes surtout celles de Montaigne : il ne faut pas les prendre à la légère. En tout cas, nos ennemies les ont prises au sérieux, un peu trop même. On peut dire que le personnage principal qui est partout dans ce livre, c’est Montaigne, grand écrivain français, fondateur du genre littéraire de l’essai, inspirateur, stimulant et maître de résilience dont les réflexions s’adaptaient admirablement bien aux situations que nous vivions. J’ai eu la hardiesse de parler de moi comme m’y invite Montaigne et je me suis senti libéré par la parole. J’ai eu aussi l’audace ou la présomption de croire la chose possible pour l’ex-directrice (et ses acolytes) qui joue dans le récit de cette saga judiciaire un rôle aussi grand que dans la réalité rendue ici de nouveau vivante.
A ceux qui n’aiment pas la polémique, la controverse ou les conflits, on doit rappeler qu’il est impossible de raconter de façon flegmatique une guerre qui a duré sept ans : à force de décrire des agissements malveillants, on devient virulent. On ne peut pas raconter des complots conçus par des hors-cadres et appliqués par des cadres (féminines) ou des coups bas  faits par des collègues sournois et hypocrites  en gardant une sérénité qui s’inspirerait de Sénèque qui a écrit un livre dont le titre dit tout : De la tranquillité de l’âme. Je crois qu’on doit être implacable avec les hypocrites. Je dois à la vérité de dire que la rancune contre ces médiocres persiste.   
On ne peut pas se laisser insulter par une administrateure en se faisant traiter deux fois de diffamateur sans se défendre et contre-attaquer. Comme personne n’avait fait voeu d’obéissance à celles que Gaston Miron appelle dans son poème Compagnon des Amériques, les insectes des belles manières, l’affrontement était inévitable. Il eut lieu. Les deux poursuites en diffamation que nous avons subies étaient, en fait, des poursuites-bâillons, des slapps, des strategic lawsuits, des poursuites stratégiques. Ces slapps nous ont poussé vers la fiction et c’est tant mieux. D’où le genre littéraire nouveau intitulé slapp fiction. C’était des abus de pouvoir motivés par la volonté de domination et de censure d’une libérale contre un indépendantiste (qui a publié des livres* qui malmènent les libéraux, cela il faut le savoir) parce que la libérale stimulée par la clique voulait l’humiliation et la soumission de l’indépendantiste et ne l’obtint pas.
Au contraire. Elle réussit plutôt à nous motiver. Selon nous, les péripéties de ce long conflit ont, en elles-mêmes, de l’intérêt mais encore plus comme illustration d’une lutte politique. C’était un affrontement local essentiellement politique avec comme fond de scène, évidemment, la situation politique du Québec. Je le répète, n’est-ce pas Roosevelt qui a dit que les vraies luttes politiques se situent au niveau local.  
Dans le récit de cet affrontement, j’ai essayé de réduire au minimum ce que Malraux appelle la part de comédie. Jusqu’à donner la parole à l’autre qui a raconté toute l’histoire de son point de vue, comme elle l’a vécue... vraisemblablement, puisque c’est de la fiction avec le risque (minime) que le lecteur prenne parti pour elle.
En relisant récemment le code de vie écrit par le conseiller André Drouin (que nous avons rencontré chez lui, ma femme et moi, en juillet 2009) publié dans l’excellent livre de Bernard Thompson, Le syndrome Hérouxville ou les accommodements raisonnables, j’ai remarqué la grande importance qui est donnée à l’égalité entre les hommes et les femmes. Nous considérons que les hommes et les femmes ont la même valeur, (on croirait lire du Montaigne) dit le code de vie de la municipalité d’Hérouxville, principe moderne mis à mal par les religions  qui placent la femme dans une situation d’infériorité et non d’égalité.
Nous avons vécu le contraire. Cela m’a frappé comme une évidence récemment; la directrice du collège qui fréquentait les fortunés de la région était une bourgeoise qui avait la grosse tête et qui se comportait comme si elle nous était supérieure, quelle invraisemblable prétention ! Elle s’était mise sur un piédestal ou bien marchait sur des échasses nous regardant de haut en bas négligeant ainsi le principe de l’égalité homme-femme. En y pensant, à distance, je crois qu’on peut dire qu’elle était inconsciemment sexiste. On ne pouvait pas accepter ça, c’est évident.
Son comportement dénotait un complexe (absurde) de supériorité. C’est ce que Shakespeare appelle dans le célèbre monologue d’Hamlet, To be or not to bethe insolence of office, l’insolence de la fonction ou, si vous aimez mieux, l’arrogance du pouvoir ou la prétention et la suffisance de la bourgeoise (ou de l’argent) qui défend l’ordre établi et le statu quo qui sont garants de ses privilèges. Dans ces circonstances, la collision était inévitable et souhaitable. Les libéraux se croient sortis de la cuisse de Jupiter. Comme Jupiter, ils font descendre la foudre sur ceux qui contestent leur suprématie.
Nous nous sommes grayés* d’un paratonnerre : la solidarité syndicale et la résilience inspirée du plus grand écrivain qui fut oncques, Michel de Montaigne. Le complexe de supériorité de sa Majesté était absurde car il était évident que nous lui étions intellectuellement, moralement et politiquement supérieur. A moins que vous placiez l’argent et les mondanités au-dessus de tout. Je ne vous le conseille pas.
J’ai eu l’impression de faire du bricolage écrivant ce livre. J’ai revécu les plaisirs éprouvés pendant le cours de travaux manuels à l'école primaire alors qu’on nous a fait construire une cabane à oiseaux. Sentez-vous la bonne odeur du bois ! Entendez-vous le bruit de la scie manuelle qui coupe le bois ! Je suis un bricoleur. Il me fait plaisir de partager quelques bonheurs d’écriture et quelques citations magistrales de Montaigne. Il faut être humble et modeste pour écrire à côté de l’auteur des Essais.
(se grayer de : comme disait mémère Gervais : se munir de)
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Vieux-Longueuil, 16 août 2011
* De la clique des Simard à Paul Desrochers, Editions québécoises, Montréal, 1973  
Ils sont fous ces libéraux, Editions Robert Antoine, Longueuil, 1974  
La fin du mépris (écrits politiques et littéraires), Editions Parti pris. Montréal, 1978  
Les illusions du pouvoir, co-auteur Pierre Drouilly, Editions Presses Sélect, Montréal, 1981
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Avec le chapitre suivant intitulé Gibelotte sous forme de Remarques sur le vocabulaire, les circonstances et les personnages, nous quitterons l’univers de ce que Joyce appelle les personnes de distinction qui sous une apparence policée battent en brèche la morale. Nous serons  dans un autre monde, celui de la résilience et de la solidarité.